Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 20 janvier 1989, par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée le 5 juillet 1988 par la SCP GUIGUET, BACHELIER de la VARDE, avocat aux Conseils, pour Mme X... ;
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 5 juillet 1988 et le 7 novembre 1988, présentés par la SCP GUIGUET, BACHELIER de la VARDE, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demeurant à MARSEILLE La Rouvière D5, ... ;
Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 19 avril 1988 par lequel le tribunal administratif de MARSEILLE a rejeté sa demande tendant à la réparation des conséquences dommageables d'une oesophagoscopie effectuée à l'hôpital Ste Marguerite de MARSEILLE ;
2°) de condamner l'Assistance publique à MARSEILLE au paiement d'une indemnité de 60 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 1985 et capitalisation des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 22 mai 1990 :
- le rapport de M. ZUNINO, conseiller ;
- les observations de la SCP LE PRADO avocat de l'Assistance publique à MARSEILLE, et de Me Pierre COHENDY, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des BOUCHES-DU-RHONE ;
- et les conclusions de M. JOUGUELET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X..., venue à l'hôpital Ste Marguerite, à MARSEILLE, le 10 décembre 1984 pour y subir une oesophagoscopie, a subi une perforation de l'oesophage et de la plèvre au cours de cet examen ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'aucune anomalie physiologique n'a été constatée chez Mme X... et que la sonde du fibroscope, après avoir traversé l'oesophage, a perforé sur plusieurs centimètres la plèvre médiastinale de la patiente ; que cette importante déviation de l'appareil d'exploration ne pouvait passer inaperçue à un opérateur attentif à la manipulation délicate qu'il effectuait, tant en raison de l'effort nécessaire à la perforation que par l'observation visuelle du tissu interne examiné ; que ces circonstances révèlent une erreur de manipulation constitutive d'une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique de MARSEILLE ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de MARSEILLE a rejeté sa demande ;
Considérant que Mme X... a subi une incapacité temporaire totale de 45 jours, une incapacité temporaire partielle de 50 % pendant 15 jours et de 10 % pendant 3 mois ; qu'elle conserve une incapacité permanente partielle ; qu'il persiste une modification du timbre de voix ; que les souffrances endurées sont de moyenne importance, et qu'il existe une préjudice esthétique modéré et un préjudice d'agrément ;
Considérant qu'en évaluant à 60 000 francs l'ensemble de ces préjudices, Mme X... n'en a pas fait une appréciation excessive, qu'il y a donc lieu de condamner l'Assistance publique à MARSEILLE à lui verser cette somme ;
Considérant que cette somme doit porter intérêts à compter du 20 mai 1985, date de réception par l'Assistance publique de la demande d'indemnisation ; que Mme X... a demandé, les 5 juillet 1988 et 10 août 1989, la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité à laquelle elle a droit ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie des BOUCHES-DU-RHONE réclame le remboursement de la somme de 32 403,75 francs représentant le montant des prestations versées pour le compte de son assurée, à l'occasion de l'accident dont s'agit ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu de faire application, dans les circonstances de l'espèce, des dispositions de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Assistance publique à MARSEILLE à payer à la caisse primaire d'assurance maladie une somme de 1 000 francs au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il convient de mettre les frais d'expertise à la charge de l'Assistance publique à MARSEILLE ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de MARSEILLE en date du 19 avril 1988 est annulé..
Article 2 : L'Assistance publique à MARSEILLE est condamnée à payer à Mme X... une somme de 60 000 francs, qui portera intérêts aux taux légal à compter du 20 mai 1985. Les intérêts échus les 5 juillet 1988 et 10 août 1989 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts..
Article 3 : L'Assistance publique à MARSEILLE est condamnée à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des BOUCHES-DU-RHONE la somme de 32 403,75 francs ainsi que la somme de 1 000 francs au titre de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel..
Article 4 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de l'Assistance publique à MARSEILLE..