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24/04/1991 | FRANCE | N°89LY01750;89LY01487

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 24 avril 1991, 89LY01750 et 89LY01487


Vu 1°) la requête enregistrée au greffe de la cour le 16 mai 1989, présentée pour le centre hospitalier général d' Hyères, représenté par son directeur, par la SCP Jean et Didier LE PRADO, avocat aux Conseils ;
Le centre hospitalier demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 mars 1989 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a déclaré entièrement responsable des conséquences de l'accident dont a été victime M. X..., lors d'une intervention chirurgicale pratiquée le 20 décembre 1984, et a ordonné une expertise,
2°) de le décharger de toute respo

nsabilité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux admini...

Vu 1°) la requête enregistrée au greffe de la cour le 16 mai 1989, présentée pour le centre hospitalier général d' Hyères, représenté par son directeur, par la SCP Jean et Didier LE PRADO, avocat aux Conseils ;
Le centre hospitalier demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 mars 1989 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a déclaré entièrement responsable des conséquences de l'accident dont a été victime M. X..., lors d'une intervention chirurgicale pratiquée le 20 décembre 1984, et a ordonné une expertise,
2°) de le décharger de toute responsabilité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 1991 :
- le rapport de M. ZUNINO, conseiller,
- les observations de la SCP LE PRADO, avocat du centre hospitalier général d'Hyères,
- et les conclusions de M. JOUGUELET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Philippe X..., hospitalisé au centre hospitalier général d'Hyères a été victime d'un accident post-opératoire, lors du réveil succédant à une anesthésie, le 20 décembre 1984 ; qu'il a perdu depuis toute motricité et mène une vie végétative ; que par les jugements attaqués, le centre hospitalier d'Hyères a été déclaré entièrement responsable des conséquences de cet accident, puis condamné à verser diverses indemnités à la victime et aux membres de sa famille ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie du Var ; que le centre hospitalier conteste tant sa responsabilité que le montant des indemnisations ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident s'est produit dans la phase ultime du réveil opératoire du patient, par suite d'un défaut d'oxygénation ; que s'il est établi que le praticien réanimateur se trouvait à proximité de M. X..., il s'est limité pendant quelques minutes à examiner l'évolution de l'électrocardiogramme, négligeant d'observer l'opéré ou le ballon respiratoire ; qu'il n'a, de ce fait, constaté une insuffisance d'oxygénation que tardivement, le laps de temps écoulé ayant déjà conduit à une dégradation irréversible de l'état de santé de M. X... ; que ce défaut d'oxygénation est la cause directe de l'accident ;
Considérant que les circonstances sus-analysées constituent un défaut manifeste de surveillance au cours d'un acte médical essentiel et une méconnaissance des techniques et précautions de base de l'activité de réanimation ; que le praticien dont s'agit a ainsi commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Hyères, lequel n'est, par conséquent, pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement en date du 15 mars 1989, le tribunal administratif de Nice l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu à M. Philippe X... ;
Sur les préjudices et la réparation :
Considérant que le centre hospitalier d'Hyères a demandé une réduction des indemnités auxquelles il a été condamné ; que par la voie de l'appel incident Mme BLANC agissant en son nom personnel et ès-qualités de tutrice de son fils infirme, ainsi que les frères et soeur de la victime ont demandé le relèvement desdites indemnités ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Var a demandé l'actualisation du remboursement des frais et prestations qu'elle a supportés pour son assuré ;
Sur les droits de M. Philippe X... :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. X... a perdu toute motricité spontanée et déclenchée des membres et des globes oculaires et se trouve en état de décortication cérébrale ; que cette situation, qui est irréversible, a entraîné une incapacité permanente totale nécessitant l'assistance constante d'une tierce personne et des soins médicaux répétés ; qu'il n'y a toutefois pas de préjudice résultant des douleurs ou de préjudice d'agrément du fait de la perte totale de conscience de la victime ;

Considérant d'une part que la réparation des troubles de toute nature nés de cette situation, indépendamment des préjudices matériels et des frais médicaux au sens large, doit être assurée sous forme de rente ; que, compte tenu de la nature particulière du préjudice subi, il sera fait une juste appréciation du montant annuel de ladite rente, qui doit donc être substituée à l'indemnité en capital allouée par les premiers juges, en le fixant à 240 000 francs, cette rente, payable par trimestre échu à compter du 20 décembre 1984, date de l'accident, devant être indexée sur les coefficients de revalorisation prévus à l'article L 434-17 du code de la sécurité sociale ; que la fraction de cette rente qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime doit être fixée aux neuf dixièmes ;
Considérant d'autre part qu'il y a lieu d'allouer à M. Philippe X..., comme l'ont décidé à bon droit les premiers juges, une somme de 48 685,60 francs couvrant les dépenses qu'il justifie avoir exposées au titre tant du forfait hospitalier que de fournitures orthopédiques ; que cette somme ne doit pas être majorée pour tenir compte de dépenses autres dont l'existence n'a pas été justifiée ;
Considérant que doit être déduit des arrérages échus de la rente le montant de l'allocation aux adultes handicapés déjà versé au jour de la présente décision par la caisse d'allocations familiales du Var, dès lors qu'aucune disposition ne permet à l'organisme qui a versé cette allocation d'en réclamer au prestataire le remboursement si celui-ci revient à meilleure fortune ; qu'il y a lieu en conséquence de déduire du montant des arrérages échus de la rente due à M. Philippe X... la somme de 86 869,52 francs versée à la date de fin octobre 1988 au titre de cette allocation ainsi que le montant versé à ce titre entre fin octobre 1988 et le jour de la présente décision ; qu'il convient de réformer, en ce sens, le jugement du 5 juillet 1989 ;
Sur les droits des consorts X... :
Considérant qu'en fixant à 300 000 francs l'indemnité due à Mme X... et à 20 000 francs le montant de l'indemnité due à chacun des frères et soeur de la victime du chef des préjudices de toute nature et notamment de ceux résultant des troubles dans leurs conditions d'existence que l'accident de M. Philippe X... a pu leur occasionner et continue de leur causer, les premiers juges ont fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce ; que dès lors ni le centre hospitalier, ni les consorts X... ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 juillet 1989, le tribunal administratif de Nice a fixé aux montants sus-indiqués les indemnités dont s'agit ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Var :

Considérant d'une part que la caisse primaire d'assurance maladie justifie de débours directement liés à l'état de M. Philippe X..., et s'élevant à la somme de 1 336 107,59 francs ; qu'elle est en droit d'en obtenir le remboursement sans que cette somme, qui fait partie du préjudice de M. Philippe X... évalué selon le droit commun, doive s'imputer sur la réparation due à ce dernier ; qu'à l'inverse c'est à tort que les premiers juges ont accordé à la caisse le versement sous forme de capital du montant estimé des frais médicaux futurs directement liés à l'état de M. Philippe X..., nonobstant le caractère certain de leur survenance, dès lors que leur montant ne peut être connu avec certitude ; que la caisse est seulement fondée à demander que ces frais lui soient remboursés, au fur et à mesure de leur survenance, et sur justification par elle de leur montant ; que, pour les motifs ci-dessus indiqués, lesdits frais ne devront pas s'imputer sur la réparation due à M. X... ;
Considérant d'autre part que dans la mesure où la caisse primaire d'assurance maladie du Var serait ultérieurement conduite à exposer pour M. X... des frais, autres que médicaux, pharmaceutiques ou d'hospitalisation, liés à la prise en charge de son hébergement dans un établissement spécialisé, ces frais, dont elle sera en droit de demander le remboursement au centre hospitalier d'Hyères, s'imputeront sur la fraction de la rente définie par la présente décision qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, fixée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus aux neuf dixièmes de cette rente, et seront remboursés dans cette limite ; qu'il convient de réformer, en ce sens, le jugement du 5 juillet 1989 ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. Philippe X... et les consorts X... ont droit aux intérêts à compter du 1er juillet 1988, date de leur réclamation à l'administration, des indemnités qui leur sont dues, ainsi que des arrérages de la rente susmentionnée échus avant cette date, et à compter de leur échéance périodique pour les autres arrérages ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais d'expertise doivent, comme l'ont décidé à bon droit les premiers juges, rester à la charge du centre hospitalier général d'Hyères ;
Sur l'application des dispositions de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstance de l'espèce de faire application des dispositions de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner le centre hospitalier d'Hyères à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 2 500 francs au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le centre hospitalier d'Hyères est condamné à verser à Mme X..., ès-qualités de tutrice légale de son fils Philippe, une rente d'un montant annuel de 240 000 francs payable par trimestre échue à compter du 2 décembre 1984. Le montant de la provision allouée par l'ordonnance du 26 octobre 1988 s'imputera sur les arrérages échus de cette rente. Sera déduit du montant de cette rente le montant des versements effectués par la caisse d'allocations familiales du Var, au titre de l'allocation aux adultes handicapés jusqu'en octobre 1988, soit 86 869,52 francs ainsi que le montant versé entre cette dernière date et le jour de la présente décision. Seront éventuellement imputés sur le montant de cette rente, dans la limite des neuf dixièmes de son montant, les frais de séjour en établissement spécialisé qui seraient exposés par la caisse primaire d'assurance maladie du Var. Cette rente se substitue à l'indemnité de trois millions et demi prévue par le jugement en date du 5 juillet 1989 du tribunal administratif de Nice.
Article 2 : Le point de départ de l'indexation de la rente susmentionnée est fixé à la date de la première révision des rentes intervenant après la présente décision par application des dispositions de l'article L 434-17 du nouveau code de la sécurité sociale.
Article 3 : Les arrérages échus avant le 1er juillet 1988 porteront intérêts à compter de cette date. Le surplus des arrérages portera intérêts à compter de leur échéance périodique.
Article 4 : La somme que le centre hospitalier d'Hyères est condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Var est ramenée à 1 336 107,59 francs ; le centre hospitalier est en outre condamné à rembourser à cette caisse les frais médicaux et pharmaceutiques qu'elle exposera pour le compte de M. Philippe X... et qui seront la conséquence de son infirmité, ainsi que, dans la limite et selon les modalités fixées à l'article 1, les frais de séjour en établissement spécialisé qu'elle exposerait pour le compte de ce dernier.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 5 juillet 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le centre hospitalier d'Hyères est condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 2 500 francs au titre des dispositions de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 7 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier d'Hyères, des consorts X... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Var est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 89LY01750;89LY01487
Date de la décision : 24/04/1991
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE LOURDE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - FORMES DE L'INDEMNITE - RENTE.


Références :

Code de la sécurité sociale L434-17
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R222


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: ZUNINO
Rapporteur public ?: JOUGUELET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1991-04-24;89ly01750 ?
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