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28/06/1994 | FRANCE | N°92LY00849

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 28 juin 1994, 92LY00849


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 août 1992, présentée par M. Jean FOURNIER demeurant à Egliseneuve-d'Entraigues (63850) ; M. FOURNIER demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 juin 1992 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Egliseneuve- d'Entraigues à réparer les préjudices qu'il a subis par suite de l'arrêté du maire de cette commune en date du 7 juin 1991 ordonnant son hospitalisation d'office dans un établissement spécialisé et de

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 août 1992, présentée par M. Jean FOURNIER demeurant à Egliseneuve-d'Entraigues (63850) ; M. FOURNIER demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 juin 1992 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Egliseneuve- d'Entraigues à réparer les préjudices qu'il a subis par suite de l'arrêté du maire de cette commune en date du 7 juin 1991 ordonnant son hospitalisation d'office dans un établissement spécialisé et des conditions dans lesquelles il a été expulsé de son logement ;
2°) de condamner la commune d'Egliseneuve- d'Entraigues à l'indemniser desdits préjudices ;
. Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 1994 :
- le rapport de M. JOUGUELET, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. RICHER, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du maire d'Egliseneuve-d'Entraigues :
Considérant qu'aux termes de l'article R 229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois." ; qu'en vertu de l'article 38 du décret susvisé du 19 décembre 1991, une demande d'aide juridictionnelle interrompt ce délai si elle a été adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration de ce délai ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié à M. FOURNIER Le 26 juin 1992 ; que le délai d'appel expirait donc le 27 août 1992 ; que la requête présentée par M. FOURNIER avant cette date ne conteste le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qu'en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à la condamnation de la commune à réparer les préjudices qu'il aurait subis à l'occasion de son expulsion du logement qu'il occupait et de son internement d'office dans un établissement spécialisé ; que le requérant n'a adressé sa demande d'aide juridictionnelle que le 24 septembre 1992, soit après l'expiration du délai d'appel susmentionné ; que, par suite, cette demande n'était pas susceptible d'ouvrir à l'intéressé un nouveau délai pour présenter des conclusions relatives à un litige distinct de celui qu'il avait déjà soumis à la cour ; que, dans ces conditions, les conclusions de M. FOURNIER réclamant l'annulation de l'arrêté du maire du 7 juin 1991 ordonnant son internement présentées pour la première fois dans un mémoire enregistré au greffe de la cour le 19 janvier 1994, étaient tardives et, de ce fait, entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ; qu'elles doivent, par conséquent, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de la commune :
Considérant, qu'aux termes de l'article L. 344 du code de la santé publique : "En cas de danger imminent, attesté par le certificat d'un médecin ou par la notoriété publique, les commissaires de police à Paris, et les maires dans les autres communes, ordonneront, à l'égard des personnes atteintes d'aliénation mentale toutes les mesures provisoires nécessaires, à la charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au préfet, qui statuera sans délai." ;
Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " ...doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police." ; et que, selon l'article 3 de la même loi, la motivation ainsi exigée "doit comporter l'énoncé des considérants de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision." ;

Considérant que l'arrêté du maire d'Egliseneuve-d'Entraigues en date du 7 juin 1991 mentionne que le requérant "est dans un état d'aliénation mentale et présente un danger pour lui-même et pour autrui" ; qu'il se réfère à un certificat médical qui ne comprend lui-même aucune description de l'état mental de M. FOURNIER au moment des faits et se borne à constater que "l'intéressé présente un danger pour lui-même (suicide) et que son comportement révèle des troubles mentaux manifestes qui constituent un danger imminent pour la sûreté des personnes." ; qu'ainsi cet arrêté du maire d'Egliseneuve-d'Entraigues ne contient ni directement ni par référence l'énoncé des considérations de fait qui en constituent le fondement et ne satisfait pas aux exigences des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, M. FOURNIER est fondé à soutenir que le maire n'a pas motivé correctement sa décision et a commis en prenant ainsi une décision illégale une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le défaut de motivation de l'arrêté municipal du 7 juin 1991 a empêché M. FOURNIER de connaître les raisons précises de son internement provisoire dans un hôpital psychiatrique jusqu'à la notification de l'arrêté en date du 8 juin 1991 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a, sur le fondement des dispositions des articles L. 343 et L 344 du code de la santé publique, ordonné l'hospitalisation d'office de l'intéressé ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant au requérant une indemnité de 5 000 francs ;
Considérant, par ailleurs, que si le juge administratif est compétent pour connaître de la régularité d'une décision administrative ordonnant un internement provisoire dans un hôpital psychiatrique, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'apprécier la nécessité de la mesure ; qu'il suit de là que la juridiction administrative est incompétente pour examiner le préjudice qu'aurait subi le requérant en raison de la faute éventuelle commise par le maire en décidant un internement provisoire qui n'aurait pas été justifié par l'état de santé de M. FOURNIER ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'huissier ayant procédé à l'expulsion de M. FOURNIER du logement qu'il occupait :
Considérant qu'un tel litige qui oppose deux personnes privées relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ; que, par suite, les conclusions de M. FOURNIER réclamant la condamnation de cet huissier doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. FOURNIER qui, contrairement à ce que soutient la commune, pouvait présenter sa demande devant le tribunal plus de deux mois après la fin de son hospitalisation, est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué seulement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Egliseneuve-d'Entraigues à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'il a subi du fait du défaut de motivation de l'arrêté du maire en date du 7 juin 1991 ; qu'il y a lieu de condamner ladite commune à lui verser une indemnité de 5 000 francs en réparation dudit préjudice ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 4 juin 1992 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. FOURNIER tendant à la condamnation de la commune d'Egliseneuve-d'Entraigues en raison d'un vice de forme de l'arrêté du 7 Juin 1991 par lequel le maire de cette commune a décidé son internement provisoire.
Article 2 : La commune d'Egliseneuve- d'Entraigues est condamnée à verser à M. FOURNIER une indemnité de 5 000 francs en réparation du préjudice que lui a causé ce vice de forme.
Article 3 : Les conclusions de M. FOURNIER tendant à la condamnation de l'huissier ayant procédé à son expulsion sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. FOURNIER est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 92LY00849
Date de la décision : 28/06/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCEDURE - QUESTIONS GENERALES - MOTIVATION - MOTIVATION OBLIGATOIRE - MOTIVATION OBLIGATOIRE EN VERTU DES ARTICLES 1 ET 2 DE LA LOI DU 11 JUILLET 1979 - DECISION RESTREIGNANT L'EXERCICE DES LIBERTES PUBLIQUES OU - DE MANIERE GENERALE - CONSTITUANT UNE MESURE DE POLICE.

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICES SPECIALES - POLICE DES ALIENES - PLACEMENT D'OFFICE.


Références :

Code de la santé publique L344, L343
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R229
Décret 91-1266 du 19 décembre 1991 art. 38
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1, art. 3


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. JOUGUELET
Rapporteur public ?: M. RICHER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1994-06-28;92ly00849 ?
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