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19/09/1996 | FRANCE | N°92LY00547;92LY01621

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 19 septembre 1996, 92LY00547 et 92LY01621


Vu 1°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 1er juin 1994, présentée pour la commune de Pontaumur (63380), représentée par Me PORTEJOIE, avocat au barreau de Clermont-Ferrand ;
La commune demande à la cour :
1 - d'annuler le jugement, en date du 12 mars 1992, par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que la responsabilité de la commune de Pontaumur était engagée à raison de son refus de régler certaines sommes à la société d'équipement de l'Auvergne (SEAU), suite à la réalisation pour son compte, par cette dernière, d'une usine su

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2 - de rejeter la demande de la société d'équipement d...

Vu 1°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 1er juin 1994, présentée pour la commune de Pontaumur (63380), représentée par Me PORTEJOIE, avocat au barreau de Clermont-Ferrand ;
La commune demande à la cour :
1 - d'annuler le jugement, en date du 12 mars 1992, par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que la responsabilité de la commune de Pontaumur était engagée à raison de son refus de régler certaines sommes à la société d'équipement de l'Auvergne (SEAU), suite à la réalisation pour son compte, par cette dernière, d'une usine sur son territoire ;
2 - de rejeter la demande de la société d'équipement de l'Auvergne devant le tribunal administratif ;

Vu 2°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 26 novembre 1992, présentée pour la commune de Pontaumur, représentée par Me PORTEJOIE, avocat au barreau de Clermont-Ferrand ;
La commune demande à la cour :
1 - d'annuler le jugement du 15 septembre 1992, par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à payer, d'une part la somme de 914 628,85 francs à la société d'équipement de l'Auvergne, ainsi que les intérêts afférents, d'autre part la somme de 10 000 francs au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 - de rejeter la demande de la société d'équipement de l'Auvergne devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 1996 :
- le rapport de M. JOUGUELET, président-rapporteur ;
- les observations de Me CHENEVOY, avocat de la commune de PONTAUMUR et de Me CHERRIER, avocat de la société d'équipement de l'Auvergne ;
- et les conclusions de M. RIQUIN, commissaire du gouvernement ;

Sur la jonction :
Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions identiques et sont relatives au même litige ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement du 15 septembre 1992 :
Considérant que le tribunal administratif pouvait, même en l'absence de production de nouvelles pièces, après son premier jugement avant-dire droit, se prononcer sur le bien-fondé de la demande de la société d'équipement de l'Auvergne ; que la commune requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le jugement du 15 septembre 1992 la condamnant a été rendu sur une procédure irrégulière ;
Sur la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Pontaumur :
Considérant que, par une convention du 31 juillet 1981, la commune de Pontaumur a délégué à la société d'équipement de l'Auvergne la maîtrise d'ouvrage d'une usine devant être édifiée sur son territoire ; que l'opération a été définitivement achevée le 18 juillet 1985 ; que la société d'équipement de l'Auvergne a adressé à la commune, en février 1987, un décompte définitif faisant apparaître un solde débiteur de 914 628,85 francs ; qu'après refus du maire de Pontaumur de régler cette somme, augmentée des intérêts moratoires, la société a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, le 8 janvier 1990, d'une demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser en exécution de la convention susmentionnée du 31 juillet 1981, la somme de 914 628,85 francs en principal, outre 258 708,68 francs d'intérêts de retard pour la période du 3 juin 1987 au 30 novembre 1989 ; que le tribunal, par l'article 1er du jugement du 12 mars 1992, a déclaré engagée la responsabilité de la commune à l'égard de la société, puis, par son second jugement du 15 septembre 1992, condamné la première à payer à la seconde la somme de 914 628,85 francs, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 1988, et déduction faite d'une provision de 500 000 francs allouée entre-temps à la société par une ordonnance du président du tribunal du 20 août 1992 ; que la commune demande l'annulation de l'article 1er du premier jugement et du jugement du 15 septembre 1992 ;
En ce qui concerne la portée de la transaction du 18 juillet 1985 :
Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la transaction passée entre la commune, la société d'équipement de l'Auvergne et l'entrepreneur chargé de la réalisation de l'usine, que celle-ci ne concernait que l'apurement des réserves portant sur lesdits travaux et mettait fin au litige opposant cet entrepreneur aux deux maîtres d'ouvrage ; qu'ainsi, la commune ne peut se prévaloir de cette transaction à l'encontre de la société d'équipement de l'Auvergne pour soutenir qu'elle a mis fin au litige contractuel l'opposant à cette société ;
En ce qui concerne les charges financières engendrées par le "préfinancement" de l'opération :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la convention du 31 juillet 1981 : "La totalité de l'investissement est à la charge de la commune qui mettra à la disposition de la société, en temps opportun, les sommes nécessaires au règlement des dépenses comptabilisées et s'engage à inscrire les sommes nécessaires à son budget" ; qu'en vertu de l'article 8 de la même convention, ces sommes devaient être mises à la disposition de la société dans le mois suivant la présentation des justificatifs des dépenses comptabilisées ; qu'enfin, selon l'article 9 : "Afin de faciliter le déroulement de l'opération la société pourra, sur la demande de la commune, préfinancer les dépenses d'études et de travaux ... Le préfinancement sera assuré dans la limite d'un plafond de 4 000 000 de francs sous la forme d'avance qui pourra être renouvelée ; le remboursement interviendra dans un délai maximum de six mois. Ce préfinancement portera intérêt au taux auquel la société se sera procuré les moyens de financement (à titre indicatif, taux actuel : 10,75 %). Ces intérêts seront comptabilisés trimestriellement" ;
Considérant en premier lieu que, par une délibération en date du 17 septembre 1981, le conseil municipal a accepté une augmentation du coût des travaux de 1 396 000 francs en raison de modification du projet initial ainsi que le recours "à un encours moyen de préfinancement de l'ordre de 5,2 millions de francs pendant six mois au taux de 12 %" dans l'attente de l'obtention, en 1982, d'un prêt à long terme de 7,5 millions de francs par le Crédit Agricole ; que ce prêt n'a été accordé à la commune qu'au mois de septembre 1983, par consolidation des avances d'un montant de quatre millions de francs accordées auparavant à la société d'équipement de l'Auvergne par le même établissement bancaire ; que la commune exigeant que l'usine soit mise à la disposition de son locataire au printemps de l'année 1982, la société d'équipement de l'Auvergne a eu recours à la Caisse des Dépôts et Consignations pour obtenir des avances d'un montant de trois millions de francs pour financer les travaux dont le montant global n'a pas été dépassé ; que, dans ces conditions, la commune de Pontaumur, qui avait été avertie par de nombreux courriers adressés par la société, des conséquences financières du retard dans l'obtention du prêt de 7,5 millions de francs et du choix de la Caisse des Dépôts et Consignations, n'est pas fondée à soutenir que son maître d'ouvrage délégué a méconnu la stipulation de la convention du 17 septembre 1981 en recourant à un préfinancement complémentaire ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le montant global de ces avances était justifié par l'avancement des travaux et que le taux des intérêts sur les avances obtenues auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations n'était pas supérieur à celui fixé par la délibération susmentionnée du 17 septembre 1981 ;
Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient la commune de Pontaumur, les intérêts sur avances comptabilisées en charge financière entre 1983 et 1986 sont justifiés non seulement par le financement du solde négatif des travaux en 1983 d'un montant de 24 400 francs et des travaux supplémentaires effectués en 1985 pour une somme de 205 424 francs, mais aussi par le défaut de remboursement de certaines avances consenties avant 1983 par la Caisse des Dépôts et Consignations ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société d'équipement de l'Auvergne justifie des montants des intérêts cumulés sur avances de rémunération qu'elle a portées en dépenses dans le "bilan de liquidation" du 31 octobre 1986 et qui s'élèvent à une somme globale de 1 711 155,93 francs ;
En ce qui concerne les commissions de gestion de trésorerie :
Considérant que la société d'équipement de l'Auvergne a porté en dépenses dans le même bilan, sous l'appellation "charges financières sur avances non rémunération", des commissions de gestion de trésorerie d'un montant de 60 275,06 francs facturées par la société SCET, appartenant au groupe de la Caisse des Dépôts et Consignations ; qu'elle n'a produit aucune pièce établissant la réalité et le montant de telles commissions ; que, par suite, en tout état de cause, la commune requérante est fondée à soutenir que ces sommes ne doivent pas être prises en compte dans les dépenses pouvant être mises à sa charge ;
En ce qui concerne la rémunération de la société d'équipement de l'Auvergne :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des termes mêmes de l'article 6 de la convention que le coût des études préalables réalisées par la société d'équipement de l'Auvergne, soit 58 800 francs TTC, est compris dans le montant susindiqué de sa rémunération et qu'il ne pouvait faire l'objet d'un paiement spécifique que dans le cas où le projet de construction de l'usine n'aurait pas été réalisé ; qu'ainsi, la commune de Pontaumur est fondée à soutenir que ce montant ne pouvait pas être porté en dépenses dans le "bilan de liquidation" ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 6.29 de la convention du 31 juillet 1981, la rémunération de la société était "fixée à 3,50 %, taxe sur la valeur ajoutée en sus, du montant TTC du coût de l'ouvrage" ; que, selon l'article 6.2, les dépenses nécessaires à la réalisation de l'ouvrage comprenaient, notamment, "les charges financières de préfinancement éventuel des dépenses par la société" ; que, par suite, la société était fondée à calculer sa rémunération en comprenant dans le coût de l'ouvrage les frais financiers sur les avances consenties par le Crédit Agricole et la Caisse des Dépôts et Consignations ; que ce coût s'élevait, après déduction des commisions de gestion de trésorerie non justifiées, à 11 595 133,57 francs ; que, dès lors, la rémunération due à la société doit être fixée à une somme de 481 313 francs ;
En ce qui concerne la somme de 220 000 francs payée par la commune à la société Barrat :
Considérant qu'en exécution de l'accord transactionnel susmentionné du 18 juillet 1985, la commune a versé à cette société une somme de 220 000 francs pour mettre fin au litige opposant les deux maîtres d'ouvrage à l'entreprise à propos du paiement du solde du décompte général et de travaux supplémentaires ; que cette somme n'a pas été portée par la société d'équipement de l'Auvergne en dépense comptabilisée dans le "bilan de liquidation" de 1986 ; que, par suite, la commune requérante ne saurait utilement se prévaloir du versement de la somme en cause pour réclamer une diminution à due concurrence du montant des dépenses du bilan de liquidation ;
En ce qui concerne la perte qu'aurait subie la commune sur la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant que si la commune allègue qu'elle n'a pu obtenir du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée le remboursement de la totalité de la taxe ayant grevée la dépense d'investissement constituée par la construction de l'usine, elle n'apporte aucun éléments de preuve à l'appui de son allégation ; qu'ainsi, et en tout état de cause, elle ne peut réclamer que cette perte soit imputée sur le montant du solde du décompte de liquidation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la commune de Pontaumur, qui ne peut utilement invoquer le caractère incomplet des bilans prévisionnels qui lui ont été adressés par la société pour contester sa dette contractuelle, est seulement fondée à demander que le montant du solde de liquidation mis à sa charge par le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en date du 15 septembre 1992, soit ramené de 914 628,85 francs à 793 050,79 francs ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Pontaumur qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamnée à payer à la société d'équipement de l'Auvergne une somme quelconque au titre de l'article précité ;
Article 1er : La somme de neuf cent quatorze mille six cent vingt-huit francs (914 628 francs) que la commune de Pontaumur a été condamnée à verser à la société d'équipement de l'Auvergne par l'article 1er du jugement du 15 septembre 1992 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est ramenée à sept cent quatre vingt treize mille cinquante francs et soixante-dix-neuf centimes (793 050,79 francs).
Article 2 : Le jugement du 15 septembre 1992 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des requêtes et les conclusions de la société d'équipement de l'Auvergne relatives à l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 92LY00547;92LY01621
Date de la décision : 19/09/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-05-01-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REMUNERATION DU CO-CONTRACTANT - INDEMNITES


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. JOUGUELET
Rapporteur public ?: M. RIQUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1996-09-19;92ly00547 ?
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