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19/09/1996 | FRANCE | N°92LY00594

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 19 septembre 1996, 92LY00594


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 juin 1992, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER d'AJACCIO, dont le siège est ..., par Me Y..., avocat ;
Le CENTRE HOSPITALIER d'AJACCIO demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 3 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de BASTIA l'a condamné à verser à Mme X... une indemnité de 757 929 francs pour elle-même, majorée d'une indemnité de 152 237 francs pour sa fille Alexandra, de 179 683 francs pour sa fille Mélanie, de 188 229 francs pour sa fille Delphine et de 217 907 francs pour sa fille Vanni

na, en réparation du préjudice subi à la suite du décès de M. X... ;...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 juin 1992, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER d'AJACCIO, dont le siège est ..., par Me Y..., avocat ;
Le CENTRE HOSPITALIER d'AJACCIO demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 3 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de BASTIA l'a condamné à verser à Mme X... une indemnité de 757 929 francs pour elle-même, majorée d'une indemnité de 152 237 francs pour sa fille Alexandra, de 179 683 francs pour sa fille Mélanie, de 188 229 francs pour sa fille Delphine et de 217 907 francs pour sa fille Vannina, en réparation du préjudice subi à la suite du décès de M. X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de BASTIA ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 1996 :
- le rapport de Mme ERSTEIN, conseiller ;
- et les conclusions de M. RIQUIN, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :
Considérant que selon l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale l'assuré social victime d'un accident n'entrant pas dans la catégorie des accident du travail doit indiquer sa qualité d'assuré social lorsqu'il demande en justice la réparation du préjudice qu'il a subi ; que cette obligation, qui incombe également aux ayants droit de l'assuré et est sanctionnée par la possibilité reconnue aux caisses de sécurité sociale et au tiers responsable de demander pendant deux ans l'annulation du jugement prononcé sans que le tribunal ait été informé de la qualité d'assuré social de la victime, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, desdites caisses dans les litiges opposant l'assuré, ou ses ayants droit, et le tiers responsable ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de BASTIA n'a pas communiqué la demande de Mme X... à la caisse d'assurance maladie dont relevait son mari ; qu'il a ainsi méconnu la portée de l'article L. 376-1 susvisé ; qu'eu égard au motif qui a conduit le législateur à édicter ces prescriptions, leur méconnaissance constitue une irrégularité qu'il convient de soulever d'office ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de BASTIA en date du 3 avril 1992 doit être annulé ;
Considérant que la cour a mis en cause la Mutuelle générale de l'Education nationale ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de BASTIA ;
Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le décès de M. X... est survenu alors que celui-ci était soumis, au CENTRE HOSPITALIER d'AJACCIO, à un traitement par médicaments psychotropes comportant en association neuroleptiques, benzodiazépines et barbituriques à doses importantes ; que l'examen anatomo-pathologique du défunt a révélé l'existence de lésions pulmonaires de type oedème aigu semblables à celles résultant de l'absorption de médicaments psychotropes à doses importantes et en association ; qu'il convient par suite, et alors que les proportions des substances ainsi constatées étaient compatibles avec les volumes thérapeutiques administrés, de regarder le décès du patient comme directement lié au traitement prescrit par le médecin responsable du service hospitalier où séjournait ce dernier ; que si un tel traitement ne révèle aucune faute médicale, il devait s'accompagner, notamment en raison des effets secondaires pouvant en résulter et qui, en l'espèce, ont causé la mort du malade, d'une surveillance particulièrement attentive, en particulier au plan somatique ; qu'il n'est pas contesté qu'une telle surveillance n'a pas été exigée par le responsable du service de médecine générale qui suivait le patient ; qu'au cours de la nuit précédant celle à l'issue de laquelle M. X... est décédé, comme la nuit suivante, une dose supplémentaire de médicaments a été injectée à la suite d'un réveil nocturne, sans que n'ait été alerté le service de garde ou le médecin responsable ; qu'aucun examen n'a donc pu être prescrit qui aurait pu révéler l'apparition des lésions pulmonaires à l'origine du décès ; qu'une telle abstention révèle à la fois une faute médicale, dans la mesure où le personnel hospitalier n'avait reçu aucune consigne particulière en ce sens, mais aussi une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service, dès lors qu'il appartenait au personnel de nuit de prendre néanmoins l'initiative d'informer de l'incident un membre du corps médical ; que, par suite, il convient de regarder le CENTRE HOSPITALIER d'AJACCIO comme entièrement responsable des conséquences dommageables du décès de M. X... ;
Sur le préjudice :
Considérant, en premier lieu, que compte tenu des revenus et de l'âge de la victime il convient de fixer à la date du présent arrêt à 700 000 francs la perte de revenus subie par Mme X... du fait du décès de son mari ; que, s'agissant des enfants de la victime, ce même dommage doit être évalué à 130 000 francs pour Alexandra, à 160 000 francs pour Mélanie, à 170 000 francs pour Delphine et à 200 000 francs pour Vannina ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il convient d'allouer à Mme X... une somme de 13 700 francs représentant les frais d'obsèques ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il sera fait une juste appréciation de la douleur morale subie par l'épouse et les enfants du défunt en fixant l'indemnité due à ce titre à 50 000 francs pour la première et à 40 000 francs pour chacun des quatre enfants ;

Considérant enfin que Mme X... et ses enfants ont droit aux intérêts au taux légal des sommes allouées à compter du 2 août 1990, date de réception de leur demande par le CENTRE HOSPITALIER d'AJACCIO ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 21 février 1992 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de BASTIA du 3 avril 1992 est annulé.
Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER d'AJACCIO est condamné à payer à Mme X..., pour elle-même, la somme de 750 000 francs et les sommes de 200 000 francs pour sa fille Mélanie, 210 000 francs pour sa fille Delphine et 240 000 francs pour sa fille Vannina et à Mlle Alexandra X... la somme de 170 000 francs. Ces sommes seront majorées des intérêts au taux légal à compter du 2 août 1990. Les intérêts échus le 21 février 1992 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme X... et de Mlle Alexandra X... et de la requête du CENTRE HOSPITALIER d'AJACCIO est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 92LY00594
Date de la décision : 19/09/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE MEDICALE : ACTES MEDICAUX.


Références :

Code civil 1154
Code de la sécurité sociale L376-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme ERSTEIN
Rapporteur public ?: M. RIQUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1996-09-19;92ly00594 ?
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