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03/10/1996 | FRANCE | N°94LY00891

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 03 octobre 1996, 94LY00891


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 9 juin et 19 octobre 1994, présentés pour l'Assistance Publique à Marseille, dont le siège est ..., représentée par son directeur, par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; l'Assistance Publique à Marseille demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 2 février 1994 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a déclarée responsable des conséquences dommageables de la contamination de M. Richard X... par le virus de l'immunodéficience humaine et

l'a condamnée à verser, déduction faite des sommes allouées par le f...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 9 juin et 19 octobre 1994, présentés pour l'Assistance Publique à Marseille, dont le siège est ..., représentée par son directeur, par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; l'Assistance Publique à Marseille demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 2 février 1994 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a déclarée responsable des conséquences dommageables de la contamination de M. Richard X... par le virus de l'immunodéficience humaine et l'a condamnée à verser, déduction faite des sommes allouées par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH, une somme de 400 000 francs aux parents et aux soeurs de M. Richard X..., aujourd'hui décédé ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'hoirie X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 et le décret n° 92-183 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 1996 :
- le rapport de Mme ERSTEIN, conseiller ;
- les observations de Me LE PRADO, avocat de l'Assistance publique à Marseille ;
- et les conclusions de M. RIQUIN, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que les consorts X... ont évoqué, en reprenant les termes du rapport de l'expert médical, le défaut d'information et de consentement éclairé du patient et de sa famille quant aux risques de contamination par le virus de l'immunodéficience humaine que pouvaient faire courir à M. Richard X... les transfusions de produits sanguins administrées en novembre et décembre 1984 ; qu'ainsi, en relevant que les services de l'hôpital de La Timone, dépendant de l'administration de l'Assistance Publique à Marseille, avaient commis une faute en procédant auxdites transfusions sans informer le patient ou sa famille des risques encourus, les premiers juges ont répondu à un moyen soulevé devant eux ;
Sur la fin de non recevoir opposée à la demande de première instance :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991, éclairées par les travaux préparatoires, l'acceptation par la victime d'une contamination par le virus de l'immunodéficience humaine, ou par ses ayants droit, d'une offre du fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH ne fait pas obstacle à l'introduction ou à la poursuite d'une instance tendant à la condamnation de la personne responsable à réparer les conséquences d'une telle contamination ; que c'est, par suite, à bon droit que le tribunal administratif a rejeté la fin de non recevoir opposée par l'administration de l'Assistance Publique à Marseille et tirée de l'acceptation par les consorts X... de l'offre d'indemnisation du fonds ;
Sur la responsabilité :
Considérant que si l'expert estime justifiées par l'affection dont souffrait M. X... les transfusions sanguines subies par ce dernier en novembre et décembre 1984, celles-ci ne correspondaient pas néanmoins à une nécessité absolue ; qu'il n'est pas contesté que ni le patient, ni sa famille n'ont été informés des risques présentés par une telle thérapeutique susceptible de provoquer une contamination par le virus VIH ; que la propagation possible du virus par cette voie, dont aucune pièce du dossier ne permet d'affirmer qu'elle revêtait alors un caractère exceptionnel, était connue à l'époque tant par la communauté scientifique que par les médecins prescripteurs ; que, par suite, et dans la mesure où il ne ressort pas de l'instruction que la séropositivité dont était atteinte la victime, et qui a provoqué son décès le 24 avril 1992, aurait une autre origine que les transfusions dont s'agit, les premiers juges ont admis à bon droit la responsabilité de l'ASSISTANCE PUBLIQUE de MARSEILLE pour manquement à son devoir d'information du malade ;
Sur le droit à réparation :
Considérant que le droit à réparation dont disposait M. Richard X... du fait des dommages résultant de la faute commise par l'Assistance publique de Marseille fait partie du patrimoine transmissible à ses héritiers, alors même qu'il n'avait introduit aucune action avant sont décès aux fins de faire reconnaître ce droit ; qu'il en résulte que les requérants sont fondés à prétendre à une telle réparation ;
Sur le préjudice :

Considérant qu'en fixant à deux millions de francs le préjudice subi par la victime du fait de cette contamination le tribunal administratif n'en a pas fait une appréciation inexacte ; qu'en revanche, et dès lors que les requérants ont accepté le 19 décembre 1993 l'offre du Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH à raison du préjudice de M. Richard X... et des autres demandeurs, c'est à tort que les premiers juges ont subrogé cet organisme dans les droits des requérants, à hauteur de l'indemnité acceptée ; qu'il convient, dans cette mesure, d'annuler le jugement attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Assistance publique de Marseille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a déclarée responsable des conséquences dommageables de la contamination dont M. Richard X... a été victime ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande des consorts X... tendant à ce que l'administration de l'Assistance Publique à Marseille soit condamnée à leur verser une somme au titre des frais qu'ils ont exposés ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il subroge le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles aux droits des requérants.
Article 2 : Le surplus de la requête de l'Assistance publique de Marseille est rejetée.
Article 3 : Le recours incident des consorts X... et leur demande tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de Lyon sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94LY00891
Date de la décision : 03/10/1996
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-04,RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - MANQUEMENTS A UNE OBLIGATION D'INFORMATION ET DEFAUTS DE CONSENTEMENT -Absence d'information donnée à un patient transfusé en novembre 1984 sur les risques de contamination par le virus VIH (1).

60-02-01-01-01-01-04 A manqué à son devoir d'information du patient, le centre hospitalier qui n'a averti ni celui-ci, ni sa famille du risque de contamination par le virus VIH que présentaient des transfusions sanguines effectuées en novembre et décembre 1984, alors qu'une telle thérapeutique ne correspondait pas à une nécessité absolue et que ce risque, dont il n'est pas établi par l'hôpital qu'il revêtait alors un caractère exceptionnel, était déjà connu tant par la communauté scientifique que par les médecins prescripteurs.


Références :

Loi 91-1406 du 31 décembre 1991 art. 47

1.

Rappr. CE, Assemblée, 1993-04-09, M. D., p. 110


Composition du Tribunal
Président : M. Lukaszewicz
Rapporteur ?: Mme Erstein
Rapporteur public ?: M. Riquin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1996-10-03;94ly00891 ?
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