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03/10/1996 | FRANCE | N°95LY01002

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 03 octobre 1996, 95LY01002


Vu, avec les mémoires et les pièces qui y sont visés et annexés, la décision n° 143673 en date du 26 mai 1995 par laquelle le Conseil d'Etat, saisi par M. Y... d'un pourvoi en cassation dirigé contre un arrêt en date du 20 octobre 1992 rendu par la cour administrative d'appel de Paris, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu, 1°) enregistrés sous le n° 91PA00142 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris les 25 février et 22 octobre 1991, la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour l'admi

nistration générale de l'assistance publique à Paris dont le siège est...

Vu, avec les mémoires et les pièces qui y sont visés et annexés, la décision n° 143673 en date du 26 mai 1995 par laquelle le Conseil d'Etat, saisi par M. Y... d'un pourvoi en cassation dirigé contre un arrêt en date du 20 octobre 1992 rendu par la cour administrative d'appel de Paris, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu, 1°) enregistrés sous le n° 91PA00142 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris les 25 février et 22 octobre 1991, la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour l'administration générale de l'assistance publique à Paris dont le siège est situé ..., représentée par son directeur général, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
L'administration générale de l'assistance publique à Paris demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°8811717/4 du 11 janvier 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée responsable des conséquences dommageables de la contamination de M. Y... par le virus de l'immunodéficience humaine et ordonné, avant dire droit, une expertise médicale,
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°91-1406 du 31 décembre 1991 et le décret n°92-183 du 26 février 1992 ;
Vu le décret n°92-759 du 31 juillet 1992 modifié par le décret n°93-906 du 12 juillet 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 1996 :- le rapport de M. JOUGUELET, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. RIQUIN, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de l'administration générale de l'assistance publique à Paris et de M. Y... sont relatives aux conséquences d'une même transfusion sanguine ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la contamination de M. Y... par le virus de l'immunodéficience humaine résulte d'une transfusion de sang effectuée au cours d'une intervention chirurgicale pratiquée le 7 novembre 1987 dans le service de chirurgie orthopédique de l'hôpital Cochin et que le sang a été fourni par le centre de transfusion dudit hôpital, lequel, comme ce dernier, n'a pas une personnalité juridique distincte de celle de l'administration générale de l'assistance publique à Paris ; qu'il en résulte que la responsabilité encourue par l'assistance publique, du fait d'un vice affectant le produit administré doit être recherchée non sur le fondement des principes qui gouvernent la responsabilité des hôpitaux en tant que dispensateurs de prestations médicales mais, au cas d'espèce, sur la base des règles propres à son activité de gestionnaire d'un centre de transfusion sanguine ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour déclarer l'administration générale de l'assistance publique à Paris responsable de la contamination de M. Y..., sur le fait que cette contamination révélait une faute dans l'organisation et le fonctionnement de l'hôpital ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de la loi du 21 juillet 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de collecte du sang et ont pour mission d'assurer le contrôle médical des prélèvements, le traitement, le conditionnement et la fourniture aux utilisateurs, des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ; que, par suite, l'administration générale de l'assistance publique à Paris n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement rendu le 11 janvier 1991, le tribunal administratif de Paris l'a déclarée responsable des conséquences de la contamination de M. Y... par le virus de l'immunodéficience humaine ;
Sur le préjudice corporel :
Considérant, en premier lieu, qu'il sera fait une exacte appréciation des troubles de toute nature subis par M. Y... en les évaluant à la somme de 2 000 000 de francs ;
Considérant, en deuxième lieu, que les prétentions de M. Y... relatives à l'indemnisation de frais d'analyse médicale et de déplacement ne sont pas assorties des précisions et des justifications permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant enfin que M. Y... ne justifie pas de la réalité du montant et du caractère direct de la relation entre le préjudice financier qu'il invoque, qui résulterait de l'abandon d'un projet d'installation pour la période de retraite à Quiberon, et la contamination par le virus de l'immunodéficience humaine ;
Sur la déduction des indemnités versées en réparation du même préjudice :
Considérant que le juge administratif, saisi d'une demande en réparation du préjudice résultant de la contamination par le virus de l'immunodéficience humaine et informé de ce que la victime ou ses ayants droit ont déjà été indemnisés du préjudice dont ils demandent réparation, doit d'office déduire la somme ainsi allouée du montant du préjudice indemnisable ; qu'en revanche, eu égard aux objectifs d'indemnisation complète et rapide fixés par le législateur, le juge doit accorder une réparation intégrale du préjudice depuis la publication du décret du 12 juillet 1993 dans les cas où la somme à verser par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles en réparation du préjudice invoqué est susceptible d'être remise en cause ;
Considérant que si la fraction de l'indemnisation que le fonds ne s'est engagé à verser qu'à compter de la date à laquelle la contamination se traduirait par les manifestations pathologiques du syndrome de l'immunodéficience acquise n'est pas susceptible d'être remise en cause dans son montant dès lors que l'offre du fonds a été acceptée par le requérant ou que l'indemnité a été fixée par un arrêt devenu définitif de la cour d'appel de Paris, le versement de cette somme est éventuel et subordonné à l'apparition de la maladie ; qu'en ce cas cette somme ne peut être déduite des sommes auxquelles a droit l'intéressé en réparation de son préjudice selon le droit commun ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que, par un arrêt en date du 16 février 1994 devenu définitif, la cour d'appel de Paris a confirmé l'offre du fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles fixant l'indemnité due à M. Y... à 1 020 000 francs, dont 765 000 francs versés immédiatement et 255 000 francs versés au moment où la contamination se traduirait par les manifestations pathologiques du syndrome de l'immunodéficience acquise ; que, conformément à ce qui a été dit ci-dessus, seule la somme de 765 000 francs doit être déduite dès lors que celle de 255 000 francs n'a pas été versée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a condamné l'administration générale de l'assistance publique à Paris à lui verser, soit portée à 1 235 000 francs ; que, conformément aux dispositions de l'article 47 IX de la loi du 31 décembre 1991 et du décret du 31 juillet 1992 modifié par le décret du 13 juillet 1993, il y a lieu de subroger le fonds dans les droits de M. Y... à concurrence de la somme de 255 000 francs que ce dernier peut être amené à lui verser ;
Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 28 janvier 1992 ; qu'à cette date une année ne s'était pas écoulée depuis la dernière demande de capitalisation formée le 8 novembre 1991, à laquelle avait fait droit le jugement attaqué ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de rejeter cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'administration générale de l'assistance publique à Paris à payer à M. Y... la somme de 5 000 francs ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne :
Considérant que tant en première instance qu'en appel la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne s'est bornée à faire état d'une créance de 8 501,20 francs sans assortir sa demande d'indemnisation des précisions et justifications de nature à permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé ; que, dans ces conditions, et en tout état de cause, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Article 1er : La somme de 450 000 F que l'administration générale de l'assistance publique à Paris a été condamnée à verser à M. Y... par le jugement du tribunal administratif de Paris du 29 novembre 1991 est portée à un million deux cent trente cinq mille francs (1 235 000 francs). Le Fonds d'indemnisation des personnes transfusées ou hémophiles est subrogé dans les droits de M. Y... à due concurrence de la somme de deux cent cinquante cinq mille francs (255 000 francs) que ledit fonds serait, le cas échéant, amené à verser à ce dernier.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 29 novembre 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'administration générale de l'assistance publique à Paris versera à M. Y... une somme de 5 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Les conclusions des requêtes de l'administration générale de l'assistance publique à Paris, celles de la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne et le surplus des conclusions de la requête de M. Y... sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95LY01002
Date de la décision : 03/10/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE SANS FAUTE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 92-759 du 31 juillet 1992
Décret 93-906 du 12 juillet 1993
Instruction du 16 février 1994
Loi 52-854 du 21 juillet 1952
Loi 61-846 du 02 août 1961
Loi 91-1406 du 31 décembre 1991 art. 47


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. JOUGUELET
Rapporteur public ?: M. RIQUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1996-10-03;95ly01002 ?
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