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14/04/2005 | FRANCE | N°99LY01817

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2eme chambre - formation a 5, 14 avril 2005, 99LY01817


Vu le recours, enregistré les 16 et 18 juin 1999, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 9694 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 11 mars 1999 accordant à M. et Mme Paul X la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1990, 1991, 1992 et 1993 ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme X les impositions en litige ;

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Vu les autres pièces du dos...

Vu le recours, enregistré les 16 et 18 juin 1999, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 9694 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 11 mars 1999 accordant à M. et Mme Paul X la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1990, 1991, 1992 et 1993 ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme X les impositions en litige ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2005 :

- le rapport de M. Charlin, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gimenez, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les bénéfices non commerciaux déclarés pour son activité de chirurgien dentiste à Annecy au titre des années 1990 à 1992, et que M. et Mme X ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale portant sur les mêmes années ; que, d'une part, à l'issue des opérations de vérification de comptabilité et par une notification de redressement du 23 septembre 1994, l'administration a informé M. X d'une absence de redressement concernant ses bénéfices non commerciaux ; que, d'autre part, durant l'examen contradictoire de leur situation fiscale et par une première notification du 21 décembre 1993, l'administration a informé M. et Mme X de son intention de les taxer à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1991 en fonction de leurs éléments de train de vie en application des dispositions de l'article 168 du code général des impôts ; que trois autres notifications du 23 septembre 1994 ont porté à leur connaissance les bases forfaitaires établies sur le même fondement légal au titre des années 1992, 1993 et 1994 ; que le ministre fait régulièrement appel du jugement du Tribunal administratif de Grenoble accordant aux requérants la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1990, 1991, 1992 et 1993 ; que, par la voie de l'appel incident, M. et Mme X demandent la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu relative à l'année 1989 établie sur une base forfaitaire notifiée le 14 décembre 1992 en application des dispositions du même article ;

Sur le recours du ministre :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 168 du code général des impôts, En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après ... ; que, d'autre part, si les dispositions des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales obligent le vérificateur à rechercher un dialogue contradictoire avec le contribuable faisant l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu, et si la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article 10 du même livre exige que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d'avoir recours à la procédure contraignante de demandes de justifications visée à l'article L. 16 du même livre, le caractère oral d'un tel débat n'est pas exigé à peine d'irrégularité de la procédure suivie ; que, dès lors, son absence ne peut constituer une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte du contribuable vérifié ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de l'examen contradictoire de la situation fiscale de M. et Mme X, à l'issue duquel et comme l'administration était en droit de le faire, elle a mis en oeuvre les dispositions précitées de l'article 168, le vérificateur a rencontré à trois reprises les intéressés avant l'envoi d'une demande de justification le 4 mars 1994 ; qu'il leur a demandé également le 22 mars 1994 de lui faire connaître leurs éléments de train de vie ; que, dans ces conditions et compte tenu de la procédure de taxation retenue, le vérificateur doit être regardé comme ayant engagé avec les époux X un dialogue contradictoire ; que, par suite, c'est à tort que pour prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu mises en recouvrement au titre des années 1990 à 1993, le Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur l'irrégularité de l'examen contradictoire de situation fiscale des requérants résultant d'une absence de dialogue oral ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X tant en première instance qu'en appel ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article 168 précité du code général des impôts n'est subordonnée à aucune formalité préalable ; que la circonstance que M. et Mme X aient fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale portant sur les années 1990 à 1992 ne faisait pas obstacle à ce que la procédure d'imposition forfaitaire fût, par la suite, étendue sans aucune formalité particulière à l'année 1993 ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition relative à l'année 1993 serait irrégulière, faute pour l'administration de leur avoir adressé l'avis prévu à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. et Mme X allèguent qu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 49 du livre des procédures fiscales, l'administration n'a pas porté à leur connaissance les résultats de l'examen contradictoire de situation fiscale relatif aux années 1990 à 1993, ils doivent être regardés comme ayant été informés desdits résultats par l'envoi des notifications des évaluations forfaitaires minimales de leur revenu imposable en application des dispositions de l'article 168 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que par un avis de vérification reçu le 23 septembre 1993, M. et Mme X ont été informés de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 1990 à 1992 ; que les notifications de la taxation à l'impôt sur le revenu en fonction des éléments de leur train de vie leur ont été adressées respectivement le 21 décembre 1993 pour l'année 1990 et le 23 septembre 1994 pour les années 1991 et 1992 ; que, dans ces conditions, la durée de cet examen n'a pas excédé la durée d'un an prévue à l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en quatrième lieu, que comme il vient d'être dit, l'administration étant en droit d'appliquer les dispositions de l'article 168 du code général des impôts à l'issue d'un examen contradictoire de situation fiscale, elle n'a pas commis de détournement de procédure ;

Considérant, en cinquième lieu, que si, pour contester l'application de cet article, les requérants invoquent aussi une instruction du 8 novembre 1974, publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts 13 L-23-74, cette doctrine, qui préconise de n'avoir recours aux dispositions dudit article qu'en cas d'échec de toutes les autres procédures, se borne à adresser des recommandations aux agents, et ne constitue ainsi pas une interprétation formelle de la loi fiscale invocable sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 63 du livre des procédures fiscales alors en vigueur : Lorsque les agents des impôts constatent une disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, ils peuvent modifier la base d'imposition dans les conditions prévues à l'article 168 du code général des impôts. et qu'aux termes de l'article R. 63-1 du même livre : La décision de mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 63 est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal qui vise à cet effet la notification de la proposition de redressement. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les propositions de redressements notifiées à M. et Mme X sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 63 et R. 63-1 du livre des procédures fiscales, par lettres-modèle n° 2180, comportaient la mention des garanties offertes au contribuable et étaient régulièrement visées par un inspecteur principal ; que, dès lors que lesdites propositions de redressement répondaient aux exigences de la procédure contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, la notification adressée par lettre modèle 3924 à l'issue de la vérification de comptabilité et faisant connaître aux contribuables les conséquences financières des évaluations forfaitaires établies en application de l'article 168 du code général des impôts, n'avait pas à être revêtue du visa d'un inspecteur principal ; qu'il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition suivie à leur encontre serait irrégulière ;

En ce qui concerne le bien-fondé des évaluations :

Considérant, en premier lieu, que M. et Mme X font valoir qu'en s'abstenant de taxer d'office sur le fondement des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes créditées en 1992 sur leurs comptes bancaires, et pour lesquelles une demande de justifications leur avait été adressée, l'administration devrait être regardée comme en ayant admis l'origine familiale et leur caractère de dons manuels ; qu'en ajoutant le montant de ces dons, soit 352 611 francs, aux revenus déclarés, aucune disproportion marquée d'un tiers n'existerait alors au titre de l'année 1992 ;

Considérant qu'aux termes du 2 bis de l'article 168 du code général des impôts : La disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème et de la majoration prévus aux 1 et 2 excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition et l'année précédente, le montant du revenu net global déclaré y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l'impôt par l'application d'un prélèvement ;

Considérant qu'en admettant que les sommes dont les époux X ont bénéficié en 1992 proviennent de dons manuels de leurs parents, ces ressources n'entrent pas dans le champ d'application de l'impôt sur le revenu et ne peuvent, pour cette raison, être regardées comme constituant des revenus exonérés au sens et pour l'application des dispositions précitées ; que, par suite, les requérants ne peuvent s'en prévaloir pour établir une absence de disproportion marquée au titre de l'année 1992 ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 3 de l'article 168 du code général des impôts, le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation de son capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie. ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration a procédé à une évaluation forfaitaire du revenu imposable d'après certains éléments du train de vie d'un contribuable, celui-ci est en droit d'en contester le montant en établissant qu'il a financé, en tout ou partie, son train de vie par l'emploi de ses revenus, par la réalisation de son capital ou par l'emprunt ;

Considérant que M. et Mme X font valoir qu'ils ont financé leur train de vie à l'aide des dons manuels et d'un prêt consentis par les parents de Mme X ; que, toutefois, les déclarations de dons manuels produites à l'appui de leurs allégations ont toutes été établies en 1995, soit postérieurement à la fois aux années d'imposition en litige et au déroulement des opérations de contrôle ; que, bien qu'elles aient été enregistrées ou assujetties aux droits de mutation à titre gratuit, elles sont insuffisante, à elles seules, pour justifier la réalité de l'appréhension de ces dons au cours des années 1990, 1991 et 1992 pour des sommes de 205 000 francs, 245 000 francs et 266 678,16 francs ; qu'en revanche, selon une attestation de la Banque Internationale à Luxembourg en date du 22 avril 1994, dont les énonciations ne sont pas contestées par l'administration, Mme X a perçu de ses parents par virements sur son compte ouvert à l'Européenne de Banque des sommes de 168 417 francs, 160 000 francs et 200 000 francs au cours de ces mêmes années ; que, dans les circonstances de l'espèce, ces ressources doivent être regardées comme des dons, constitutifs d'un capital pour leurs bénéficiaires ; qu'il n'est pas contesté que M. et Mme X en ont utilisé le montant pour financer, au cours de ces années, leurs dépenses de train de vie ; que ces sommes doivent, par suite, être admises en déduction des bases taxables ; qu'en revanche, la déclaration de contrat de prêt datée du 15 juillet 1994 et non signée ne peut être regardée comme constituant une justification probante du prêt de 291 762 francs qui aurait été accordé en 1993 par les parents de Mme X ;

Considérant, enfin, que sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, M. et Mme X se prévalent aussi d'une réponse ministérielle Bousquet en date du 20 janvier 1997 ; que, toutefois, cette réponse étant postérieure aux années d'imposition en litige, les requérants ne peuvent utilement l'invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est seulement fondé à demander que les cotisations d'impôt sur le revenu établies au titre des années 1990, 1991, 1992 et 1993 soient remises à la charge de M. et Mme X sur des bases de 180 590 francs, 273 700 francs, 227 510 francs et 440 240 francs ;

Sur le recours incident de M. et Mme X :

Considérant que les conclusions incidentes de M. et Mme X relatives à la cotisation d'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 1989 et présentées après l'expiration du délai d'appel doivent être rejetées comme irrecevables dès lors que le recours du ministre ne porte que sur les impositions établies au titre des années 1990 à 1993 ;

En ce qui concerne les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à M. et Mme X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme X ont été assujettis au titre des années 1990, 1991, 1992 et 1993 sont rétablies, sur les bases respectives de 180 590 francs, 273 700 francs, 227 510 francs et 440 240 francs.

Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 11 mars 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 4 : Le recours incident de M. et Mme X est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 99LY01817


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2eme chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 99LY01817
Date de la décision : 14/04/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LANZ
Rapporteur ?: M. Daniel CHARLIN
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : LE BOULCH

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2005-04-14;99ly01817 ?
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