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09/06/2005 | FRANCE | N°99LY01797

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5eme chmabre - formation a 5, 09 juin 2005, 99LY01797


Vu la requête, enregistrée le 14 juin 1999, présentée pour la société ADMINISTRATION D'IMMEUBLES CLAUDE MORELLON, représentée par le président de son conseil d'administration, dont le siège social est situé ..., par Me X..., avocat ;

La société demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 9500044-9501215-9501216 du 16 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté, d'une part, le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la

période du 1er octobre 1988 au 30 septembre 1991 et, d'autre part, sa demande tendant ...

Vu la requête, enregistrée le 14 juin 1999, présentée pour la société ADMINISTRATION D'IMMEUBLES CLAUDE MORELLON, représentée par le président de son conseil d'administration, dont le siège social est situé ..., par Me X..., avocat ;

La société demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 9500044-9501215-9501216 du 16 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté, d'une part, le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er octobre 1988 au 30 septembre 1991 et, d'autre part, sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des compléments de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre des années 1989 à 1991 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) à titre subsidiaire, s'agissant de la taxe sur les salaires, de saisir la Cour de justice des communautés européennes de la question préjudicielle consistant à déterminer :

a) si l'existence en France de la taxe sur les salaires frappant spécifiquement les personnes employées à une activité économique assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée mais exonérée de cette taxe est compatible : - avec l'objectif du Traité d'établir, dans le cadre d'une union économique, un marché commun comportant une saine concurrence et ayant des caractéristiques analogues à celles d'un marché intérieur ; - avec le onzième considérant de la sixième directive qui prescrit d'établir une liste commune d'exonérations en vue d'une perception comparable des ressources propres dans tous les Etats membres ; - avec l'article 3 sous c) du Traité de Rome prévoyant l'abolition entre les Etats membres des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux ;

b) en cas de réponse négative à la première question, si l'établissement de la taxe sur les salaires est compatible avec les règles communautaires énoncées ci-dessus lorsque cette taxe frappe les salaires des personnes employées à une activité située hors du champ d'application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 francs au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu la première directive n° 67/227 du Conseil des communautés européennes du 11 avril 1967, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu la sixième directive n° 77/388 du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 modifiée, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2005 :

- le rapport de M. Bédier, président assesseur ;

- les observations de Me X..., pour la société ADMINISTRATION D'IMMEUBLES CLAUDE MORELLON ;

- et les conclusions de M. Pfauwadel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société ADMINISTRATION D'IMMEUBLES CLAUDE MORELLON demande l'annulation de l'article 2 du jugement du 16 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté, d'une part, le surplus de sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er octobre 1988 au 30 septembre 1991 et d'autre part, sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre des années 1989 à 1991 ;

Sur le bien-fondé des impositions en matière de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant que la société ADMINISTRATION D'IMMEUBLES CLAUDE MORELLON, exerce, d'une part, une activité d'administrateur de biens dans le cadre de laquelle elle assure la gestion, en qualité de mandataire des propriétaires, de biens immobiliers donnés en location et, d'autre part, des fonctions de syndic de copropriété ; qu'elle reçoit des locataires et des copropriétaires, en plus de ses honoraires de gestion, des fonds qu'elle place à titre temporaire pour son propre compte auprès d'organismes financiers avant de les transmettre aux propriétaires ou de les affecter au paiement des dépenses des copropriétés ; que ces placements lui procurent des produits financiers ; que la société a exercé, au titre de la période allant du 1er octobre 1988 au 30 septembre 1991, les droits à déduction, prévus à l'article 271 du code général des impôts, de l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé sur la même période ses acquisitions d'immobilisations, de biens et de services ; que l'administration fiscale a estimé en revanche que la société avait procédé à un calcul inexact de ses droits à déduction au regard des dispositions des articles 212 et 219-c de l'annexe II au code général des impôts, et que le prorata de déduction auquel pouvait prétendre la société devait être ramené de 100 % à 75 % au titre de l'exercice clos en 1989, 71 % au titre de l'exercice clos en 1990 et 73 % au titre de l'exercice clos en 1991 ; que la société appelante conteste l'imposition résultant de ces redressements ;

En ce qui concerne la constitution de secteurs distincts :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période en litige : Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ; qu'aux termes de l'article 271 du même code : 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ; que l'article 273 du même code dispose que : 1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. Ils fixent notamment : (...) les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite (...) ; que le premier alinéa de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, prévoit que les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations égale au montant de cette taxe multiplié par le rapport existant entre le montant annuel des recettes afférentes à des opérations ouvrant droit à déduction et le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées ; qu'aux termes de l'article 213 de la même annexe II : Lorsqu'un assujetti a des secteurs d'activités qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ces secteurs font l'objet de comptes distincts pour l'application du droit à déduction. Le montant de la taxe déductible au titre des biens communs aux différents secteurs est déterminé par application du rapport prévu à l'article 212 ; que l'article 214 de la même annexe II dispose que : Le rapport prévu à l'article 212 est déterminé provisoirement en fonction des recettes réalisées l'année précédente ou des recettes prévisionnelles de l'année en cours. Le montant des taxes déductibles est définitivement arrêté avant le 25 avril de l'année suivante ; qu'enfin, en vertu de l'article 219 de l'annexe II au même code : Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces mêmes biens et services dans les limites ci-après : (...) c. Lorsque leur utilisation aboutit concurremment à la réalisation d'opérations dont les unes ouvrent droit à déduction et les autres n'ouvrent pas droit à déduction, une fraction de la taxe qui les a grevés est déductible. Cette fraction est déterminée dans les conditions prévues aux articles 212 à 214 ; que ces dispositions ont été prises pour l'adaptation de la réglementation nationale aux articles 17, paragraphe 5, et 19, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 en vertu desquels la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens et services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction n'est déductible que pour la partie qui est proportionnelle au montant afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, ce prorata résultant, selon l'article 19, paragraphe 1, d'une fraction comportant : - au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction (...) ; - au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations n'ouvrant pas droit à déduction (...), le prorata étant déterminé sur une base annuelle, fixé en pourcentage et arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l'unité supérieure ;

Considérant, en premier lieu, qu'il n'est plus soutenu en appel par la société requérante que les produits qu'elle retire de ses placements puissent être regardés comme des produits financiers accessoires qui, comme tels, ne devraient pas figurer au dénominateur de la fraction prévue aux articles 212 et 219-c) de l'annexe II au code général des impôts ; qu'il n'est pas davantage soutenu par la société que ses activités mettraient en oeuvre des cycles distincts d'opérations, effectuées avec un personnel et des techniques propres à chacun d'eux ; que, par suite, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le moyen de la société appelante relatif à la prise en compte de secteurs distincts d'activité n'était pas fondé au regard de la loi fiscale et notamment des dispositions de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes du paragraphe 8, relatif à l'application aux activités financières accessoires du régime des secteurs d'activité distincts, de la documentation administrative publiée sous la référence 3 D 1622 en vigueur au 1er mai 1990 : Il est rappelé que les recettes relatives aux opérations financières exonérées en vertu de l'article 261 du code général des impôts (intérêts de prêts, produits de portefeuille, etc.) n'ont pas à être prises en considération pour le calcul du pourcentage général de déduction de l'entreprise, lorsque leur montant n'excède pas 5 % des recettes totales de l'entreprise, toutes taxes comprises. Lorsque ce montant excède 5 %, il est admis de considérer les opérations financières en cause comme relevant d'un secteur distinct d'activité, sous réserve que l'entreprise se soumette à l'ensemble des obligations résultant de la constitution des secteurs distincts. Notamment, elle est tenue de déterminer la fraction de ses immobilisations qu'elle utilise pour les besoins de ce secteur et qui, de ce fait, ne peut ouvrir droit à déduction. A défaut, il serait fait application du pourcentage général de l'entreprise à l'ensemble des immobilisations en cause ; que la société appelante entend se prévaloir des termes de cette doctrine sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, l'administration fait valoir sans être contredite que la société ne s'est pas soumise aux obligations résultant de la constitution de secteurs distincts, tenant notamment à la tenue de comptes distincts par activité, auxquelles la doctrine subordonne expressément son application ; que, par suite, la société, dont la situation n'entre pas dans les prévisions de la doctrine qu'elle invoque, n'est pas fondée à se prévaloir de celle-ci ;

En ce qui concerne les modalités de calcul du prorata de déduction prévu aux articles 212 et 219-c de l'annexe II au code général des impôts :

Considérant que la société appelante soutient que la détermination du prorata de déduction de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle peut prétendre telle qu'effectuée par le vérificateur est erronée dès lors qu'elle prend en compte le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé au cours d'exercices sociaux qu'elle clôt le 30 septembre de chaque année alors que la période de référence pour la détermination du chiffre d'affaires prévue par la loi fiscale est celle qui correspond à l'année civile ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, que le rapport qu'il prévoit pour la détermination des droits à déduction de taxe sur la valeur ajoutée se réfère à un montant annuel de recettes ; que les dispositions de l'article 214 de l'annexe II au code général des impôts, dans leur rédaction applicable à la même période d'imposition prévoient que le rapport prévu à l'article 212 est déterminé provisoirement en fonction des recettes réalisées l'année précédente ou des recettes prévisionnelles de l'année en cours, le montant des taxes déductibles étant définitivement arrêté avant le 25 avril de l'année suivante ; qu'il résulte nécessairement de ces dispositions et notamment de la date limite qu'elles fixent pour la détermination du montant des taxes déductibles que, même si elles ne font pas expressément référence à l'année civile, la détermination du prorata de taxe sur la valeur ajoutée doit être effectuée par référence à la période d'un an correspondant à l'année civile ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a déterminé le rapport prévu aux articles 212 et 219-c de l'annexe II au code général des impôts en retenant les montants de chiffre d'affaires apparaissant dans les comptes de résultats des exercices de la société clos le 30 septembre des années 1989 à 1991 ; que cette méthode de détermination du rapport prévu aux articles précités n'est pas conforme aux règles qui viennent d'être rappelées ; que le rapport existant entre le montant annuel des recettes afférentes à des opérations ouvrant droit à déduction et le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées est susceptible de variations selon qu'il est calculé sur la période allant du 1er janvier au 31 décembre d'une année donnée ou sur une période allant du 1er octobre d'une année donnée au 30 septembre de l'année suivante ; que l'administration ne soutient pas que la détermination effectuée par le vérificateur du rapport prévu aux articles 212 et 219-c de l'annexe II au code général des impôts aurait amené celui-ci à appliquer un rapport correspondant à celui qui résulte des règles de calcul fixées par ces articles ou plus favorable au redevable de la taxe ; que, toutefois, ni l'administration fiscale ni le contribuable ne proposent une nouvelle détermination de ce rapport qui prendrait en compte les recettes de l'année civile ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de calculer ce rapport ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de procéder, de façon contradictoire, à un supplément d'instruction aux fins de permettre à la société d'apporter tous éléments utiles à la détermination, sur la base de l'année civile, de ses droits à déduction pour la période d'imposition litigieuse, en application du rapport prévu aux articles 212 et 219-c de l'annexe II au code général des impôts ;

Sur le bien-fondé des impositions en matière de taxe sur les salaires :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts : Les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments, y compris la valeur des avantages en nature, sont soumises à une taxe sur les salaires (...) à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient des traitements, salaires, indemnités et émoluments lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) ; qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 30 décembre 1993 portant loi de finances rectificative pour 1993 : I. - Le premier alinéa du 1 de l'article 231 du code général des impôts est complété par deux phrases ainsi rédigées : Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 % au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. II. - Les dispositions du I ont un caractère interprétatif et s'appliquent aux instances en cours sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée ;

En ce qui concerne la compatibilité de la taxe sur les salaires avec le droit communautaire :

Considérant que la société ADMINISTRATION D'IMMEUBLES CLAUDE MORELLON soutient que l'imposition à la taxe sur les salaires serait incompatible avec les objectifs du système de taxe sur la valeur ajoutée définis par les première et sixième directives du Conseil des communautés européennes et avec l'article 3 sous c) du Traité de Rome relatif à la libre circulation des services et des capitaux ; qu'elle ajoute que la taxe sur les salaires ferait obstacle à l'établissement d'un marché équivalent à un marché intérieur dans la sphère d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en raison du prélèvement fiscal national qu'elle institue et de l'entrave qu'elle constitue pour l'implantation en France d'entreprises exerçant une activité exonérée de taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant toutefois qu'il résulte des termes mêmes de l'article 231 du code général des impôts que la taxe sur les salaires n'est assise que sur les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments et non sur le chiffre d'affaires ; que cette imposition ne peut donc être regardée comme entrant dans le champ d'application de la législation communautaire relative aux taxes grevant le chiffre d'affaires ; que, par suite, doivent être écartés comme inopérants les moyens tirés de l'incompatibilité de la taxe sur les salaires avec la première directive 67/227 du Conseil des communautés européennes du 11 avril 1967, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et la sixième directive 77/388 du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, relative à la même harmonisation et à la mise en place d'un système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en outre, la taxe sur les salaires est assise, selon les mêmes critères, sur les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments aussi bien par les employeurs français que par les employeurs ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou ayant leur résidence dans l'un de ces Etats qui disposent d'un établissement en France et ne peut ainsi être regardée comme constituant une charge spécifique pesant sur les employeurs des Etats membres ; que, par suite, cette imposition ne peut être regardée comme ayant été instituée en méconnaissance des stipulations de l'article 3 sous c) du Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne selon lesquelles la communauté se propose de mettre en place un marché intérieur caractérisé par l'abolition entre les Etats membres des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux, stipulations qui, en toute hypothèse, ne font pas interdiction à un Etat membre d'instituer une imposition autre ou plus lourde que celles qui existent dans les autres Etats membres, dès lors que cette imposition, comme c'est le cas de la taxe sur les salaires, est mise à la charge de tous les employeurs qui entrent dans son champ d'application, sans considération de leur nationalité ou de leur Etat de résidence ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice des communautés européennes des questions préjudicielles proposées par la société appelante, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la taxe sur les salaires serait incompatible avec le Traité de Rome ou avec le droit communautaire dérivé ;

En ce qui concerne la constitution de secteurs distincts :

Considérant, en premier lieu, en ce qui concerne l'application de la loi fiscale, qu'il résulte des dispositions de l'article 231-1 du code général des impôts que la détermination du rapport prévu à cet article doit tenir compte, tant au numérateur qu'au dénominateur, des produits financiers perçus par la société ; qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, et pour les motifs indiqués ci-dessus à propos de la constitution de secteurs distincts en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la demande de la société appelante n'est pas fondée au regard de la loi fiscale ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'instruction du 16 janvier 1976 publiée sous la référence 5 L-2-76 relative à la situation des employeurs partiellement assujettis à cette taxe, pour l' établissement de la taxe sur la valeur ajoutée, les entreprises peuvent être autorisées à déterminer un pourcentage de déduction particulier par secteur d'activité (art. 213 de l'annexe II au CGI). Elles doivent alors calculer, par secteur d'activité, la quote-part des rémunérations soumises à la taxe sur les salaires ; que la société appelante entend se prévaloir de cette doctrine sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, comme il a été dit, l'administration fait valoir sans être contredite que la société ne s'est pas soumise aux obligations résultant de la constitution de secteurs distincts, tenant notamment à la tenue de comptes distincts par activité, auxquelles la doctrine subordonne expressément son application ; que, par suite, la société, dont la situation n'entre pas dans les prévisions de la doctrine qu'elle invoque, n'est pas fondée à se prévaloir de celle-ci ;

En ce qui concerne les modalités de calcul du prorata de déduction prévu à l'article 231 du code général des impôts :

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts que, comme le fait valoir la société appelante, le rapport existant entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total, qui est appliqué à l'ensemble des rémunérations versées par l'employeur pour déterminer le montant de la taxe sur les salaires, doit être calculé par référence à l'année civile qui précède l'année du paiement des rémunérations ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a déterminé le rapport existant entre le chiffre d'affaires de la société qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et son chiffre d'affaires total en retenant les montants de chiffre d'affaires apparaissant dans les comptes de résultats des exercices de la société clos le 30 septembre des années 1988 à 1990 ; que cette méthode de détermination du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires prévu à l'article 231-1 du code général des impôts a méconnu les règles posées par cet article ; que le rapport existant entre le chiffre d'affaires d'une société qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total de cette société est susceptible de variations selon qu'il est calculé sur la période allant du 1er janvier au 31 décembre d'une année donnée ou sur une période allant du 1er octobre d'une année donnée au 30 septembre de l'année suivante ; que l'administration ne soutient pas que la détermination effectuée par le vérificateur du rapport prévu à l'article 231-1 du code général des impôts aurait amené celui-ci à appliquer un rapport correspondant à celui qui résulte des règles de calcul fixées par cet article, ou plus favorable au redevable de l'impôt ; que, toutefois, ni l'administration fiscale ni le contribuable ne proposent une nouvelle détermination de ce rapport qui prendrait en compte les recettes de l'année civile ; que l'état du dossier ne permet pas à la cour de calculer ce rapport ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de procéder, de façon contradictoire, à un supplément d'instruction aux fins de permettre à la société d'apporter tous éléments utiles permettant de déterminer, sur la base de l'année civile, et pour le calcul de la taxe sur les salaires due par elle au titre des années 1989 à 1991, le rapport d'assujettissement prévu à l'article 231-1 du code général des impôts ;

DÉCIDE :

Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de la requête de la société ADMINISTRATION D'IMMEUBLES CLAUDE MORELLON tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er octobre 1988 au 30 septembre 1991, il sera procédé par les soins du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, contradictoirement avec la requérante, à un supplément d'instruction afin que cette dernière puisse apporter tous éléments permettant de déterminer, sur la base de l'année civile, ses droits à déduction de taxe sur la valeur ajoutée tels que prévus aux articles 212 et 219-c de l'annexe II au code général des impôts.

Article 2 : Avant de statuer sur les conclusions de la requête de la société ADMINISTRATION D'IMMEUBLES CLAUDE MORELLON tendant à la décharge des compléments de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre des années 1989 à 1991, il sera procédé par les soins du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, contradictoirement avec la requérante, à un supplément d'instruction afin que cette dernière puisse apporter tous éléments permettant de déterminer, sur la base de l'année civile, le rapport d'assujettissement prévu à l'article 231-1 du code général des impôts.

Article 3 : Il est accordé au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt pour faire parvenir au greffe de la Cour les informations définies aux articles 1er et 2 ci-dessus.

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N° 99LY01797


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5eme chmabre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 99LY01797
Date de la décision : 09/06/2005
Sens de l'arrêt : Avant dire-droit
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. PFAUWADEL
Avocat(s) : CAVAILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2005-06-09;99ly01797 ?
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