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24/05/2007 | FRANCE | N°04LY00287

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 5, 24 mai 2007, 04LY00287


Vu la requête, enregistrée le 25 février 2004, présentée pour la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC, représentée par son président, dont le siège social est BP 12 à Champigny-sur-Yonne (89340), par Me de Forges, avocat au barreau de Paris ;

Elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200587-021645 du Tribunal administratif de Dijon du 31 décembre 2003 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 août 1998 et de la décision du 16 juillet 2002 par lesquels le préfet du département de l'Yonne a d'une part autorisé le changement d'expl

oitant d'une décharge d'ordures ménagères située à Champigny-sur-Yonne, d'autre part...

Vu la requête, enregistrée le 25 février 2004, présentée pour la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC, représentée par son président, dont le siège social est BP 12 à Champigny-sur-Yonne (89340), par Me de Forges, avocat au barreau de Paris ;

Elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200587-021645 du Tribunal administratif de Dijon du 31 décembre 2003 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 août 1998 et de la décision du 16 juillet 2002 par lesquels le préfet du département de l'Yonne a d'une part autorisé le changement d'exploitant d'une décharge d'ordures ménagères située à Champigny-sur-Yonne, d'autre part refusé d'en ordonner la fermeture ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'ordonner la fermeture de cette décharge ;

4°) de faire injonction au préfet de l'Yonne de mettre la société STS et la société Coved Centre Est en demeure de remettre le site en état dans les conditions fixées à l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 ;

5°) à titre subsidiaire d'interdire à l'exploitant de la décharge de recevoir des déchets autres que les déchets ultimes au sens de l'article L. 541-1 du code de l'environnement ;

6°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu l'arrêté du 9 septembre 1997 relatif aux décharges existantes et aux nouvelles installations de stockage de déchets ménagers et assimilés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2007 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de M. A, directeur de la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC, et de Me Burg, pour la société Coved ;

- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la commune de Champigny-sur-Yonne exploitait depuis 1981 une décharge sur une ancienne carrière ; qu'en 1983 elle en a confié l'exploitation à la Société Travaux Services (STS) qui, conformément à un arrêté du préfet de l'Yonne du 14 août 1998, en est devenue l'exploitant en titre ; que le 24 mai 2002, la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC, située à proximité de ce site, a demandé au préfet de l'Yonne de prononcer la fermeture de cette installation, d'ordonner la remise en état du site et d'adresser à l'exploitant une mise en demeure sur le fondement de l'article L. 514-1 du code de l'environnement ; que, par un courrier du 16 juillet 2002, le préfet de l'Yonne a indiqué à ladite société qu'un dossier de mise en conformité de la décharge litigieuse était en cours d'étude, des prescriptions techniques complémentaires devant être édictées dans le respect des prescriptions de l'arrêté susvisé du 9 septembre 1997; que la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC a déféré au tribunal administratif l'arrêté du préfet de l'Yonne du 14 août 1998 ainsi que le courrier du 16 juillet 2002 ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté la demande de la clinique et s'est borné à enjoindre au préfet de prendre un arrêté complémentaire imposant à l'exploitant des prescriptions nécessaires à la poursuite de l'exploitation dans des conditions conformes à l'arrêté ministériel du 9 septembre 1997;

Considérant que les conclusions de la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC, dirigées ainsi qu'il a été dit contre l'arrêté du préfet de l'Yonne du 14 août 1998 et la lettre du même préfet du 16 juillet 2002, doivent également être regardées comme dirigées contre la décision du préfet refusant implicitement de fermer l'installation et d'adresser à la société Coved une mise en demeure sur le fondement de l'article L. 514-1 du code de l'environnement ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 14 août 1998:

Considérant que cet arrêté porte changement d'exploitant de la décharge en cause en faveur de la société STS ; qu'en juin 2003 cette société a été absorbée par la société Coved Centre Est, laquelle lui a succédé comme nouvel exploitant du site; que, dès lors, à la date du 31 décembre 2003 à laquelle le Tribunal s'est prononcé, il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande dirigée contre l'arrêté du 14 août 1998, enregistrée au greffe du Tribunal le 30 mars 2002 ; que le jugement attaqué, qui s'est prononcé sur cette demande, doit être annulé dans cette mesure ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la clinique requérante qui, ainsi qu'il vient d'être dit, a perdu tout objet ; qu'il n'y a donc plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions dirigées contre la lettre du 16 juillet 2002 et le refus implicite du préfet de fermer le site:

En ce qui concerne la lettre du 16 juillet 2002 :

Considérant que les indications fournies par l'administration dans son courrier du 16 juillet 2002, et se rapportant à l'étude de prescriptions complémentaires susceptibles d'être imposées à l'exploitant, lesquelles ont d'ailleurs été édictées par des arrêtés ultérieurs, ne présentent pas le caractère d'une décision susceptible d'être contestée devant le juge administratif ; que, dans la mesure où elles sont dirigées contre ces indications, les conclusions présentées par la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC, qui sont irrecevables, doivent être rejetées ;

En ce qui concerne le refus implicite de fermer le site:

Considérant qu'aux termes de l'article L. 514-2 du code de l'environnement : Lorsqu'une installation classée est exploitée sans avoir fait l'objet de la déclaration ou de l'autorisation requise par le présent titre, le préfet met l'exploitant en demeure de régulariser sa situation dans un délai déterminé (...) Si l'exploitant ne défère pas à la mise en demeure de régulariser sa situation ou si sa demande d'autorisation est rejetée, le préfet peut, en cas de nécessité, ordonner la fermeture ou la suppression de l'installation (...). ; qu'aux termes de l'article L. 514-7 du même code : (...) Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil supérieur des installations classées, peut ordonner la fermeture ou la suppression de toute installation, figurant ou non à la nomenclature, qui présente, pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, des dangers ou inconvénients tels que les mesures prévues par le présent titre ne puissent les faire disparaître. ;

Considérant que, comme l'admet d'ailleurs la clinique requérante, la décharge en question ayant été autorisée et ne constituant pas un danger irrémédiable pour l'environnement, les prescriptions ci-dessus ne pouvaient autoriser sa fermeture ou sa suppression ; que d'une part, les articles précités doivent être regardés comme énonçant de manière limitative les cas dans lesquels il peut être procédé à la fermeture ou la suppression d'une installation ; que, dans ces conditions, le préfet ne pouvait que rejeter la demande de fermeture et de remise en état du site présentée par la requérante ; que le moyen tiré de la violation de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrés, qui est donc inopérant, ne peut d'autre part qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de chacun des actes susmentionnés ;

Sur la décision du préfet refusant implicitement d'adresser une mise en demeure sur le fondement de l'article L. 514-1 du code de l'environnement :

Considérant d'une part que les dispositions combinées des articles L. 541-24 et L. 541-1 du code de l'environnement prévoient qu'à compter du 1er juillet 2002, les installations d'élimination des déchets par stockage ne seront autorisées à accueillir que des déchets ultimes, un déchet ultime étant un déchet qui n'est plus susceptible d'être traité dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de sa part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux ;

Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article L. 514-1 du code de l'environnement : Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, et lorsqu'un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. ; que les conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée mentionnées par cette disposition visent non seulement les conditions fixées par l'arrêté préfectoral d'autorisation et ses éventuels arrêtés complémentaires mais aussi les prescriptions fixées par la loi et l'ensemble des textes réglementaires pris sur son fondement ; qu'ainsi, l'obligation faite à l'exploitant d'une décharge de stockage de déchets de n'accueillir que des déchets ultimes après le 1er juillet 2002 constitue l'une des conditions imposées à l'exploitant au sens de l'article L 514-1 précité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de plusieurs constats d'huissier produits par la clinique requérante que la décharge en litige entrepose et enfouit sur son site des déchets bruts n'ayant fait l'objet d'aucun tri ; que, quelles que soient les prévisions du plan d'élimination des déchets dont le département de l'Yonne s'est doté par arrêté du préfet du 31 juillet 2003, l'administration n'établit pas que les procédés de valorisation disponibles n'auraient pas permis, dans des conditions financières raisonnables, le traitement de ces déchets ; que ces derniers ne présentent pas ainsi un caractère ultime au sens des dispositions ci-dessus du code de l'environnement ; qu'en continuant à accueillir de tels déchets après la date du 1er juillet 2002, la société Coved a donc méconnu l'obligation qui s'imposait à elle de ne recevoir à compter de cette date que des déchets ultimes; que l'intervention le 20 décembre 2006 d'un arrêté du préfet de l'Yonne portant presciptions complémentaires applicables à la société Coved, indiquant en particulier que la décharge en litige ne pouvait recevoir que des déchets ayant subi un tri préalable et que ces déchets ne pouvaient être regardés comme ultimes que sous cette condition, n'a pas privé d'objet la demande présentée par la requérante dés lors que le seul fait que des déchets sont triés n'implique pas nécessairement qu'ils présentent un caractère ultime au sens des dispositions précitées du code de l'environnement ; que, par suite, en refusant de mettre en demeure ladite société de respecter cette obligation, le préfet de l'Yonne a méconnu les prescriptions de l'article L. 514-1 du code de l'environnement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus du préfet de l'Yonne d'adresser à la société Coved une mise en demeure sur le fondement de l'article L. 514-1 du code de l'environnement ;

Sur les mesures d'exécution demandées par la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC :

Considérant que, par suite de ce qui précède, les conclusions présentées par la requérante tendant à ce que soit ordonnée la fermeture de l'installation et la remise en état du site doivent être rejetées ;

Considérant en revanche qu'il y a lieu de prescrire au préfet de l'Yonne de modifier l'arrêté DCLD-2004-0276 du 28 avril 2004 portant prescriptions complémentaires relatives à l'installation de stockage de déchets ménagers et assimilés sur le territoire de la commune de Champigny-Sur-Yonne, tel qu'il a été complété par l'arrêté DCDD-2006-562 du 20 décembre 2006, en y précisant que seuls sont admissibles sur le site de la décharge les déchets présentant le caractère de déchets ultimes au sens de l'article L. 541-24 du code de l'environnement ; que, par voie de conséquence, il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 514-1 du code de l'environnement, de prescrire au préfet de l'Yonne de mettre en demeure la société Coved, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, de cesser d'admettre sur le site de la décharge des déchets qui, à les supposer triés, ne sont pas ultimes au sens des dispositions précitées du code de l'environnement ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette prescription d'une astreinte ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, le paiement de la somme que demande la société Coved au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme partie perdante, le paiement à la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 31 décembre 2003 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Yonne du 14 août 1998.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions susmentionnées.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 31 décembre 2003, en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la décision du préfet de l'Yonne refusant implicitement de mettre en demeure la société Coved de cesser d'accueillir des déchets non ultimes, ainsi que cette décision, sont annulés.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne, comme indiqué ci-dessus, de modifier l'arrêté DCLD-2004-0276 du 28 avril 2004, complété par l'arrêté DCDD-2006-562 du 20 décembre 2006 et de mettre en demeure la société Coved de cesser d'admettre sur le site de la décharge des déchets non ultimes. Un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt est imparti à l'Etat pour justifier de la mise en oeuvre de ces mesures.

Article 5 : L'Etat versera à la SOCIÉTÉ CLINIQUE KER YONNEC une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 04LY00287


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 04LY00287
Date de la décision : 24/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CHABANOL
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : DE FORGES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-05-24;04ly00287 ?
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