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28/06/2007 | FRANCE | N°04LY00487

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 juin 2007, 04LY00487


Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2004, présentée pour M. Joao X, domicilié ..., par Me Chastel, avocat ;

M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0005729 en date du 20 janvier 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles son épouse et lui-même ont été assujettis au titre des années 1993, 1994 et 1995, ainsi que des pénalités y afférentes et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 000 francs au titre des frais exp

osés par lui et non compris dans les dépens ;

22) de prononcer la décharge des s...

Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2004, présentée pour M. Joao X, domicilié ..., par Me Chastel, avocat ;

M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0005729 en date du 20 janvier 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles son épouse et lui-même ont été assujettis au titre des années 1993, 1994 et 1995, ainsi que des pénalités y afférentes et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 000 francs au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

22) de prononcer la décharge des sommes de 22 969,34 euros au titre de l'année 1993, de 27 297,52 euros au titre de l'année 1994 et de 2 080,47 euros au titre de l'année 1995 ;

33) de condamner l'Etat à lui restituer les sommes versées assorties des intérêts moratoires ;

44) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 762 ,25 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2007 :

- le rapport de M. Bourrachot, président-assesseur ;

- les observations de Me Chastel, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Pourny, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Joao X, qui a exercé du 1er février 1990 au 30 juin 1998 une activité artisanale de pose de plaques de plâtre et de menuiserie, a fait l'objet en 1996 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1993 au 30 juin 1996 ; que les redressements résultant de ce contrôle lui ont été notifiés le 12 décembre 1996 selon la procédure contradictoire pour les exercices clos en 1993 et 1994 et le 31 mars 1995, et de la procédure d'évaluation d'office en ce qui concerne l'exercice clos le 31 décembre 1995, puis ont été partiellement maintenus par une lette du 31 janvier 1997 ; que les impositions procédant de ces redressements ont été établies conformément à l'avis émis le 20 mars 1998 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'après l'admission partielle de sa réclamation le 16 octobre 2000, pour un montant de 9 618 francs (1 466 euros) correspondant à l'annulation d'une imposition faisant double emploi, M. X a saisi le Tribunal administratif de Lyon d'une demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles son épouse et lui-même ont été assujettis au titre des années 1993, 1994 et 1995, ainsi que des pénalités y afférentes restant à sa charge ; que M. X fait appel du jugement du 20 janvier 2004 rejetant cette demande ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur les moyens inopérants et sur chaque pièce ou argument présentés au soutien des conclusions des parties, ont répondu à l'ensemble des moyens opérants soulevés devant eux par des motifs qui ne sont pas entachés de contradiction ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation du jugement et d'une contradiction de ses motifs ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, d'autre part, que si le requérant fait valoir que les juges auraient commis une erreur dans la charge et l'administration de la preuve, une telle erreur est sans influence sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur les impositions établies au titre des années 1993, 1994 et 1995 du fait de l'exercice clos au 31 mars 1995 et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, applicable à la procédure de redressement contradictoire : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (…) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée » ;

Considérant qu'il résulte de l'examen de la notification de redressement adressée par le vérificateur, le 12 décembre 1996, à M. X, menuisier à Lyon, pour lui faire part notamment des impositions supplémentaires qu'il se proposait de mettre à sa charge au titre des années 1993, 1994 et 1995 du fait de l'exercice clos au 31 mars 1995, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, que ce document ne comporte pas d'indication suffisante sur les motifs qui ont conduit le vérificateur à écarter la comptabilité comme ne pouvant justifier le montant des recettes déclarées alors que le calcul du rehaussement sur recettes auquel s'est livré le vérificateur, qui repose sur une comparaison globale, exercice par exercice, entre le total des facturations émises par l'entreprise et le chiffre des recettes comptabilisées par elle, implique un rejet préalable de la comptabilité ; que si la notification fait également référence à l'absence de comptabilisation de certaines factures adressées à l'entreprise Bonglet et de certaines dépenses et l'absence de justificatifs de certaines dépenses, c'est seulement pour justifier la méthode de reconstitution de recettes mise en oeuvre par le vérificateur ; que, dès lors, la notification de redressement, qui ne mettait pas le requérant en mesure de discuter utilement les motifs de rejet de la comptabilité, n'était pas suffisamment motivée et a entaché la procédure de redressement d'irrégularité ; que cette irrégularité doit entraîner la décharge des impositions supplémentaires établies au titre des années 1993, 1994 et 1995 du fait de l'exercice clos au 31 mars 1995 ;

Sur l'imposition établie au titre de l'année 1995 du fait de l'exercice clos le 31 décembre 1995 :

En ce qui concerne la procédure d'imposition et la charge de la preuve :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : « Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales ou d'exploitations agricoles lorsque ces contribuables sont imposables selon un régime de bénéfice réel et que la déclaration annuelle des résultats n'a pas été déposée dans le délai légal … Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°. » ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 68 du même livre : « La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure … » ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 76 du même livre, applicable notamment à la procédure d'évaluation d'office : « Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination … » ; qu'aux termes de l'article L. 193 du même livre : « Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant qu'en dépit de la mise en demeure qui lui a été notifiée le 13 juin 1996 en application des dispositions de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, M. X n'a pas souscrit de déclaration de ses bénéfices industriels et commerciaux pour l'exercice clos au 31 décembre de l'année 1995 alors qu'après une interruption, il avait repris son activité au cours de la période du 2 octobre au 31 décembre 1995 ; qu'il était ainsi dans la situation d'évaluation d'office prévue par l'article L. 73 du même livre ;

Considérant, en deuxième lieu, que le rejet de la comptabilité d'un contribuable dont les bénéfices sont évalués d'office n'est pas une des conditions de mise en oeuvre de cette procédure et reste sans influence sur la charge de la preuve ; que les griefs articulés à l'encontre de la comptabilité par le vérificateur ne sont pas au nombre des bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office devant être portés à la connaissance du contribuable en application des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, le requérant ne peut utilement soutenir qu'il n'a pas été informé des griefs articulés à l'encontre de sa comptabilité ni mis en mesure de se défendre sur ce point ;

Considérant, en troisième lieu, que la notification des bases d'imposition adressée par le vérificateur, le 12 décembre 1996, à M. X, mentionne qu' il a été procédé à une reconstitution de ses recettes selon une méthode dont le principe et les modalités d'application à la situation particulière de l'entreprise sont décrits en détail et précisent la nature, le montant des bases retenues ; que l'utilisation par le vérificateur du terme de recettes pour décrire sa méthode ne révèlent ni une insuffisance de motivation ni une méconnaissance des principes de la comptabilité des créances acquises ; qu'au surplus les tableaux de dépouillement des factures non comptabilisées y étaient annexés ; qu'ainsi cette notification satisfaisait aux exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en quatrième lieu, que la procédure d'évaluation d'office ayant été appliquée aux bénéfices réalisés au cours de la période du 2 octobre au 31 décembre 1995, le requérant ne peut utilement se prévaloir de ce que la réponse de l'administration à ses observations concernant les bases d'impositions notifiées au titre de cette période serait insuffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales inapplicables à la procédure d'évaluation d'office ;

Considérant, en cinquième lieu, que l'irrégularité qui résulterait de l'emport des documents comptables par le vérificateur est, à le supposer établi, sans influence sur la régularité de la procédure d'évaluation d'office dès lors que la situation d'évaluation d'office du contribuable n'a pas été révélée par la vérification de comptabilité ;

Considérant enfin qu'en vertu des dispositions des articles L. 193 et R*. 193 ;1 du livre des procédures fiscales, il appartient au contribuable imposé d'office d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge ;

En ce qui concerne le bien-fondé :

Considérant que le contribuable à qui incombe la charge de prouver l'exagération d'une reconstitution de ses recettes peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, a une exagération des bases d'imposition, soit encore, aux mêmes fins, soumettre a l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l'administration ; qu'à l'appui de sa démonstration, il peut, en cours d'instance et à la faveur notamment d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge, non seulement apporter tous les éléments de preuve comptables ou extra-comptables, mais aussi se fonder sur des faits reconnus exacts par l'administration, ou dont le juge serait amené, en cas de contestation, a reconnaître l'exactitude ;

Considérant, d'une part, que M. X ne fonde sa contestation sur aucun élément de preuve comptable ;

Considérant, d'autre part, que la reconstitution opérée par le vérificateur a consisté dans un dépouillement des factures adressées à l'entreprise Bonglet et non comptabilisées en les comparant aux recettes comptabilisées et dans la reprise de certaines dépenses non justifiées ; que le requérant se borne sans autre précision à alléguer que la reconstitution des recettes est radicalement viciée car méconnaissant les dispositions de l'article 38 du code général des impôts régissant la détermination du bénéfice résultant de la réalisation de travaux immobiliers et que seules les facture définitives relatives à des travaux réceptionnés devaient être prises en considération tant en application de l'article 38-2 bis du code général des impôts qu'en application de la documentation administrative 4 A- 2531 n°s 18 et 19 dont il demande le bénéfice sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, alors que M. X exerçait seulement une activité artisanale de pose de plaques de plâtre et de menuiseries, il n'établit pas que les factures prises en considération par le vérificateur auraient eu le caractère de simples situations de travaux ou de factures provisoires portant sur des travaux ou sur des ouvrages devant faire l'objet d'une réception au cours de l'exercice suivant ; qu'aucune des critiques susmentionnées n'est de nature à établir le caractère radicalement vicié ou même excessivement sommaire de la méthode retenue par le vérificateur ; que le requérant ne propose aucune autre méthode ;

Considérant enfin et en tout état de cause que l'intéressé ne peut utilement faire valoir qu'il n'avait pas intérêt à minorer son bénéfice qui était exonéré en application de l'article 44 du code général des impôts dès lors que la période d'exonération prévue par ces dispositions était expirée pour l'exercice clos le 31 décembre 1995 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes de décharge des sommes de 22 969,34 euros au titre de l'année 1993 et de 27 297,52 euros au titre de l'année 1994 et l'imposition supplémentaire établie au titre de l'année 1995 du fait de l'exercice clos le 31 mars 1995 ;

Sur les conclusions aux fins de restitution et de versement d'intérêts moratoires :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : « Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal … » ; qu'en vertu du 3e alinéa de l'article R. 208-1 du même livre, ces intérêts moratoires « sont payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle le requérant a saisi la cour administrative d'appel de conclusions pouvant être regardées comme tendant à la restitution des sommes appréhendées par le comptable et au versement d'intérêts moratoires, il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable responsable du remboursement et le requérant, qui n'a formulé aucune réclamation relative à la restitution des sommes ; que le litige n'est pas davantage né en cours d'instance, l'administration n'ayant pas contesté devant la cour le principe ou le montant des sommes à rembourser du fait des décharges décidées par le présent arrêt ; que les conclusions du requérant tendant à la restitution des sommes appréhendées par le comptable doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 762,25 euros que demande M. X en remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : M. X est déchargé du complément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1993 et 1994, à concurrence respectivement de 22 969,34 euros et de 27 297,52 euros et de l'imposition supplémentaire établie au titre de l'année 1995 du fait de l'exercice clos le 31 mars 1995.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 20 janvier 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 762,25 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

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N° 04LY00487


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04LY00487
Date de la décision : 28/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : CHASTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-06-28;04ly00487 ?
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