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13/12/2007 | FRANCE | N°05LY00309

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2007, 05LY00309


Vu la requête, enregistrée le 21 février 2005 présentée par le PREFET DU PUY-DE-DOME, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 031024 en date du 1er décembre 2004, du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qui a condamné l'Etat à verser à M. Calvin X, une somme de 8 150 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2004 en indemnisation du préjudice subi par ce dernier à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé par décision du 2 janvier 2002 et en liquidation de l'astreinte prononcée par jugem

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Vu la requête, enregistrée le 21 février 2005 présentée par le PREFET DU PUY-DE-DOME, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 031024 en date du 1er décembre 2004, du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qui a condamné l'Etat à verser à M. Calvin X, une somme de 8 150 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2004 en indemnisation du préjudice subi par ce dernier à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé par décision du 2 janvier 2002 et en liquidation de l'astreinte prononcée par jugement en date du 28 mai 2002, ainsi qu'une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2007 :

- le rapport de M. Bourrachot, président ;
- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir refusé, par décision du 2 janvier 2002, de délivrer à M. X, ressortissant camerounais, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » au motif que l'intéressé ne justifiait pas d'une communauté de vie avec la ressortissante française avec laquelle il s'était marié depuis plus d'un an, le PREFET DU PUY-DE-DOME a pris, le 24 mai 2002, à l'encontre de l'intéressé, un arrêté de reconduite à la frontière, qui a été annulé le 26 mai suivant, par jugement, devenu définitif, du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, lequel a délivré à son encontre une injonction aux fins de délivrance, dans le délai d'un mois, du titre de séjour sollicité, sous astreinte journalière de 100 euros en cas d'inexécution, passé ce délai ; que si le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a également, par jugement du 4 juillet 2003, annulé la décision en date du 2 janvier 2002 pour erreur de droit, ledit jugement a lui-même été annulé par arrêt de la cour de céans en date du 10 novembre 2004, motif tiré de ce que M. X avait, en cours d'instance, obtenu son titre de séjour, le 30 décembre 2002, et que le Tribunal aurait dû constater qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur le litige ainsi privé de son objet ; que M. X a cependant obtenu du tribunal administratif à nouveau saisi le 1er juillet 2003, la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 3 150 euros en indemnisation des préjudices matériel et moral subis à raison de l'illégalité fautive dont était entaché le refus de titre en date du 2 janvier 2002, outre une somme de 5 000 euros correspondant au montant liquidé, après réduction, de l'astreinte ordonnée par le jugement du 26 mai 2002, ces deux sommes portant intérêts au taux légal à compter de la saisine du Tribunal, et enfin une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le PREFET DU PUY-DE-DOME relève appel de ce jugement en date du 1er décembre 2004, en tant qu'il prononce lesdites condamnations et que M. X forme régulièrement appel incident du même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires et en liquidation d'astreinte ;

Sur la recevabilité en première instance des conclusions indemnitaires :

Considérant que l'expiration du délai de recours contentieux contre une décision à objet non exclusivement pécuniaire, est sans incidence sur la recevabilité de conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice qui serait occasionné à son destinataire par l'illégalité de cette décision ; que contrairement à ce que soutient le PREFET DU PUY-DE-DOME, les conclusions de M. X tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il impute au refus de titre de séjour qui lui a été illégalement opposé le 2 janvier 2002 et qui a produit des effets, n'étaient pas irrecevables du seul fait, au demeurant non établi, de l'expiration du délai de recours contre ladite décision ; qu'en outre, ni l'annulation par la cour administrative d'appel, du jugement qui avait annulé ladite décision, ni le retrait implicite de cette dernière du fait de la délivrance du titre de séjour sollicité par M. X, n'ont d'incidence sur la recevabilité des conclusions indemnitaires ;

Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires :

Considérant que le PREFET DU PUY-DE-DOME ne conteste pas que le refus de délivrance de la carte de séjour « vie privée et familiale » qu'il avait opposé le 2 janvier 2002 à M. X, reposait sur le motif, entaché d'erreur de droit, tiré de ce que l'intéressé n'avait aucune communauté de vie avec son épouse ressortissante française, alors qu'une telle condition n'était pas exigée par les dispositions, en leur rédaction alors applicable, de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée et que l'intéressé réunissait toutes les autres conditions pour bénéficier d'un tel titre de séjour ; que l'illégalité de ce refus qui a produit des effets à l'égard de M. X, est constitutive d'une faute qui, nonobstant la délivrance ultérieure d'une carte de séjour temporaire, est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de l'intéressé ;

Considérant que contrairement à ce que soutient le préfet appelant, M. X justifie qu'il avait fait l'objet, avant le refus litigieux, de promesses d'embauche qui n'ont pas eu de suite faute pour lui d'être autorisé à exercer une activité professionnelle en France et que l'une d'entre elles émanait d'ailleurs de l'employeur qui l'a finalement recruté, en juin 2002, dès l'obtention d'un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ; que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision litigieuse lui avait fait perdre une chance sérieuse d'exercer ladite activité dès le mois de janvier 2002 et qu'il pouvait prétendre à l'indemnisation des préjudices résultant de cette perte de chance ; que M. X est, quant à lui, fondé à soutenir que contrairement à ce qu'a décidé le tribunal, le préjudice matériel dont il peut demander réparation, est constitué par le montant intégral des salaires dont il a été indûment privé entre les mois de janvier et de juin 2002, soit la somme de 6 138,05 euros ; que compte tenu de l'indemnité non contestée de 150 euros fixée en réparation de son préjudice moral, M. X est ainsi fondé à soutenir que le montant total de l'indemnité qui lui est due doit être porté à la somme de 6 288,05 euros ;

Sur les intérêts portant sur l'indemnité :

Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1 153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que M. X a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 6 288,05 euros, calculés à compter du 1er juillet 2003, date de la saisine du tribunal administratif ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière » ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le préfet ait versé à l'intéressé l'indemnité qui lui était due en exécution du jugement attaqué, ni les intérêts ; que M. X a donc droit à la capitalisation des intérêts échus à la date du 11 juillet 2005, date de sa demande d'anatocisme ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date que, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le requérant n'a pas ensuite formulé de nouvelles demandes de capitalisation, à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur la liquidation de l'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : « En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée (…). Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir été enjoint, par jugement en date du 26 mai 2002, de délivrer à M. X une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois, sous astreinte journalière de 100 euros, le PREFET DU PUY-DE-DOME a délivré à l'intéressé, dès le 12 juin 2002, un récépissé de demande de carte de séjour l'autorisant à travailler, et valable jusqu'au 11 septembre 2002 et qu'il a ainsi commencé d'exécuter le jugement ; que, dès lors, le taux de l'astreinte doit être ramené à 20 euros par jour ; que le préfet ne fournit cependant pas de justification suffisante au retard apporté ensuite à l'instruction de la demande, et notamment quant à la convocation de l'intéressé à l'examen médical qu'il devait subir auprès de l'Office des migrations internationales et qui ne lui a été adressée que sur relance du conseil de M. X, après l'expiration de la validité de son récépissé provisoire ; que la carte de séjour n'ayant été mise à sa disposition que le 9 décembre 2002, l'exécution complète du jugement est intervenue avec un retard excessif qui doit être estimé à 3 mois ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de ramener à 1 800 euros le montant de l'astreinte au versement de laquelle M. X est fondé à prétendre ;

Sur les intérêts portant sur l'astreinte :

Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions de l'article 1153 du code civil : « Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit. » ; qu' aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : «En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant. » ;

Considérant, d'une part, que l'obligation d'exécuter un jugement, même sous astreinte, ne constitue pas une obligation qui se borne au paiement d'une certaine somme ; que la demande d'exécution adressée à la juridiction compétente ne constitue pas davantage une sommation de payer l'astreinte prononcée le cas échéant par le juge ; qu'ainsi M. X n'était pas fondé à demander que l'astreinte porte intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2003 en application de l'article 1153 du code civil ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance qu'à la date à laquelle M. X a saisi le tribunal administratif de conclusions pouvant être regardées comme tendant au paiement d'intérêts sur le montant de l'astreinte en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, il n'existait aucun litige né et actuel entre le comptable responsable du paiement de l'astreinte et M. X, qui n'avait formulé aucune réclamation relative au paiement desdits intérêts ; que le litige n'est pas davantage né en cours d'instance, l'administration n'ayant pas contesté devant la cour le principe ou le montant des intérêts demandés ; que, dès lors, les conclusions du requérant tendant au paiement des intérêts sur le montant de l'astreinte étaient irrecevables ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que l'Etat était partie perdante en première instance et qu'ainsi le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement contesté a, sur le fondement des dispositions susmentionnées, mis à sa charge le versement d'une somme de 800 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;


DECIDE :

Article 1er : La somme de 8 150 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. X par le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 1er décembre 2004 est ramenée à 6 288,05 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2003. Les intérêts échus à la date du 11 juillet 2005 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 800 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 26 mai 2003.
Article 3 : Le jugement n° 031024 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 1er décembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel du préfet du Puy-de-Dôme est rejeté.
Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel incident de M. X est rejeté.
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N° 05LY00309


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05LY00309
Date de la décision : 13/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BESLE
Avocat(s) : SCP MICHEL - ARSAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-12-13;05ly00309 ?
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