La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2010 | FRANCE | N°08LY01101

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 février 2010, 08LY01101


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 9 mai 2008 à la Cour, régularisée le 13 mai 2008, présenté pour M. et Mme Pierre A, demeurant ... ;

M. et Mme Pierre A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600105, en date du 11 mars 2008, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1995, 1999, 2000 et 2001, et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer les décharges

demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'a...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 9 mai 2008 à la Cour, régularisée le 13 mai 2008, présenté pour M. et Mme Pierre A, demeurant ... ;

M. et Mme Pierre A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600105, en date du 11 mars 2008, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1995, 1999, 2000 et 2001, et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- qu'en vertu des dispositions des articles L. 68 et L. 73 - 2° du livre des procédures fiscales l'administration ne pouvait, en l'absence de mise en demeure préalable, imposer selon la procédure d'évaluation d'office les bénéfices non commerciaux qui ont été assignés à M. A ; que, n'exerçant pas, à titre de profession habituelle, l'activité à raison de laquelle il lui a été assigné des bénéfices non commerciaux, M. A n'avait pas à se déclarer auprès d'un centre de formalités des entreprises ; que, placé en situation d'imposition d'office, il n'a pu être informé de ses droits ; que les dispositions de la charte du contribuable vérifié ont été méconnues ; que la commission départementale des impôts aurait dû être consultée sur les rehaussements en litige ;

- que M. A n'a pas été reconnu coupable de détournements de fonds par le juge pénal ; qu'il n'y a jamais eu de détournement ; qu'il n'a pas extorqué de procuration à un tiers ; qu'il a été relaxé par la Cour d'appel en ce qui concerne les emprunts effectués au cours de l'année 1995 ; que les sommes empruntées avaient été remboursées spontanément en quasi-totalité lorsqu'il a fait l'objet de poursuites et l'avaient été pour la totalité de leur montant à la date où la Cour d'appel s'est prononcée et à la date à laquelle a commencé le contrôle fiscal ; que les restitutions doivent venir en déduction des sommes imposées ; qu'il n'y a donc pas de revenus imposables du fait de ces emprunts ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 6 mars 2009, régularisé le 9 mars 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- qu'en ce qui concerne l'année 1995, les intéressés ont, en fait, bénéficié de toutes les garanties prévues par la loi et par la charte du contribuable vérifié au profit des redevables relevant de la procédure contradictoire ; que la commission départementale des impôts n'avait pas à être consultée sur la question, seule en débat dans le différend opposant alors l'intéressé au service des impôts, de la qualification des sommes à imposer au titre des agissements délictueux de M. A ;

- qu'en ce qui concerne les années 1999, 2000 et 2001, il ressort des dispositions de l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts, que devaient se faire connaître d'un centre des impôts les assujettis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux ; que le service a donc bien pu, après avoir relevé que M. A devait être assujetti à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux à raison des sommes en cause, en l'absence de déclaration d'existence au centre de formalités des entreprises, évaluer d'office ses bénéfices non commerciaux sans mise en demeure préalable ;

- qu'il ressort de renseignements parvenus au service des impôts par l'exercice du droit de communication que M. A a fait l'objet d'une procédure pénale pour s'être fait remettre, au prétexte de prêts, des sommes importantes d'une personne en état de faiblesse ; qu'il a extorqué une procuration générale de cette personne à l'occasion de son hospitalisation ; que, durant les années 1995 à 2001, M. et Mme A n'ont procédé à aucun remboursement des sommes dont ils ont eu ainsi la disposition ; qu'ils n'ont engagé aucune des démarches requises en matière de donation ou de reconnaissance de dettes ; qu'ils n'avaient aucun lien de parenté ni de relation privilégié avec cette personne ; que M. A a été condamné par le Tribunal de grande instance de Mâcon pour abus de confiance et de faiblesse au terme d'un jugement du 8 juin 2005, confirmé par la Cour d'appel de Dijon par un arrêt en date du 1er juin 2006 ;

- que les circonstances entourant les reversements ne permettent pas de qualifier d'emprunts les opérations litigieuses ; que l'instruction et les termes du jugement du Tribunal de grande instance de Mâcon laissent apparaître l'absence de volonté du tiers en question de prêter ou de donner les sommes en cause, et l'existence de remboursements intervenus après les gardes à vue de M. A et surtout après le signalement des faits au procureur de la République ; que les remboursements intervenus au cours ou à l'issue de la procédure judiciaire ne suffisent pas à faire regarder les sommes en cause comme procédant d'emprunts non imposables ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 14 septembre 2009, régularisé le 15 septembre 2009, présenté pour M. et Mme A, tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens, et faisant valoir, en outre :

- que la documentation administrative 3 E-11-32, mise à jour au 2 novembre 1996, indique dans son § 2 que les centres des impôts agissant en tant que centre de formalités des entreprises (CFE) n'ont donc qu'une compétence résiduelle ; que la lecture de l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts est restée restrictive quant à l'obligation pour les titulaires de bénéfices non commerciaux de se faire connaître auprès d'un centre de formalités des entreprises ;

- que la Cour d'appel de Dijon n'a pas confirmé le Tribunal de grande instance ; qu'elle a relaxé Mme A et dispensé de peine M. A ; qu'il apparaît bien que les sommes étaient prêtées avec le consentement du tiers prêteur ; que les remboursements sont intervenus avant le contrôle fiscal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2010 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- les observations de Me Du Crest, avocat de M. et Mme A ;

- et les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;

- la parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant qu'à la suite de l'exercice, le 16 janvier 2004, de son droit de communication auprès du Tribunal de grande instance de Mâcon, et après avoir procédé, en 2004, à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des époux A, le service des impôts a notifié aux intéressés, selon la procédure d'évaluation d'office, au titre des années 1999, 2000 et 2001, ainsi que pour l'année 1995, à laquelle le contrôle a été étendu sur le fondement de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, des rehaussements de revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, à raison de sommes considérées comme des détournements de fonds et s'élevant respectivement à 510 000 francs, 45 000 francs, 71 749 francs et 50 000 francs, qui avaient été reçues d'une tierce personne dans des conditions reconnues par la juridiction pénale, au moins en ce qui concerne les agissements de l'intéressé au cours des années 1999, 2000 et 2001, comme constituant de la part de M. A un abus de faiblesse et de confiance ; que les rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de ces rehaussements et concernant les années 1995 et 1999 ont été assortis de la majoration de 10 % prévue en cas de défaut de déclaration ; que ceux concernant les années 2000 et 2001 ont été assortis de la majoration de 80 % prévue en cas de découverte d'une activité occulte ; que M. et Mme A font appel du jugement en date du 11 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande en décharge de ces impositions et pénalités ;

Sur le principe de l'imposition :

En ce qui concerne l'année 1995 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de l'arrêt du 1er juin 2006 de la Cour d'appel de Dijon, que cette cour n'a pas confirmé la condamnation pénale prononcée par le Tribunal de grande instance de Mâcon contre M. A pour abus de faiblesse et de confiance à l'égard du tiers victime, en relevant, d'une part que les remises de fonds effectuées en 1994 et 1995 étaient matérialisées par des reconnaissances de dettes, et, d'autre part, qu'il n'était pas soutenu que le patrimoine immobilier des époux A n'aurait pas constitué une garantie suffisante pour le remboursement de ces dettes ; que, par ailleurs, les sommes en question avaient été effectivement déjà remboursées à la date du contrôle ; que, dans ces conditions, malgré le caractère douteux des circonstances dans lesquelles sont intervenues les opérations en cause concernant l'année 1995, les sommes dont s'agit, possédées temporairement par M. A en la qualité apparente d'emprunteur, ne peuvent être regardées comme un profit imposable qu'aurait acquis M. A en conséquence de l'accomplissement d'opérations entrant dans les prévisions de l'article 92 du code général des impôts, au cours de l'année 1995 ; que, par suite, M. et Mme A sont fondés à soutenir que les impositions et contributions sociales supplémentaires établies au titre de cette année reposent sur une qualification juridique erronée des sommes litigieuses, et, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, à en demander la décharge ;

En ce qui concerne les années 1999, 2000 et 2001 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la lecture des attendus du jugement du 8 juin 2005 du Tribunal de grande instance de Mâcon, et de ceux de l'arrêt du 1er juin 2006 de la Cour d'appel de Dijon confirmant partiellement cette décision, que M. A a profité de l'état de faiblesse psychologique d'une tierce personne, avec laquelle il n'avait pas de lien de parenté ni de relations privilégiées particulières, pour prélever, sous couvert d'une procuration qu'il s'était fait donner par cette personne, en espèces ou par virement, les sommes en litige au titre des années 1999, 2000 et 2001, sans engager aucune des démarches requises en matière de donation ou de reconnaissance de dettes ; qu'ainsi, la Cour d'appel de Dijon, confirmant la condamnation du Tribunal de grande instance de Mâcon en tant qu'il avait condamné M. A pour abus de confiance et de faiblesse à raison de ses agissements au cours de ces années, a relevé que ce dernier avait abusé frauduleusement de la situation de faiblesse de sa victime, et a fondé sa condamnation sur l'absence de tout document écrit laissant à [celle-ci] la possibilité de recouvrer les fonds si [elle] se ravisait ; que, durant les mêmes années, M. A n'a procédé à aucun remboursement des sommes dont il s'était emparé ; que les remboursements que les requérants invoquent ont commencé seulement au début de l'année 2002, coïncidant avec la découverte des agissements de M. A par la femme de ménage de la victime ; que ces éléments manifestent la volonté de l'intéressé de se mettre en situation de n'avoir pas l'obligation de restituer les fonds et donc de ne pas restituer les fonds ; qu'il ne peut donc s'agir d'emprunts ; que, par suite, bien que la qualification pénale de détournement soit absente de la motivation de la Cour d'appel de Dijon, les sommes en litige au titre des années 1999, 2000 et 2001 doivent être regardées comme ayant été, au cours de ces années, en la possession de M. A et disponibles entre ses mains, et comme constituant, par conséquent, un revenu imposable au nom de son foyer fiscal ; que, ne pouvant être rattachées à aucune autre catégorie de revenus, c'est à bon droit que ces sommes ont été imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement du 1 de l'article 92 du code général des impôts ; que la circonstance que les sommes dont il s'agit aient fait, postérieurement à 2001, l'objet d'une restitution intégrale demeure sans incidence sur la situation fiscale des époux A au cours des années 1999 à 2001 et sur la qualification à donner à ces sommes ; que ces remboursements ne sauraient être pris en compte sur le fondement du 1 de l'article 93 du code général des impôts dès lors qu'ils sont postérieurs aux années d'imposition ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, issue du décret n° 98-326 du 27 avril 1998 : 7. Les centres des impôts créent les centres compétents pour les personnes suivantes dès lors qu'elles ne relèvent pas des dispositions des 1 à 6 et qu'elles n'ont pas d'autres obligations déclaratives que statistiques et fiscales : a) Les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ; b) Les assujettis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ; c) Les assujettis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux ; ; que le service des impôts a donc bien pu, après avoir relevé que M. A devait être assujetti à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux à raison des sommes en cause, en l'absence de déclaration d'existence au centre de formalités des entreprises, sur le fondement combiné du texte précité et des dispositions, déjà mentionnées, des articles L. 68 et L. 73 (2°) du livre des procédures fiscales et des articles 97 et 102 ter du code général des impôts, évaluer d'office ses bénéfices non commerciaux sans mise en demeure préalable et sans lui offrir la possibilité de la consultation de la commission départementale des impôts ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à l'occasion de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet les époux A n'aient pas bénéficié des garanties qui sont attachées à cette procédure et que prévoient le livre des procédures fiscales et la charte du contribuable vérifié ;

Considérant que M. et Mme A ne sauraient utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative 3 E 11-32, mise à jour au 2 novembre 1996, qui traite de procédure d'imposition et qui, d'ailleurs, ne contient pas une interprétation formelle de l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts qui s'oppose à l'analyse faite ci-dessus ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande en ce qui concerne les impositions et contributions sociales établies au titre de l'année 1995 ;

Sur les conclusions des époux A tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au profit des époux A, la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Les époux A sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur nom au titre de l'année 1995.

Article 2 : Le jugement n° 0600105 en date du 11 mars 2008 du Tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat paiera aux époux A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des époux A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Pierre A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2010 à laquelle siégeaient :

M. Bernault, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 février 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 08LY01101

sh


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY01101
Date de la décision : 11/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : DU CREST

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-02-11;08ly01101 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award