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07/10/2010 | FRANCE | N°09LY00044

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 octobre 2010, 09LY00044


Vu, enregistrée le 12 janvier 2009, la requête présentée pour Mme Paula A, veuve B agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure Perrine B, domiciliée respectivement ... et ... et pour M. Sylvain B et Mlle Stéphanie B, domiciliés à cette dernière adresse ;

Ils demandent à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 0603098 du 13 novembre 2008 du Tribunal administratif de Dijon qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé de La Charité-sur-Loire à indemniser du préjudice résultant

pour eux du décès de leur mari et père, M. Norbert B, survenu le 6 mai 2005, alor...

Vu, enregistrée le 12 janvier 2009, la requête présentée pour Mme Paula A, veuve B agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure Perrine B, domiciliée respectivement ... et ... et pour M. Sylvain B et Mlle Stéphanie B, domiciliés à cette dernière adresse ;

Ils demandent à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 0603098 du 13 novembre 2008 du Tribunal administratif de Dijon qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé de La Charité-sur-Loire à indemniser du préjudice résultant pour eux du décès de leur mari et père, M. Norbert B, survenu le 6 mai 2005, alors que celui-ci était hospitalisé dans cet établissement ;

2°) de faire droit à leur demande en condamnant le centre hospitalier spécialisé de La Charité-sur-Loire à verser respectivement des sommes de 15 000, 30 000, 20 000 et 20 000 euros au titre de leur préjudice matériel et moral ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de La Charité-sur-Loire le paiement à chacun d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- M. Norbert B avait fait plusieurs tentatives de suicide avant de mettre fin à ses jours le 6 mai 2005 dans la salle de bains de sa chambre ;

- Il souffrait de troubles mentaux contrairement à ce qu'a prétendu l'expert et son traitement était inadapté ;

- En raison de ses antécédents, il présentait un risque évident ;

- L'hospitalisation à la demande d'un tiers était justifiée ;

- Il souffrait de troubles de la personnalité et de dépression pour lesquels il recevait un traitement ;

- Il nécessitait des soins et une surveillance étroite ;

- L'hôpital a commis une faute médicale et une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service ;

- Le caractère soudain des tentatives de suicide de l'intéressé n'était pas inconnu de l'hôpital qui, malgré tout, a ordonné la main levée des mesures décidées par l'interne ;

- Le centre aurait dû le maintenir sous surveillance étroite et ne pas lui rendre ses affaires, y compris ses chaussures à lacets ;

- Les visites telles que celles pratiquées par le personnel, tous les trois-quarts d'heure, ne permettaient pas sa surveillance ;

- Le fait qu'il n'avait pas revêtu son pyjama aurait dû alerter l'hôpital ;

- Il n'est pas établi que sa chambre était en face du local des infirmières ;

- Le Tribunal ne pouvait pas raisonnablement mettre à leur charge des frais irrépétibles.

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a admis les intéressés à l'aide juridictionnelle partielle ;

Vu, enregistré le 12 mai 2010, le mémoire en défense présenté pour le centre hospitalier de La Charité-sur-Loire qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

- L'état de l'intéressé, très fluctuant, s'était amélioré au cours de sa dernière hospitalisation et son traitement était particulièrement difficile ;

- Il suivait un traitement médicamenteux associant antidépresseur, tranquillisant et somnifère et une surveillance adaptée a été mise en place ;

- La remise de ses chaussures avec lacets ne révèle aucune imprudence fautive.

Vu l'ordonnance en date du 8 juin 2010 fixant au 25 juin 2010 la date de clôture de l'instruction ;

Vu, enregistré le 21 juin 2010 le mémoire présenté pour Mme Paula A, veuve B, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, faisant en outre valoir qu'un nouveau suicide s'est produit au centre hospitalier ;

Vu l'ordonnance en date du 25 juin 2010 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2010 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Demailly, avocat du centre hospitalier spécialisé de La Charité-sur-Loire ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

Considérant qu'à la suite de plusieurs tentatives de suicide consécutives à des problèmes conjugaux, M. Norbert B a été hospitalisé à la demande de son épouse, le 3 mai 2005, dans l'établissement hospitalier spécialisé de la Charité sur Loire ; que dans la nuit du 5 au 6 mai suivant, M. B s'est donné la mort par pendaison avec les lacets de ses chaussures ; que Mme A agissant pour elle-même et pour sa fille mineure, ainsi que ses deux autres enfants majeurs, ont recherché devant le Tribunal administratif de Dijon la responsabilité du centre hospitalier spécialisé de La Charité-sur-Loire à raison du décès de leur époux et père ; que par un premier jugement du 28 juin 2007 le Tribunal a ordonné une expertise dont le rapport a été déposé le 10 juin 2008 et par un second jugement du 13 novembre 2008, a rejeté leur demande ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : I.-Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ... ; qu'il résulte de l'instruction que M. B qui, antérieurement à ses problèmes conjugaux, était indemne d'antécédents psychiatriques, ne souffrait pas d'une pathologie mentale avérée, notamment de type mélancolie, mais de troubles de la personnalité en lien avec ses difficultés de vie, pour lesquels il recevait un traitement adapté ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'établissement hospitalier spécialisé de La Charité-sur-Loire aurait commis une faute de diagnostic ou de traitement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise que les précautions prises par le service hospitalier, et notamment la surveillance dont M. B faisait l'objet, qui était en particulier régulièrement assurée par une visite de sa chambre tous les trois-quarts d'heure et renforcée par son installation dans une chambre située en face du local des infirmières, était adaptée à la nature des troubles dont il était atteint et à l'évolution favorable de son comportement depuis le début de son hospitalisation ; que rien au dossier ne permet d'affirmer que M. B aurait à l'insu du personnel, conservé ses habits de jour jusqu'à son décès dans la nuit et d'en déduire qu'il aurait fait l'objet d'une surveillance insuffisante ; que le fait que M. B a échappé à la vigilance des personnels et qu'il a utilisé, pour mettre fin à ses jours, les lacets des chaussures qui lui avaient été restituées le 4 mai 2005 après la levée, par le chef du service, des mesures restrictives imposées lors de son entrée à l'hôpital, ne suffit pas à établir qu'une faute a été commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service alors que, notamment, dans les heures qui ont précédé son geste, tout signe qui aurait permis de présumer d'une nouvelle tentative de suicide faisait défaut ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté leurs conclusions indemnitaires ;

Sur la condamnation par le Tribunal des consorts A au paiement des frais exposés par le centre hospitalier et non compris dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, il n'y avait pas lieu, pour le Tribunal, de mettre à la charge des consorts A les sommes exposées par le centre hospitalier spécialisé de La Charité-sur-Loire et non comprises dans les dépens ; que les requérants sont dès lors fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal à mis à leur charge le paiement au centre hospitalier spécialisé de La Charité-sur-Loire d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens devant la Cour :

Considérant que, par suite de ce que précède, les conclusions des consorts A présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 4 du jugement du Tribunal administratif de Dijon du 13 novembre 2008 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions des consorts A est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Paula A veuve B, à M. B Sylvain, à Mlle Stéphanie B, à Mlle Perrine B, au centre hospitalier spécialisé de la Charité-sur-Loire et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président de la formation de jugement,

M. Picard et M. Stillmunkes, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 octobre 2010.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00044
Date de la décision : 07/10/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : BLANCH MONTEIRO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-07;09ly00044 ?
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