La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2010 | FRANCE | N°09LY02327

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 octobre 2010, 09LY02327


Vu, enregistrée le 2 octobre 2009, la requête présentée pour Mme Simone A, domiciliée ... ;

Elle demande à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 0603020 du Tribunal administratif de Dijon du 30 juin 2009 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat français et de la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF) à lui payer une somme de 200 000 euros en réparation du préjudice dont ses parents ont souffert du fait de leur arrestation, internement et déportation à Auschwitz en 1942 ainsi que d'une somme de 80 000 euros à titre d'indemni

sation du préjudice dont elle a personnellement souffert ;

2°) de faire droit...

Vu, enregistrée le 2 octobre 2009, la requête présentée pour Mme Simone A, domiciliée ... ;

Elle demande à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 0603020 du Tribunal administratif de Dijon du 30 juin 2009 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat français et de la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF) à lui payer une somme de 200 000 euros en réparation du préjudice dont ses parents ont souffert du fait de leur arrestation, internement et déportation à Auschwitz en 1942 ainsi que d'une somme de 80 000 euros à titre d'indemnisation du préjudice dont elle a personnellement souffert ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la SNCF une somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- La juridiction administrative était compétente pour connaître de son action contre la SNCF qui, sur prétendue réquisition, participait à une opération de police administrative ;

- La SNCF agissait comme mandataire pour le compte de l'Etat dans la politique de déportation ;

- La SNCF, qui disposait d'une marge de manoeuvre utilisée au détriment des personnes transportées, n'était nullement tenue d'obéir aux ordres ;

- Les préjudices n'ont jamais été indemnisés ;

- Le principe de la réparation intégrale a été méconnu ;

- Les sommes versées au titre du décret du 13 juillet 2000 ont la nature juridique d'une aide et non d'une indemnisation et le préjudice dont il est demandé réparation n'est pas celui pris en compte par ce décret ;

- Il appartiendrait seulement à la Cour de déduire le cas échéant la somme de 27 440,82 euros perçue au titre du décret du 13 juillet 2000 de l'indemnité qui lui est due ;

- L'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protège le droit à réparation.

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 13 janvier 2010, le mémoire en défense présenté par le ministre de la défense qui conclut au rejet de la requête ;

Il expose que, par un avis n° 315499 du 16 février 2009, le Conseil d'Etat a traité les questions soulevées par la présente affaire ;

Vu l'ordonnance en date du 31 mai 2010 fixant au 15 juin 2010 la date de clôture de l'instruction ;

Vu, enregistré le 14 juin 2010 le mémoire présenté pour Mme Simone A par lequel elle a soumis à la Cour une question prioritaire de constitutionnalité ;

Vu l'ordonnance en date du 29 juin 2010 par laquelle le président-assesseur de la 6ème chambre de la Cour a rejeté la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et le protocole signé à Berlin le 6 octobre 1945 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;

Vu l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialistes ;

Vu l'accord du 18 janvier 2001 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la seconde guerre mondiale (ensemble trois annexes et un échange de notes), ainsi que les accords sous forme d'échanges de lettres en date des 7 et 10 août 2001, 30 et 31 mai 2002, 2 février 2005 et 21 février 2006 qui l'ont interprété ou modifié ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle, ensemble les ordonnances du 14 novembre 1944, 21 avril 1945 et 9 juin 1945 prises pour son application ;

Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ;

Vu l'ordonnance du 16 octobre 1944 relative à la restitution par l'administration des domaines de certains biens mis sous séquestre ;

Vu l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés ;

Vu l'ordonnance n° 45-948 du 11 mai 1945 modifiée par l'ordonnance n° 45-2413 du 18 octobre 1945, réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, ensemble ses décrets d'application n° 45-1105 du 30 mai 1945, n° 45-1447 du 29 juin 1945 et n° 46-1242 du 27 mai 1946 ;

Vu la loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de guerre, ensemble son décret d'application n° 47-1249 du 7 juillet 1947 ;

Vu la loi n° 48-978 du 16 juin 1948 portant aménagements fiscaux, notamment son article 44 ;

Vu la loi n° 48-1404 du 9 septembre 1948 définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques, ensemble son décret d'application n° 50-325 du 1er mars 1950 ;

Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ;

Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, notamment son article 106 ;

Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, notamment son article 112 ;

Vu le décret n° 61-971 du 29 août 1961 portant répartition de l'indemnité prévue en application de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, en faveur des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécutions national-socialistes ;

Vu le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'occupation ;

Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ;

Vu le décret du 26 décembre 2000 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2010 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

Considérant que les parents de Mme Simone A, M. et Mme B, ont été arrêtés le 28 juillet 1942 à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) à raison de leurs origines juives et depuis Chalon-sur-Saône, où ils avaient été incarcérés, ont été transférés par train au camp de Drancy et sont morts au camp d'Auschwitz à la suite de leur déportation en septembre 1942 ; que Mme Simone A a saisi l'Etat et la SNCF, de demandes préalables d'indemnisation des préjudices subis par ses parents ainsi que des préjudices dont elle a personnellement souffert du fait de l'arrestation et de la disparition de ces derniers ; que ses réclamations préalables ayant été rejetées, implicitement par l'Etat et expressément par la SNCF, elle a demandé au Tribunal administratif de Dijon la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à l'indemniser de ces préjudices ; que, par un jugement du 30 juin 2009, le Tribunal s'est déclaré incompétent pour connaître des conclusions dirigées contre la SNCF et a rejeté les conclusions dirigées contre l'Etat ;

Sur les conclusions dirigées contre la SNCF :

Considérant que si, à l'époque des faits, la SNCF, qui était une personne privée assurant, en application de la convention approuvée par le décret-loi susvisé du 31 août 1937, le service public industriel et commercial des transports ferroviaires, avait été placée à la disposition des autorités d'occupation allemandes entre 1940 et 1944 et utilisée par les forces d'occupation pour les opérations de transport vers des camps d'internement des personnes arrêtées et détenues à raison de leur origine juive notamment, l'exécution de telles opérations ne permet pas de la regarder comme ayant assumé, dans le cadre d'un mandat, au nom et pour le compte de l'Etat, la politique de déportation mise en oeuvre par ce dernier, malgré le contrôle majoritaire par l'Etat de son conseil d'administration, les subventions reçues de celui-ci et l'approbation par décret de ses statuts et de son cahier des charges ; qu'en dépit des ordres de réquisition dont elle a pu faire l'objet de la part des autorités étatiques pour le transport de déportés, la SNCF ne saurait davantage être regardée comme ayant concouru à une mission de police administrative du seul fait de ces opérations; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, en écartant ses conclusions dirigées contre la SNCF comme ne relevant pas de la compétence de la juridiction administrative le Tribunal administratif de Dijon n'a pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité ;

Sur les conclusions dirigées contre l'Etat :

Considérant qu'en plus des mesures d'ordre symbolique destinées à réparer les souffrances exceptionnelles endurées par les personnes victimes de persécutions antisémites, l'Etat a pris une série de dispositions d'ordre financier, sous forme de pensions, d'indemnités, d'aides ou des mesures de réparation, pour compenser les préjudices matériels et moraux subis par les victimes de la déportation et par leurs ayants droit, et notamment le décret susvisé du 13 juillet 2000 prévoyant le versement, à titre de réparation, d'une rente mensuelle ou d'un capital aux orphelins de déportés âgés de moins de 21 ans à la date de la déportation de leur parent ; que l'ensemble de ces dispositions doivent être regardées comme ayant permis, autant qu'il a été possible, l'indemnisation, dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment l'article 1er du protocole n°1 de cette convention, des préjudices de toute nature causés par les actions de l'Etat qui ont concouru à la déportation ; que la requérante, qui entre dans le champ de ces dispositions, ne saurait faire valoir d'autres droits que ceux qui en découlent; que, dès lors, les conclusions de Mme A tendant à la condamnation de l'Etat ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions formées par Mme A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Simone A, au ministre de la défense , au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et à la Société Nationale des Chemins de Fer.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président de la formation de jugement,

M. Picard et M. Stillmunkes, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 octobre 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 09LY02327


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02327
Date de la décision : 07/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : ARCHAMBAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-07;09ly02327 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award