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03/02/2011 | FRANCE | N°09LY02274

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 03 février 2011, 09LY02274


Vu la requête, enregistrée le 25 septembre 2009, présentée pour M. Jean-Marc A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900250 du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que le commune de Tence soit condamnée à lui verser la somme de 21 049,88 euros en réparation des conséquences dommageables de son éviction illégale du marché de maîtrise d'oeuvre d'une opération de réhabilitation d'une chaufferie fonctionnant au bois et d'un réseau de chaleur ;

2°) de con

damner la commune de Tence à lui verser, à titre principal, la somme de 21 049,88 euros...

Vu la requête, enregistrée le 25 septembre 2009, présentée pour M. Jean-Marc A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900250 du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que le commune de Tence soit condamnée à lui verser la somme de 21 049,88 euros en réparation des conséquences dommageables de son éviction illégale du marché de maîtrise d'oeuvre d'une opération de réhabilitation d'une chaufferie fonctionnant au bois et d'un réseau de chaleur ;

2°) de condamner la commune de Tence à lui verser, à titre principal, la somme de 21 049,88 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2008, les intérêts étant eux mêmes capitalisés, subsidiairement la somme de 4 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Tence une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le Tribunal a commis une erreur en considérant que la production de son compte de résultat ne permettait pas de calculer son manque à gagner alors que la moyenne des valeurs ajoutées des années 2003 et 2004 permettait de reconstituer sa marge ; que le préjudice commercial du fait de l'absence de référence supplémentaire est établi ; que dès lors qu'il n'était pas dépourvu de toute chance d'obtenir le marché, il avait au moins droit au remboursement des frais engagés pour présenter son offre ; que l'offre de son groupement correspondait parfaitement aux prescriptions du dossier de consultation des entreprises ; que son offre était l'une des deux retenues et que sans les négociations irrégulières, son offre était la moins disante et aurait sans aucun doute été retenue puisque c'est le critère du prix qui a prévalu pour le choix ; qu'il présentait les compétences et les exigences requises pour obtenir le marché, comme la commue l'a d'ailleurs reconnu dans son courrier du 2 décembre 2004 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2009, présenté pour la commune de Tence qui conclut à l'infirmation partielle du jugement en ce qu'il a retenu dans ses motifs qu'elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et que le groupement a été du fait du caractère irrégulier de la procédure privé d'une chance très sérieuse de remporter le marché, à la confirmation du dispositif de rejet de la demande et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les motifs que sa demande était irrecevable, le recours indemnitaire ne pouvant être exercé par les membres du groupement pris individuellement pour leur propre compte mais seulement pour le compte du groupement qui a subi dans son ensemble le préjudice ; que la commune a pris acte de l'irrégularité entachant le marché en l'abandonnant prématurément ; que toute irrégularité n'induit pas toujours une responsabilité administrative quand la décision est justifiée au fond et qu'en l'espèce la réalisation du marché s'avérait urgente ; que le lien de causalité est indirect, le groupement s'étant exposé lui-même au préjudice subi qui était prévisible pour lui, compte tenu du peu de chance qu'il avait en réalité d'obtenir le marché ; que le bureau d'études Brunel avait montré les limites de sa capacité à répondre aux contraintes d'un marché public en déposant son dossier le jour de clôture, qui avait été pourtant reporté ; qu'il s'est exposé à son préjudice en adressant une offre non conforme aux exigences du marché public ; que l'expérience du cabinet Vallet et Tassin s'avérait plus en phase avec l'objet du marché au regard des garanties justifiées par des références de réalisation tandis que le cabinet Brunel ne présentait pas de garanties techniques et financières suffisantes ; que le différentiel comptable allégué ne se rattache pas expressément au marché manqué ; que le préjudice commercial correspond aux aléas normaux inhérents à la profession de bureau d'études de même que les frais de présentation de l'offre ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2010, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et par les motifs, en outre, que le coût de l'offre constituait un critère déterminant pour la commune qui, sinon, n'aurait pas eu besoin de demander au cabinet Valet et Tassin de diminuer son offre ; que la demande formée distinctement par les trois membres du groupement est recevable dès lors que les règles de la représentation au sein du groupement ne trouvent plus à s'appliquer en l'absence de titre permettant de fonder une solidarité active à l'égard de la commune, les demandes étant d'ailleurs fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle ; que le marché a été résilié justement en raison de la faute commise par la commune de Tence et que l'urgence ne lui permettait pas de s'affranchir des règles du code des marchés ; que la commune reconnaît dans ses écritures que si elle n'avait pas invité le cabinet Vallet et Tassin à réduire son offre c'est sans aucun doute le cabinet Brunel qui aurait été retenu ; qu'il disposait de toutes les garanties techniques, professionnelles et financières exigées par le règlement de la consultation ; que le fait que le marché ait été résilié n'a aucune incidence sur le préjudice ;

Vu le mémoire enregistré le 8 novembre 2010 par lequel la commune de Tence conclut aux mêmes fins que précédemment par les motifs, en outre, que l'appel est irrecevable comme étant dirigé contre un jugement n° 0900247 dans une affaire concernant M. GENOVA ; que les éléments comptables produits ne permettent pas d'établir un lien entre la perte du marché et les résultats comptables ; que les frais de présentation de l'offre sont inhérents à l'activité des bureaux d'études pour les marchés publics ;

Vu le mémoire enregistré le 12 novembre 2010 par lequel M. A réduit à 18 534,70 euros le montant de la condamnation sollicitée à titre principal et pour le surplus conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et en outre par les motifs qu'il a fait intervenir un expert comptable aux fins d'étayer l'évaluation de son préjudice qui lui permet un taux de marge sur coût variable de 83,52 % ;

Vu le mémoire enregistré le 6 décembre 2010 par lequel la commune fait valoir que le document comptable produit à l'appui du dernier mémoire l'a été trop tardivement pour pouvoir faire l'objet d'une critique contradictoire ; que l'expert sollicité ne présente pas de garantie d'impartialité, n'évoque que des préjudices éventuels et que son rapport n'est pas accompagné de pièces justificatives ;

Vu le mémoire enregistré le 7 décembre 2010 par lequel M. A réduit à 16 462,76 euros la somme demandée à titre principal et à 578,75 euros celle sollicitée à titre subsidiaire par les mêmes moyens et par les motifs, en outre, que le rapport définitif de l'expert comptable lui permet de chiffrer définitivement son préjudice ;

Vu le mémoire enregistré le 9 décembre 2010 par lequel la commune de Tence conclut aux mêmes fins que précédemment par les motifs, en outre, que la pièce 38, qui comporte des comparaisons à partir de bases diverses devrait être écarté et que les frais de procédure sont réclamés plusieurs fois ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2011 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

- les observations de Me Mouseghian, représentant M. B et de Me Boulloud représentant la commune de Tence,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Mouseghian et à Me Boulloud ;

Considérant que par avis d'appel public à la concurrence paru le 20 septembre 2004, la commune de Tence a procédé à une consultation selon la procédure adaptée en vue de l'attribution du marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la construction d'une chaufferie bois et d'un réseau de chaleur ; que ce marché a été attribué, par acte d'engagement en date du 24 décembre 2004, au groupement ayant pour mandataire la société civile d'études techniques Louis Vallet et Michel Tassin ; que saisi par le bureau d'études Brunel, qui avait également présenté une offre pour ledit marché au sein d'un autre groupement constitué en outre de M. Genova, architecte et de M. B, économiste, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par un jugement en date du 20 avril 2006 devenu définitif, au motif que la commune de Tence avait violé le principe d'égalité de traitement des candidats, a annulé toutes les décisions relatives à l'attribution de ce marché à la société civile d'études techniques Louis Vallet et Michel Tassin ; que M. A qui a ensuite demandé la condamnation de la commune à réparer le préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de l'éviction illégale du marché susmentionné du groupement dont il était membre, fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Sur l'appel incident de la commune :

Considérant que la commune demande par la voie de l'appel incident la réformation partielle du jugement en ce qu'il a retenu dans ses motifs qu'elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et que le groupement a été du fait du caractère irrégulier de la procédure privé d'une chance très sérieuse de remporter le marché ; que de telles conclusions qui ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement sont irrecevables ;

Sur les fins de non-recevoir opposée par la commune :

Considérant qu'en sa qualité de membre d'un groupement qui n'avait été constitué que pour les besoins du marché, M. A est recevable à demander pour son compte réparation du préjudice que lui a personnellement causé l'éviction irrégulière dudit groupement ;

Considérant que la circonstance que la requête d'appel de M. A soit entachée d'erreurs purement matérielles quant au numéro d'ordre du jugement attaqué et au nom des parties, lesquelles n'empêchent pas l'identification exacte de l'un et des autres, est sans incidence sur la recevabilité de la requête ;

Sur l'appel principal :

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi ;

Considérant que si la commune de Tence prétend dans ses écritures contentieuses que l'offre du groupement Brunel ne satisfaisait pas aux exigences du marché compte tenu de son manque d'expérience en matière de chaufferie et de sa capacité limitée de répondre aux contraintes des marchés publics, révélée par le dépôt de son offre seulement le dernier jour, il résulte de l'instruction que sur l'ensemble des offres reçues en mairie, la commune avait distingué favorablement les propositions de deux groupements, d'une part celui représenté par la société civile d'études techniques Louis Vallet et Michel Tassin et, d'autre part, celui représenté par le bureau d'études Brunel, compte tenu de leur étude approfondie et de leur rapport qualité prix ; qu'il n'est pas contesté que la commune de Tence avait postérieurement à la clôture de réception des offres, poursuivi les négociations en demandant au seul cabinet Vallet-Tassin de réduire le montant de son offre à la somme de 81 750 euros, correspondant à celle faite par le groupement du bureau d'études Brunel, afin que les deux candidats puissent être considérés comme présentant des offres affichant un montant rigoureusement identique ; que si la commune soutient que l'expérience du cabinet Vallet et Tassin s'avérait plus en phase avec l'objet du marché au regard des garanties justifiées par des références de réalisation tandis que le cabinet Brunel ne présentait pas de garanties techniques et financières suffisantes, il résulte de l'instruction que le critère du prix a été déterminant dans le choix opéré par la commune ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que, du fait du caractère irrégulier de la procédure de passation, le groupement dont il faisait partie a perdu les chances sérieuses qu'il avait d'emporter le marché de maîtrise d'oeuvre pour la construction de la chaufferie bois et du réseau de chaleur de la commune de Tence ;

Considérant que la circonstance que la commune de Tence ait procédé en 2006 à la résiliation du marché litigieux, d'ailleurs à la suite de l'action en justice introduite par le bureau d'études Brunel, est sans incidence sur les droits à indemnisation du candidat irrégulièrement évincé ;

Considérant que, dans ces conditions, M. A a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner en résultant pour lui, excluant le remboursement des frais généraux de l'entreprise qui seraient affectés à ce marché ; que ce manque à gagner doit être déterminé en fonction du bénéfice net que lui aurait personnellement procuré le marché si le groupement l'avait obtenu ; que M. A soutient qu'il avait, dans la répartition du marché entre les membres du groupement, une part de 12,5 % et que la marge nette qu'il pratique habituellement est de 83,52 % ; qu'eu égard aux éléments comptables produits et compte tenu du prix du marché conclu, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner subi personnellement par M. A en l'évaluant à 7 000 euros ;

Considérant, en revanche, que les frais exposés par M. A pour l'établissement de son offre sont au nombre de ceux qu'il lui incombait normalement d'engager pour obtenir l'attribution du marché et qui devaient trouver leur contrepartie dans la rémunération afférente à la réalisation de ce dernier, et qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à en demander l'indemnisation ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la perte du marché ait porté atteinte à sa réputation commerciale au cours des années suivantes ou justifierait l'indemnisation d'un préjudice commercial ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Tence ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. A a droit aux intérêts au taux légal sur la somme qui lui est attribuée par le présent arrêt à compter, non de la date invoquée par lui de sa demande préalable d'indemnisation, en l'absence d'établissement de sa date de réception, mais du 6 février 2009, date d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

Considérant que M. A a demandé la capitalisation des intérêts dès l'enregistrement de sa requête devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que la capitalisation des intérêts, si elle peut être demandée à tout moment devant le juge, ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation s'accomplit ensuite de nouveau à chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de M. A à compter du 6 février 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Tence demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant en revanche qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions de M. A tendant à ce que soit mis à la charge de la commune de Tence le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0900250 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 juillet 2009 est annulé.

Article 2 : La commune de Tence est condamnée à verser à M. A la somme de 7 000 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 6 février 2009. Les intérêts échus à la date du 6 février 2010 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La commune de Tence versera à M. A, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A et les conclusions de la commune de Tence sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Marc A, à la commune de Tence et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2011, à laquelle siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

- Mme Vinet, conseiller

Lu en audience publique, le 3 février 2011.

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N° 09LY02274


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02274
Date de la décision : 03/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : BOULLOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-03;09ly02274 ?
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