La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2011 | FRANCE | N°09LY00721

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 17 février 2011, 09LY00721


Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2009, présentée pour Mme Carmela A domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0605714 du 17 février 2009 en tant, d'une part, qu'il n'a pas regardé comme établi le lien de causalité entre sa contamination par le virus de l'hépatite B et les transfusions sanguines dont elle a fait l'objet au centre hospitalier de Chambéry en 1970 et 1974 et, d'autre part, qu'il a limité à la somme de 80 000 euros la condamnation de l'Etablissement français du sang destinée

à réparer les préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le viru...

Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2009, présentée pour Mme Carmela A domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0605714 du 17 février 2009 en tant, d'une part, qu'il n'a pas regardé comme établi le lien de causalité entre sa contamination par le virus de l'hépatite B et les transfusions sanguines dont elle a fait l'objet au centre hospitalier de Chambéry en 1970 et 1974 et, d'autre part, qu'il a limité à la somme de 80 000 euros la condamnation de l'Etablissement français du sang destinée à réparer les préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

2°) de porter la condamnation de l'Etablissement français du sang à une somme qui ne saurait être inférieure à 160 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2006 et capitalisation des intérêts, en réparation de sa contamination transfusionnelle par les virus de l'hépatite B et de l'hépatite C ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que sa contamination par le virus de l'hépatite B et par le virus de l'hépatite C est imputable aux transfusions dont elle a fait l'objet lors de ses accouchements en 1970 et 1974 ; que, conformément à l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, l'Etablissement français du sang est présumé responsable de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C dès lors qu'il n'apporte pas la preuve contraire ; que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas regardé comme établi le lien de causalité entre sa contamination par le virus de l'hépatite B et les transfusions dont s'agit dès lors que l'expert l'a qualifié de très probable ; que l'Etablissement français du sang doit donc être déclaré responsable de cette contamination, sur le fondement des articles 1147 et suivants du code civil, dès lors qu'il est tenu de fournir un sang exempt de vice et qu'il ne peut s'exonérer de cette obligation de résultat qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère ; que la co- infection aggrave son préjudice dans la mesure où la présence du virus de l'hépatite B a des conséquences sur les possibilités de prise en charge thérapeutique de l'hépatite C ; que compte tenu des conséquences engendrées par son affection hépatique, les premiers juges ont sous-évalué son préjudice personnel ; que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le lien de causalité entre, d'une part, sa contamination et, d'autre part, ses pertes de revenus et son préjudice professionnel n'était pas établi ; qu'elle a justifié d'arrêts de travail en rapport avec une affection longue durée et de sa mise en invalidité ; que sa maladie est à l'origine de la diminution de ses revenus et de ses droits à pension de retraite ; qu'elle est dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle ; que les premiers juges ont opéré une différence de traitement dès lors qu'ils ont assorti l'indemnité due à la caisse primaire d'assurance maladie des intérêts de droit sans assortir l'indemnité qui lui revient des mêmes intérêts ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 4 août 2009, le mémoire présenté par l'Etablissement français du sang qui conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas regardé comme établi le lien de causalité entre la contamination de la requérante par le virus de l'hépatite B et les transfusions dont elle a fait l'objet, à sa réformation en tant qu'il a alloué des indemnités qu'il estime excessives et à ce que Mme A soit condamnée à supporter les dépens ; il soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que sa responsabilité devait être présumée, s'agissant de la seule contamination de la victime par le virus de l'hépatite C, conformément aux dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ; que c'est également à juste titre que le tribunal administratif a jugé que le lien de causalité entre les transfusions incriminées et la contamination de Mme A par le virus de l'hépatite B n'était pas établi ; que, en effet, la requérante ne rapporte pas la preuve que les transfusions sont à l'origine de cette dernière contamination ; que les prétentions indemnitaires de Mme A, non détaillées et excessives, doivent être rejetées ; que c'est à tort que le tribunal administratif a alloué à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble une somme de 8200,35 euros au titre des arrérages échus, au 8 février 2008, d'une pension d'invalidité dès lors que le versement desdits arrérages ne saurait intervenir au-delà de la date de consolidation fixée par l'expert, soit le 10 octobre 2007 ; que la méthode de capitalisation n'est pas justifiée ; que Mme A ne justifie pas d'une perte de revenus, non compensée par des prestations de la caisse primaire d'assurance maladie, et d'une incidence professionnelle imputables à la contamination ; que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à verser une somme de 3145,85 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble au titre du capital représentatif des frais futurs dès lors que ces frais ne sont ni justifiés ni certains et qu'il n'a pas donné son accord pour la capitalisation ; que l'incapacité permanente partielle dont Mme A est atteinte justifie une indemnité de 42 000 euros ; que la réparation du préjudice de la douleur et du préjudice d'agrément ne saurait excéder les sommes respectives de 4 000 et 6 000 euros ; que le préjudice psychologique imputable à la contamination virale doit être fixé à la somme de 8 000 euros ;

Vu, enregistré le 28 août 2009, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble qui conclut à la réformation du jugement attaqué en tant, d'une part, qu'il n'a pas regardé comme établi le lien de causalité entre la contamination de Mme A par le virus de l'hépatite B et les transfusions sanguines dont elle a fait l'objet au centre hospitalier de Chambéry en 1970 et 1974 et, d'autre part, qu'il a limité à la somme de 50 146,35 euros la condamnation de l'Etablissement français du sang au titre de ses débours, à ce que l'Etablissement français du sang soit déclaré responsable de la contamination transfusionnelle de la requérante par le virus de l'hépatite B, à ce que la condamnation de ce dernier au titre des prestations exposées pour le compte de la victime soit portée à la somme de 74 090,85 euros, à ce qu'une somme de 955 euros soit mise à sa charge au titre de l'indemnité forfaitaire et une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'Etablissement français du sang doit être déclaré responsable de la contamination, qualifiée de très probable par l'expert, de Mme A par les virus de l'hépatite B comme de l'hépatite C dès lors qu'il ne rapporte pas la preuve que les transfusions ne sont pas à l'origine de l'infection ou la preuve d'une cause étrangère ; qu'elle est bien fondée, conformément aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, à obtenir le remboursement des prestations servies à la victime ;

Vu, enregistré par télécopie le 13 novembre 2009 et régularisé le 17 novembre 2009, le mémoire présenté pour l'Etablissement français du sang qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ; il conclut en outre au rejet des demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble au titre du capital de la rente d'invalidité et des frais futurs ; il fait valoir que la somme de 5763,08 euros sollicitée au titre des arrérages échus, au 10 octobre 2007, peut seule être admise s'agissant de ce poste de préjudice ; que la caisse ne donne toujours aucune précision sur le mode d'évaluation du capital invalidité dont elle demande le paiement ;

Vu, enregistré par télécopie le 3 août 2010 et régularisé le 4 août 2010, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens, en réévaluant toutefois sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire à la somme de 966 euros ; elle fait par ailleurs valoir que la jurisprudence admet le prise en compte du capital représentatif d'une pension d'invalidité au titre des préjudices ;

Vu, enregistrés les 11 et 13 octobre 2010, les mémoires présentés pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées à son encontre et tendant à la réparation des préjudices nés de la contamination de Mme A par le virus de l'hépatite B, au rejet des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble dirigées à son encontre et à ce que l'indemnité allouée à la victime n'excède pas la somme de 102 817,17 euros ; il soutient qu'il est substitué à l'Etablissement français du sang dans les contentieux liés à une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C mais pas dans ceux liés à une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite B ; que le jugement attaqué doit être confirmé en tant qu'il n'a pas regardé comme établi le lien de causalité entre la contamination de Mme A par le virus de l'hépatite B et les transfusions dont elle a fait l'objet ; qu'il ne saurait être condamné à réparer les conséquences dommageables de cette dernière contamination ; que les recours subrogatoires des tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime ne peuvent s'exercer à son encontre dès lors qu'il intervient au titre de la solidarité nationale ; qu'il ne saurait par conséquent être condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble ses débours ; qu'en tout état de cause il appartient à la caisse de justifier de ces derniers ; que les demandes indemnitaires de Mme A doivent être ramenées à de plus justes proportions et ses préjudices indemnisés conformément au référentiel indicatif de l'Office ; que le lien de causalité entre le préjudice professionnel allégué par la requérante et la contamination de celle-ci par le virus de l'hépatite C n'est pas établi ; que le déficit fonctionnel permanent qui affecte la victime ne saurait être indemnisé par une somme excédant 52 817,17 euros ; que les troubles de toute nature dans les conditions d'existence peuvent donner lieu à une indemnité de 50 000 euros ;

Vu, enregistré le 3 novembre 2010, le mémoire présenté pour l'ONIAM qui conclut à la réouverture de l'instruction et à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'un avis du Conseil d'Etat ; il soutient qu'il y a lieu dans la présente affaire d'attendre l'avis du Conseil d'Etat relatif à la possibilité pour les tiers payeurs d'exercer un recours subrogatoire contre l'office lorsque celui-ci est substituer à Etablissement français du sang à raison d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

Vu le mémoire enregistré le 25 novembre 2010, présenté pour Mme A qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que la responsabilité de l'Etablissement français du sang est engagée en qualité de fournisseur de produit ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, notamment son article 18 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, notamment son article 67 ;

Vu l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;

Vu le décret n° 2010-252 du 11 mars 2010 relatif à la dotation couvrant les dépenses liées à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ;

Vu l'arrêté du 10 novembre 2010 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu l'arrêté du 15 mars 2010 portant nomination au conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2011 :

- le rapport de M. Vivens, président ;

- les observations de Me Aubert-Moulin, avocat de l'Etablissement français du sang et de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant de nouveau été donnée aux parties présentes ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a jugé d'une part, que Mme A apportait, conformément à l'article 102 de la loi susvisée du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse de sa contamination par le virus de l'hépatite C lors de transfusions pratiquées en 1970 et 1974 au centre hospitalier de Chambéry un degré suffisamment élevé de vraisemblance et d'autre part, que le lien de causalité entre les mêmes transfusions et la contamination de l'intéressée par le virus de l'hépatite B ne pouvait être regardé comme établi ; qu'il a condamné l'Etablissement français du sang, substitué dans les droits et obligations du centre de transfusion sanguine de Chambéry, à verser une indemnité de 80 000 euros à Mme A en réparation des préjudices nés de sa contamination par le virus de l'hépatite C et à verser une somme de 50 146,35 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, au titre des débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble pour le compte de son assurée ; que Mme A fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas regardé comme établi le lien de causalité entre sa contamination par le virus de l'hépatite B et les transfusions et demande la majoration des indemnités accordées par les premiers juges, cependant que la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble demande également la majoration de ses droits à remboursement ; que, si l'Etablissement français du sang ne conteste pas l'origine transfusionnelle de la contamination de la victime par le virus de l'hépatite C, il fait valoir que le lien de causalité entre l'infection par le virus de l'hépatite B et les transfusions incriminées n'est pas établi et conclut au rejet de la requête et à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à verser des indemnités qu'il estime excessives ;

Sur la substitution partielle de l'ONIAM à l'Etablissement français du sang :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique issu du I de l'article 67 de la loi susvisée du 17 décembre 2008 : Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4... ; qu'aux termes du IV du même article 67 de la loi susvisée du 17 décembre 2008 : A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ; qu'il est constant que ces dispositions de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 sont entrées en vigueur le 1er juin 2010 ; que l'office national d'Indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) se trouve donc substitué à l'Etablissement français du sang dans la présente instance relative à l'indemnisation du préjudice résultant de la contamination de Mme A au titre de l'hépatite C ;

Considérant toutefois que l'ONIAM fait valoir que le recours des caisses de sécurité sociale subrogées dans les droits d'une victime d'un dommage organisé par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, s'exerce à l'encontre des auteurs responsables de l'accident survenu à la victime et ne peut être exercé contre l'ONIAM dès lors qu'il prend en charge la réparation de ce dommage au titre de la solidarité nationale ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi susvisée du 4 mars 2002 : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. ; que ces dispositions instituent un régime de présomption de responsabilité ; qu'ainsi les préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C du fait d'une transfusion sanguine sont indemnisés lorsque l'administration est déclarée responsable du fait de la fourniture d'un sang qui a pu en être à l'origine ;

Considérant par ailleurs que si le premier alinéa de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique définit L'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales [comme] ... un établissement public à caractère administratif de l'Etat, ... chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1, à l'article L. 1142-1-1 et à l'article L. 1142-17, des dommages occasionnés par la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale ainsi que des indemnisations qui lui incombent, le cas échéant, en application des articles L. 1142-15 et L. 1142-18 , les deux alinéas suivants disposent qu'il ... est également chargé par diverses lois successives de la réparation ou de l'indemnisation des victimes de divers dommages qui ne relèvent pas tous explicitement ou nécessairement de la solidarité nationale ;

Considérant ainsi que, lorsqu'il se trouve substitué à l'Etablissement français du sang dont seule, jusqu'alors, la responsabilité pouvait être recherchée par les victimes atteintes d'une hépatite C contractée par voie transfusionnelle, l'ONIAM ne se présente pas en qualité de payeur au titre de la solidarité nationale, mais comme responsable de la contamination ; que, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, il n'est donc pas fondé à soutenir que l' action subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble serait irrecevable à son encontre ; que la circonstance que les dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique prévoient dans le cadre de la procédure amiable qui est mise en place par l'article 67 de la loi susvisée du 17 décembre 2008 que l'offre d'indemnisation est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17 , c'est-à-dire en tenant compte des prestations de la caisse dont elle a bénéficié, est sans incidence sur les droits de la caisse eux-mêmes et ne saurait en tout état de cause réduire ses droits dans les instances en cours où l'ONIAM est légalement substitué à l'Etablissement français du sang ;

Sur la responsabilité à raison d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite B :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée en référé, que Mme A a été transfusée en 1970 et 1974 lors d'accouchements par césarienne au centre hospitalier de Chambéry et s'est révélée séropositive au virus de l'hépatite B en juillet 1990 ; que, toutefois, le virus de l'hépatite B est actuellement inactif, inférieur au seuil de détection ; que, dans ces conditions, aucun préjudice indemnisable liée à la contamination par l'hépatite B n'est établi ;

Sur l'évaluation du préjudice lié à l'hépatite C :

Considérant que la circonstance que Mme A demande que l'indemnité réparant ses préjudices soit portée à la somme de 160 000 euros, sans chiffrer à nouveau ces derniers poste par poste, ne rend pas ses conclusions indemnitaires irrecevables ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant qu'il n'est pas contesté que la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble a exposé, à raison de l'affection hépatique de son assurée, des frais d'hospitalisation et des frais médicaux et pharmaceutiques pour les sommes respectives de 718,09 euros et 38 025,42 euros allouées par le jugement attaqué ; que, par ailleurs, en prévoyant que Mme A aura besoin de deux consultations de spécialiste et de deux échographies abdominales par an ainsi que d'actes de biologies, la caisse primaire justifie suffisamment de ses frais futurs qu'elle évalue à 293,32 euros par an ; que, en revanche, en l'absence d'accord de l'ONIAM pour un remboursement du capital représentatif de ces frais futurs, il y a lieu de le condamner à rembourser, sur justificatifs, ces frais à chaque échéance annuelle dans la limite de la somme totale de 3 281,37 euros ;

Quant aux pertes de revenus et au préjudice professionnel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal qu'à l'occasion de dons de sang en 1990 et 1992, Mme AMATUCI, née en 1951, a été informée de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que Mme A soutient que son affection hépatique est à l'origine de sa cessation d'activité professionnelle et demande réparation des pertes de revenus qu'elle a subies, depuis 1994, et de la diminution consécutive de ses droits à pension de retraite ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que Mme A a été licenciée en 1994 pour un motif économique ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que de 1996 à 2004 la victime n'a sollicité aucun suivi particulier, n'a fait l'objet d'aucun traitement antiviral, qu'elle présentait un taux des transaminases normal, que son état général était bon et qu'elle s'adonnait à une activité sportive régulière ; que son affection hépatique ne peut donc être regardée comme étant à l'origine de son absence de revenus d'activité jusqu'en 2004 ;

Considérant, en deuxième lieu, que ce n'est qu'à partir d'avril 2004, concomitamment avec le choc émotionnel provoqué par le décès accidentel de son fils, que des pathologies hépatiques se sont révélées et ont conduit à la mise en oeuvre, en décembre 2004, d'une première bithérapie antivirale à l'origine d'une asthénie ; que de 2004 à 2007, malgré deux nouveaux traitements antiviraux, l'état hépatique de la victime s'est continuellement aggravé jusqu'au diagnostic, en 2007, d'une cirrhose à l'origine d'une hypertension portale ; que par décision en date du 25 août 2005 la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) de l'Isère lui a reconnu un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 % et a estimé que son handicap ne lui permettait pas de se procurer un emploi ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble a estimé, en novembre 2006, que Mme A présentait une invalidité, réduisant au moins de deux tiers sa capacité de travail ou de gain, justifiant son classement dans la deuxième catégorie des invalides et l'attribution d'une pension d'invalidité à compter du 1er janvier 2007 ; que l'expert estime qu'elle a connu une incapacité temporaire partielle de 30 % de mai 2004 à octobre 2007 et demeure atteinte, depuis la consolidation de son état de santé fixée au 10 octobre 2007 par l'expert, d'une incapacité permanente partielle de 35 % ; que si elle fait valoir qu'elle n'a pas pu, en raison de sa contamination, accéder aux emplois et aux revenus, notamment à la retraite auxquels elle aurait pu prétendre, elle se borne à un calcul purement théorique et, comme il l'a été dit ci-dessus, sa situation de chômage n'est pas imputable à sa contamination et que Mme A ne donne aucune indication sur les chances qui étaient les siennes de retrouver un emploi ; que, dans ces conditions, aucune perte de revenus ne saurait être imputée à la contamination de l'intéressée et que l'incidence professionnelle alléguée n'est pas davantage établie ;

Considérant en dernier lieu que si la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble justifie avoir versé à Mme A, pendant les incapacités temporaires totales dont elle a fait l'objet lors de ponctions biopsies hépatiques, des indemnités journalières pour un montant de 56,64 euros, ces indemnités ne peuvent être regardées comme imputables à la contamination de l'assurée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme de 50 146,35 euros que l'Etablissement français du sang a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble par le jugement attaqué doit être ramenée à la somme de 38 743,51 euros, outre le remboursement, à chaque échéance annuelle, sur justificatifs, des frais médicaux futurs, définis ci-dessus, exposés postérieurement au 1er juillet 2009 et que cette indemnité doit être mise à la charge de l'ONIAM ;

Sur les préjudices à caractère personnel :

Considérant que, comme il l'a été dit ci-dessus, Mme A est atteinte d'une hépatite chronique évolutive parvenue au stade de cirrhose avec hypertension portale et varices oesophagiennes ; qu'elle a enduré trois traitements antiviraux C qui ont engendré des effets secondaires importants, notamment une asthénie, des états fébriles et des polyalgies, sans parvenir à éradiquer le virus de l'hépatite C ; qu'il résulte de l'instruction que la présence des virus B et C dans l'organisme de Mme A a pour effet d'accroître la progression et les risques de complications de la pathologie hépatique et de rendre plus difficile la prise en charge thérapeutique de l'intéressée, laquelle répond moins bien aux traitements anti-viraux et ne peut bénéficier des derniers protocoles de soins en raison de cette double contamination ; qu'elle a été contrainte de subir des biopsies hépatiques et une endoscopie digestive haute ; qu'elle doit s'astreindre à une surveillance médicale régulière et éprouve des craintes légitimes quant à l'évolution de son état de santé ; que l'expert a estimé à 30 % le taux d'incapacité temporaire partielle qui a affecté la victime de mai 2004 à octobre 2007 et à 35 % le taux d'incapacité permanente partielle dont elle demeure atteinte depuis cette dernière date ; qu'il a par ailleurs évalué à respectivement 2,5 et 3 sur une échelle de 7 les souffrances physiques et morales endurées et a reconnu l'existence d'un préjudice d'agrément ; que, compte tenu de l'évolution de l'état de santé de Mme A, les premiers juges ont fait une juste évaluation des troubles de toutes natures subis par celle-ci dans ses conditions d'existence en les évaluant à la somme de 80 000 euros, laquelle inclut la réparation du préjudice d'agrément et les souffrances physiques ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme de 80 000 euros que l'Etablissement français du sang a été condamné à payer à Mme A par le jugement attaqué doit être mise à la charge de l'ONIAM ;

Sur l'indemnité forfaitaire due à la caisse de sécurité sociale :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale pour le montant de 980 euros auquel elle est fixée, à la date de la présente décision, par l'arrêté interministériel du 10 novembre 2010 ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que Mme A a droit, comme elle le demande pour la première fois en appel, aux intérêts au taux légal sur la somme de 80 000 euros à compter du 8 décembre 2006, date d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Considérant que Mme A a demandé la capitalisation des intérêts le 30 mars 2009 ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'au 30 mars 2010 ;

Sur les dépens :

Considérant que les frais d'expertise, d'un montant de 1 686,76 euros, doivent être mis à la charge de l'ONIAM, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de Mme A et de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble tendant à l'application de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 80 000 euros que l'Etablissement français du sang a été condamné à payer à Mme A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0605714 du 17 février 2009 est mise à la charge de l'ONIAM. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2006. Les intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à compter du 30 mars 2009 et du 30 mars 2010.

Article 2 : La somme que l'Etablissement français du sang a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble par l'article 4 du jugement susvisé est ramenée de 50 146,35 euros à 38 743,51 euros et mise à la charge de l'ONIAM. Il remboursera en outre annuellement, sur justificatifs, les frais médicaux exposés par la caisse primaire d'assurance maladie du Grenoble après le 1er juillet 2009, définis ci-dessus, dans la limite de la somme totale de 3 281,37 euros. L'ONIAM versera à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble une somme de 980 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Les frais d'expertise, d'un montant de 1 686,76 euros, sont mis à la charge de l'ONIAM.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0605714 du 17 février 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Carmela A, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Etablissement français du sang et à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble. Copie en sera adressée à M. Jean-Marie Pouillaude (expert).

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2011 à laquelle siégeaient :

M. Vivens, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 février 2011.

''

''

''

''

1

2

N° 09LY00721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00721
Date de la décision : 17/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VIVENS
Rapporteur ?: M. Guy VIVENS
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : TOUBIANA COMTE-BELLOT DANIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-17;09ly00721 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award