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12/04/2011 | FRANCE | N°09LY00889

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 12 avril 2011, 09LY00889


Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2009, présentée pour M. Rosario A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0700385 du 24 février 2009 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 octobre 2006 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a annulé la décision du 28 avril 2006 de l'inspecteur du travail refusant à la SAS Bron ambulances l'autorisation de le licencier, et autorisé son licenciement ;

2°) d'annuler cette décision du ministre

de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement du 30 octobre 2006 ;

3°) de me...

Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2009, présentée pour M. Rosario A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0700385 du 24 février 2009 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 octobre 2006 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a annulé la décision du 28 avril 2006 de l'inspecteur du travail refusant à la SAS Bron ambulances l'autorisation de le licencier, et autorisé son licenciement ;

2°) d'annuler cette décision du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement du 30 octobre 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'il n'apparaît pas qu'il a bénéficié d'une enquête contradictoire et de la possibilité de fournir des explications au ministre, suite au recours hiérarchique formé par son employeur ; qu'il n'a pas pu remettre divers documents aux membres du comité d'entreprise et qu'il ne résulte pas du procès-verbal du comité d'entreprise qu'il ait pu s'expliquer devant ce comité ; que les motifs retenus par le ministre ne permettent pas de justifier, sans erreur manifeste d'appréciation, l'autorisation de licenciement accordée ; que les faits allégués par l'employeur sont dépourvus de réalité et de sérieux ; que des sanctions antérieures prononcées pour des faits de même nature ont été annulées par le Conseil de Prud'hommes de Lyon, compte tenu de la mauvaise foi de l'employeur et de sa volonté manifeste d'entraver l'exécution normale de son contrat de travail ; qu'il n'était pas responsable de l'organisation du planning et du fait qu'il a dû attendre un coéquipier le 7 janvier 2006 ; qu'il est paradoxal de lui reprocher un retard à sa prise de service le 18 janvier à 11 heures 30, alors qu'il s'est vu confier une première intervention à 13 heures ; qu'il n'a été informé que quelques heures avant sa prise de service, fixée à 12 heures le 23 janvier, alors qu'elle devait intervenir entre 6 et 10 heures, et que le temps de déshabillage et d'habillage faisait partie de son temps de travail ; que son retard du 30 janvier a été provoqué par un accident et qu'il a effectivement pris son service à 9 heures eu égard au temps de déshabillage et d'habillage ; que le retard du 31 janvier a été provoqué par une déviation de la circulation suite à l'accident de la veille ; que le retard du 4 février 2006 n'est pas établi, le cahier tenu par l'employeur ne contenant aucune observation ; que le refus de suivre les instructions du régulateur le 23 janvier résulte du fait qu'il ne pouvait accomplir un autre transport avant d'avoir reconduit, comme un médecin le lui avait demandé, la patiente qu'il avait conduite à la clinique protestante ; que son refus d'effectuer un transport le 21 janvier était justifié par le fait qu'il avait pris son service à 10 heures le matin et par le fait que son coéquipier n'avait pas pu bénéficier d'un repos réglementaire de 11 heures consécutives ; que son employeur avait délibérément pris la décision d'entraver l'exercice de ses mandats pour obtenir sa démission ou provoquer son licenciement ; que le comportement de son employeur qui a tenu des propos insultants et injurieux dénote une absence de dialogue social, l'autorisation de licenciement demandée étant en lien avec les mandats qu'il détenait ; que cette demande de licenciement a été formulée après l'introduction d'une instance devant le Conseil de Prud'hommes de Lyon pour demander l'annulation d'avertissements et mises à pied et l'allocation de dommages et intérêts ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 août 2009, présenté pour la société Bron ambulances, dont le siège social est Immeuble Le Régent, BP 8, 38 avenue Franklin Roosevelt à Bron (69671 Bron Cedex), qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. A à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le non-respect par M. A de ses heures de prise de fonctions est établi, de même que ses retards lors des interventions qui lui étaient confiées et son insubordination caractérisée le 21 janvier 2006 ; que l'intéressé avait déjà fait l'objet de nombreux avertissements pour des faits de même nature, même si ces sanctions ont été annulées par un jugement du Conseil de Prud'hommes de Lyon, non définitif, lequel a débouté M. A des demandes qu'il avait formées au titre d'une prétendue discrimination ; que ces fautes sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement ; que M. A n'est pas fondé à prétendre qu'il a été privé de la possibilité de s'expliquer devant le comité d'entreprise et qu'il a été individuellement et personnellement convoqué à une réunion organisée le 19 septembre 2006 afin qu'il puisse présenter au ministre ses observations sur les faits qui lui sont reprochés ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 23 juillet 2010, présenté pour la société Bron ambulances, qui maintient les conclusions de son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que le licenciement de l'intéressé est sans lien avec les mandats qu'il détenait ;

Vu l'ordonnance du 27 juillet 2010 fixant la clôture d'instruction au 17 septembre 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2011 :

- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;

- les observations de Me Duflot, avocat de M. A, et de Me Sonzogni, avocat de la société Bron ambulances ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;

Considérant que M. Rosario A a été embauché à compter du 29 mai 2001 en qualité d'ambulancier par la société Bron ambulances ; que cette société a sollicité, par une lettre du 16 mars 2006, l'autorisation de le licencier pour motifs disciplinaires, alors qu'il bénéficiait d'une protection en tant que délégué syndical, de membre titulaire de la délégation unique du personnel et de secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que l'inspectrice du travail de la 16e section du Rhône a refusé à la société Bron ambulances cette autorisation par une décision du 28 avril 2006 ; que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a annulé ce refus et autorisé le licenciement de M. A ; que M. A, dont le licenciement a été prononcé par une lettre du 20 novembre 2006, conteste le jugement du 24 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 30 octobre 2006 ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant que M. A soutient qu'il n'apparaît pas que suite au recours hiérarchique il a bénéficié d'une enquête contradictoire et de la possibilité de fournir à Monsieur le Ministre les explications lui permettant de contester l'argumentation de l'employeur ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A a été convoqué le 19 septembre 2006 par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et qu'il a ainsi pu présenter ses observations sur l'argumentation de son employeur qui avait été convoqué le 14 septembre 2006, alors que, la régularité de l'enquête contradictoire effectuée les 7 et 25 avril 2006 n'étant pas contestée, le ministre n'était pas tenu de faire procéder à une nouvelle enquête contradictoire ; que ce moyen doit par suite être écarté ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier la régularité de la procédure suivie et de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure préalable :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 436-2 du code du travail, dans sa rédaction et numérotation alors en vigueur : L'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé. (...) ; que si M. A soutient qu'il n'a pas pu distribuer divers documents ou attestations aux membres du comité d'entreprise, lors de la réunion du 8 mars 2006 au cours de laquelle ce comité a émis un avis sur le projet de licenciement le concernant, il ressort du procès-verbal de cette réunion que M. A a été invité à présenter ses observations devant le comité d'entreprise et qu'il a été entendu avant que ce dernier n'exprime son avis sur ce projet de licenciement ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne les faits reprochés à M. A :

Considérant que le ministre a retenu, pour autoriser le licenciement de M. A, l'existence de six retards à la prise de service entre les 7 janvier et 4 février 2006 et le non-respect des horaires fixés par l'entreprise, l'existence de sanctions antérieures pour les mêmes faits, un refus de suivre une consigne donnée par le régulateur et un refus d'effectuer un transport durant une permanence ;

Considérant, en premier lieu, que s'il n'est pas établi que M. A était en retard lors de sa prise de service le 4 février 2006 et qu'il avait déjà été sanctionné pour des retards antérieurs, il n'est pas contesté que M. A a pris son service avec retard les 7, 18, 23, 30 et 31 janvier 2006 ; qu'en se bornant à soutenir que le temps d'habillage et de déshabillage fait partie intégrante de son temps de travail et qu'il était opérationnel dès 10 heures 15, alors qu'il a dû attendre son coéquipier jusqu'à 10 heures 45, M. A ne conteste pas utilement le caractère fautif du retard qui lui est reproché lors de sa prise de service le 7 janvier 2006 ; que le fait que l'intéressé a dû attendre plus d'une heure avant de se voir confier une première intervention, le 18 janvier 2006, est sans incidence sur le caractère fautif de son retard lors de sa prise de fonctions ce jour-là ; que, de même, les horaires de travail de l'intéressé étant susceptibles de faire l'objet de modifications et l'intéressé ayant été préalablement informé d'un changement de l'heure à laquelle il devait prendre ses fonctions, il ne saurait utilement invoquer un tel changement pour justifier de son retard le 23 janvier 2006 ; qu'enfin, l'intéressé, auquel il appartenait de prendre toutes les dispositions nécessaires pour être à l'heure à son travail, n'est pas fondé à se prévaloir des perturbations engendrées par un accident de la circulation le 30 janvier 2006 pour justifier de ses retards des 30 et 31 janvier 2006 ;

Considérant, en deuxième lieu, que ni les stipulations de l'accord cadre du 4 mai 2000, applicable dans l'entreprise, ni celles du contrat de travail de l'intéressé ne faisaient obstacle à ce que son heure de prise de fonctions fût déterminée quotidiennement, compte tenu des besoins de l'entreprise, et lui fût communiquée chaque soir ; que la circonstance que l'intéressé ne souhaitait pas recevoir d'appels téléphoniques de son employeur en dehors de ses heures de service et l'indisponibilité alléguée de ses appareils téléphoniques ne sauraient l'autoriser à prendre ses fonctions à l'heure de son choix ; que, dès lors, le fait pour l'intéressé, à compter du 6 février 2006, de ne pas se présenter à son travail à l'heure fixée par son employeur présentait un caractère fautif, même s'il a pris ses fonctions dans la plage horaire au sein de laquelle son employeur devait fixer le début de son service ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A ne conteste pas avoir effectué le transport de retour d'une patiente qu'il avait conduite en consultation à la Clinique protestante le 23 janvier 2006, alors que le responsable de son service lui avait donné l'ordre d'aller effectuer un autre transport ; que la circonstance qu'un médecin de la Clinique protestante lui ait demandé de reconduire cette patiente n'est pas de nature à ôter tout caractère fautif au comportement du requérant ;

Considérant, en quatrième lieu, que si M. A fait valoir l'état de fatigue de son coéquipier, qui n'avait eu que neuf heures trente de repos entre la fin de son service précédent et le début de sa permanence le 21 janvier 2006, pour justifier d'un refus de reconduire un patient de l'hôpital Edouard Herriot à son domicile, dans le troisième arrondissement de Lyon, comme cela lui fut demandé durant sa permanence le 21 janvier 2006 vers 19 heures 45, il n'est pas établi que l'acceptation de cette mission aurait été susceptible d'être préjudiciable à la sécurité des personnes ou qu'elle n'aurait pu être effectuée qu'en méconnaissance des règles relatives à la durée de travail des intéressés ; que le ministre était par suite fondé à retenir le caractère fautif de cet acte d'insubordination ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'en retenant les cinq retards de M. A lors de sa prise de fonctions, entre le 7 et le 31 janvier 2006, sa méconnaissance de l'horaire de début de son service, à compter du 6 février 2006, et ses refus d'obtempérer aux consignes qui lui ont été données les 21 et 23 janvier 2006, le ministre a pu estimer, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, que, compte tenu de la nature de l'activité de la société Bron ambulances, ces fautes étaient suffisamment graves pour justifier le licenciement de l'intéressé ;

Considérant, en sixième lieu, que s'il ressort des pièces du dossier que M. A a introduit une action devant le Conseil de Prud'hommes de Lyon en 2004 et que l'entreprise connaissait d'importantes tensions sociales, il n'en ressort pas que l'intéressé a été victime d'un traitement discriminatoire de la part de son employeur et que la mesure de licenciement envisagée à son encontre était en lien avec les fonctions représentatives qu'il exerçait ; que le ministre était ainsi fondé à écarter tout lien entre l'exercice des mandats de l'intéressé et la demande d'autorisation de licenciement présentée par son employeur ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Bron ambulances, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées pour la société Bron ambulances au titre de cet article ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Bron ambulances tendant à la condamnation de M. A au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Rosario A, à la société Bron ambulances et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2011 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 12 avril 2011.

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N° 09LY00889


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00889
Date de la décision : 12/04/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : SCP ARRUE - BERTHIAUD - DUFLOT - PUTANIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-04-12;09ly00889 ?
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