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20/09/2011 | FRANCE | N°10LY02928

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 20 septembre 2011, 10LY02928


Vu la requête, enregistrée le 28 décembre 2010, présentée pour M. Thierry A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800364 du 3 novembre 2010 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a limité à la somme de 1 500 euros, outre les intérêts au taux légal et leur capitalisation, le montant de la somme mise à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat en réparation du préjudice qu'il a subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement ;

2°) de condamner La Poste et l'Etat à lui verser solidaireme

nt la somme globale de 367 454 euros au titre des différents préjudices subis, avec l...

Vu la requête, enregistrée le 28 décembre 2010, présentée pour M. Thierry A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800364 du 3 novembre 2010 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a limité à la somme de 1 500 euros, outre les intérêts au taux légal et leur capitalisation, le montant de la somme mise à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat en réparation du préjudice qu'il a subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement ;

2°) de condamner La Poste et l'Etat à lui verser solidairement la somme globale de 367 454 euros au titre des différents préjudices subis, avec les intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et la capitalisation des intérêts ;

3°) d'enjoindre à l'Etat et à La Poste de reconstituer sa carrière avec tous les droits y afférents au regard des procédures d'avancement d'échelon et de grade, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- La Poste et l'Etat ont commis des fautes conjointes en refusant toute possibilité de promotion de l'Etat aux fonctionnaires ayant refusé leur recrutement dans les corps et grades des exploitants à la fois au regard des textes législatifs et réglementaires, notamment des statuts particuliers, et des principes généraux d'égalité de traitement du droit à une carrière régulière et du droit à l'avancement ;

- l'Etat a commis des fautes pour ne pas avoir pris les dispositions réglementaires permettant aux agents reclassés de bénéficier de voies de promotion internes et en les maintenant dans une situation discriminatoire ;

- l'Etat a également commis une faute dans l'exercice de sa tutelle ;

- il a subi un préjudice professionnel, à raison du blocage de sa carrière, à compter de 1993, ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence, et un préjudice moral ;

- les préjudices qu'il a subis, à raison de la perte d'une chance sérieuse d'obtenir une promotion doivent être chiffrés à la somme de 83 679 euros, en raison de son préjudice de carrière, à 268 775 euros, au titre du préjudice sur les droits à la retraite, à 10 000 euros, s'agissant des troubles dans ses conditions d'existence, et à 5 000 euros, s'agissant du préjudice moral ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mai 2011, présenté pour La Poste, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande préalable indemnitaire, faute d'avoir été personnalisée pour prendre en considération le cas individuel de chaque agent compte tenu de ses fonctions et de sa carrière, était irrégulière, ce qui entache d'irrecevabilité le recours ;

- elle est fondée à opposer aux prescriptions indemnitaires de la requête la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil, dont le point de départ remonte à l'origine du blocage statutaire allégué, lors des réformes statutaires de 1993 ;

- ce n'est qu'à partir de 2010 qu'il a été jugé que les fonctionnaires reclassés de La Poste pouvaient se prévaloir d'une illégalité statutaire et d'une éventuelle réparation du préjudice en résultant, alors que le président du conseil d'administration, qui n'a pas le pouvoir d'édicter des décrets ni de prendre des mesures ayant des effets statutaires ne pouvait pas ne pas faire application des décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement ;

- l'agent ne démontre pas remplir les conditions permettant d'obtenir réparation des préjudices qu'il allègue, compte tenu de la note obtenue de 2006 à 2008 et en l'absence de dossier d'appréciation permettant de démontrer qu'il aurait été jugé apte à occuper un poste de niveau supérieur ou qu'il l'aurait lui-même envisagé et sollicité, alors qu'il a toujours refusé d'être reclassifié ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 mai 2011, présenté pour le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que l'indemnisation soit limitée à de plus justes proportions ;

Il soutient que :

- le dommage allégué n'est aucunement certain, à défaut pour le requérant de démontrer qu'il aurait été privé d'une chance sérieuse de promotion ;

- il n'existe aucun lien de causalité entre la prétendue faute de l'Etat et le dommage allégué ;

- le montant du dommage allégué n'est pas valablement établi ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juillet 2011, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, qu'il remplissait à compter de 1998 les conditions pour bénéficier d'une promotion au grade de conducteur de travaux et qu'il a subi un préjudice financier estimé à 43 402 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Vu le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2011 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- les observations de Me Cros, pour La Poste ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Cros ;

Considérant que M. A, agent de La Poste, titulaire du grade d'agent d'exploitation de la branche distribution et acheminement, fait appel du jugement du 3 novembre 2010 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a limité à la somme de 1 500 euros, outre les intérêts au taux légal et leur capitalisation, le montant de la somme mise à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat en réparation du préjudice qu'il a subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement ;

Sur la recevabilité de la demande de M. A :

Considérant que, par une lettre de son conseil en date du 9 octobre 2007, adressée tant au président de La Poste qu'au ministre de l'économie, M. A a demandé le versement d'une indemnité en réparation des différents préjudices qu'il estimait avoir subis en raison d'un traitement discriminatoire portant atteinte au déroulement normal de sa carrière, du fait de son appartenance à un corps de reclassement ; que ladite réclamation exposait les fautes commises, selon M. A, tant par La Poste que par l'Etat ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient La Poste, ladite réclamation était de nature à lier le contentieux, nonobstant la circonstance que des lettres similaires, comportant les mêmes demandes indemnitaires, avaient été adressées par d'autres agents, et que la même lettre a été adressée tant à La Poste qu'au ministre de l'économie ;

Sur le fond :

En ce qui concerne la prescription quinquennale :

Considérant qu'aux termes de l'article 2227 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 : L'Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers et peuvent également les opposer ; qu'aux termes de l'article 2262 du même code, dans sa rédaction antérieure à la même loi : Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ; que selon l'article 2277, dans la rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 : Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : / Des salaires (...) et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ;

Considérant que l'action de M. A tendant à la réparation des préjudices résultant d'un blocage de sa carrière dans un corps de reclassement , en raison des fautes commises tant par La Poste que par l'Etat, ainsi que d'une discrimination, n'est pas soumise au délai de prescription fixé par les dispositions précitées de l'article 2277 du code civil qui, si elles s'appliquent aux actions relatives aux rémunérations, des agents publics notamment, ne s'appliquent pas à celles tendant à la réparation de préjudices, sans lien avec un paiement périodique, de la nature de ceux dont M. A demande l'indemnisation à raison des fautes qu'il invoque ; que, dès lors, La Poste ne peut utilement opposer à ladite action la prescription quinquennale prévue par les dispositions de l'article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ;

En ce qui concerne le préjudice :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A, dont il ressort des pièces relatives à sa manière de servir au cours des années 2004 à 2008 qu'il a produites qu'il a fait l'objet, au cours de ces années, d'une appréciation globale dans la catégorie B, impliquant une valeur professionnelle correspondant parfaitement aux exigences du poste occupé, sans que ladite valeur professionnelle n'ait été regardée comme largement supérieure aux exigences du poste, et relevant de la catégorie supérieure E, dont l'aptitude à exercer des fonctions supérieures n'a pas été appréciée, aurait été privé d'une chance sérieuse de promotion au grade de conducteur de travaux si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 et jusqu'à la date d'entrée en vigueur du décret du 14 décembre 2009, alors même qu'il aurait rempli à compter de 1998 les conditions statutaires pour bénéficier d'un avancement dans ce grade ; qu'il ne peut, dès lors, demander l'indemnisation d'un préjudice de carrière résultant d'une absence d'augmentation de son traitement, des primes y afférentes, et du montant de sa pension de retraite ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que ces fautes auraient causé à M. A des troubles dans ses conditions d'existence ;

Considérant que si M. A est, en revanche, fondé à se prévaloir du préjudice moral subi à raison des fautes relevées, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, alors même qu'au cas particulier il n'aurait pas eu de chances sérieuses d'obtenir une promotion, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral subi par M. A en évaluant à 1 500 euros l'indemnisation due à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a limité à 1 500 euros, outre les intérêts au taux légal et leur capitalisation, le montant de la somme mise à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat en réparation du préjudice moral qu'il a subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de sa requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, en ce qu'il confirme la condamnation solidaire de l'Etat et de La Poste à verser à M. A la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral, n'implique pas la reconstitution de sa carrière ; que les conclusions de la requête tendant à cette fin doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par La Poste au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Thierry A, à La Poste et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2011, à laquelle siégeaient :

M. Givord, président de formation de jugement,

M. Seillet et Mme Dèche, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2011.

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N° 10LY02928

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02928
Date de la décision : 20/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SCP VERDIER MARTIN-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-09-20;10ly02928 ?
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