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18/10/2012 | FRANCE | N°11LY01262

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2012, 11LY01262


Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2011 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Chantal A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000271, en date du 22 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2005 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2005, ainsi que des pénalités y afféren

tes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées et des pénalités...

Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2011 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Chantal A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000271, en date du 22 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2005 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2005, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que sa comptabilité ne fait état d'aucune lacune ou irrégularité significative ; que la globalisation d'une partie de ses recettes ne suffit pas à retirer à sa comptabilité sa valeur probante ; que, sur les " formules tout compris " qu'elle commercialise, elle ne fait pas mention sur les tickets de caisse du détail des plats et consommations ; que ces formules ne représentent que 33,80 % de l'activité restauration, laquelle ne représente que 65 % de l'activité totale de l'entreprise ; que le taux de bénéfice brut de l'entreprise était cohérent ; que l'administration n'a pu constater aucun encaissement suspect sur ses comptes personnels et aucun enrichissement inexpliqué ; que l'administration ne pouvait procéder à une reconstitution de comptabilité dès l'ouverture des opérations de contrôle et se servir de cette reconstitution pour contester le caractère probant de la comptabilité ; que le constat réalisé par l'administration, sur l'existence de 2 364 bouteilles non enregistrées, est totalement erroné ; que le taux de pertes réelles est supérieur à 1% ; qu'elle peut se prévaloir de la doctrine administrative (4G-3343 n° 7 et 8 du 15 mai 1993) qui retient que le rejet d'une comptabilité comme dénuée de sincérité ou non probante ne doit être opéré qu'à bon escient et avec la plus grande circonspection, lorsqu'il existe des motifs précis et sérieux permettant de la considérer comme non probante ; que la doctrine DB 13L 454 n° 72 à 74 recommande l'emploi de plusieurs méthodes en cas de reconstitution de recettes ; que la méthode utilisée n'était pas adaptée et fiable ; que l'administration s'est abstenue de dresser l'inventaire physique des stocks ; que le coefficient de marge brute est très éloigné de celui résultant des normes professionnelles ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 8 juin 2011, fixant la clôture de l'instruction au 30 décembre 2011, en application des dispositions des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2011, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que Mme A ne délivre pas de notes à ses clients à l'exception de son client EDF, pour lequel un relevé mensuel est délivré ; que la part des recettes " repas " qui sont globalisées sur les tickets de caisse et non identifiées représente 44,03 % du chiffre d'affaires de cette catégorie ; que, pourtant, la société disposait d'une caisse enregistreuse qui lui permettait l'enregistrement des plats et des boissons vendus ; que la consistance des recettes encaissées ne pouvait être valablement vérifiée ; qu'une comptabilité-matière complète des vins servis en bouteille a été effectuée par l'intermédiaire du rapprochement entre les achats revendus déclarés et les ventes constatées sur les bandes de caisse ; que le chiffre d'affaires afférent aux bouteilles manquantes de vin est de 37 862 euros ; qu'en ce qui concerne la reconstitution des recettes, les conditions d'exploitation propres à l'établissement ont été prises en compte ; que l'appelante n'apporte pas la preuve du caractère irréaliste de la reconstitution du chiffre d'affaires opérée ; que, si l'appelante fait état d'un coefficient établi par le centre de gestion agréé de Bourgogne, elle ne produit pas le document qui permettrait d'affiner le résultat en fonction de la proportion de l'activité d'hôtellerie dans l'ensemble de l'activité ; qu'elle n'établit pas que la méthode de reconstitution des recettes de l'administration est excessivement sommaire ou radicalement viciée ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir de la documentation administrative 4G-3343 du 15 mai 1993, qui ne constitue qu'une recommandation et ne peut être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'elle ne contient pas une interprétation différente de celle de la loi fiscale dont la requérante pourrait utilement se prévaloir ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

1. Considérant que l'entreprise individuelle de Mme A, qui exploite un hôtel-restaurant à Gourdon (Saône-et-Loire), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2005, au terme de laquelle le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de son activité ; que Mme A a été assujettie à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu au nom de M. et Mme A et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à son nom ; que Mme A relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

Sur le rejet de la comptabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) " ; que, devant le juge, il incombe à l'administration d'apporter la preuve des graves irrégularités dont la comptabilité serait entachée ;

3. Considérant qu'il est constant que Mme A a globalisé, pendant la période litigieuse, au moins 33,80 % des recettes tirées de son activité restauration, qui représenterait, selon les données chiffrées invoquées par elle, 65 % de son activité totale, sans être en mesure de justifier par la production de bandes de caisse ou autre document, du détail des consommations ; que, si Mme A fait valoir qu'une partie de ses recettes comprend des " formules tout compris " pour lesquelles ne sont pas détaillés les boissons et les plats inclus dans ces formules, ces globalisations sur une part conséquente de l'activité de Mme A, ne permettaient pas de vérifier la concordance des ventes avec les achats comptabilisés ; que, pour ce seul motif, l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve du caractère non probant de la comptabilité ; que la requérante ne peut utilement faire valoir que l'administration a, pour confirmer son appréciation sur le caractère non probant de la comptabilité et l'existence de recettes dissimulées, irrégulièrement examiné la comptabilité-matière complète des vins en bouteille ; que, contrairement à ce que soutient Mme A, la doctrine 4G-3342 du 15 mai 1993, qui précise, en son point 7, que le rejet d'une comptabilité comme dénuée de sincérité ou comme non probante ne doit être opéré qu'à bon escient et avec la plus grande circonspection, lorsqu'il existe des motifs précis et sérieux permettant de la considérer comme non probante, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens de l'article L . 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle se borne à donner des recommandations de portée générale ;

Sur la méthode de reconstitution des recettes :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Considérant que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires du département du Rhône a confirmé, dans sa séance du 27 juin 2008, tant le caractère non probant de la comptabilité que la reconstitution du chiffre d'affaires opérée par l'administration fiscale ; qu'ainsi, les impositions litigieuses ayant été émises conformément à l'avis de cette commission, et compte tenu du caractère non probant entachant sa comptabilité au titre de l'exercice litigieux, Mme A supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions, en vertu des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ; qu'il lui revient, dès lors, de démontrer soit que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit de proposer une méthode de reconstitution plus précise que celle retenue par l'administration ;

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

5. Considérant, en premier lieu, qu'afin de reconstituer les recettes de la société, l'administration a fait application de la méthode dite " des liquides " ; que, si la requérante soutient que cette méthode est inadaptée, car les factures d'achats représentent seulement 13 % du chiffre d'affaires, le chiffre d'affaires total a été évalué en appliquant aux " recettes liquides reconstituées " le rapport existant d'après les bandes de caisses entre ces dernières et les " recettes restaurant " ; que les conditions d'exploitation propres à l'établissement ont été prises en compte et, notamment, le rapport liquides/solides déterminé à partir des bandes de caisses, des prélèvements, des pertes et des offerts et des renseignements fournis par la requérante ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, si la requérante fait valoir que l'absence d'inventaire physique des stocks a vicié la méthode, l'administration soutient sans être contredite qu'elle a pris en compte les inventaires tels que déclarés à l'ouverture et à la clôture de l'exercice 2005 ; que Mme A ne démontre pas que l'absence d'inventaire des stocks et de visite de sa cave en 2007, par l'administration, pour une reconstitution des recettes de la période du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2005, aurait radicalement vicié la méthode employée ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, si Mme A soutient que les services fiscaux n'ont pas pris en compte le taux de perte réel pour le vin et ont notamment commis des confusions entre l'eau minérale et le vin, elle ne donne aucune précision chiffrée sur ces erreurs et leur impact sur les recettes reconstituées ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que, si Mme A fait valoir que la quantité de 2,4 cafés retenue par repas pour l'ensemble de la clientèle est insuffisante et révèle que la méthode est viciée, elle ne conteste pas que cette quantité a été déterminée selon ses observations ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que, si Mme A soutient que le coefficient de marge brute retenu de 4,21 hors taxe est supérieur à celui résultant des normes professionnelles, elle ne produit, pas plus en appel qu'en première instance, comme l'avait déjà relevé les premiers juges, le document du centre de gestion dont elle se prévaut ;

10. Considérant, enfin, que la doctrine administrative qui prescrit au vérificateur d'utiliser plusieurs méthodes de reconstitution ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et ne peut, pour ce motif, être utilement invoquée ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'établit pas que le chiffre d'affaires reconstitué serait exagéré ; qu'elle ne propose pas de méthode de reconstitution plus précise que celle retenue par l'administration et n'est pas ainsi fondée à demander la décharge des impositions qui résultent de la reconstitution de son chiffre d'affaires et à soutenir que le Tribunal administratif de Dijon aurait à tort rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Chantal A et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2012.

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N° 11LY01262


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01262
Date de la décision : 18/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : SCP ADIDA MATHIEU BUISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-10-18;11ly01262 ?
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