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06/11/2012 | FRANCE | N°12LY00561

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 06 novembre 2012, 12LY00561


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 février 2012 par télécopie, régularisée le 22 février 2012, présentée pour la SARL Les Délices De La Mer dont le siège est 6 rue Ampère à Aurillac (15000) ;

La SARL Les Délices de la Mer demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1001468-1001469 du 20 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes tendant à la restitution des sommes qu'elle a acquittées au titre de la contribution pour une pêche durable pour les périodes du 1er février 2008 au 30 avri

l 2009 et du 1er mai au 31 juillet 2009, soit 19 459 euros et 2 075 euros respectiv...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 février 2012 par télécopie, régularisée le 22 février 2012, présentée pour la SARL Les Délices De La Mer dont le siège est 6 rue Ampère à Aurillac (15000) ;

La SARL Les Délices de la Mer demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1001468-1001469 du 20 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes tendant à la restitution des sommes qu'elle a acquittées au titre de la contribution pour une pêche durable pour les périodes du 1er février 2008 au 30 avril 2009 et du 1er mai au 31 juillet 2009, soit 19 459 euros et 2 075 euros respectivement ;

2°) de prononcer la décharge ou la restitution desdites sommes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les dispositions de l'article 302 bis KF du code général des impôts, instituées par l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2007 n° 2007-1824 du 25 décembre 2007, instaurant la contribution pour une pêche durable, ont été édictées en méconnaissance de l'obligation prévue par l'article 88 § 3 du Traité instituant la Communauté européenne ; que cette imposition fait partie intégrante du régime d'aides en faveur de la pêche prévu dans le cadre du " plan d'action en quinze mesures pour une pêche durable et responsable " proposé à la fin de l'année 2007, eu égard à l'existence d'un lien réel d'affectation contraignant entre ce régime d'aides et cette contribution, comme le montrent les prises de position des autorités françaises ; que ce régime aurait dû être préalablement notifié à la Commission européenne ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 7 juin 2012, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les dispositions de l'article 302 bis KF du code général des impôts, instituées par l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2007 n'ont pas été édictées en méconnaissance de l'obligation prévue par l'article 88 § 3 du Traité instituant la Communauté européenne ; que la société requérante ne démontre pas qu'il existerait un lien d'affectation contraignant entre le plan d'aides en faveur du secteur de la pêche mis en place au début de l'année 2008 et la contribution pour une pêche durable, qui est versée au budget général de l'Etat en application de l'article 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 et n'est donc pas affectée spécifiquement au financement de ce plan d'aides, le produit de cette contribution pour les années 2008 et 2009 étant sans rapport avec les crédits prévus par le ministère pour assurer le financement du plan ; que la Commission européenne n'a soulevé aucune objection contre le régime d'aides dans sa décision en date du 8 octobre 2008 NN 9/2008 ; qu'une telle analyse avait été confortée par le raisonnement du Conseil d'Etat en matière de taxe sur les achats de viande, voire par la Cour de justice des Communautés européennes ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 octobre 2012, présenté pour la SARL Les Délices de la Mer, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la Constitution, et notamment son article 34 ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée, et notamment ses articles 2 et 6 ;

Vu la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2012 :

- le rapport de M. Chanel, président de chambre ;

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, alors applicable, devenu l'article 107 TFUE : " Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions " ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité, alors applicable, devenu l'article 108 TFUE : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (... ) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles visées par l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité des dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

2. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du Traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part, que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 302 bis KF du code général des impôts, alors en vigueur, issu de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2007 du 25 décembre 2007 susvisée : " Les ventes en France métropolitaine à des personnes autres que des personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée agissant en tant que telles, de poissons, crustacés, mollusques et autres invertébrés marins, ainsi que de produits alimentaires dont le poids comporte pour plus de 30 % de tels produits de la mer sont soumises à une taxe. / La taxe ne s'applique pas aux huîtres et aux moules. / La liste des poissons, crustacés, mollusques ou invertébrés marins visés au premier alinéa est fixée par arrêté. / La taxe est calculée au taux de 2 % sur le montant hors taxe des ventes des produits visés au premier alinéa. / La taxe est due par les personnes dont le chiffre d'affaires de l'année précédente a excédé le premier des seuils mentionnés au I de l'article 302 septies A. / Le fait générateur et l'exigibilité de la taxe interviennent dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. La taxe est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi organique du 1er août 2001 modifiée susvisée : " Les ressources et les charges de l'Etat comprennent les ressources et les charges budgétaires ainsi que les ressources et les charges de trésorerie. / Les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui et sous les réserves prévues par les articles 34, 36 et 51. " ; qu'aux termes de l'article 6 de cette loi : " Les ressources et les charges budgétaires de l'Etat sont retracées dans le budget sous forme de recettes et de dépenses. / Le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'Etat. Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. / L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique, intitulé budget général. / Un montant déterminé de recettes de l'Etat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de l'Etat sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte. " ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues par le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi précitée et le quatrième alinéa de l'article 6 de ladite loi ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la contribution pour une pêche durable, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2007 du 25 décembre 2007 susvisée, applicable à compter du 1er janvier 2008, ni aux différentes prises de position publiques exprimées, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre cette contribution et le " plan d'action en quinze mesures pour une pêche durable et responsable " mis en oeuvre par les pouvoirs publics, et aucun rapport entre le produit de la contribution et le montant des financements publics consacrés à ce plan ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette dernière date, la contribution pour une pêche durable était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère en charge de la pêche et la dotation inscrite à ce dernier budget servant à financer de telles mesures ; que la contribution pour une pêche durable n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2008, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, et quand bien même elle a été supprimée à compter du 1er janvier 2012, la SARL Les Délices de la Mer ne peut invoquer au soutien de ses demandes de restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance, par les autorités françaises, des obligations prévues par la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

5. Considérant, par ailleurs, que les prises de position publiques exprimées par les autorités françaises ne révélant pas en fait un lien d'affectation contraignant entre la contribution pour une pêche durable et le plan d'action pour une telle pêche est inopérant au soutien d'une demande en restitution de la contribution acquittée au titre des périodes litigieuses le moyen tiré de ce que le régime d'aide constitué par les mesures de ce plan aurait dû être notifié à l'origine à la Commission européenne ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Les Délices de la Mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes tendant à la restitution des sommes de 19 459 euros et de 2 075 euros qu'elle a acquittées au titre de la contribution pour une pêche durable pour les périodes respectives du 1er février 2008 au 30 avril 2009 et du 1er mai 2009 au 31 juillet 2009 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Les Délices de la Mer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les Délices de la Mer et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

M. Bourrachot, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2012.

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N° 12LY00561


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00561
Date de la décision : 06/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Autres taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : CABINET LSK et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-06;12ly00561 ?
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