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08/11/2012 | FRANCE | N°11LY00331

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2012, 11LY00331


Vu l'arrêt du 12 janvier 2012 par lequel la Cour, avant de statuer sur l'appel de la société Axa France Iard tendant à l'annulation du jugement n° 0802356 du 16 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire à réparer les conséquences dommageables résultant de la prise en charge défectueuse de M. A, régulièrement suivi par cet hôpital, a décidé de procéder à une expertise ;

Vu l'ordonnance du 21 février 2012, par laquelle le président de la Cour a,

en application de l'article R. 621-2 du code de justice administrative, désig...

Vu l'arrêt du 12 janvier 2012 par lequel la Cour, avant de statuer sur l'appel de la société Axa France Iard tendant à l'annulation du jugement n° 0802356 du 16 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire à réparer les conséquences dommageables résultant de la prise en charge défectueuse de M. A, régulièrement suivi par cet hôpital, a décidé de procéder à une expertise ;

Vu l'ordonnance du 21 février 2012, par laquelle le président de la Cour a, en application de l'article R. 621-2 du code de justice administrative, désigné en qualité d'expert M. le docteur Christian C ;

Vu, enregistré le 10 août 2012, le rapport établi par l'expert désigné ;

Vu l'ordonnance du 16 août 2012, par laquelle le président de la Cour a, en application des articles R. 621-11 et R. 761-4 du code de justice administrative, liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 450 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 septembre 2012, présenté pour le centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs ;

Il soutient qu'il résulte du rapport d'expertise l'absence de toute faute à raison d'une absence de prescription d'un traitement d'action prolongée et que les circonstances relatées par l'expert quant à l'absence de démarches ou de tentatives de rétablissement d'un lien thérapeutique avec le patient ne caractérisent pas un manquement aux règles de l'art ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 octobre 2012, présenté pour la société Axa France Iard, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre qu'il ressort des termes mêmes du rapport d'expertise que la responsabilité de l'établissement hospitalier est engagée pour avoir manqué aux obligations qui étaient les siennes vis-à-vis du patient, en raison des fautes résultant de l'absence de mesure prise par l'établissement après la sortie sans autorisation du patient ; que contrairement à ce que retient l'expert, l'établissement a également commis des fautes à raison d'un manquement aux données acquises de la science par une absence de respect des conférences de consensus relatives aux prescriptions médicamenteuses chez un patient non compliant ou mal compliant aux soins ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2012 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Boizard, avocat de la société Axa France Iard, et de Me Demailly, avocat du centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire ;

1. Considérant que M. A, qui faisait l'objet d'un suivi psychiatrique depuis 1996 pour une pathologie de type schizophrénie paranoïde, avait été hospitalisé en janvier 2004, en service libre, au centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire ; qu'il a quitté l'hôpital, sans autorisation ni avis médical, le 9 janvier 2004 ; que le 18 mars suivant, il a mis le feu à l'appartement dont il était locataire, avant d'incendier des locaux de l'établissement hospitalier ; que la société d'assurances Axa France Iard, subrogée dans les droits de son assuré propriétaire du logement incendié, a demandé au centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire la réparation des dommages résultant de cet incendie ; qu'elle fait appel du jugement du 16 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que par un arrêt du 12 janvier 2012, la Cour, considérant que l'état du dossier ne lui permettait pas de déterminer si la prise en charge de M. A, tant sur le plan du traitement médicamenteux que des mesures incombant au centre hospitalier après la sortie sans autorisation du 9 janvier 2004, avait été défectueuse, a ordonné une expertise aux fins de déterminer si les antécédents présentés par M. A justifiaient un traitement d'action prolongée ainsi qu'un suivi particulier de ce patient, même après sa sortie sans autorisation ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise déposé le 10 août 2012, qu'après la sortie de M. A du centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire du 9 janvier 2004, en fugue, et donc sans aucune ordonnance de sortie, aucune tentative n'a été entreprise par l'équipe soignante pour tenter de rétablir un lien thérapeutique avec ce patient, souffrant d'une pathologie psychotique lourde et chronique et dont les antécédents montraient de nombreux épisodes délirants aigus avec en association des troubles du comportement à plusieurs reprises, graves, par lesquels il se mettait lui-même en danger et qui pouvaient également représenter une certaine dangerosité pour autrui, et alors qu'il était évident qu'il se trouvait sans traitement ; qu'ainsi, en n'engageant aucune tentative de rétablissement d'un lien thérapeutique avec M. A et en ne prévenant pas son entourage, alors même qu'ils connaissaient sa vulnérabilité et sa dangerosité en situation de rupture thérapeutique et médicamenteuse, les services du centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire dans lequel l'intéressé était hospitalisé en service libre, et alors même qu'une telle hospitalisation ne constitue pas une méthode thérapeutique créant un risque spécial pour les tiers, ont commis une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement ;

3. Considérant, toutefois, que l'incendie de l'appartement dont M. A était locataire, et dont le propriétaire était assuré auprès de la société d'assurances Axa France Iard, n'est pas seulement imputable à cette carence des services du centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire mais également, et principalement, aux agissements de M. A, qui a mis le feu à cet appartement ; qu'il sera fait une juste appréciation de la responsabilité du centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire en fixant celle-ci à 20 % des conséquences dommageables de l'incendie ;

Sur le préjudice :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport rédigé par le cabinet PolyExpert pour déterminer les conséquences du sinistre survenu le 18 mars 2004, et de la quittance subrogative établie le 10 avril 2006 par M. B, propriétaire de l'appartement incendié par M. A, que la société Axa France Iard a versé à son assuré la somme de 146 191 euros en indemnisation de ce sinistre ; que le préjudice subi par ladite société doit être évalué à ladite somme, non contestée, de 146 191 euros ; que compte tenu du partage de responsabilité, le centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire doit être condamné à payer à la société Axa France Iard une indemnité de 29 238,20 euros ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Axa France Iard est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire ;

Sur les intérêts :

6. Considérant que l'indemnité susmentionnée, réparant le préjudice subi par la société Axa France Iard, doit porter intérêts, à compter du 4 août 2008, date de réception par le centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire de sa réclamation préalable ;

Sur les frais d'expertise :

7. Considérant que les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge de référés du Tribunal administratif de Dijon, liquidés et taxés à la somme de 900 euros, mis initialement à la charge de la société Axa France Iard par le jugement attaqué, et les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par l'arrêt de la Cour du 12 janvier 2012, liquidés et taxés à la somme de 450 euros, doivent être mis à la charge du centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire ;

Sur les conclusions des parties tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Axa France Iard et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0802356 du 16 novembre 2010 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire est condamné à verser à la société Axa France Iard la somme de 29 238,20 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 août 2008.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge de référés du Tribunal administratif de Dijon et de l'expertise ordonnée par l'arrêt de la Cour du 12 janvier 2012 sont mis à la charge du centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire.

Article 4 : Le centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire versera la somme de 1 500 euros à la société Axa France Iard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Axa France Iard est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axa France Iard et au centre hospitalier spécialisé de La Charité sur Loire. Il en sera adressé copie à M. Christian C, expert.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 novembre 2012.

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N° 11LY00331


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00331
Date de la décision : 08/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise.

Santé publique - Établissements publics de santé - Responsabilité des établissements de santé (voir Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme STECK-ANDREZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : BOIZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-08;11ly00331 ?
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