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29/01/2013 | FRANCE | N°12LY00100

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2013, 12LY00100


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 janvier 2012, présentée pour la société civile immobilière Saint-Etienne, dont le siège est au 55 cours de la Libération à Grenoble (38100) et M. et MmeA..., domiciliés au Chemin Colladon 16 à Geneve (1209), Suisse ;

La société civile immobilière Saint-Etienne et M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605508 du 23 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant au remboursement partiel du prélèvement libératoire auquel la société ci

vile immobilière Saint-Etienne a été assujettie au titre de l'année 2006 à raison d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 janvier 2012, présentée pour la société civile immobilière Saint-Etienne, dont le siège est au 55 cours de la Libération à Grenoble (38100) et M. et MmeA..., domiciliés au Chemin Colladon 16 à Geneve (1209), Suisse ;

La société civile immobilière Saint-Etienne et M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605508 du 23 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant au remboursement partiel du prélèvement libératoire auquel la société civile immobilière Saint-Etienne a été assujettie au titre de l'année 2006 à raison de la plus-value de cession d'un immeuble situé à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs ;

2°) de prononcer la décharge partielle et le remboursement du prélèvement acquitté à hauteur d'un montant correspondant à la réduction de 33,1/3 % à 16 % du taux du prélèvement libératoire auquel la société civile immobilière Saint-Etienne doit être soumise au titre de l'année 2006 à raison de cette plus-value;

3°) de condamner l'Etat à verser à la société civile immobilière Saint-Etienne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société civile immobilière Saint-Etienne et M. et Mme A...soutiennent que :

- le taux du prélèvement libératoire est de 16 % et non de 33,1/3 % compte tenu des stipulations du 1. et 4. de l'article 15 de la convention franco-suisse et des dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts ;

- si, comme l'a jugé le Tribunal en estimant que les associés n'étaient pas les bénéficiaires du gain au sens du 4. de l'article 15 de la convention, l'imposition devrait être au taux de 33,1/3 % de la plus-value immobilière réalisée par une SCI résidente en France quand son associé est un résident suisse, cette imposition méconnaîtrait le principe de liberté de circulation des capitaux posé par l'article 56 du Traité CE et constituerait ainsi un régime d'imposition discriminatoire incompatible avec cet article du traité en avantageant les résidents français ; que l'imposition est en effet perçue au taux de 16 % quand l'associé est un résident français ;

- ce jugement conduit à imposer ainsi différemment la plus-value réalisée selon que les associés soient résidents ou non en France, et qu'il n'existe aucune différence de situation justifiant un tel traitement ;

- le jugement du Tribunal conduit aussi à une différence de traitement non justifiée avec la situation d'un résident suisse cédant un bien immobilier situé en France dont la plus-value de cession est imposée au taux de 16 % ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- c'est à bon droit, au regard des dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts, que le prélèvement a été acquitté par la société au taux d'un tiers et non de 16 % compte tenu que ses deux associés étaient résidents suisse d'une société dont le siège social était en France ;

- l'article 15-1 de l'accord franco-suisse ne fait pas obstacle à l'imposition au taux de 33,1/3 % dès lors que la plus-value n'a pas été réalisée par les associés suisses mais par la société de personne située en France et que les revenus perçus par ces associés est le produit qu'ils retirent des parts qu'ils détiennent dans le capital de la société même si le bénéfice réalisé par la société provient d'une plus-value immobilière réalisée par cette dernière ;

- les stipulations de l'article 15-4 de la convention franco-suisse ne font pas obstacle à l'imposition dans la mesure où la société a son siège social en France, et est considérée comme résidente en France et qu'elle seule a réalisé la plus-value litigieuse ;

- la différence de traitement entre résidents et non résidents entraînant un taux d'imposition différent selon l'Etat de résidence des associés d'une SCI ayant réalisé une plus-value immobilière n'est pas contraire au VI de l'article 26 de la convention qui prévoit que seules sont proscrites les discriminations fondées sur la nationalité à l'exclusion de celles fondées sur la résidence fiscale ;

Vu la lettre en date du 28 septembre 2012 par laquelle la Cour a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties qu'elle était susceptible de soulever d'office deux moyens d'ordre public ;

Vu le mémoire enregistré le 3 octobre 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient en outre qu'il entend se prévaloir de la dérogation admise par l'article 57 du traité communautaire dite " clause de gel " dès lors que le prélèvement litigieux a été institué par l'article 8 de la loi n° 76-660 du 19 juillet 1976 antérieurement à la date du 31 décembre 1993, que les dispositions applicables aux résidents, même si elles ont été modifiées en 2004, sont en substance identiques à celles résultant de la législation existant au 31 décembre 1993 ; que, s'agissant de résidents domiciliés en Suisse, il entend, en tant que de besoin, se prévaloir de l'article 58 du traité communautaire autorisant les Etats membres à prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements notamment en matière fiscale ;

Vu le mémoire enregistré le 5 octobre 2012, présenté pour la société civile immobilière Saint-Etienne et M. et MmeA..., qui concluent aux mêmes fins que précédemment ;

Ils soutiennent en outre que la " clause de gel " prévue aux articles 57 et 58 du Traité instituant la Communauté européenne ne peut être invoquée dès lors que l'investissement immobilier n'est pas destiné à l'exercice d'une activité économique et ne constitue pas un investissement direct visé par l'article 57 ; que la " clause de gel " ne saurait être également invoquée dès lors que le taux de 33 1/3 % existant au 31 décembre 1993 n'était pas discriminatoire compte tenu de ce que les résidents français étaient imposables à l'impôt sur le revenu des personnes physiques dont le taux maximum atteignait 56,8 %, qu'ils étaient susceptibles d'être imposés beaucoup plus lourdement au titre de la plus value réalisée, et que l'article 244 bis A ne revêtait pas alors un caractère discriminatoire au 31 décembre 1993 ; qu'il n'est pas établi que l'application de 33,1/3 % aux plus-values réalisées par les résidents étrangers au lieu de 16 % s'ils étaient résidents en France serait susceptible de lutter de quelque manière que ce soit contre la fraude et l'évasion fiscale ;

Vu le mémoire enregistré le 10 octobre 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient en outre que l'investissement immobilier constitue un investissement direct dès lors que la Cour de justice des communautés européennes reconnaît une valeur indicative à la nomenclature des mouvements de capitaux annexée à la directive du Conseil du 24 juin 1988, que le bien litigieux appartenait directement à la commune de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs avant sa cession en 1994 à la SCI Saint-Etienne, et que M. A...est intervenu à l'acte de vente le 21 juin 2006 en tant qu'associé unique de la SCI ; que la restriction en litige existait dans l'ordre juridique et de manière ininterrompue depuis le 31 décembre 1993 dès lors que les ressortissants des Etats tiers faisaient l'objet d'une différence de traitement à cette date en raison de l'application d'une imposition progressive sur le revenu existant depuis 1976, de ce que les contribuables résidents n'étaient soumis au taux applicable aux non-résidents qu'à partir du moment où leur revenu excédait un certain seuil et de ce qu'en deçà de ce seuil ils étaient soumis à une imposition moindre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune modifiée, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 27 août 2009 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 et notamment son article 50 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2013 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que, par acte notarié du 21 juin 2006, la société civile immobilière (SCI) Saint-Etienne, société civile immobilière régie par l'article 8 du code général des impôts, dont M. et MmeA..., domiciliés en Suisse, étaient les uniques associés, a cédé un bien immobilier situé à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs (Isère) ; qu'à la suite de cette cession, la société civile immobilière Saint-Etienne a déclaré et acquitté le prélèvement fiscal égal au tiers de la plus-value immobilière nette constatée prévu à l'article 244 bis du code général des impôts ; que cette société, ainsi que M. et MmeA..., ont demandé le remboursement partiel de cette imposition au motif que la plus-value devrait être taxée au taux de 16 % et non de 33,33 % ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Grenoble a rejeté cette demande de remboursement partiel ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 150 U du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I- (...) les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH " ; qu'aux termes de l'article 150 VF dudit code dans sa rédaction alors en vigueur : " II. (...) L'impôt sur le revenu afférent à la plus-value dû par les associés qui ne sont pas fiscalement domiciliés en France (...) est acquitté par la société ou le groupement selon les modalités prévues à l'article 244 bis A. " ; qu'aux termes de l'article 200 B du code général des impôts alors en vigueur : " Les plus-values réalisées dans les conditions prévues aux articles 150 U à 150 UB sont imposées au taux forfaitaire de 16 % (...)/ Elles sont imposées au taux d'un tiers lorsqu'elles sont dues : a. par des associés de sociétés ou groupements dont le siège est situé en France et qui relèvent des articles 8 et 8 ter (...) qui ne sont pas fiscalement domiciliés ou n'ont pas leur siège social dans un Etat membre de la Communauté européenne, ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 244 bis A dans sa rédaction alors applicable : " I. 1. Sous réserve des conventions internationales, (...) les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter dont le siège social est situé en France (...), au prorata des droits sociaux ou des parts détenus par des associés ou porteurs qui ne sont pas domiciliés en France ou dont le siège social est situé hors de France, sont soumis à un prélèvement d'un tiers sur les plus-values résultant de la cession d'immeubles (...)/ Par dérogation au premier alinéa, (...) les associés personnes physiques de sociétés ou groupements dont les bénéfices sont imposés au nom des associés (...), résidents d'un Etat membre de la Communauté européenne, ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, sont soumis à un prélèvement de 16 %/ (...) II. Le prélèvement mentionné au I est libératoire de l'impôt sur le revenu dû en raison des sommes qui ont supporté ce prélèvement " ;

4. Considérant que la société civile immobilière constitue une société de personnes distincte de ses membres qu'ils résident ou non hors de France ; que la plus-value à raison de laquelle cette SCI a été imposée a été réalisée par cette société et non par ses membres associés qui ont seulement perçu des revenus en raison de leur participation au capital d'une société de personnes française ; que la SCI est ainsi soumise, au regard des dispositions précitées du code général des impôts, à un prélèvement d'un tiers sur la plus-value résultant de la cession d'un bien immobilier qu'elle a réalisée en France le 21 juin 2006 et en est le redevable, alors même que ce prélèvement était libératoire de l'impôt sur le revenu dû par chacun de ses associés ;

5. Considérant que les requérants, résidents suisses, soulèvent en appel un nouveau moyen tiré de ce que ce prélèvement au taux majoré de 33,1/3 % prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts revêtirait un caractère discriminatoire et constituerait une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée par l'article 56 du traité CE, devenu l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne alors en vigueur devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites (...) " ; qu'aux termes de l'article 57 de ce traité : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission de titres sur les marchés des capitaux. " ; qu'aux termes de l'article 58 du même traité : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres : a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis / b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique. (...) / 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 " ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées des articles 150 U, 150 VF, 200 B et 244 bis A du code général des impôts issues de la loi du 30 décembre 2004, que les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter dont le siège social est situé en France se voient appliquer sur les plus-values immobilières réalisées en France, un taux d'imposition de 16 % lorsque ses associés sont résidents de France, d'un Etat membre de la Communauté européenne, ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative, alors que le taux d'imposition est majoré à 33,1/3 % lorsque ses associés sont résidents d'Etats tiers, n'ayant pas conclu avec la France de convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, ni membre de l'Union Européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen comme c'est le cas d'associés résidents en Suisse ; que ces sociétés se trouvent cependant dans une situation objectivement comparable au regard de l'imposition avec les autres sociétés de personnes françaises soumises au taux normal de 16 %, la différence de lieu de résidence fiscale des associés de ces sociétés n'ayant pas de conséquence sur la détermination de la base imposable de la plus-value, l'imposition étant la même et l'Etat source du revenu imposable étant la France ; que cette différence de lieu de résidence n'a pas de conséquence sur la recouvrabilité de l'imposition s'agissant d'un prélèvement libératoire opéré auprès d'une société civile française dès le fait générateur de l'imposition ; que la différence de traitement qui conduit à imposer ainsi différemment les plus-values de cession de bien immobilier réalisées en France par une société ou un groupement relevant des articles 8 à 8 ter dont le siège social est situé en France selon que les associés sont résidents soit d'un Etat membre de la Communauté européenne, ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative, soit d'un Etat tiers comme la Suisse, constitue une restriction au mouvement de capitaux entre les Etats membres et les Etats tiers, restriction qui, en principe, est interdite par le paragraphe 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la différence de taux d'imposition en fonction du lieu de résidence fiscale des associés instaurée par les dispositions précitées de l'article 244 bis A du code général des impôts ne peut être regardée comme une mesure indispensable à la lutte contre les infractions en matière fiscale et à la préservation de l'efficacité des contrôles fiscaux visées à l'article 58 précité du traité instituant la Communauté européenne alors que, concernant les risques de fraude, et comme il a été dit précédemment, la plus-value immobilière est imposée dans tous les cas par un prélèvement auquel est soumise la société civile immobilière française lors du fait générateur, les cédants étant ainsi placés dans la même situation au regard du paiement de l'impôt quelque soit le lieu de résidence de leurs associés, et qu'il ne saurait y avoir un risque d'évasion fiscale la matière imposable étant en France ; que si l'absence de signature avec la France d'une convention fiscale d'assistance est de nature à justifier l'institution d'un prélèvement libératoire dont le redevable est la SCI, la même absence ne saurait à elle seule justifier un taux d'imposition majoré ; que l'administration ne fait d'ailleurs pas état de justifications précises tirées de raisons impérieuses d'intérêt général ;

9. Considérant, en dernier lieu, que le ministre soutient que le prélèvement dont s'agit a été institué par l'article 8 de la loi n° 76-660 du 19 juillet 1976, soit antérieurement à la date du 31 décembre 1993 mentionnée à l'article 57 du traité instituant la Communauté européenne, que la restriction existait dans l'ordre juridique avant cette date et de manière ininterrompue, et qu'il est ainsi fondé à se prévaloir de la dérogation, dite " clause de gel ", admise par cet article ; que, toutefois, la notion de clause de restriction existant au 31 décembre 1993 suppose que le cadre juridique dans lequel s'inscrit la restriction ait fait partie de l'ordre juridique de l'Etat membre concerné d'une manière ininterrompue depuis cette date ; que, s'agissant d'une plus-value réalisée par une société civile immobilière dont le siège est en France, ce type de société, quel qu'ait été le lieu de résidence de ses associés, n'était pas soumise à un taux majoré d'imposition avant que n'intervienne l'article 50 de la loi du 30 décembre 2004 susvisée modifiant l'article 224 bis A du code général des impôts dont il a été fait application ; que ces dispositions de l'article 50 de la loi du 30 décembre 2004 ont d'ailleurs eu notamment pour objet de soumettre les sociétés relevant des articles 8 et 8 ter dont le siège est en France mais dont les associés sont des résidents d'Etats tiers qui ne sont ni membre de l'Union Européenne, ni parties à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, à ce prélèvement majoré d'un tiers pour les plus-values immobilières réalisées lors de la cession d'immeubles ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le ministre, la restriction en cause n'a pas fait partie de l'ordre juridique de manière ininterrompue depuis le 31 décembre 1993 ; que le ministre ne peut donc soutenir que cette restriction aux mouvements de capitaux relevait des dérogations prévues à l'article 57 du traité instituant la Communauté européenne ;

10. Considérant qu'il s'ensuit que l'imposition en litige constitue une restriction aux mouvements de capitaux prohibée par les articles 56, 57 et 58 du traité et que les requérants sont fondés à soutenir que le prélèvement acquitté par la société civile immobilière Saint-Etienne doit être ramené de 33,1/3 % à 16 % ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge du prélèvement libératoire prévu à l'article 244 bis A auquel la société civile immobilière Saint-Etienne a été soumise pour la plus-value immobilière qu'elle a réalisée en 2006 à concurrence de la somme correspondant à la réduction du taux de prélèvement de 33,1/3 % à 16 % ;

Sur les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société civile immobilière Saint-Etienne et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0605508 du Tribunal Administratif de Grenoble du 23 novembre 2011 est annulé.

Article 2 : Le taux de prélèvement libératoire auquel a été soumise, au titre de l'année 2006, la société civile immobilière Saint-Etienne, sur le fondement de l'article 244 bis A du code général des impôts, à raison de la plus value immobilière réalisée lors de la vente d'un bien immobilier situé à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, est ramené de 33,1/3 % à 16 %.

Article 3 : La société civile immobilière Saint-Etienne est déchargée du prélèvement auquel elle a été soumise en application de l'article 244 bis A du code général des impôts à concurrence de la somme correspondant à la réduction de taux fixée à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : L'Etat versera à la société civile immobilière Saint-Etienne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Saint-Etienne, à M. et Mme A...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

M. Segado et M.B..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 29 janvier 2013.

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