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06/02/2014 | FRANCE | N°13LY00119

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 06 février 2014, 13LY00119


Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2013, présentée pour M. C...A..., domicilié ...;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200966 du 12 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), légalement substitué à l'Etablissement français du sang (EFS), soit condamné à lui verser une indemnité de 136 281,15 euros en réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux et une i

ndemnité de 86 732,02 euros en réparation de ses préjudices patrimoniaux ;

2°) ...

Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2013, présentée pour M. C...A..., domicilié ...;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200966 du 12 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), légalement substitué à l'Etablissement français du sang (EFS), soit condamné à lui verser une indemnité de 136 281,15 euros en réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux et une indemnité de 86 732,02 euros en réparation de ses préjudices patrimoniaux ;

2°) de prononcer la condamnation demandée, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la probabilité d'une origine transfusionnelle de sa contamination par le virus de l'hépatite C était moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions, faisant référence à un épisode de toxicomanie, alors qu'en vertu de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, le doute doit profiter au demandeur, qu'il rapporte un nombre important d'indices concordants permettant la mise en oeuvre de la présomption de causalité, et que l'expert a omis de prendre en compte l'absence d'échange de seringues durant la période de toxicomanie ;

- la présomption ne peut être renversée qu'à la condition que l'ONIAM rapporte la preuve que la probabilité d'une origine étrangère aux transfusions est manifestement plus vraisemblable que celle d'une origine transfusionnelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- il doit être indemnisé de ses préjudices patrimoniaux, à raison de pertes de revenus actuels et d'une incidence professionnelle, comme de ses préjudices extrapatrimoniaux, au titre d'un déficit fonctionnel temporaire total puis partiel, d'un déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées et du préjudice spécifique de contamination ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2013, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui conclut au rejet de la requête ;

L'ONIAM soutient que :

- il convient de confronter le risque transfusionnel auquel a été exposé M. A..., du fait de la transfusion qu'il aurait reçue en 1975, sans qu'une enquête transfusionnelle n'ait pu être réalisée dans la mesure où les numéros de produits sanguins n'étaient pas mentionnés dans son dossier médical, avec les autres sources de contamination auxquelles il a été exposé, provenant de sa toxicomanie, d'un tatouage et des hospitalisations de 1975 et 1977, l'expert ayant estimé que l'hypothèse de loin la plus vraisemblable était que l'infection de l'intéressé par le virus de l'hépatite C soit secondaire à sa période de toxicomanie ;

- l'absence de traçabilité des produits sanguins ne pouvant constituer à elle seule le faisceau de présomptions nécessaires, M. A... ne rapporte pas un faisceau de présomptions conférant à l'hypothèse de sa contamination par des produits sanguins un degré suffisamment élevé de vraisemblance ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 janvier 2014, présenté pour M.A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, notamment le IV de son article 67 ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010, notamment son article 8 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2014 :

- le rapport de M. Seillet, président ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A..., à la suite d'un accident du travail à l'origine d'une plaie au foie, a subi une intervention d'hépatectomie, réalisée le 24 janvier 1975 au centre hospitalier de Montbéliard, à l'occasion de laquelle il a reçu des produits sanguins ; qu'en septembre 2005, des examens ont révélé la contamination de M. A... par le virus de l'hépatite C ; qu'afin d'être indemnisé des conséquences de cette contamination par le virus de l'hépatite C, qu'il impute aux transfusions sanguines, M. A... a demandé la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), substitué légalement à l'Etablissement français du sang (EFS) ; que M. A... fait appel du jugement du 12 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. " ;

3. Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; qu'eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport déposé le 5 septembre 2007 par l'expert désigné par une ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Besançon, que M. A... a été exposé à plusieurs facteurs de risque de contamination ; qu'il en résulte, notamment, que M. A..., ainsi qu'il l'a exposé lors des opérations d'expertise, a débuté une toxicomanie, par injections quotidiennes de morphine et de produits dérivés, après son accident de 1975 et jusqu'en 1977, lorsqu'il a été admis, en urgence, en mai 1977, au centre hospitalier de Montbéliard pour un phlegmon de l'avant-bras droit après une " piqûre infectée " ; que selon le même rapport d'expertise, le risque de contamination par le virus de l'hépatite C d'un des produits sanguins administrés à M. A... le 24 janvier 1975 doit être estimé entre 1/250 et 1/400, par produit, soit une probabilité que l'une au moins des 10 unités de sang transfusées ait été infectée par le VHC estimée à 5 %, alors que la probabilité pour un toxicomane par voie veineuse d'acquisition du virus avait été estimée en France à l'époque entre 50 et 80 % après un an de toxicomanie et au-delà de 90 % après deux ans de toxicomanie ; que si M. A... soutient que l'expert ne mentionne pas la source de cette statistique, il ne produit aucun élément de nature à la contredire ; que les affirmations du requérant selon lesquelles il n'aurait pas procédé à l'échange de seringues, et qu'il n'aurait utilisé que des seringues à usage unique sur prescription médicale, alors au demeurant qu'ainsi qu'il a été dit, il a fait l'objet d'une hospitalisation en 1977 en raison des conséquences d'une " piqûre infectée ", ne suffisent pas à contredire les constatations de l'expert selon lesquelles la possession de matériel d'injection étant illégale à l'époque de la toxicomanie de M. A..., cette illégalité rendait indispensable pour les toxicomanes par voie veineuse le détournement de matériels d'injections ; que, dans ces circonstances, la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ; qu'au demeurant, alors que le rapport d'expertise mentionne que M. A... n'a pas présenté de problème médical entre 1977 et 2003, date à laquelle il a été hospitalisé pour une hernie inguinale, et ne fait état d'épisodes d'asthénie qu'en juin 2005, quelques mois avant la découverte de sa contamination par le virus de l'hépatite C, les éléments produits par le requérant, qui se borne à affirmer qu'il aurait connu des épisodes d'asthénie après l'intervention du 24 janvier 1975, sans en préciser les dates, ne permettent pas d'établir une date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C avant la découverte de sa contamination, au cours de l'année 2005, trente années après les transfusions auxquelles il impute cette contamination ; que par suite ses conclusions indemnitaires dirigées contre l'ONIAM ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il en résulte que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à la Caisse primaire d'assurance maladie de Saône et Loire et à la Mutuelle générale de l'Education Nationale FILIA.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2014 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

MM. B...etD..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 6 février 2014.

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N° 13LY00119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00119
Date de la décision : 06/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CABINET COUBRIS - COURTOIS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-06;13ly00119 ?
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