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13/05/2014 | FRANCE | N°12LY23800

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 13 mai 2014, 12LY23800


Vu l'ordonnance n° 373441 en date du 4 décembre 2013, par laquelle, en application des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a décidé d'attribuer la requête de M. A...B...à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2012, présentée pour M. A...B...domicilié ... ;

M. A...B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100049 en date du 10 juillet 2012 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a refusé de l'indemnis

er au titre des jours de repos compensateurs acquis avant 1994 et limité l'indemni...

Vu l'ordonnance n° 373441 en date du 4 décembre 2013, par laquelle, en application des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a décidé d'attribuer la requête de M. A...B...à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2012, présentée pour M. A...B...domicilié ... ;

M. A...B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100049 en date du 10 juillet 2012 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a refusé de l'indemniser au titre des jours de repos compensateurs acquis avant 1994 et limité l'indemnisation du préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence à 3 500 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 85 670 euros en réparation des préjudices subis, outre intérêts au taux légal à compter de la demande indemnitaire et capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la faute de l'Etat est établie dès lors que l'arrêté du 6 décembre 1994 annulant les repos compensateurs était illégal ;

- cette faute l'a privé de nombreux jours de repos compensateurs ; le lien de causalité entre l'illégalité fautive et le préjudice est établi ; le règlement intérieur du 19 août 1997 est applicable ;

- le jugement est contradictoire en ce qu'il reconnait un préjudice moral et non un préjudice financier ;

- les dommages résultant d'une faute doivent être réparés à condition qu'ils soient directs et certains ; que la valorisation des heures effectuées doit être faite sur la base du montant horaire moyen de la rémunération sur la période considérée ; que le décompte au 30 novembre 1994 de 210,9 jours doit être réactualisé à 235 jours du fait de la modification du nombre d'heures quotidiennes à effectuer opérée en décembre 2008 ;

- il y aurait rupture d'égalité entre agents devant les charges publiques en l'absence d'indemnisation ; que son salaire s'élevait en fin de carrière à environ 46 euros net par heure, ce qui représente pour 1 645 heures, 75 670 euros ;

- il a été induit en erreur par l'administration qui affirmait qu'il n'avait pas droit de revendiquer le bénéfice de ses repos compensateurs ; que ces derniers étaient la contrepartie des besoins de l'administration qui a ainsi économisé un an de son salaire ;

- les troubles dans ses conditions d'existence sont établis du fait qu'il n'a pu prendre de retraite anticipée et doivent, avec le préjudice moral, être évalués à 10 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2013, présenté pour le ministre de l'intérieur qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à l'annulation du jugement du tribunal administratif et, à titre subsidiaire, à la prescription et à la minoration des préjudices retenus ;

il soutient que :

- l'illégalité de l'arrêté du 6 décembre 1994 ne fait pas peser sur l'administration une obligation d'indemniser les repos compensateurs non pris ;

- l'action contentieuse n'est pas constitutive d'un préjudice moral et ne pourrait être indemnisée que sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, les délais de prescription ont couru à compter du 1er janvier 1995 et les créances étaient donc prescrites au 1er janvier 1999 ; la demande d'indemnisation du 28 septembre 2009 n'a pas interrompu le délai de prescription ; les premières demandes d'indemnisation suite à l'arrêt annulant l'arrêté du 6 décembre 1994 ont été introduites postérieurement au 12 décembre 2008 ;

- à titre infiniment subsidiaire, l'indemnisation ne pourrait être fondée que sur les dispositions de l'article 3 du décret du 3 mars 2000, ce qui, en janvier 2013, correspond à un montant de 12,28 euros bruts ; le montant de l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ne saurait dépasser 3 500 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juillet 2013, par lequel le ministre de l'intérieur communique à la Cour un jugement du tribunal administratif de Rennes ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er août 2013, présenté pour M. B...qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu l'arrêté du 19 août 1997 portant règlement intérieur applicable aux personnels navigants du groupement d'hélicoptères ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2014 :

- le rapport de M. Clément, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de M.B... ;

1. Considérant que M. A...B..., a exercé les fonctions de pilote d'hélicoptère auprès de la direction de la sécurité civile du 28 septembre 1984 au 31 octobre 2007 ; que par un courrier du 28 septembre 2009, il a demandé l'indemnisation des 235 jours de repos compensateurs accumulés antérieurement au 6 décembre 1994 et illégalement annulés par l'arrêté du 6 février 1994 du ministre de l'intérieur ; que, par lettre du 11 décembre 2009, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a répondu au requérant qu'" en l'absence de textes prévoyant une telle indemnité, une étude est en cours (...) afin de déterminer selon quelles modalités et sur quel fondement juridique il convient de procéder à cette indemnisation. " ; que M. B...a contesté la légalité de cette décision et demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'État à lui verser la somme de 85 670 euros en réparation des préjudices matériels et moraux subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la requête, intérêts dont il demande la capitalisation ; que M. B...fait appel du jugement n° 1100049 en date du 10 juillet 2012 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a refusé de l'indemniser au titre des jours de repos compensateurs acquis avant 1994 et limité l'indemnisation du préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence à 3 500 euros ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. " ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'a prévu l'indemnisation des jours de repos compensateurs non pris ; que par suite, M. B...n'est pas fondé à en demander le paiement ;

3. Considérant que l'administration en annulant illégalement les jours de repos compensateur accumulés par le requérant au 6 décembre 1994 a commis une faute engageant sa responsabilité ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, la prescription ne court pas contre le créancier " qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance. " ; qu'il en résulte que le délai de prescription ne court pas à l'encontre d'une victime qui n'est pas en mesure de connaître l'origine du dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de la personne publique ; que le requérant n'a eu connaissance du fait générateur des préjudices subis qu'au 12 décembre 2008, date de la décision par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a considéré que l'arrêté ministériel susmentionné du 6 décembre 1994 était illégal ; que, par suite, l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre doit être écartée ;

5. Considérant que si M. B...invoque un préjudice financier correspondant à la valorisation des jours accumulés sur la base de son traitement mensuel lors de l'année 2007, l'absence de possibilité de prendre ces jours avant son départ effectif en retraite n'a pas donné lieu à une perte de revenu ; que par suite, le requérant n'établit pas le préjudice financier invoqué ;

6. Considérant que si M. B...invoque un préjudice moral qu'il évalue à 10 000 euros, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 5 000 euros ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est seulement fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nîmes a limité à 3 500 euros son indemnisation au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ; qu'il y a lieu de réformer le jugement sur ce point pour porter l'indemnisation de ce chef de préjudice à 5 000 euros ;

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme quelconque au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etat versera une somme de 5 000 euros à M. A...B....

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 10 juillet 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mai 2014.

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N° 12LY23800


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY23800
Date de la décision : 13/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: M. Marc CLEMENT
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SELARL HUGLO - LEPAGE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-13;12ly23800 ?
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