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25/09/2014 | FRANCE | N°13LY02368

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2014, 13LY02368


Vu la requête, enregistrée le 22 août 2013, présentée pour la Sarl " Laboratoires Paul Hartmann " dont le siège est situé 9 route de Sélestat à Chatenois (67730) ;

La Sarl " Laboratoires Paul Hartmann " demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1000870 du 24 juin 2013 du Tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande en annulation d'un marché public signé le 3 décembre 2009 entre les hôpitaux Drôme Nord et la société " SCA Hygiène Products " pour la fourniture de protection à usage unique pour adultes incontinents ;

2°) d'annule

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Vu la requête, enregistrée le 22 août 2013, présentée pour la Sarl " Laboratoires Paul Hartmann " dont le siège est situé 9 route de Sélestat à Chatenois (67730) ;

La Sarl " Laboratoires Paul Hartmann " demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1000870 du 24 juin 2013 du Tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande en annulation d'un marché public signé le 3 décembre 2009 entre les hôpitaux Drôme Nord et la société " SCA Hygiène Products " pour la fourniture de protection à usage unique pour adultes incontinents ;

2°) d'annuler le marché public signé le 3 décembre 2009 entre les hôpitaux Drôme Nord et la société " SCA Hygiène Products "

3°) de condamner les Hôpitaux Drôme Nord à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais exposés en première instance et la même somme pour les frais exposés devant la Cour ;

4°) de laisser à la charge des Hôpitaux Drôme Nord les éventuels dépens de l'instance ;

La société " Laboratoires Paul Hartmann " soutient que le Tribunal a commis une erreur en estimant que le choix d'une mise en concurrence sur la base d'un coût par jour et par personne, impossible à établir, ne révélait pas une insuffisante définition du besoin alors que les besoins des différents hôpitaux adhérents à ce groupement de commande n'avaient pas été renseignés ; que ce critère a été proposé par un candidat, ancien titulaire du marché précédent, détenteur de l'ensemble des données nécessaires par hôpital, en pleine négociation, révélant une rupture du principe d'égalité de traitement des candidats ; que ces informations n'étaient pas aisément accessibles contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal ; que, sur les trois candidats, seul le titulaire du marché sortant a pu faire une offre conforme ; que la clause de reconduction partielle du marché était irrégulière ; que le Tribunal a commis une erreur en estimant que son offre n'était pas conforme ; que le pouvoir adjudicateur n'a ni transmis l'avis de la commission des marchés du 27 novembre 2009 ni le rapport d'analyse des offres ; qu'une négociation, irrégulière, a eu lieu entre le pouvoir adjudicateur et la société qui a finalement obtenu le marché ; que les irrégularités retenues par le tribunal ont nécessairement eu une influence sur les résultats de la consultation ; que la clause de révision des prix était irrégulière ; que le Tribunal ne pouvait décider de mesures de régularisation dans la mesure où les irrégularités constatées avaient eu une influence sur le choix du titulaire et qu'il aurait dû prononcer la résolution du marché ; qu'il ne pouvait pas davantage imposer une référence à l'indice INSEE pour la clause de révision des prix ;

Vu enregistré le 29 novembre 2013 le mémoire en défense présenté pour les Hôpitaux Drôme Nord qui concluent au rejet de la requête et à la condamnation de la société " Laboratoires Paul Hartmann " à leur verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la société candidate n'a formulé aucune question dans le cadre de la consultation et notamment pas sur le critère prix ; que seuls 5 établissements sur 81 établissements membres du groupement n'ont pas communiqué le nombre de personnes potentiellement concernées ; qu'il a été précisé dans un complément d'information aux candidats que, dans le cas de ces 5 établissements, il n'était pas nécessaire de proposer un coût journalier par personne ; que le mail de la société concurrente se contente d'exprimer sa propre méthode de calcul ; que si les reconductions de ce marché à bon de commande étaient prévues chaque année, il n'y avait pas de droit à reconduction ; que les stipulations des reconductions pour un marché sans maximum ni minimum ne modifiaient pas les caractéristiques générales de ce marché ; que l'offre de la société " Laboratoires Paul Hartmann " n'était pas conforme pour avoir proposé un prix variable, y compris pour les établissements qui avaient donné les éléments d'informations statistiques ; que l'avis de la commission des marchés a été rendu au regard de l'analyse technique et financière et non pas au vu de la prestation réalisée par le titulaire du précédent marché ; que le mail de la société " SCA Hygiène Products " du 14 octobre 2009, postérieur au dépôt des offres, expose sa méthode de calcul des coûts et n'impose pas cette méthode ou ce critère et ne révèle pas une quelconque négociation ; que l'illégalité d'un contrat n'entraîne pas son annulation ou sa résiliation automatique ; qu'aucun des vices allégués, au demeurant non établis, ne justifient une annulation ou une résiliation dans le cadre de l'office du juge du recours en validité du contrat ; que la cause de révision des prix avait pour but à la fois de tenir compte du contenu élevé de dérivés en pétrole entrant dans la composition des produits du lot n° 1 en cause tout en protégeant les intérêts des acheteurs publics en limitant la hausse à 2 % maximum ; qu'en tout état de cause, cette clause n'a eu aucun effet sur la procédure de passation du marché ni sur le rejet pour non conformité de l'offre de la société requérante ;

Vu enregistré le 7 janvier 2014 le mémoire en réplique présenté pour la société " Laboratoires Paul Hartmann " qui confirme ses précédentes écritures en précisant que sur 87 établissements, 15 seulement ont renseigné convenablement le tableau permettant de préciser les besoins quantitatifs par établissement, que le vice affectant les quantités non définies était très grave, seul le titulaire du marché précédent possédait les informations lui permettant de répondre à la consultation ;

Vu l'ordonnance en date du 7 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 22 janvier 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code des marchés publics ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2014 :

- le rapport de M. Gazagnes, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de MeB..., pour la Sarl " laboratoire Paul Hartmann " et celles de MeA..., pour les hôpitaux Drôme Nord ;

Vu la note en délibéré produite par les laboratoires Hartmann enregistrée le 17 septembre 2014 ;

1. Considérant que par une convention du 9 juin 2007, divers établissements de santé de la région Rhône-Alpes se sont regroupés en un groupement régional de commande sur l'incontinence, dont le coordonnateur mandataire était les Hôpitaux Drôme Nord ; que les Hôpitaux Drôme Nord ont publié le 22 juillet 2009 un avis d'appel d'offres pour un marché à bons de commandes pour des produits non tissés à usage unique liés à l'incontinence ; que la société " Laboratoires Paul Hartmann " a déposé une offre au titre du lot n°1; que par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 17 septembre 2009, les Hôpitaux Drôme nord lui a notifié le rejet de son offre pour irrégularité ; que le lot n°1 a été attribué le 3 décembre 2009 à la société " SCA Hygiène Products " ; que la société" Laboratoires Paul Hartmann " relève appel du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 24 juin 2013 en tant qu'il n'a pas prononcé l'annulation de ce marché mais s'est borné à ordonner des mesures de régularisation ;

2. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;

3. Considérant que, ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

4. Considérant que la société " Laboratoires Paul Hartmann " soutient en premier lieu que l'appel d'offres reposait sur le critère du prix, apprécié notamment sur la base d'un sous-critère relatif au coût par jour par personne incontinente en long séjour, impossible à établir dès lors que les besoins des différents hôpitaux adhérents à ce groupement de commande n'avaient pas été renseignés et que ce sous-critère révélait une insuffisante définition du besoin, en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du code des marchés publics ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le critère du prix, pondéré à 35 %, était composé de deux sous-critères, l'offre de prix pondéré à 20 % et le coût par jour par personne incontinente, pondéré à 15 % ; que le sous critère du coût journalier par personne incontinente hospitalisée en long séjour défini à l'article 10.3 du cahier des clauses administratives particulières a été retenu pour favoriser la performance annuelle des établissements hospitaliers et de santé et de leur fournisseur quant au suivi et la maîtrise des consommations en définissant un montant annuel à ne pas dépasser, les dépassements éventuels en cours d'année étant à la charge du titulaire du marché ; que si des établissements, membres du groupement, en faible nombre, n'avaient pas renseigné le tableau de leurs lits de long séjour et leur taux d'occupation de patients incontinents, le pouvoir adjudicateur avait informé les candidats, le 26 août 2009, qu'il n'y avait pas lieu pour eux de chiffrer le coût journalier par incontinent s'agissant de ces établissements ; que la société " Laboratoires Paul Hartmann ", qui n'a d'ailleurs jamais sollicité de précisions, n'établit pas que les prévisions de consommation de chaque établissement pour les années 2010 à 2013 fournies à l'ensemble des candidats ne lui permettaient pas de définir un coût journalier pertinent pour la période du marché, alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que le nombre d'incontinents en court séjour est négligeable, ce que ne pouvait ignorer un spécialiste du secteur comme la société requérante ;

6. Considérant enfin qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du courriel du 14 octobre 2009 de la société attributaire, que cette dernière disposait seule des renseignements pertinents ou qu'elle aurait été à l'origine de la définition de ce sous-critère ;

7. Considérant, dans ces conditions, que la société " Laboratoires Paul Hartmann " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif n'a pas regardé le critère prix comme vicié ; que, pour les mêmes raisons, elle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que son offre a été rejetée comme irrecevable faute d'avoir présenté une offre conforme aux exigences de l'article 10. 3 du cahier des clauses administratives particulières, n'ayant, ainsi qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, proposé que des prix variables de - 10 % à + 10 % par rapport à un prix pivot de 0,90 euro TTC par fourniture ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, la clause de reconduction du marché prévue à l'article 5 du cahier des clauses administratives particulières était irrégulière en tant qu'elle prévoyait la possibilité d'une reconduction partielle à la discrétion des établissements ; que, toutefois, s'agissant d'un marché à bons de commande sans minimum, cette possibilité ne saurait emporter modification des caractéristiques du marché ;

9. Considérant, en troisième lieu, que si la société " Laboratoires Hartmann " soutient que le marché n'a pas été attribué conformément aux critères de la consultation mais seulement sur la circonstance que le précédent attributaire avait donné satisfaction, le moyen manque en fait, le procès-verbal de la commission d'appel d'offres du 27 novembre 2009 comprenant une annexe notant l'offre de la société attributaire selon les critères du marché et constatant que les offres des deux autres candidats ont été rejetées comme irrégulières ;

10. Considérant, en dernier lieu, que le courriel précité de la société attributaire, en date du 14 octobre 2009, adressé à l'hôpital après le rejet le 15 septembre des deux autres offres jugées irrégulières mais avant la réunion le 27 novembre 2007 mentionne les modalités de détermination du coût par personne incontinente par jour et indique qu'" il serait bien de connaître la spécificité des services concernés " ; que faute pour les Hôpitaux Drôme Nord d'avoir produit l'offre présentée par la société attributaire ni le rapport d'analyse de son offre, après occultation des mentions éventuellement couvertes par le secret industriel et commercial, le pouvoir adjudicateur n'établit pas que l'offre de la société SCA Hygiène Products n'aurait pas été modifiée avant la réunion de la commission d'appel d'offres ; que la société " Laboratoires Hartmann " est fondée à soutenir que la procédure d'attribution du marché est sur ce point irrégulière ;

11. Considérant toutefois que ni cette irrégularité ni les irrégularités retenues par le tribunal relatives à l'illégalité de la clause de révision des prix et à l'absence de mention dans l'avis d'appel public à la concurrence de la nature des ressources affectées au marché et à son montant prévisionnel, qui n'affectent ni le consentement de la personne publique ni le bien-fondé du marché ni, en l'absence de circonstance particulière révélant une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, ne justifient l'annulation du contrat ; que le marché ayant été entièrement exécuté à la date où le juge se prononce, il n'y a pas lieu d'en prononcer la résiliation ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société " Laboratoires Paul Hartmann " n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du marché signé le 3 décembre 2009 par les Hôpitaux Drôme Nord et la société " SCA Hygiène Products " ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par la société " Laboratoires Hartmann " doivent être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les hôpitaux Drôme Nord sur ce fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Sarl " Laboratoires Paul Hartmann " est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des Hôpitaux Drôme Nord présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl " Laboratoires Paul Hartmann ", aux hôpitaux Drôme Nord et à la société SCA Hygiène Products.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

M. Gazagnes, président-assesseur,

M Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Lu en audience publique, le 25 septembre 2014.

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N° 13LY02368 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02368
Date de la décision : 25/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Appel d'offres.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation - Pouvoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Philippe GAZAGNES
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SCP CHARREL ET ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-09-25;13ly02368 ?
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