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02/07/2015 | FRANCE | N°14LY03021

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2015, 14LY03021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. JeanH...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en partie assortis d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses, qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2002 au 30 septembre 2004. Par un jugement n° 0805960 du 29 juin 2012, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande à hauteur de la somme de 5 272 euros en droits et 4 959 euros en pénalités (article 1er du jugement) et a

rejeté le surplus de ses conclusions (article 2 du jugement).

Par un arr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. JeanH...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en partie assortis d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses, qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2002 au 30 septembre 2004. Par un jugement n° 0805960 du 29 juin 2012, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande à hauteur de la somme de 5 272 euros en droits et 4 959 euros en pénalités (article 1er du jugement) et a rejeté le surplus de ses conclusions (article 2 du jugement).

Par un arrêt n° 12LY02384 du 28 mai 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, déchargé M. H...des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui étaient réclamés à hauteur de 13 220 euros en droits pour la période du 1er octobre 2002 au 30 septembre 2003 et de 3 796 euros en droits pour la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2004 (articles 1er et 2 de l'arrêt) et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de sa requête (article 3 de l'arrêt).

Par décision n° 370354 du 25 septembre 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt du 28 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon et, d'autre part, renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à cette même cour. Cette décision a été enregistrée, avec les documents visés par celle-ci, sous le n° 14LY03021.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire, enregistré le 19 février 2015, M.H..., représenté par la SCP Mazzieri Bellon et Cabanne, demande à la cour :

1°) à titre principal :

- d'annuler l'article 2 du jugement du 29 juin 2012 ;

- de prononcer la décharge des impositions demeurant à sa charge, sauf celles résultant de la non-déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des dépenses d'ordre privé pour un montant de 94 euros, et des pénalités y afférentes;

2°) à titre subsidiaire :

- de réformer l'article 2 du jugement du 29 juin 2012 ;

- de prononcer la réduction, à hauteur de 14 174,27 euros en droits, 11 339,42 euros en pénalités de 80 % et 1 991,49 euros en intérêts de retard, des impositions demeurant à sa charge, sauf celles résultant de la non-déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des dépenses d'ordre privé pour un montant de 94 euros, et des pénalités y afférentes;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- M. H...n'a jamais été informé de la nature et de la teneur des documents obtenus par exercice du droit de communication de l'administration fiscale auprès de la SARL ICR et du parquet de Grenoble ; il n'a pas été destinataire de ces documents ;

- les factures " originales ", en réalité émises ou corrigées frauduleusement par un tiers, obtenues par exercice du droit de communication auraient dû être soumises à un débat oral et contradictoire ;

- l'attestation du 18 mai 2006, obtenue dans un contexte de crainte et de contrainte morale, est dépourvue de force probante, de telle sorte que les rectifications ne reposent que sur des éléments obtenus auprès de tiers ;

- M. H...n'est ni l'auteur des factures découvertes dans la comptabilité de la SARL ICR et de la SCI Delphinelle, ni le bénéficiaire des chèques de règlement établis par ces deux sociétés ; les factures en cause et les encaissements correspondants ne peuvent par conséquent lui être imputés ;

- en l'absence d'élément matériel et intentionnel imputable à M.H..., l'application des majorations pour manoeuvres frauduleuses n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les factures originales obtenues par l'administration dans l'exercice du droit de communication ne constituant pas des pièces comptables de M.H..., mais des pièces comptables de tiers, elles n'avaient pas à être soumises au débat oral et contradictoire, quand bien même elles auraient été émises ou corrigées par ces tiers.

Un mémoire présenté pour M. H...a été enregistré le 12 juin 2015. Ce mémoire, concluant aux mêmes fins que les précédentes écritures de M.H..., par les mêmes moyens, n'a pas été communiqué.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 18 juin 2015 :

- le rapport de M. Meillier ;

- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public.

1. Considérant que M. JeanH..., qui exerce une activité individuelle de pose de cloisons et de matériel d'isolation, a fait l'objet entre le 27 avril et le 17 juillet 2006 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2002 au 30 septembre 2004 ; qu'au cours de cette vérification, le service a exercé son droit de communication auprès d'un de ses clients, la SARL ICR, et du parquet du tribunal de grande instance de Grenoble ; qu'à l'issue de ce contrôle et au vu, notamment, des éléments obtenus au moyen de ce droit de communication, le vérificateur a estimé, en particulier, que M. H...avait omis, en ayant recours à un mécanisme de fausses factures, de comptabiliser et de déclarer une partie de son chiffre d'affaires réalisé avec deux clients, la SARL ICR et la SCI Delphinelle, et a, par suite, rectifié le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée par l'intéressé au titre de la période vérifiée ; qu'en conséquence, M. H...a été assujetti, au terme d'une procédure de rectification contradictoire, à des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 2002 au 30 septembre 2004, assortis, s'agissant des rectifications liées à la taxe sur la valeur ajoutée collectée non déclarée, d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ;

2. Considérant qu'après avoir prononcé une décharge partielle, au motif qu'en l'absence d'encaissement par M. H...des prestations facturées par lui à la SCI Delphinelle seule la taxe facturée par lui au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée pouvait lui être réclamée au titre desdites prestations, le tribunal administratif de Grenoble a, par l'article 2 de son jugement du 29 juin 2012, rejeté le surplus de la demande de M. H...tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée précités ; que, par arrêt du 28 mai 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, déchargé M. H... des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui étaient réclamés à hauteur de 13 220 euros en droits pour la période du 1er octobre 2002 au 30 septembre 2003 et de 3 796 euros en droits pour la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2004 (articles 1er et 2 de l'arrêt) et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de sa requête (article 3 de l'arrêt) ; que, par décision du 25 septembre 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt du 28 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon et, d'autre part, renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour de céans ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer avec une précision suffisante le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, afin de permettre à l'intéressé notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée le 25 juillet 2006 à M. H... indique que le vérificateur a exercé, les 6 et 17 juillet 2006, auprès de la SARL ICR le droit de communication prévu par les articles L. 81 et L. 85 du livre des procédures fiscales et qu'il a ainsi obtenu une photocopie du grand-livre fournisseur " H... " au sein de la comptabilité de cette société ainsi que les factures correspondantes émises par l'intéressé et conservées par ladite société ; que cette proposition de rectification précise également que le vérificateur a exercé, le 29 juin 2006, auprès du vice-procureur de la République le droit de communication prévu par les articles L. 81 et L. 82 C du même livre et a ainsi pris connaissance, dans un dossier en instance au parquet du tribunal de grande instance de Grenoble, de trois factures émises par M. H...au nom de la SCI Delphinelle ; que la même proposition de rectification comportait des tableaux détaillant, pour chacun des deux exercices, les montants, numéros et dates des factures présentées par la SARL ICR ainsi que les montants et les dates des règlements correspondants comptabilisés par cette société ; qu'elle comportait également un tableau mentionnant, pour l'exercice clos le 30 septembre 2004, les montants, numéros, dates d'émission et de paiement des factures établies au nom de la SCI Delphinelle consultées auprès de l'autorité judiciaire ainsi que, pour chaque facture, la nature des travaux réalisés ; qu'il n'est pas contesté que les copies des factures établies au nom de la SARL ICR et de la SCI Delphinelle, obtenues par exercice du droit de communication, étaient annexées à la proposition de rectification ; qu'en outre, la lettre en date du 17 octobre 2006, adressée à M. H... en réponse à ses observations fait état des chèques de règlement émis par la SARL ICR et encaissés par la soeur ou par des amis de l'intéressé, obtenus par le service dans le cadre du contrôle fiscal de la SARL ICR et de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de MmeJ..., soeur de l'exploitant ; qu'à la demande de M.H..., l'administration lui a communiqué une copie de ces chèques par lettre du 9 février 2007, reçue le 13 février 2007, soit avant la mise en recouvrement, intervenue le 30 novembre 2007 ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que le contribuable vérifié se serait vu refuser la transmission d'autres documents que ceux dont il a sollicité la communication avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses ; que, dans ces conditions, M. H...a été informé, avec une précision suffisante, de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de la SARL ICR et de l'autorité judiciaire et s'est vu communiquer, avant la mise en recouvrement, une copie de l'ensemble des documents demandés ; que, dès lors, le service n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en utilisant les documents obtenus par exercice du droit de communication pour établir les impositions ;

5. Considérant, en second lieu, que si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ; que si les doubles des factures originales établies par une entreprise à l'intention de ses clients justifient ses écritures comptables et présentent ainsi le caractère de pièces comptables de l'entreprise qui les a émises, tel n'est pas le cas en revanche des factures originales elles-mêmes, qui n'ont, le cas échéant, le caractère de pièces comptables que pour les clients de cette entreprise ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, l'administration, faisant usage de son droit de communication, a obtenu auprès de la SARL ICR et de l'autorité judiciaire des factures, à en-tête de M.H..., établies au nom de la SARL ICR et de la SCI Delphinelle et conservées par ces deux sociétés à l'appui de leurs comptabilités respectives ; que ces factures originales n'ont le caractère de pièces comptables que pour ces deux sociétés, clientes de M.H... ; que la circonstance, au demeurant non établie, selon laquelle lesdites " factures originales " auraient en réalité été émises ou " corrigées " frauduleusement par un tiers utilisant l'en-tête de l'entreprise de M. H... et qu'elles différeraient ainsi nécessairement des " doubles " de ces factures conservés et comptabilisés par ce dernier n'est pas de nature à faire regarder les factures obtenues dans le cadre du droit de communication comme des pièces comptables de l'entreprise individuelle de M.H..., contribuable vérifié ; que le grand-livre fournisseur " H... ", extrait de la comptabilité de la SARL ICR et communiqué au service par cette société, ne constitue pas davantage une pièce comptable de l'entreprise vérifiée ; que, dès lors, l'administration n'était pas tenue de soumettre au débat oral et contradictoire les renseignements et documents obtenus par exercice de son droit de communication auprès de la SARL ICR et de l'autorité judiciaire ; que, par ailleurs, il n'est ni établi ni même allégué que M. H... aurait été privé d'un débat oral et contradictoire sur les pièces comptables consultées dans son entreprise au cours de la vérification de comptabilité ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

7. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 55, L. 57, L. 11 et R. 194-1 du livre des procédures fiscales que, dans le cadre de la procédure contradictoire et en l'absence de dispositions contraires, la charge de la preuve incombe à l'administration à chaque fois que, comme en l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que le contribuable n'aurait pas accepté les rectifications envisagées ou ne les aurait pas contestées dans le délai qui lui est imparti, lequel est, en principe, de trente jours et peut, à sa demande, être prorogé de trente jours ;

8. Considérant que le vérificateur a estimé qu'au cours des deux exercices vérifiés, M. H... avait adressé de fausses factures à la SARL ICR, soit au titre de prestations fictives, soit au titre de prestations réelles mais pour des montants inférieurs aux travaux effectués et aux sommes perçues ; que, dans ce dernier cas, M. H...établissait une première facture pour le montant total et réel de sa prestation ; que la SARL ICR acquittait cette facture au moyen de plusieurs chèques dont un seul était encaissé par M. H...sur son compte bancaire professionnel et comptabilisé par lui ; que M. H... établissait alors une nouvelle facture du montant ainsi encaissé, seule conservée à l'appui de sa comptabilité ; que les autres chèques, qui n'apparaissaient pas en comptabilité, étaient encaissés par des tiers, parents ou amis de M. H..., qui lui remboursaient les sommes correspondantes en espèces ; que, par ailleurs, le vérificateur a également estimé qu'au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2004 M. H...avait émis et encaissé trois factures au nom de la SCI Delphinelle, sans les porter en comptabilité ; que, dans ces conditions, le vérificateur a écarté comme non sincère et non probante la comptabilité de l'entreprise de M. H...et a ensuite reconstitué le montant du chiffre d'affaires correspondant aux prestations réalisées pour ces deux sociétés clientes ; que, pour ce faire, il s'est fondé sur les factures fournisseur conservées par la SARL ICR et la SCI Delphinelle à l'appui de leurs comptabilités respectives, sur les écritures comptables de la SARL ICR retraçant les décaissements effectués par cette société en règlement de ces factures et sur les mentions manuscrites portées sur les factures établies au nom de la SCI Delphinelle et relatives à leur règlement ;

9. Considérant, en premier lieu, que si l'administration peut utiliser, en vue de déterminer les bases d'imposition d'un contribuable, les informations qu'en usant régulièrement de son droit de communication, elle a recueillies sur l'activité d'un tiers, de tels éléments ne sauraient, toutefois, être utilement opposés à l'intéressé que s'ils sont, en outre, corroborés par des constatations propres à son entreprise, à ses activités ou à sa situation ;

10. Considérant que, pour écarter la comptabilité de M. H...et pour reconstituer son chiffre d'affaires, le service ne s'est pas exclusivement fondé sur les éléments obtenus auprès de tiers, tels que les factures originales de M. H...issues des comptabilités de la SARL ICR et de la SCI Delphinelle, mais a également tenu compte d'une attestation en date du 10 mai 2006 par laquelle M. H...a, d'une part, reconnu avoir établi de fausses factures au nom de la SARL ICR au titre desquelles aucun travail n'a été effectué et, d'autre part, déclaré que certaines prestations facturées à la SARL ICR ayant été réglées par deux ou trois chèques sans ordre, il avait refait des factures correspondant à un de ces deux ou trois chèques, encaissé sur son compte professionnel, les autres chèques étant encaissés soit par sa soeur, soit par des amis, lesquels le remboursaient ensuite en espèces ; que si le requérant soutient que cette attestation lui a été dictée par le vérificateur, dans un contexte de crainte et de " contrainte morale ", et alors qu'il n'était pas en mesure d'en apprécier la portée et les conséquences, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait signé cette attestation à la suite de pressions du vérificateur et que ce document serait, de ce fait, dépourvu de toute valeur probante ; qu'ainsi, les informations obtenues par le service auprès de tiers étaient, en l'espèce, corroborées par des constatations propres à l'entreprise de M. H...et pouvaient, par conséquent, lui être opposées ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant soutient que les factures découvertes dans la comptabilité de la SARL ICR et de la SCI Delphinelle ont été émises ou " corrigées " frauduleusement par un tiers utilisant l'en-tête de son entreprise, à savoir M.F..., dirigeant de ces deux sociétés ;

12. Considérant toutefois, d'une part, que le requérant n'apporte, s'agissant des factures conservées par la SARL ICR, aucun élément à l'appui de ses allégations, et se borne à indiquer que les sommes contestées sont importantes, que certaines ne correspondent à aucun travail que M. H...aurait effectué, que certains chèques de règlement ne mentionnent aucun bénéficiaire et que les bénéficiaires de certains autres chèques sont inconnus de M.H... ;

13. Considérant, d'autre part, que, s'agissant des trois factures issues de la comptabilité de la SCI Delphinelle, le requérant se borne à soutenir que le libellé des travaux qui y sont mentionnés ne serait pas reporté avec la police d'écriture habituellement utilisée par lui, qu'il ne serait pas l'auteur des mentions de règlement (date de règlement et référence des chèques) qui y figurent et qu'il ne connaissait pas les bénéficiaires des trois chèques de règlement, qui seraient, pour les deux premiers, " certainement " des fournisseurs des sociétés dirigées par M. F...- et notamment l'entreprise Flash Elec, auteur d'une facture établie au nom de M. F...et d'un montant identique à l'un des chèques - et, pour le troisième et dernier chèque, le notaire dudit M. F... ; que le ministre fait toutefois valoir, sans être contredit, qu'étant identique à celle portée sur l'attestation du 10 mai 2006, la signature figurant sur les trois factures concernées est bien celle de M. H...et que la présentation et les polices de caractères utilisées sont identiques à celles des factures établies habituellement par l'intéressé ; que si le requérant relève, sans plus de précisions, que certains des travaux facturés, relatifs à des prestations de maçonnerie ou de plomberie, étaient étrangers à son activité de plaquiste, il n'établit ni même n'allègue qu'il aurait été dans l'impossibilité de réaliser et ainsi de facturer de telles prestations ; que s'il indique qu'au cours de la période vérifiée, il était devenu économiquement dépendant de M.F..., il n'explique pas en quoi cette circonstance aurait permis à ce dernier d'établir de fausses factures à l'en-tête de l'entreprise vérifiée ;

14. Considérant, dès lors, qu'en l'absence d'éléments de nature à démontrer que les factures originales litigieuses auraient été établies ou falsifiées par les sociétés clientes de M. H..., et alors même que des dates de règlement et des références des chèques erronées auraient ultérieurement été apposées par une autre personne sur les factures conservées par la SCI Delphinelle, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que M. H... est bien l'auteur de l'ensemble des factures originales conservées par la SARL ICR et la SCI Delphinelle ;

15. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 3 de l'article 283 du code général des impôts : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation " ;

16. Considérant que, dans la mesure où M. H...a porté les droits rappelés sur les factures litigieuses, il est, de ce seul fait, redevable de cette taxe en application des dispositions précitées du 3 de l'article 283 du code général des impôts ; que, par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que certaines factures ne correspondraient à aucune prestation effectivement réalisée par lui ; qu'en tout état de cause, il n'est ni établi ni même sérieusement allégué que le vérificateur aurait retenu des factures ne correspondant à aucune prestation effectivement réalisée par M.H... ;

17. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où (...) la prestation de services est effectué[e] ; / (...) 2. La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération (...) " ;

18. Considérant que les dispositions précitées du 3 de l'article 283 du code général des impôts, relatives à la détermination du redevable de la taxe, n'ont ni pour objet ni pour effet de déroger aux règles d'exigibilité de la taxe ;

19. Considérant que le requérant soutient qu'il n'a pas personnellement encaissé l'intégralité des sommes figurant sur les factures originales découvertes dans la comptabilité de la SARL ICR et de la SCI Delphinelle et qu'il ne connaissait pas les bénéficiaires des chèques de règlement correspondants ;

20. Considérant, d'une part, que, s'agissant des factures établies par M. H...au nom de la SARL ICR, le vérificateur s'est fondé, pour déterminer le montant du chiffre d'affaires correspondant à ce client, sur le montant des décaissements effectués par cette société ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, M. H...a expressément reconnu, dans l'attestation du 10 mai 2006, avoir fait encaisser par sa soeur et par des amis des chèques de règlement émis sans ordre par la SARL ICR et que sa soeur et ses amis lui remboursaient ensuite les sommes encaissées par eux ; qu'il n'est pas contesté que certains chèques ont effectivement été encaissés par MmeJ..., soeur de M. H... ; que le ministre fait valoir que certains chèques sans ordre ont néanmoins été endossés, que M. H...connaissait certains bénéficiaires des chèques, et notamment M. C... K..., dans la mesure où la signature de l'épouse de M. H... apparaît au verso des chèques encaissés par M.K..., ainsi que M. G...B..., qui est un de ses sous-traitants, et que Mlle E... N...a encaissé, pour le compte de M. L...I..., des chèques rémunérant un travail dissimulé réalisé par ce dernier pour M.H... ; que, dans ces conditions, compte tenu des propres déclarations de l'intéressé corroborées par les éléments obtenus auprès de la SARL ICR, et alors même que le service n'a pu ni identifier les bénéficiaires de certains des chèques émis sans ordre, ni établir un lien entre M. H...et les bénéficiaires de certains autres chèques ainsi que la réalité du remboursement effectué en espèces par ces bénéficiaires, le ministre apporte la preuve de ce que M. H...a appréhendé, par le truchement de tiers, l'ensemble des chèques émis par la SARL ICR en règlement des factures initiales conservées à l'appui de sa comptabilité et de ce que la taxe mentionnée sur ces factures était bien devenue exigible au cours de la période vérifiée en application des dispositions du c du 2 de l'article 269 du code général des impôts ;

21. Considérant, d'autre part, que, s'agissant des trois factures établies le 15 août 2004 par M. H...au nom de la SCI Delphinelle, de montants respectifs toutes taxes comprises de 7 551,69 euros, 26 000 euros et 13 627,19 euros, le vérificateur s'est fondé, pour rattacher ces factures au chiffre d'affaires de la sous-période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2004, sur la mention " facture acquittée ", suivie d'une signature, apposée par M. H...sur chacune de ces factures et sur les mentions relatives à la date de paiement (respectivement 17, 27 et 31 août 2004) et au numéro du chèque utilisé figurant également sur ces factures ; qu'il est toutefois constant que ces dates de paiement et références de chèques correspondent à trois chèques établis par M. F... au nom, respectivement, de " MCD Tosun ", de Me M...A...et de " Flash Elec " ; que le requérant produit une facture établie le 30 novembre 2004 par l'entreprise Flash Elec au nom de M. et Mme F...pour la création de sept studios, d'un montant égal à la facture réglée le 31 août 2004 ; qu'à la demande du vérificateur, MeA..., notaire, a indiqué que le chèque de 26 000 euros encaissé par lui correspondait à un dépôt de garantie dans le cadre d'un compromis de vente d'un immeuble ; que le ministre admet, s'agissant de la facture de 26 000 euros, qu'elle n'a pas été acquittée au moyen de ce chèque ; que s'il estime que l'affirmation du requérant selon laquelle " MCD Tosun " et " Flash Elec " seraient certainement des fournisseurs des sociétés de M. F...n'est pas justifiée, il n'établit pas ni même n'allègue que M. H... aurait fait encaisser par ces deux bénéficiaires, moyennant remboursement, les deux chèques de 7 551,69 euros et 13 627,19 euros ; qu'il ne fait pas état d'autres paiements effectués par la SCI Delphinelle en règlement des trois factures litigieuses ; que, dans ces conditions, les seules mentions, non datées, " facture acquittée " ne suffisent pas à établir que ces factures ont été réglées à M. H...au cours de la période vérifiée ; qu'enfin, les dispositions du 3 de l'article 283 du code général des impôts, si elles confèrent à M. H...la qualité de redevable dans la mesure où il a personnellement établi les factures en cause, ne sauraient rendre cette taxe exigible en l'absence d'encaissement par l'intéressé des sommes facturées ; qu'ainsi, le ministre n'apporte pas la preuve de l'encaissement par M. H..., au cours de la sous-période litigieuse, des sommes facturées à la SCI Delphinelle ni, par suite, de l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces factures ;

22. Considérant, dans ces conditions, que le ministre démontre que M. H...a omis de comptabiliser et de déclarer au titre de la période vérifiée la totalité du chiffre d'affaires correspondant aux travaux réalisés par lui pour la SARL ICR et facturés initialement à cette société ; qu'en revanche, il n'établit pas qu'au cours de cette période, l'intéressé aurait effectivement collecté et, par suite, été tenu de déclarer et de reverser au Trésor la taxe afférente aux prestations facturées à la SCI Delphinelle ; que, dès lors, le ministre n'apporte que partiellement la preuve, qui lui incombe, de l'absence d'exagération des impositions contestées ;

En ce qui concerne les pénalités afférentes aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée liés au client SARL ICR :

23. Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti (...) d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre (...) de la taxe sur la valeur ajoutée (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;

24. Considérant que le service vérificateur a constaté que M. H...avait établi, selon le mécanisme décrit au point 8 du présent arrêt, de fausses factures au nom de la SARL ICR, d'un montant minoré par rapport aux véritables factures, et fait encaisser une partie des chèques de règlement par des proches sans comptabiliser ces encaissements ; qu'il a estimé que la rédaction, sur l'ensemble de la période vérifiée, de fausses factures, correspondant aux encaissements déclarés, avait été de nature à masquer la réalité de l'infraction et que l'objectif poursuivi était la minoration du chiffre d'affaires, afin d'éluder l'impôt ; qu'il a en conséquence assorti les rectifications liées à la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur des produits non déclarés d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ;

25. Considérant que, pour contester les pénalités appliquées, le requérant se borne à soutenir qu'il n'était pas l'instigateur des éléments matériels relevés par le service, mais la victime des agissements malveillants d'un tiers, M.F..., dont il dépendait économiquement, et qu'il existe un fort doute d'imputabilité sur l'ensemble des sommes rectifiées ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit plus haut que l'administration a établi que M. H... était bien l'auteur des factures découvertes dans la comptabilité de la SARL ICR ; que, dans ces conditions, en faisant état du mécanisme susmentionné consistant à établir successivement une facture initiale au nom de la SARL ICR puis une fausse facture d'un montant inférieur au nom de cette même société et à faire encaisser une partie des chèques de règlement par des parents ou amis, le ministre établit, s'agissant des minorations de chiffre d'affaires liées au client SARL ICR, que M. H...a fait usage d'artifices destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration et qu'il s'est ainsi rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ;

26. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. H...n'est fondé à demander la réformation de l'article 2 du jugement attaqué qu'en tant qu'il a refusé de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rectifications relatives au client SCI Delphinelle demeurant... ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

27. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. H...d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : M. H...est déchargé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés à hauteur de 2 460 euros en droits au titre de la sous-période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2004, ainsi que des pénalités y afférentes.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 0805960 du 29 juin 2012 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. H...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. H...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. JeanH...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Mear, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2015.

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N° 14LY03021


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