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22/10/2015 | FRANCE | N°14LY01511

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 octobre 2015, 14LY01511


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J...C..., Mme E...C...agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils F...C...et M. G...B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la commune de Romans-sur-Isère, de la communauté d'agglomération du Pays de Romans, du syndicat mixte Romans-Bourg de Péage et de son assureur la SMACL à verser les sommes suivantes en réparation des préjudices résultant de l'accident dont a été victime M. A...C...le 5 février 2010 :

- 200 790 euros à

Mme J...C...au titre de ses pertes de revenus et 75 000 euros au titre de son préjud...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J...C..., Mme E...C...agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils F...C...et M. G...B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la commune de Romans-sur-Isère, de la communauté d'agglomération du Pays de Romans, du syndicat mixte Romans-Bourg de Péage et de son assureur la SMACL à verser les sommes suivantes en réparation des préjudices résultant de l'accident dont a été victime M. A...C...le 5 février 2010 :

- 200 790 euros à Mme J...C...au titre de ses pertes de revenus et 75 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- 75 000 euros à Mme E...C...au titre de son préjudice moral et 75 000 euros en qualité de représentante légale de son fils F...C...;

- 25 000 euros à M. B...au titre de son préjudice moral ;

Par un jugement n° 1106596 du 20 mars 2014, le tribunal administratif de Grenoble :

- a condamné la communauté d'agglomération du pays de Romans à verser les sommes de 8 372,82 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, de 9 375 euros à Mme J...C..., de 2 625 euros à Mme E...C...au titre de son préjudice personnel et de 1 500 euros en sa qualité de représentante légale de son fils F...C...ainsi que la somme de 750 euros à M.B... ;

- a condamné la commune de Romans-sur-Isère à verser les sommes de 2 790,94 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, de 3 125 euros à Mme J...C..., de 875 euros à Mme E...C...au titre de son préjudice personnel et de 500 euros en sa qualité de représentante légale de son fils F...C...ainsi que la somme de 250 euros à M.B... ;

- a condamné la communauté d'agglomération du pays de Romans et la commune de Romans-sur-Isère à verser respectivement à la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme les sommes de 761,25 euros et de 253,75 euros en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale ;

- a mis à la charge de la communauté d'agglomération du pays de Romans et de la commune de Romans-sur-Isère les sommes de 900 et 300 euros à verser respectivement aux requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2015, Mme J...C..., Mme E...C...agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils F...C...et M. H...B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 mars 2014 en ce qu'il a limité le montant des indemnités qu'ils avaient réclamées ;

2°) de condamner solidairement la commune de Romans-sur-Isère et la communauté d'agglomération du pays de Romans à verser une somme de 200 790 euros à Mme J...C...au titre de ses pertes de revenus et 75 000 euros au titre de son préjudice moral, une somme de 75 000 euros à Mme E...C...au titre de son préjudice moral et une somme de 75 000 euros en qualité de représentante légale de son fils F...C..., et une somme de 25 000 euros à M. B...au titre de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Romans-sur-Isère et de la communauté d'agglomération du pays de Romans une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, aucune faute exonératoire de la victime ne peut être retenue et, à tout le moins, le pourcentage des conséquences dommageables imputable à une faute de la victime retenu par le Tribunal devra être réduit ;

- le tribunal a fait une appréciation insuffisante des préjudices moraux ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté les pertes de revenus de Mme J...C...alors qu'ils sont justifiés, aucun élément n'établissant qu'elle percevait une pension ;

- comme l'a jugé le tribunal, il existe un défaut d'entretien de la chaussée résultant de la présence d'une excavation consécutive au retard pris à l'exécution de travaux pour remédier à la détérioration de la voie publique, ce danger n'a pas été signalé et il existe un lien de causalité entre ce trou et l'accident ;

- comme l'a jugé le tribunal, la responsabilité de la communauté d'agglomération est engagée à raison du défaut d'entretien et celle de la commune d'une carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police pour un défaut de signalisation du danger.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2014, la commune de Romans-sur-Isère conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire des consorts C...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu une faute exonératoire de la victime et a imputé à cette faute 50 % des conséquences dommageables de l'accident ;

- les préjudices moraux allégués ont été justement évalués par le Tribunal ;

- Mme C...ne justifie pas d'une perte de revenus dès lors qu'elle ne justifie pas qu'elle ne perçoit pas de pension de réversion, que les éléments produits montrent l'inexistence d'une perte financière ;

- si la cour venait à annuler le jugement, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel elle est fondée à soutenir que les requérants n'établissent pas de lien de causalité entre la chute, le décès et le défaut de signalisation, que la responsabilité pour une prétendue carence du maire dans le cadre de ses pouvoirs de police ne peut être retenue dès lors qu'elle n'est ni la propriétaire ni la gestionnaire de la voie publique, qu'elle n'a jamais été informée du moindre danger dans cette rue et n'a pas été en mesure d'exercer son pouvoir de police, que rien ne laissait penser que le maître d'ouvrage et l'entreprise n'allaient pas installer les panneaux de signalisation prévus au marché, et qu'enfin la présence de ce type d'excavation dans une ligne droite en zone d'activité régulièrement empruntée par les poids lourds n'excèdent pas le risque contre lequel un usager est normalement tenu de se prémunir.

Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2014, la communauté d'agglomération du pays de Romans conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que par un arrêté du 28 mai 2013 le préfet de la Drôme a prononcé la fusion et la création de la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes, que cet arrêté entraîne la disparition des anciennes communautés d'agglomération et que dans ces conditions toute demande formée contre la communauté d'agglomération des pays de Romans ne peut qu'être rejetée.

Par des mémoires, enregistrés les 13 et 21 novembre 2014, les consorts C...demandent désormais de condamner solidairement la Commune de Romans-sur-Isère et la communauté d'agglomération " Valence-Romans Sud Rhône Alpes ", venant aux droits de la communauté d'agglomération des pays du Romans, à leur verser les indemnités demandées et à mettre à la charge de chacun d'eux une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que conformément à l'article L. 5211-43-1 III du Code général des collectivités territoriales, l'article 11 de l'arrêté portant création de la communauté d'agglomération de Valence-Romans Sud-Rhône-Alpes prévoit que " l'ensemble des biens, droits et obligations des établissements publics de coopération intercommunale fusionnés sont transférés à l'établissement public issu de la fusion " et qu'en application de ces dispositions, les conclusions indemnitaires doivent être ainsi considérées comme dirigées contre cette communauté d'agglomération.

Par ordonnance en date du 1er décembre 2014, la clôture d'instruction a été fixée au 19 décembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 17 décembre 2014, la communauté d'agglomération Valence - Romans Sud Rhône-Alpes conclut au rejet de la requête des consorts C...et à la mise à la charge de ces derniers d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal sera confirmé en ce qu'il retient une faute exonératoire de la victime à hauteur de 50 % des conséquences dommageables de l'accident ;

- les requérants ne produisent aucun élément de nature à justifier l'allocation d'indemnités supérieures aux montants octroyés par le tribunal, notamment concernant l'absence de perception d'une pension de réversion ; à titre infiniment subsidiaire, les montants alloués devront être réduits à de plus justes proportions ; en tout état de cause, les montants demandés sont excessifs ;

- si la Cour venait à annuler le jugement, elle entend reprendre l'ensemble des moyens invoqués devant le tribunal concluant au rejet de la demande portant sur l'absence de lien de causalité entre l'excavation et la chute et le décès de M.C..., sur l'absence d'un défaut d'entretien normal de la voie, sur l'existence d'un cas de force majeure en raison des intempéries survenues le jour de l'accident.

Par un mémoire, enregistré le 18 décembre 2014, les consorts C...concluent aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Ils soutiennent que la commune ne saurait invoquer une faute de la victime alors que l'origine du dommage est bien l'absence d'entretien normal de la voie publique et le défaut de signalisation de l'excavation ; que le préjudice de pertes de revenus est justifié.

Par une ordonnance en date du 19 décembre 2014, la clôture d'instruction a été fixée au 16 janvier 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Par un mémoire, enregistré le 16 janvier 2015, les consorts C...concluent aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Ils soutiennent que la communauté d'agglomération ne saurait invoquer une faute de la victime et un fait du tiers de nature à l'exonérer de sa responsabilité alors que l'origine du dommage est bien l'absence d'entretien normal de la voie publique et le défaut de signalisation de l'excavation ; qu'à titre subsidiaire, la part de 50% de responsabilité retenue par le Tribunal pour la faute de la victime est excessive ; que le préjudice de pertes de revenus est justifié.

Par une ordonnance en date du 21 janvier 2015 la clôture d'instruction a été reportée au 13 février 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 9 février 2015, la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Par une ordonnance en date du 16 juin 2015 la clôture d'instruction a été reportée au 3 juillet 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par une ordonnance en date du 10 juillet 2015 la clôture d'instruction a été reportée au 14 août 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 23 juillet 2015, les consorts C...concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens sauf à ce que la communauté d'agglomération Valence - Romans Sud Rhône-Alpes et la commune de Romans-sur-Isère soient désormais condamnées solidairement à verser à Mme J...C..., au titre de ses pertes de revenus, une somme de 282 991 euros à titre principal ou à titre subsidiaire une somme de 188 832 euros, et à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Valence - Romans Sud Rhône-Alpes et de la commune de Romans-sur-Isère une somme de 4 500 euros à verser à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les pièces produites établissent que Mme C...a subi un préjudice au titre de ses pertes de revenus qui doit être actualisé à la somme de 282 991 euros, ou, à titre subsidiaire, à la somme de 188 832 euros.

Par un mémoire enregistré le 12 août 2015, la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Elle soutient que les pièces produites démontrent que Mme J...C...n'a subi aucun préjudice économique.

Par un mémoire enregistré le 14 août 2015, les consorts C...concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

Ils soutiennent que le mémoire en défense de la communauté d'agglomération Valence - Romans Sud Rhône-Alpes a été produit tardivement et que Mme C...a bien subi un préjudice économique.

Les parties ont été informées par une lettre du 11 septembre 2015, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions indemnitaires des consorts C...en ce qu'elles tendent à la condamnation solidaire de la commune de Romans et de la communauté d'agglomération des Pays de Romans sont nouvelles en appel et par suite sont irrecevables dès lors qu'ils se sont bornés à saisir le tribunal de demandes tendant à la condamnation distincte de chacune de ces collectivités à leur verser une somme du montant de cette indemnité.

Par un mémoire enregistré le 15 septembre 2015 présenté en réponse au moyen d'ordre public communiqué, la communauté d'agglomération Valence - Romans Sud Rhône-Alpes conclut à l'irrecevabilité des conclusions aux fins de condamnation solidaire présentées par les consortsC....

Par un mémoire enregistré le 16 septembre 2015 présenté en réponse au moyen d'ordre public communiqué, les consorts C...exposent que la requête initiale tendait à la condamnation ensemble des défendeurs à les indemniser des préjudices subis, que si la cour venait à estimer que la solidarité constitue une demande nouvelle en appel, elle demeure saisie de la demande d'annulation du jugement du tribunal et la cour condamnera ainsi la communauté d'agglomération Valence - Romans Sud Rhône-Alpes et la commune de Romans-sur-Isère à les indemniser des préjudices subis et à ce que chacun leur verse une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segado,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Brulas, avocat des consortsC..., de Me Anceau, avocat de la commune de Romans-sur-Isère et de Me Ndoye, avocat de la communauté d'agglomération Valence - Romans Sud Rhône-Alpes

Une note en délibéré présentée pour les consorts C...a été enregistrée le 1er octobre 2015.

1. Considérant que le 5 février 2010, M. A...C..., né le 19 septembre 1934, a été victime d'une chute alors qu'il circulait à vélo rue Nicolas Appert sur le territoire de la commune de Romans-sur-Isère à hauteur de l'entrée de la société Biocoop ; qu'il a été accueilli au centre hospitalier de Valence en présentant des fractures des vertèbres cervicales avec lésion de la moelle épinière, où il est décédé le 12 février 2010 ; que Mme J...C..., sa veuve, Mme E...C..., sa fille agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de son fils F...C...et M. G...B..., son gendre, estimant que cette chute était imputable à une excavation non signalée sur la voie publique, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la commune de Romans-sur-Isère, de la communauté d'agglomération du Pays de Romans ainsi que du syndicat mixte Romans Bourg de Péage Expansion et de son assureur à les indemniser des préjudices subis à la suite de cet accident ; qu'ils relèvent appel du jugement du 20 mars 2014 en tant que le tribunal administratif de Grenoble, après avoir mis hors de cause le syndicat mixte Romans Bourg de Péage Expansion et son assureur, a limité le montant des indemnités dues par la commune de Romans et la communauté d'agglomération des Pays de Romans aux droits de laquelle est venue la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes en suite de l'arrêté du 28 mai 2013 du préfet de la Drôme prononçant, à compter du 1er janvier 2014, la fusion et la création de la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes et prévoyant notamment, en son article 11 ainsi qu'en vertu de l'article L. 5211-41-3 (III) du code général des collectivités territoriales, le transfert à son bénéfice de l'ensemble des biens, droits et obligations de la communauté d'agglomération des pays de Romans ;

Sur la recevabilité des conclusions des consorts C...aux fins de condamnation solidaire :

2. Considérant que devant la cour, les consorts C...concluent pour la première fois à la condamnation solidaire de la commune de Romans et de la communauté d'agglomération des Pays de Romans, alors qu'ils avaient saisi le tribunal de demandes tendant à la condamnation distincte de chacune de ces collectivités ; que, ces conclusions aux fins de condamnation solidaire, qui sont nouvelles en appel, sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur le surplus des conclusions indemnitaires :

3. Considérant, en premier lieu, que si aucun témoin direct n'a assisté à la chute de M. C..., il résulte des constatations opérées par l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Valence qui a reconstitué les conditions de l'accident, que les déformations constatées sur le vélo correspondent à une chute de l'ensemble vélo-cycliste vers l'avant, dans un plan vertical, provoquée par le passage dans une tranchée de 8 cm de profondeur qui barrait la partie droite de la route, sans que puisse être sérieusement envisagé un choc arrière du fait d'un tiers ; que le passage dans la tranchée, en outre non apparente du fait qu'elle était remplie d'eau de pluie accumulée, est ainsi la seule cause de l'accident ; qu'aucun élément ne corrobore l'hypothèse émise par la communauté d'agglomération d'un malaise de la victime, cette conjecture ayant été écartée par un médecin urgentiste eu égard tant à l'état de santé antérieur de la victime qu'à la nature et la position des lésions ; qu'en outre la seule présence d'une branche d'arbre sur le trottoir, constatée après l'accident par des témoins, ne permet pas d'imputer la chute de M. C...à un tel facteur, compte tenu notamment des éléments précis précédemment exposés par l'expert ; que, par suite, le lien de causalité entre la présence de la tranchée et la chute de la victime doit être regardé comme établi ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise judiciaire et de l'enquête de police menée à la suite de l'accident, que la portion de chaussée sur laquelle la victime a chuté comportait, ainsi qu'il a été dit, une tranchée sur une grande partie de sa largeur ; que cette tranchée avait été réalisée pour le compte de la communauté d'agglomération des Pays de Romans, maître d'ouvrage, pour permettre l'installation de réseaux ; qu'elle occupait la partie droite de la chaussée, était partiellement remblayée dans l'attente de la pose de l'enrobé final et formait une excavation d'une longueur de 80 cm sur une largeur de l'ordre de 50 cm, pour une profondeur de 5 à 8 cm ; que cette excavation était présente sur la chaussée depuis la fin de l'année 2009 ; que le danger ainsi constitué ne faisait l'objet d'aucune signalisation ; que le jour de l'accident, une flaque d'eau d'un mètre de largeur sur plusieurs mètres de long s'était formée sur la chaussée à la suite de fortes précipitations et recouvrait l'obstacle qui n'était pas ainsi visible par les usagers de cette chaussée ; que, par suite, la communauté d'agglomération de Valence-Romans Sud-Rhône-Alpes n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'elle avait pris toutes les précautions nécessaires pour signaler cette excavation et prévenir le risque qu'elle engendrait ; qu'elle ne peut dès lors être regardée comme ayant normalement entretenu l'ouvrage public constitué par la voie publique sur laquelle cheminait M. C...; que sa responsabilité doit, en conséquence, être retenue ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des articles L. 2212-2 et L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales, la police municipale comprend notamment le soin de prévenir par des précautions convenables les accidents et que le maire a la police de la circulation sur les voies de communication à l'intérieur des agglomérations ; qu'il résulte de l'instruction que si l'accident de M. C...a eu lieu sur la route Nicolas Appert créée par la communauté d'agglomération du pays de Romans sous sa maitrise d'ouvrage, cette route était située à l'intérieur de 1'agglomération de la commune de Romans-sur-Isère et était ouverte à la circulation publique ; qu'il appartenait ainsi au maire de Romans-sur-Isère de prendre les mesures nécessaires pour faire assurer la sécurité de la circulation sur cette voie ; que, si le repérage de l'excavation sus décrite par un usager de la route était rendu difficile le jour de l'accident par le fait que cette tranchée était recouverte d'eau, et si la communauté d'agglomération et l'entreprise en charge des travaux n'ont pas mis en place des panneaux de signalisation de travaux et de danger, il résulte de l'instruction que, comme il a été dit ci-dessus, cette excavation existait depuis la fin de l'année 2009, qu'elle était facilement repérable par les services municipaux et que la commune ne pouvait ainsi ignorer qu'elle présentait, eu égard à ses caractéristiques, un danger qui excédait les risques auxquels peuvent s'attendre les usagers de la voie publique ; que sa signalisation aurait permis d'attirer l'attention de M. C...sur sa présence ; qu'en s'abstenant ainsi de prendre les mesures particulières qu'exigeait ce danger, notamment par la mise en place d'une signalisation, le maire de Romans-sur-Isère a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la commune, le lien de causalité entre l'absence de signalisation et l'accident doit être regardé comme établi ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que, comme l'a jugé le tribunal, compte tenu des éléments précédemment exposés et du délai excessivement important mis par la communauté d'agglomération pour réaliser les travaux d'enrobé, il est fait une juste appréciation de la part de responsabilité de chacune des collectivités concernées, en fixant à 75 % celle revenant à la communauté d'agglomération et à 25% celle incombant à la commune de Romans-sur-Isère ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération, il ne résulte pas de l'instruction que les précipitations qui se sont abattues le jour de l'accident revêtaient un caractère de force majeure ;

8. Considérant, en sixième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des déclarations de la veuve de la victime, que M. C...revenait du club de musculation qu'il fréquentait régulièrement, pour rejoindre son domicile lorsqu'il a été victime de cette chute accidentelle ; que si les requérants font valoir en appel qu'il existait quatre autres parcours permettant à M. C...de rejoindre son domicile, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé ne fréquentait pas régulièrement celui qu'il a effectivement emprunté le jour de l'accident, ni par conséquent qu'il pouvait ignorer l'existence de l'excavation dangereuse, pourtant présente sur la voie depuis la fin de l'année 2009 ; que, par ailleurs, si les requérants se prévalent des fortes pluies constatées le jour de l'accident, ayant formé des concentrations d'eau sur la chaussée au point de rendre l'excavation difficilement visible, et s'ils soulignent que la victime ne roulait qu'à une vitesse modérée de treize kilomètres par heure, il n'en résulte pas moins de l'instruction que M. A...C...ne pouvait ignorer le caractère dangereux de cette portion de chaussée en raison de l'existence de l'excavation, caractère dont il devait nécessairement avoir conscience de ce qu'il était encore accentué par les fortes pluies ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, et ainsi que l'a jugé le tribunal, l'accident dont s'agit doit être regardé comme étant partiellement imputable à une faute de la victime, à hauteur de 50 % de ses conséquences dommageables ;

9. Considérant, en septième lieu, que le tribunal n'a pas fait une insuffisante appréciation des préjudices moraux subis par Mme J...C..., Mme E...C..., le jeune F...C...et M.B..., en les fixant respectivement aux sommes de 12 500 euros, 3 500 euros, 2 000 euros et 1 000 euros compte tenu de la fraction indemnisable du préjudice réparable évaluée à 50 % ;

10. Considérant, en dernier lieu, que le préjudice économique subi par Mme J... C...du fait du décès de son époux, est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien, et compte-tenu des revenus propres de Mme C... ; qu'il résulte de l'avis d'imposition concernant les revenus de la famille au cours de l'année 2009, avant le décès de M.C..., que le montant des revenus perçus par M. C...s'est élevé à la somme de 28 704 euros ; que son épouse percevait des revenus d'un montant de 11 607 euros ; que les revenus dont bénéficiaient ainsi la famille s'élevaient, au moment du décès, à un montant total de 40 311 euros ; que, compte tenu de la part de 25 % des revenus du foyer que M. C...devait consacrer à sa propre consommation, des revenus perçus par Mme C...avant le décès de son mari, des pensions de réversion qu'elle perçoit depuis ce décès en provenance du régime social des indépendants, de Malakoff Médéric et de la CARSAT Rhône-Alpes, qui peuvent être estimés, eu égard aux éléments produits en appel, à un montant annuel total de 8 200 euros au moment du décès, du prix de l'euro de la rente viagère à soixante-quinze ans de 9,749 correspondant au barème de capitalisation reposant sur la table de mortalité 2006/2008 pour les hommes avec un taux d'intérêt à 1,2 % prenant ainsi en compte, notamment, l'espérance de vie qui était celle du défunt à la date de son décès, et du capital perçu au titre de l'assurance décès versée par sa compagnie d'assurance d'un montant de 29 430 euros, la perte de revenus pour Mme C...liée au décès de son époux doit être établie à 52 565,92 euros ; que, la fraction indemnisable du préjudice ayant été fixée à 50 %, il y a lieu de fixer à 26 282,96 euros le montant de l'indemnité totale qui devra être versée à Mme C...à ce titre, dont 19 712,22 euros à la charge de la communauté d'agglomération et 6 570,74 euros à la charge de la commune de Romans-sur-Isère eu égard à la répartition de la responsabilité indiquée ci-dessus ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a évalué l'ensemble des préjudices de Mme J...C...à la somme de 12 500 euros au lieu de 38 782,96 euros et, par suite, a ainsi limité les indemnités que doivent lui verser la communauté d'agglomération et la commune de Romans-sur-Isère respectivement à la somme de 9 375 euros et de 3 125 euros au lieu de 29 087,22 euros et de 9 695,74 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Valence-Romans Sud-Rhône-Alpes et de la commune de Romans-sur-Isère le paiement, par chacune d'eux, d'une somme globale de 1 000 euros aux consorts C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les consorts C...qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, versent à la communauté d'agglomération de Valence - Romans Sud Rhône-Alpes venant aux droits de celle des pays de Romans et à la commune de Romans-sur-Isère une somme au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La somme que la communauté d'agglomération des pays de Romans à laquelle vient aux droits et obligations la communauté d'agglomération de Valence-Romans Sud Rhône-Alpes est condamnée à verser à Mme J...C...en réparation de ses préjudices subis est portée à 29 087,22 euros.

Article 2 : La somme que la commune de Romans-sur-Isère est condamnée à verser à Mme J... C...en réparation de ses préjudices subis est portée à 9 695,74 euros.

Article 3 : Le jugement du 20 mars 2014 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La communauté d'agglomération de Valence - Romans Sud Rhône-Alpes et la commune de Romans-sur-Isère verseront chacune d'elle la somme globale de 1 000 euros aux consorts C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... I...veuveC..., à Mme E...C..., à M. G... B..., à M. F... C..., à la commune de Romans-sur Isère et à la communauté d'agglomération Valence-Romans- Sud Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2015.

Le rapporteur,

J. SegadoLe président,

X. Faessel

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

Le greffier,

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N° 14LY01511

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