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07/01/2016 | FRANCE | N°14LY01297

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2016, 14LY01297


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Brison-Saint-Innocent a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement M. G...D..., la société Cabinet Conseil Ingénierie (CCI), la société Bureau Veritas, la société Espace Parquet et M. H...F...à lui verser la somme de 75 056,05 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête et capitalisés, en réparation des malfaçons affectant la salle des fêtes communale et de mettre à la charge de ces derniers les frais

de l'instance ainsi qu'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Brison-Saint-Innocent a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement M. G...D..., la société Cabinet Conseil Ingénierie (CCI), la société Bureau Veritas, la société Espace Parquet et M. H...F...à lui verser la somme de 75 056,05 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête et capitalisés, en réparation des malfaçons affectant la salle des fêtes communale et de mettre à la charge de ces derniers les frais de l'instance ainsi qu'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1103685 du 18 février 2014, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, condamné solidairement la société Cabinet Conseil Ingénierie, M.D..., la société Bureau Veritas et la société Espace Parquet à verser à la commune de Brison-Saint-Innocent la somme de 38 102,84 euros dont 33 102,84 euros HT, cette condamnation portant intérêts au taux légal du 11 juillet 2011 au 26 janvier 2012 et étant prononcée sous déduction de la provision de 70 000 euros allouée en référé, a, d'autre part, condamné M. D...à garantir la société CCI et la société Espace Parquet à hauteur de 30 % du montant de la condamnation prononcée, la société CCI à garantir M. D...et la société Espace Parquet à hauteur de 60 % , la société Espace Parquet à garantir M. D...et la société CCI à hauteur de 10 % et M.D..., la société CCI et la société Espace Parquet à garantir la société Bureau Veritas du montant de la condamnation prononcée à hauteur, respectivement, de 30 %, de 60 % et de 10 %, a mis solidairement à la charge de M.D..., de la société CCI, de la société Bureau Veritas et de la société Espace Parquet les frais et honoraires d'expertise à hauteur de la somme de 5 322,75 euros, a mis à la charge de M. G...D..., de la société CCI, de la société Bureau Veritas et de la société Espace Parquet le versement à la commune de Brison-Saint-Innocent, chacun en ce qui le concerne, d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 avril 2014 et le 15 octobre 2014, la commune de Brison-Saint-Innocent, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes indemnitaires ;

2°) de condamner solidairement M. G... D..., la société Cabinet Conseil Ingénierie, la société Bureau Veritas et la société Espace Parquet à lui verser la somme de 75 056,05 euros TTC en réparation des préjudices subis, outre les intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête, capitalisés ;

3°) de condamner solidairement M.D..., la société Cabinet Conseil Ingénierie, la société Bureau Veritas et la société Espace Parquet à lui verser la somme de 5 001,27 euros correspondant aux frais de l'expertise judiciaire ordonnée, liquidés et taxés pour ce un montant ;

4°) de mettre à la charge solidaire de M.D..., de la société Cabinet Conseil Ingénierie, de la société Bureau Veritas et de la société Espace Parquet une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a limité la condamnation des constructeurs à réparer les préjudices qu'elle a subis au motif que le dispositif de ventilation de l'espace vide situé sous la salle et la pose d'un parquet neuf apportaient une plus-value à l'ouvrage, alors que ces travaux ne faisaient que rendre l'ouvrage conforme à sa destination ; que la somme de 33 102,84 euros HT allouée par le tribunal ne permet nullement de rendre l'ouvrage conforme à sa destination ; que la somme de 70 000 euros fixée par le juge des référés doit être retenue ;

- c'est à tort que le tribunal a prononcé une condamnation hors taxe au motif que l'ouvrage est le siège d'activités commerciales assujetties à la TVA par principe, alors que les constructeurs condamnés n'ont aucunement renversé, comme il leur appartenait de le faire, la présomption de non assujettissement de la commune à la TVA ;

- c'est à tort que le tribunal a limité la réparation des préjudices indirects subis par la commune ; que le montant du préjudice de jouissance ne saurait être limité à 5 000 euros, alors qu'il doit être retenu pour un montant de 8 333,25 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2014, la société Cabinet Conseil Ingénierie, représentée par MeM..., conclut à la confirmation du jugement, au rejet de la requête de la commune de Brison-Saint-Innocent et à ce que soit mis à la charge de celle-ci le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a limité à 33 102,84 euros le montant des préjudices matériels de la commune qui ne saurait espérer obtenir une amélioration de son ouvrage ;

- c'est à bon droit que le tribunal a limité à 5 000 euros le montant du préjudice de jouissance de la commune qui, en ayant fait effectuer les travaux de reprise pendant l'été 2010, a créé elle-même la perte de recettes de location de la salle dont elle demande le remboursement ;

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu que les condamnations prononcées devaient l'être sur une base hors taxe dès lors que la commune ne produit aucun justificatif démontrant qu'elle n'y est pas assujettie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2014, M. G... D..., représenté par MeB..., conclut à la confirmation du jugement, au rejet de la requête de la commune de Brison-Saint-Innocent et à ce que soit mis à la charge de celle-ci le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a limité à 33 102,84 euros HT le montant des préjudices matériels de la commune qui ne saurait espérer obtenir une amélioration de son ouvrage ; en tout état de cause le montant des travaux de reprise ne saurait excéder la somme de 63 093,02 euros TTC dès lors que les frais de transformation du vide sous la dalle, de mise en place d'une étanchéité sur dalle, de mise en place de grilles de ventilation latérales, d'évacuation des blocs et de location d'un groupe électrogène constituent indiscutablement une amélioration des existants ;

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu que les condamnations prononcées devaient l'être sur une base hors taxe dès lors que la commune, qui reconnaît que la salle municipale fait l'objet de locations, ne produit aucun justificatif démontrant qu'elle ne serait pas assujettie à la TVA ;

- c'est à bon droit que le tribunal a limité à 5 000 euros le montant du préjudice de jouissance de la commune qui, n'ayant pas engagé immédiatement une procédure en indemnisation et ayant fait effectuer les travaux de reprise pendant l'été 2010, a créé elle-même la perte de recettes de location de la salle dont elle demande le remboursement ;

- la demande de capitalisation des intérêts présentée par la commune n'est pas fondée dès lors qu'à la date du 26 janvier 2012, terme retenu par le tribunal pour l'octroi d'intérêts, une année d'intérêts échus ne s'était pas encore écoulée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2014, la société Bureau Veritas, représentée par MeE..., conclut à la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée solidairement à verser à la commune de Brison-Saint-Innocent la somme de 38 102,84 euros, à la confirmation du jugement en ce qu'il a en revanche retenu l'absence de tout manquement de sa part, à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné M.D..., la société CCI et la société Espace Parquet à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, à le réformer en ce qu'il n'a pas condamné les mêmes à la garantir également des condamnations prononcées à son encontre au titre des frais et dépens, à ce que la commune de Brison-Saint-Innocent soit condamnée à lui rembourser la somme de 7 150 euros réglée en vertu de l'ordonnance de référé du tribunal administratif de Grenoble du 26 janvier 2012 et, enfin, à ce que soit mis à la charge de la commune de Brison-Saint-Innocent et tous succombants, le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu sa responsabilité dans la survenue des désordres alors, d'une part, que le contrôleur technique n'a en rien manqué à sa mission, alors d'autre part, qu'à la différence des autres intervenants, l'exposante ne peut voir sa responsabilité engagée que dans la limite de sa mission, laquelle ne portait pas sur les éléments d'équipements dissociables mais seulement sur les ouvrages et les éléments d'équipements indissociables ;

- c'est à bon droit que le tribunal a limité à 33 102,84 euros HT le montant des préjudices matériels de la commune qui ne saurait espérer obtenir une amélioration de son ouvrage ; la pose d'un parquet neuf ainsi que les frais de ventilation du vide sanitaire constituent indiscutablement une amélioration des existants ;

- c'est à bon droit que le tribunal a limité à 5 000 euros le montant du préjudice de jouissance de la commune qui ne justifie pas la perception des revenus locatifs moyens sur lesquels elle base sa réclamation ;

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu que les condamnations prononcées devaient l'être sur une base hors taxe dès lors que la commune, qui reconnaît que la salle municipale fait l'objet de locations, ne produit aucun justificatif démontrant qu'elle ne serait pas assujettie à la taxe ;

- dans l'hypothèse où la cour condamnerait l'exposante à réparer les dommages subis par la commune, elle devra confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M.D..., la société CCI et la société Espace Parquet à la garantir en totalité des condamnations en principal et en intérêts prononcées à son encontre mais l'infirmer en ce qu'il n'a pas condamné les mêmes à la garantir en totalité des condamnations prononcées à son encontre au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

- elle est en droit d'obtenir le remboursement de la somme de 7 150 euros résultant du trop versé en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 26 janvier 2012 fixant à un montant de 71 500 euros de provision, porté ensuite à 75 745,35 euros dont elle s'est acquittée à concurrence de 10% de ce montant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2014, la société Espace Parquet, représentée par MeJ..., conclut à la confirmation du jugement, au rejet de la requête de la commune de Brison-Saint-Innocent, à être garantie par M.D..., et par la société CCI de toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge en principal, intérêts, frais d'expertise et indemnités sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que soit mis à la charge de la commune de Brison-Saint-Innocent le versement d'une somme de 3 000 euros au titre du même article 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité des constructeurs dans la survenance des désordres, celle de l'exposante n'intervenant cependant que dans une proportion très modeste ; qu'à tout le moins, M. D...et la société CCI devront garantir in solidum l'exposante des condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;

- c'est à bon droit que le tribunal a limité à 33 102,84 euros HT le montant des préjudices matériels de la commune qui ne saurait espérer obtenir une amélioration de son ouvrage ; la pose d'un parquet neuf ainsi que les frais de ventilation du vide sanitaire constituent indiscutablement une amélioration des existants ;

- c'est à bon droit que le tribunal a limité à 5 000 euros le montant du préjudice de jouissance de la commune qui ne justifie pas des revenus locatifs moyens sur lesquels elle base sa réclamation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts ;

- le code des marchés publics ;

- le code monétaire et financier, notamment son article L. 313-3 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de MeI..., substituant MeA..., représentant la commune de Brison-Saint-Innocent, de Me K...substituant MeB..., représentant M.D..., de Me C..., représentant le Bureau Veritas, de Me L...représentant la société Cabinet Conseil Ingénierie, et de MeJ..., représentant la société Espace Parquet.

1. Considérant que la commune de Brison-Saint-Innocent a fait procéder en 1999 à la rénovation complète de la salle des fêtes municipale, comportant notamment la réalisation d'un parquet flottant en chêne massif sur la totalité de la surface de la salle principale ; que la réception des travaux a été prononcée le 2 mai 2001 ; qu'au cours de l'année 2004, il a été constaté le soulèvement de lames de parquet dans un angle de la salle ; qu'il a été de même constaté lors de l'exécution des travaux de reprise de ce désordre, que le parquet présentait des traces de moisissures ; qu'une expertise a été ordonnée en référé ; que l'expert désigné a déposé son rapport le 29 septembre 2008 ; que le versement à la commune de Brison-Saint-Innocent d'une provision d'un montant de 70 000 euros a été ordonné par le juge des référés à la charge solidaire des maîtres d'oeuvre, la société CCI et M.D..., du contrôleur technique, la société Bureau Veritas, ainsi que du titulaire du marché, l'entreprise Espace Parquet venant aux droits de M.F... ; que la commune de Brison-Saint-Innocent a demandé la condamnation solidaire de ces constructeurs à lui verser la somme de 75 056,05 euros au titre des préjudices subis, outre les intérêts au taux légal capitalisés ; que la commune de Brison-Saint-Innocent demande la réformation du jugement du 18 février 2014 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes indemnitaires ; que la société Bureau Veritas présente des conclusions d'appel incident ; que les sociétés Bureau Veritas et Espace Parquet présentent également des conclusions d'appel provoqué ;

Sur l'appel principal de la commune de Brison-Saint-Innocent :

En ce qui concerne l'évaluation des travaux de remise en état :

2. Considérant que la commune de Brison-Saint-Innocent conteste le jugement du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il a limité à la somme de 33 102,84 euros HT le montant de l'indemnisation à laquelle elle pouvait prétendre de la part des constructeurs en conséquences de l'apparition de désordres qui ont affecté le parquet de la salle des fêtes municipale ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment tant des rapports d'expertise amiables des 21 janvier 2005 et 28 février 2006 que du rapport de l'expert désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 27 décembre 2006, que la commune de Brison-Saint-Innocent a fait installer sur un ancien parquet cloué sur des lambourdes, un nouveau parquet, dit " flottant ", en bois massif de 22 mm d'épaisseur posé par clips avec l'interposition entre le support existant et le nouveau parquet d'une sous-couche composée d'une mousse de polyéthylère basse densité ; qu'en raison de l'insuffisance de vide ventilé sous ce revêtement, des phénomènes de pourrissement des lambourdes supportant l'ancien parquet cloué sont apparus, entraînant une mise en compression des lattes de bois du parquet existant, gonflant l'enduit de ragréage et faisant enfin gondoler le nouveau parquet flottant ; que la solution préconisée par l'expert pour remédier à la réitération de tels phénomènes de pourrissement et retenue par la commune, a consisté à aménager le vide sanitaire par surélévation de la dalle sur au moins 20 cm de hauteur et à mettre en place une ventilation de ce vide sanitaire par percement d'ouvertures donnant sur l'extérieur fermées par des grilles ; que la réalisation non contestée de tels travaux de dépose du parquet initial, d'aménagement du vide sanitaire et de mise en place d'une ventilation de cet espace, puis de pose d'un nouveau parquet sur lambourdes traitées au fongicide insecticide, en sus des travaux strictement nécessaires de dépose du parquet flottant devenu impropre à l'utilisation, ont apporté une amélioration incontestable à l'ouvrage ; que ces travaux, qui n'étaient nullement prévus dans le marché conclu par la commune le 6 septembre 2000 avec la société Espace Parquet selon les prescriptions définies par la maîtrise d'oeuvre et acceptées par la commune, ont ainsi contribué à donner une plus-value à l'ouvrage dont le coût ne saurait, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, être imputé aux constructeurs ;

4. Considérant, par suite, que la commune de Brison-Saint Innocent n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble, qui n'a pas fait une évaluation insuffisante du coût de la remise en état du parquet, a jugé qu'elle était seulement fondée à être indemnisée du montant des travaux de pose du parquet flottant réalisés en pure perte, de dépose de ce parquet et de préparation du support, et a, en conséquence, limité la condamnation solidaire de M.D..., de la société CCI, de la société Bureau Veritas et de la société Espace Parquet à lui verser, au titre de l'indemnisation de ces désordres, une somme de 33 102,84 euros HT ;

En ce qui concerne l'évaluation du préjudice de jouissance :

5. Considérant que la commune de Brison-Saint-Innocent sollicite une somme de 8 333,25 euros en réparation du préjudice d'exploitation de la salle des fêtes, apparu au cours des années 2006 à 2010 du fait des difficultés d'accès du public à la salle suite aux désordres et à la nécessité de faire réaliser des travaux de reprise ; que la commune établit, notamment par la production de l'extrait du grand livre des comptes communaux retraçant les réservations de la salle des fêtes en 2010, le caractère certain des locations qu'elle aurait pu réaliser durant la période en litige, si sa salle avait été disponible ; que cependant, pas plus devant la cour qu'elle ne l'a fait en première instance, la commune de Brison-Saint-Innocent ne justifie précisément de la perception de l'ensemble des revenus locatifs qu'elle allègue ; que le tribunal n'a, dès lors, pas fait une évaluation insuffisante du montant du manque à gagner par la commune en le limitant à la somme de 5 000 euros après déduction des frais de fonctionnement de l'ouvrage ;

En ce qui concerne l'application de la taxe sur la valeur ajoutée :

6. Considérant que le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, à moins que le maître de l'ouvrage ne relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle dont il est redevable à raison de ces propres opérations ;

7. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 256 B du code général des impôts : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence " ;

8. Considérant que la commune de Brison-Saint-Innocent, qui pour obtenir l'indemnisation du préjudice de jouissance qu'elle allègue avoir subi se prévaut de l'existence de revenus tirés de la location de la salle des fêtes municipale et ne peut, dans ces conditions, prétendre qu'il appartiendrait aux défendeurs de justifier de son assujettissement, n'établit pas davantage qu'en première instance que, compte tenu du régime fiscal auquel cette activité commerciale doit être soumise, elle n'était pas susceptible de se faire rembourser tout ou partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui grève le coût des travaux de réparation ; que, dès lors, et comme l'ont relevé les premiers juges, les condamnations prononcées solidairement à l'encontre de M.D..., de la société CCI, de la société Bureau Veritas et de la société Espace Parquet ne peuvent être assorties de la taxe sur la valeur ajoutée ;

9. Considérant, par suite, que la commune de Brison-Saint-Innocent n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a limité à 38 102,84 euros dont 33 102,84 euros HT, la somme que M.D..., la société CCI, la société Bureau Veritas et la société Espace Parquet ont été solidairement condamnés à lui verser ;

Sur les conclusions d'appel incident présentées par la société bureau Veritas :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes " ; que l'article L. 111-24 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce, précise : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20 " ;

11. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation de garantie décennale s'impose, en vertu des principes dont s'inspire le code civil, non seulement aux architectes et aux entrepreneurs, mais également au contrôleur technique lié par contrat au maître de l'ouvrage ; que la circonstance que le contrôleur technique a une activité distincte de celle du concepteur de l'ouvrage ne peut avoir pour effet de décharger ledit contrôleur, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de l'obligation de résultat qui lui incombe au regard de sa propre mission et dont il ne peut s'exonérer qu'en cas de force majeure ou de faute du maître de l'ouvrage ; que, par suite, les moyens tirés, d'une part, de ce que le contrôleur technique qui se borne à formuler des avis puisqu'il ne participe directement ni à l'acte de construire, ni à la surveillance des travaux, ni à la direction du chantier, n'est pas un constructeur, ni un mandataire du maître d'ouvrage et, d'autre part, de ce qu'aucune faute n'aurait été commise dans l'exercice de sa mission de contrôleur technique à l'occasion de la réalisation des travaux de rénovation complète de la salle des fêtes municipale sont inopérants et doivent être écartés ; qu'ainsi et quand bien même le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 février 2014 a retenu, dans le cadre des appels en garantie, l'absence de tout manquement de sa part, la spécificité de sa mission ne faisait pas obstacle à la condamnation solidaire de la société Bureau Veritas avec les autres constructeurs ; que les conclusions d'appel incident de cette société tendant à la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec M.D..., la société CCI et la société Espace Parquet à verser à la commune de Brison-Saint-Innocent une somme en réparation des dommages dont celle-ci a souffert du fait des malfaçons constatées lors de la réalisation du plancher de la salle des fêtes municipale, ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

12. Considérant, en second lieu, que la condamnation solidaire de M.D..., de la société CCI, de la société Bureau Veritas et de la société Espace Parquet à verser à la commune de Brison-Saint-Innocent la somme de 38 102,84 euros a été prononcée sous déduction de la provision de 70 000 euros allouée en référé ; que la condamnation de M.D..., de la société CCI et de la société Espace Parquet à garantir la société Bureau Veritas du paiement de cette somme inclut ainsi celle qui a pu être payée en vertu de l'ordonnance de référé du tribunal administratif de Grenoble du 26 janvier 2012 ; qu'il appartient dès lors à la société Bureau Veritas, soit de solliciter auprès de la commune de Brison-Saint-Innocent le remboursement de l'éventuel trop-perçu, soit d'appeler directement en garantie de ce paiement indu les personnes avec lesquelles elle a été solidairement condamnée ; que les conclusions d'appel incident de la société Bureau Veritas, tendant à ce que la commune de Brison-Saint-Innocent soit condamnée à lui rembourser la somme de 7 150 euros réglée en vertu de ladite ordonnance de référé, doivent dès lors être rejetées ;

Sur les conclusions d'appel provoqué présentées par la société bureau Veritas et par la société Espace Parquet :

13. Considérant que tant la situation de la société Bureau Veritas que celle de la société Espace Parquet n'étant pas aggravées par le présent arrêt, les conclusions que ces deux sociétés présentent par la voie de l'appel provoqué tendant, pour la première, à ce que M.D..., la société CCI et la société Espace Parquet la garantissent également des frais et dépens mis solidairement à la charge de l'ensemble des succombants, pour la seconde, à ce que M. D...et la société CCI la garantissent de toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge, en principal, intérêts, frais d'expertise et indemnités sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la commune de Brison-Saint-Innocent ;

15. Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Brison-Saint-Innocent, le versement d'une somme de 1 000 euros chacun, respectivement, à M.D..., à la société CCI, à la société Espace Parquet et à la société Bureau Veritas, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Brison-Saint-Innocent est rejetée.

Article 2 : La commune de Brison-Saint-Innocent versera, respectivement, à M.D..., à la société CCI, à la société Espace Parquet et à la société Bureau Veritas, une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les surplus des conclusions de la société Bureau Veritas, de la société Espace Parquet, de M. D...et de la société CCI sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Brison-Saint-Innocent, à M. G... D..., à la société Cabinet Conseil Ingénierie, à la société Bureau Veritas et à la société Espace Parquet.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président de chambre,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 janvier 2016.

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N° 14LY01297


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01297
Date de la décision : 07/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs. Ont ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : MONTALESCOT - AILY - LACAZE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-01-07;14ly01297 ?
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