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21/06/2016 | FRANCE | N°15LY02349

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 juin 2016, 15LY02349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Locatel France a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le centre hospitalier de Feurs sur sa demande du 19 avril 2012, d'enjoindre à ce dernier de reprendre le contrat de travail de Mme A... à compter du 1er février 2012 sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de le condamner à lui payer une indemnité de 29 522,22 euros avec intérêts aux taux légal.

Par un jugement n° 1205669 du 6 mai 2015, le tribunal a

dministratif de Lyon a rejeté cette demande comme portée devant un ordre de juridic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Locatel France a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le centre hospitalier de Feurs sur sa demande du 19 avril 2012, d'enjoindre à ce dernier de reprendre le contrat de travail de Mme A... à compter du 1er février 2012 sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de le condamner à lui payer une indemnité de 29 522,22 euros avec intérêts aux taux légal.

Par un jugement n° 1205669 du 6 mai 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juillet 2015 et le 1er avril 2016, la société Hoist Locatel France, venant aux droits de la société Locatel France, représentée par la SELARLU RCCL Avocat et par le cabinet Studio Avocats, demande à la Cour :

1°) à titre principal :

- d'annuler ce jugement n° 1205669 du 6 mai 2015 du tribunal administratif de Lyon ;

- d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le centre hospitalier de Feurs sur la demande de la société Locatel France tendant à la reprise du contrat de travail de Mme A... et au paiement d'une indemnité de 888,46 euros avec intérêts aux taux légal ;

- d'enjoindre au centre hospitalier du Forez de reprendre le contrat de travail de Mme A... à compter du 1er février 2012 sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- de condamner le centre hospitalier du Forez à lui payer une indemnité de 40 915,06 euros en remboursement de sommes versées à titre de salaires de Mme A... et de charges afférentes à ces salaires ;

2°) à titre subsidiaire :

- d'annuler ce jugement n° 1205669 du 6 mai 2015 en tant que le tribunal administratif de Lyon a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions de sa demande tendant au remboursement des sommes versées à titre de salaires de Mme A... et de charges afférentes à ces salaires ;

- de surseoir à statuer sur ces conclusions jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Saint-Etienne se soit prononcé sur la question du transfert du contrat de travail de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Forez la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier du Forez de reprendre le contrat de travail de Mme A... ; qu'en effet, doivent s'appliquer au présent litige les règles habituelles de compétence juridictionnelle selon lesquelles seul le juge administratif est compétent pour connaître d'un litige opposant un employeur public et un employeur privé ; que la décision d'une personne publique de poursuivre ou non l'exécution des contrats de travail de salariés exerçant une activité qu'elle a reprise dans le cadre d'un service public administratif constitue un acte administratif qui fait grief à l'ancien exploitant, personne de droit privé ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions de sa demande tendant au remboursement de sommes versées à titre de salaires de Mme A... et de charges afférentes à ces salaires ; qu'en effet, ces conclusions s'inscrivent dans le cadre d'une action récursoire résultant de la solidarité des deux codébiteurs, la société Locatel France et le centre hospitalier du Feurs, condamnés conjointement et solidairement par ordonnance de référé du 29 février 2012 du conseil des prud'hommes de Montbrison à payer l'intégralité du salaire mensuel de Mme A... à compter du 1er février 2012 jusqu'à ce que le litige qui les oppose quant au transfert du contrat de travail de l'intéressée ait été réglé ; que l'action récursoire étant autonome de l'action principale, cette autonomie implique que la question de la contribution finale de l'administration à cette dette soit portée devant le juge administratif ; qu'en outre, l'action en responsabilité quasi-délictuelle engagée à l'encontre du centre hospitalier, personne morale de droit public, pour inexécution fautive de cette décision de justice relève du juge administratif ;

- sont réunies les conditions de transfert du contrat de travail de Mme A..., posées à l'article L. 1224-1 du code du travail et relatives à l'existence d'un transfert et d'une entité économique autonome et au maintien de l'activité transférée ;

- elle a droit au remboursement de la somme de 40 915,06 euros correspondant à la moitié des salaires et charges patronales dont elle a versé l'intégralité à Mme A... à compter du 1er février 2012 en application de l'ordonnance de référé du 29 février 2012 par laquelle le conseil des prud'hommes de Montbrison a condamné conjointement et solidairement le centre hospitalier de Feurs et la société Locatel France au paiement de l'intégralité du salaire mensuel de Mme A... à compter du 1er février 2012 jusqu'à ce que le litige qui oppose les deux entreprises quant au transfert du contrat de travail de l'intéressée fasse l'objet d'un règlement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2016, le centre hospitalier du Forez, venant aux droits du centre hospitalier de Feurs, représenté par la SELARL CJA Public Chavent -B...-D..., avocat, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la demande présentée par la société Locatel France devant le tribunal administratif de Lyon ;

3°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Hoist Locatel France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lyon a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître la demande de la société Locatel France qui, relative au transfert du contrat de travail de Mme A... et aux conséquences de ce transfert, relève de la seule compétence de la juridiction judiciaire ;

- cette demande est irrecevable en l'absence de fondement juridique énoncé avant l'expiration du délai de recours contentieux ;

- les conditions posées aux articles L. 1224-1 et suivants du code du travail pour le transfert du contrat de travail de Mme A... au centre hospitalier ne sont pas remplies.

Un mémoire, enregistré le 11 avril 2016 et présenté pour le centre hospitalier du Forez, n'a pas été communiqué à l'autre partie en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président de la formation de jugement ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- les observations de Me Charat (SELARLU RCCL Avocat) pour la société Hoist Locatel France ainsi que celles de Me B...(C... -B... -D...) pour le centre hospitalier du Forez.

1. Considérant que, par convention applicable à compter du 1er février 2006, le centre hospitalier de Feurs a conclu avec la société Codiam une délégation de service public pour la mise à disposition de téléviseurs et d'un service de téléphonie aux patients de l'établissement ; que la prestation de téléphonie a été supprimée à compter du 1er avril 2009 ; que la société Codiam a fait l'objet d'une cession totale au profit de la société Locatel France le 5 octobre 2010 ; que, par lettre du 20 octobre 2011, le centre hospitalier a informé la société Locatel France que la convention de délégation de service public ne serait pas renouvelée au-delà du 1er février 2012, l'activité de mise à disposition d'un service de télévision aux patients étant reprise en gestion directe par cet établissement public de santé ; que, par lettres des 10 et 23 janvier 2012, la société Locatel France a informé Mme A..., salariée de cette société et chargée de l'activité auprès du centre hospitalier de Feurs, que son contrat était transféré au centre hospitalier et lui a adressé un reçu pour solde de tout compte ; que, par lettres des 13 janvier et 2 février 2012, le centre hospitalier de Feurs a refusé le transfert du contrat de travail de MmeA... ; que, par une ordonnance de référé du 29 février 2012 confirmée par un arrêt du 11 janvier 2013 de la cour d'appel de Lyon, le conseil des prud'hommes de Montbrison, saisi par Mme A..., a condamné conjointement et solidairement la société Locatel France et le centre hospitalier de Feurs au paiement de l'intégralité du salaire mensuel de Mme A... à compter du 1er février 2012 jusqu'à ce que le litige qui oppose les deux entités quant au transfert du contrat de travail de l'intéressée fasse l'objet d'un règlement ; que, par une lettre du 19 avril 2012 reçue le 23 avril 2012, la société Locatel France a demandé au centre hospitalier de Feurs, d'une part, de prendre acte du transfert du contrat de travail de Mme A... en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, et, d'autre part, de lui rembourser la somme de 888,46 euros au titre de la moitié des salaires versés à l'intéressée à compter de février 2012 en application de l'ordonnance précitée de la juridiction prud'homale ; que, par jugement n° 1205669 du 6 mai 2015, dont la société Hoist Locatel France, venant aux droits de la société Locatel France, relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître la demande de la société Locatel France tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le centre hospitalier de Feurs sur sa demande du 19 avril 2012, à ce qu'il soit enjoint à ce dernier de reprendre le contrat de travail de Mme A... à compter du 1er février 2012 sous astreinte de 500 euros par jour de retard et à sa condamnation à lui payer une indemnité de 29 522,22 euros avec intérêts aux taux légal en remboursement de la moitié des sommes versées à Mme A... en exécution de l'ordonnance de référé du 29 février 2012 du conseil des prud'hommes de Montbrison ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1224-3 du code du travail : " Lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. / Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération. / En cas de refus des salariés d'accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat. " ;

3. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires et en reprenant leurs clauses substantielles, en particulier celles relatives à la rémunération, et, en cas de refus des salariés d'accepter ces offres, de procéder à leur licenciement dans les conditions prévues par le droit du travail et par leur contrat ; qu'il en résulte que tant que les salariés concernés n'ont pas été placés sous un régime de droit public, leurs contrats demeurent... ;

4. Considérant qu'il est constant que Mme A... n'a pas signé avec le centre hospitalier de Feurs ni avec le centre hospitalier du Forez, venant à ses droits à compter du 1er janvier 2013, de contrat d'engagement de droit public ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des conclusions de la demande de la société Locatel France tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le centre hospitalier de Feurs sur sa demande du 19 avril 2012 de reprise du contrat de travail de Mme A... et à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au centre hospitalier de reprendre ce contrat de travail à compter du 1er février 2012 ;

5. Considérant, d'autre part, que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des demandes tendant à l'indemnisation des dommages résultant de l'abstention ou du refus d'une personne publique de prendre les mesures d'exécution d'une décision de justice des juridictions judiciaires ; que la demande de la société Locatel France, présentée devant le tribunal administratif de Lyon et tendant à la condamnation du centre hospitalier de Feurs à lui payer une indemnité en remboursement de la moitié des salaires de Mme A... et des charges y afférentes à compter du 1er février 2012 qu'elle a versés, se rattache à l'exécution de l'ordonnance de référé du 29 février 2012 par laquelle le conseil des prud'hommes de Montbrison a condamné conjointement et solidairement la société Locatel France et le centre hospitalier de Feurs au paiement de l'intégralité du salaire mensuel de Mme A... à compter du 1er février 2012 jusqu'à ce que le litige qui oppose ces deux entités quant au transfert du contrat de travail de l'intéressée fasse l'objet d'un règlement ; que, par suite, la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur une telle demande ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Hoist Locatel France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société Locatel France comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier du Forez, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Hoist Locatel France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Hoist Locatel France une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier du Forez et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Hoist Locatel France est rejetée.

Article 2 : La société Hoist Locatel France versera au centre hospitalier du Forez une somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hoist Locatel France et au centre hospitalier du Forez.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Drouet, président de la formation de jugement ;

- Mme Dèche, premier conseiller ;

- Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 juin 2016.

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N° 15LY02349


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02349
Date de la décision : 21/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Personnel - Agents de droit privé.

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Problèmes particuliers posés par certaines catégories de services publics - Service public judiciaire - Fonctionnement.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : RCCL - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-21;15ly02349 ?
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