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27/10/2016 | FRANCE | N°14LY03507

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 27 octobre 2016, 14LY03507


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à hauteur d'une somme totale de 349 851,52 euros, la réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1201096 du 17 septembre 2014, le tribunal administratif de Dijon a condamné l'ONIAM à verser une indemnité de 8 866 euros à M. A..., mi

s les frais et honoraires d'expertise, arrêtés à la somme de 743,76 euros, à la ch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à hauteur d'une somme totale de 349 851,52 euros, la réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1201096 du 17 septembre 2014, le tribunal administratif de Dijon a condamné l'ONIAM à verser une indemnité de 8 866 euros à M. A..., mis les frais et honoraires d'expertise, arrêtés à la somme de 743,76 euros, à la charge définitive de l'ONIAM et mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 novembre 2014, présentée pour M. B...A..., domicilié..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1201096 du 17 septembre 2014 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a limité à la somme de 8 866 euros l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré son état de santé comme consolidé à la date du 6 mai 2011 ;

- l'ONIAM est tenu de présenter une offre indemnitaire, conforme aux principes de réparation intégrale des préjudices ;

- il est fondé à réclamer les indemnités suivantes : 450 euros au titre des dépenses de santé, 39 914,12 euros au titre des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle, 287,40 euros au titre des dépenses diverses exposées à l'occasion des opérations d'expertise, 231 700 euros au titre des troubles dans l'existence, correspondant à un déficit fonctionnel temporaire puis permanent, au préjudice d'agrément et au préjudice sexuel, et 75 000 euros au titre du préjudice spécifique de contamination.

Par un mémoire, enregistré le 29 septembre 2016, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), il conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il peut être retenu un lien direct avec la contamination par le VHC ;

- les sommes allouées par le tribunal au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel et du déficit fonctionnel permanent doivent être confirmées ;

- s'agissant de la demande liée à des dépenses de santé futures, en 1'absence de justificatifs permettant de les rattacher au VHC et en l'absence de la part prise en charge par la CPAM, elle ne saurait prospérer et c'est à juste titre que la demande a été rejetée par les premiers juges ;

- s'agissant de la demande d'indemnisation au titre des pertes de gains professionnels sollicitée sur la période du 1er mai 1994 au 30 avril 1998 puis du 1er mai 2007 au 30 avril 2011 pendant lesquelles un mi-temps a été effectué, les pièces du dossier ne mettent pas en évidence l'existence de troubles en rapport avec l'infection par le VHC qui pourrait justifier la réduction de 1'activité professionnelle ;

- il ne ressort pas des éléments produits que le virus de l'hépatite C ait eu un retentissement professionnel particulier et, au surplus, aucun élément de nature à permettre d'évaluer la perte alléguée n'est apporté ;

- la demande au titre de pertes de salaires imputables à la contamination par le VHC sera rejetée comme l'a retenu le tribunal ;

- s'agissant des frais exposés dans le cadre de 1'expertise, il sera relevé que le fait de se faire accompagner relève d'un choix personnel non directement en lien avec la contamination par le VHC et l'ONIAM ne saurait être tenu de rembourser les repas et transports de deux personnes ; cette demande sera rejetée et limitée à la somme de 150 euros retenue par les premiers juges ;

- s'agissant de la demande au titre d'un préjudice d'agrément, il sera constaté que n'est pas justifié un préjudice d'agrément - nécessairement après consolidation - en lien avec le virus de l'hépatite C qui a été éradiqué ;

- s'agissant du préjudice sexuel, il n'est pas non plus justifié d'un préjudice sexuel du fait du virus de l'hépatite C dont il est rappelé qu'il a été éradiqué et alors qu'il n'existe plus aucun risque de transmission par voie sexuelle ;

- compte tenu de la guérison virale intervenue, de l'absence de risque d'évolution, la demande au titre d'un "préjudice spécifique de contamination" sera rejetée comme l'a jugé le tribunal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 6 octobre 2016 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que M. A..., qui souffre d'hémophilie, a bénéficié à plusieurs reprises d'injections de médicaments dérivés du sang et, en particulier, des " fractions anti hémophiliques A et des concentrés de facteur VIII " lors d'hospitalisations en 1980 et 1981 ; qu'après que son infection par le VIH a été découverte en 1981, son infection par le virus de l'hépatite C (VHC) a été révélée le 22 juin 1993 et confirmée le 6 octobre 1993 ; qu'au terme d'un traitement antiviral, par Interféron et Ribavirine, dont il a bénéficié du 2 novembre 2009 au 23 septembre 2010, un examen par la technique dite PCR pratiqué le 6 mai 2011 a mis en évidence une charge virale indétectable ; que M. A... a saisi l'ONIAM, sur le fondement de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, d'une demande d'indemnisation des préjudices résultant de sa contamination, imputée aux injections reçues en 1980 et 1981 ; que l'ONIAM, par une lettre du 19 mars 2012, après avoir estimé qu'il apportait "un faisceau d'indices suffisamment précis et concordant permettant de faire présumer que (sa) contamination trouve son origine dans les produits sanguins injectés ", eu égard en particulier au nombre de produits anti hémophiliques reçus dans le cadre du traitement et au nombre important de donneurs à l'origine de ces produits, qui rendait impossible la réalisation d'une enquête transfusionnelle par l'EFS, a présenté une offre d'indemnisation, pour un montant total de 3 193,62 euros, sur la base d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 %, du 3 novembre 2009 au 23 septembre 2010 correspondant à la période de son traitement, et de souffrances endurées, évaluées à 2/7 ; que M. A..., qui a rejeté cette offre, a saisi le tribunal administratif de Dijon, le 18 mai 2012, d'une demande d'expertise et de condamnation de l'ONIAM à titre provisionnel ; que, par un premier jugement du 11 octobre 2012, ledit tribunal a ordonné une mesure d'expertise médicale ; qu'après le dépôt de son rapport par l'expert, M. A... a présenté des conclusions tendant à ce que la somme de 349 851,52 euros soit mise à la charge de l'ONIAM, en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que M. A... fait appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 septembre 2014 en tant qu'il a limité à la somme de 8 866 euros l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Quant aux dépenses de santé :

2. Considérant qu'en se bornant, pour demander l'indemnisation au titre de dépenses de santé futures sur une période de vingt-cinq années, à affirmer qu'en raison de la gravité des conséquences du VHC sur sa santé, caractérisées par une fibrose hépatique résiduelle, une hypothyroïdie conséquente du traitement de l'hépatite chronique C et des douleurs abdominales, il se voit délivrer tous les mois des médicaments dont le paiement lui incombe pour un montant mensuel de 1,50 euros, M. A..., dont il n'est pas contesté qu'il souffre d'autres pathologies pour lesquelles il bénéficie en particulier de traitements anti-viraux, ne justifie, pas davantage qu'en première instance, de la réalité de dépenses de santé prétendument restées à sa charge ;

Quant aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'existence d'un lien de causalité direct et certain puisse être établie entre, d'une part, le traitement de M. A... au titre du virus de l'hépatite C et, d'autre part, la nécessité pour l'intéressé, qui évoque un accroissement de sa fatigabilité consécutive audit traitement, de n'exercer son activité professionnelle qu'à temps partiel durant la période de mai 1993 à avril 2011, alors au demeurant que la première période de travail à temps partiel en cause avait débuté avant la découverte de la sérologie VHC, et la seconde avant la mise en place du traitement antiviral contre l'hépatite C ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que M. A... fait valoir qu'en raison de son placement en congé longue durée à compter du 9 novembre 2013, il a subi une diminution de revenus résultant, malgré le maintien de son plein traitement, de la perte de ses primes annuelles et de son complément de poste, pour un montant mensuel de 107,18 euros ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'un lien de causalité direct et certain puisse être établi entre la contamination par le virus de l'hépatite C de M. A... qui, ainsi qu'il a été dit, souffre d'autres pathologies telles que l'hémophilie et la contamination par le VIH, à l'origine de lourdes séquelles orthopédiques, et son placement en congé de longue durée en novembre 2013, alors au surplus que, selon l'expert, M. A... se trouve en phase de " guérison virale " de son infection par le VHC depuis le 6 mai 2011 ;

5. Considérant, en dernier lieu, que si M. A... réclame une indemnité forfaitaire de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, résultant selon lui d'une augmentation de la pénibilité du travail, du fait d'une plus grande fatigue, l'expert n'a pas mentionné l'existence d'une telle incidence et, s'il a indiqué que toute hépatopathie entraîne fatigue et fatigabilité induisant " de facto " une diminution d'activité, il a mentionné également, dans une lettre du 3 juin 2014, que la guérison de M. A... pour le VHC " peut être considérée comme acquise " ;

Quant aux autres dépenses liées au dommage corporel :

6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en retenant la somme de 150 euros, les premiers juges se sont livrés à une évaluation insuffisante des frais dont M. A... est fondé à réclamer le remboursement par l'ONIAM au titre de ceux exposés lors des opérations d'expertise judiciaire, dès lors que l'intéressé ne justifie pas de la nécessité à laquelle il prétend avoir été confronté d'être accompagné par sa fille lors de ces opérations ;

En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux :

Quant aux souffrances endurées :

7. Considérant que l'intensité des souffrances physiques endurées par M. A... a été évaluée par l'expert à 2 sur une échelle de 1 à 7, en raison en particulier du traitement suivi du 2 novembre 2009 au 23 septembre 2010, au cours duquel est apparue une hypothyroïdie, effet indésirable potentiel de ce traitement ; qu'il sera fait une juste évaluation de l'indemnité devant être mise à la charge de l'ONIAM en réparation de ce préjudice en la fixant à la somme de 1 850 euros ;

Quant aux troubles dans les conditions d'existence :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert, qu'en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C, M. A... a subi, ainsi qu'il a été dit, une hypothyroïdie imposant une supplémentation ; que, de plus, cette contamination a été à l'origine d'une fibrose hépatique ; que l'intéressé a ainsi subi un déficit fonctionnel temporaire, qualifié de " limité " par l'expert, au vu de la stabilisation de la pathologie, et qu'il présente un déficit fonctionnel permanent, en raison notamment d'une asthénie et d'une anxiété ; que l'expert a également mentionné un préjudice sexuel ; qu'il sera fait une juste appréciation des divers troubles dans ses conditions d'existence en résultant en allouant à l'intéressé une somme de 10 000 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A... a subi en outre un préjudice d'agrément spécifique du fait de sa contamination ;

Quant au préjudice spécifique de contamination :

9. Considérant que, de la date de la révélation de sa contamination par le virus de l'hépatite C au cours de l'année 1993, et jusqu'à la date du constat du caractère indétectable de la charge virale, à compter du 6 mai 2011, M. A... a pu légitiment éprouver des inquiétudes, du fait de sa contamination par la maladie qui avait été diagnostiquée et des conséquences graves qui pouvaient en résulter ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'il a ainsi subi en lui allouant une somme globale de 3 000 euros ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander que l'indemnité de 8 866 euros mise par le jugement attaqué à la charge de l'ONIAM en réparation des préjudices qu'il a subis en conséquence de sa contamination par le virus de l'hépatite C soit portée à la somme de 15 000 euros ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 8 866 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. A... en réparation de son préjudice, par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 septembre 2014, est portée au montant de 15 000 euros.

Article 2 : L'ONIAM versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 octobre 2016.

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N° 14LY03507


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03507
Date de la décision : 27/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Dons du sang.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CHAUMONT-CHATTELEYN-ALLAM-EL MAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-10-27;14ly03507 ?
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