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06/12/2016 | FRANCE | N°14LY03751

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2016, 14LY03751


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur sa demande préalable d'indemnisation des préjudices subis du fait de la discrimination syndicale dont elle estime avoir été victime, de condamner l'Etat à lui payer une indemnité de 83 000 euros en réparation de ces préjudices avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande pré

alable et capitalisation des intérêts et de mettre à la charge de l'Etat une somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur sa demande préalable d'indemnisation des préjudices subis du fait de la discrimination syndicale dont elle estime avoir été victime, de condamner l'Etat à lui payer une indemnité de 83 000 euros en réparation de ces préjudices avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable et capitalisation des intérêts et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1202296 du 8 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à payer à Mme A... une indemnité de 4 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2011 et capitalisation des intérêts, une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens et une somme de 35 euros au titre des dépens et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 8 décembre 2014, le 23 mars 2015 et le 22 septembre 2015, Mme B...A..., représentée par la SCP Arvis et Komly-Nallier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1202296 du 8 octobre 2014 du tribunal administratif de Grenoble et la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur sa demande préalable d'indemnisation ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer une indemnité de 83 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne mentionne pas l'ensemble des pièces de la procédure, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- qu'il n'est pas motivé en droit et insuffisamment motivé en fait sur l'absence de pratique discriminatoire ;

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que les juges de première instance ont méconnu l'obligation d'épuiser leur pouvoir juridictionnel en n'ordonnant pas de mesures d'instruction pour compléter les nombreux éléments dont elle faisait état et qui pouvaient faire présumer qu'elle avait subi une discrimination en raison de son engagement syndical ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit dans la mise en oeuvre du régime de la preuve propre aux discriminations et d'erreur dans la qualification juridique des faits en ayant écarté l'existence de discriminations à raison de son activité syndicale ; qu'en effet,

- son chef d'établissement a, pour l'année scolaire 2010-2011, systématiquement programmé les réunions mensuelles de délégués du personnel à des dates où l'appelante était en congé ou lors de jours dédiés à sa décharge syndicale, ce qui a entraîné une mise en garde à l'encontre de ce chef par un courrier du 21 mars 2011 de l'inspecteur du travail ; que le ministre n'a pas produit d'explication objective à cette attitude ;

- le tribunal a, dans son jugement attaqué, regardé comme fautive la circonstance qu'elle ait été rémunérée pour les dix heures effectuées lors de la semaine d'accueil de l'année scolaire 2009-2010 avec un coefficient de 0,5 alors que sa collègue l'avait été avec un coefficient de 1 ; que le ministre n'a apporté aucune explication pour cette différence de traitement ;

- le tribunal a, dans son jugement attaqué, relevé qu'était fautif le fait pour son chef d'établissement de lui demander d'assurer les heures de cours non dispensées en raison d'une formation syndicale les 16 et 17 octobre 2013 alors qu'une note de service du ministre rappelait que, dans de telles circonstances, le rattrapage des heures de cours ne devait pas être sollicité ; que le ministre n'a apporté aucune explication pour cette différence de traitement ; qu'aucun motif n'a été apporté par l'administration pour justifier cette demande illégale alors qu'elle est intervenue dans l'exercice-même de son mandat syndical ;

- ses notations depuis l'année 1997 et les appréciations portées sur sa manière de servir ont toujours comporté une référence à ses absences pour décharge syndicale ;

- au titre de l'année scolaire 2005-2006, elle a obtenu la note D s'agissant de son assiduité, alors que cette note est attribuée annuellement à environ 0,20 % à 0,70 % des enseignants des établissements privés agricoles ;

- dans son jugement n° 0903202 du 24 novembre 2011, le tribunal administratif de Grenoble a relevé un lien entre son engagement syndical et la notation illégale C dont elle avait fait l'objet au titre de l'année scolaire 2007-2008 ;

- parmi les griefs qui lui étaient reprochés pour sa notation au titre de l'année scolaire 2010-2011, figurait la présence aux conseils de classe, alors que ses seules absences à ses conseils étaient celles pour lesquelles elle se trouvait en jour de décharge syndicale ou en activité syndicale justifiée ;

- en conséquence de l'absence, depuis son engagement syndical, de l'obtention de la notation A, l'administration a retardé son avancement au choix ou au grand choix ;

- elle n'a pas été rémunérée pour ses heures de concertation pour l'année scolaire 2006-2007, alors qu'elle avait participé au contrôle continu et avait mis en place avec ses élèves un projet concernant l'Italie ;

- elle n'a pas été rémunérée pour son implication en 2010 dans le projet Terravald, alors que l'un de ses collègues l'a été ;

- le refus qui lui a été opposé pour une formation professionnelle sur l'utilisation d'un logiciel au cours de l'année scolaire 2012-2013 n'a jamais été clairement justifié par l'administration ;

- tous ces faits sont intervenus dans un contexte où son engagement syndical avait déjà des conséquences défavorables sur sa situation au travail, de nombreux témoignages versés en première instance faisant état de ce que la direction de l'établissement lui causait de multiples tracas du fait de son engagement syndical en remettant régulièrement en cause son investissement dans l'établissement en raison de ses absences justifiées pour la plupart par son activité syndicale et lui attribuant des heures de cours sur ses jours de décharge syndicale ;

- après l'introduction de sa demande préalable d'indemnisation, l'administration a continué à lui créer des difficultés pour lui payer ses heures de délégation syndicale ou lui rembourser les frais exposés dans le cadre de son activité représentative ;

- ainsi, elle a justifié d'éléments de fait susceptibles de faire présumer à son encontre des discriminations à raison de son activité syndicale ;

- elle a droit à la somme de 204,50 euros en réparation de la privation de sa rémunération pour son implication en 2010 dans le projet Terravald ;

- elle a droit à la somme de 122,70 euros en réparation de la privation de sa rémunération de trois heures de la semaine d'accueil ;

- elle a droit à la somme de 490,80 euros en réparation de la privation de sa rémunération des heures de concertation de l'année 2007 ;

- elle a droit à la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice de carrière qu'elle a subi du fait du refus de lui octroyer la note A qui a eu pour effet de ne pas permettre une augmentation de sa note d'un point lorsqu'elle est établie sur vingt et, donc, de la priver, à compter de l'année 2004 d'un avancement au choix ou au grand choix ;

- elle a droit à la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi pendant de nombreuses années du fait des discriminations dont elle a été la victime à raison de son engagement syndical.

Par une intervention, enregistrée le 17 avril 2015, le Syndicat de l'enseignement privé CFDT Isère, représenté par la SCP Arvis et Komly-Nallier, avocat, demande l'annulation du jugement n° 1202296 du 8 octobre 2014 du tribunal administratif de Grenoble et de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la demande préalable d'indemnisation de Mme A... par les mêmes moyens que ceux exposés par la requérante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement n° 1202296 du 8 octobre 2014 en ce que le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à payer une indemnité de 4 000 euros à Mme A....

Il fait valoir que :

- les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés ;

- aucune faute n'est imputable à l'administration.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;

- le décret n° 89-406 du 20 juin 1989 modifié relatif aux contrats liant l'Etat et les personnels enseignants et de documentation des établissements mentionnés à l'article L. 813-8 du code rural ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet,

- et les conclusions de M. Clément, rapporteur public.

1. Considérant que Mme A..., enseignante contractuelle au Lycée privé agricole de Guiers - Val d'Ainan à Pont-de-Beauvoisin (Isère), représentante syndicale du Syndicat de l'enseignement privé CFDT Isère et représentante du personnel au sein de cet établissement, a sollicité du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, le 28 décembre 2011, la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des discriminations dont elle se considère victime à raison de son activité syndicale ; que, par un jugement n° 1202296 du 8 octobre 2014 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à lui payer une indemnité de 4 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2011 et capitalisation des intérêts, une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens et une somme de 35 euros au titre des dépens et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de sa demande tendant à la réparation des préjudices précités ; que, par la voie de l'appel incident, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut à l'annulation de ce jugement en ce que le tribunal administratif a condamné l'Etat à payer une indemnité de 4 000 euros à Mme A... ;

Sur l'intervention du Syndicat de l'enseignement privé CFDT Isère :

2. Considérant qu'est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige ;

3. Considérant que le Syndicat de l'enseignement privé CFDT Isère justifie, par son objet statutaire, d'un intérêt à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de la demande de Mme A... fondées sur l'existence de discriminations à raison de son activité syndicale ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. / Lorsque, en application de l'article R. 732-1-1, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions, mention en est faite. / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que celui-ci a visé et analysé le mémoire introductif d'instance, les deux mémoires complémentaires et les conclusions des trois mémoire présentés pour Mme A..., ainsi que le mémoire en défense et les conclusions de ce mémoire présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des pièces de la procédure, serait entaché d'irrégularité par méconnaissance des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

7. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Grenoble, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par la requérante ; que, par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une absence ou d'une insuffisance de motivation ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que les premiers juges auraient méconnu l'obligation d'épuiser leur pouvoir juridictionnel en n'ordonnant pas de mesures d'instruction sur l'existence de discriminations qu'aurait subi Mme A... en raison de son engagement syndical ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

9. Considérant qu'aux termes de l'article premier de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, dans sa rédaction applicable au litige : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. / Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. / (...) " ; que selon l'article 4 de cette même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. / (...) " ; que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

10. Considérant, en premier lieu, que Mme A... sollicite l'indemnisation d'un préjudice dans le déroulement de sa carrière consistant en une privation ou un retard, à compter de l'année 2004, d'un avancement au choix ou au grand choix du fait, selon elle, de la fixation, par son chef d'établissement de notes administratives défavorables en raison de son activité syndicale ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les notes administratives obtenues par l'intéressée à compter de 2004 aient contribué de manière certaine et directe à la priver d'un avancement au choix ou au grand choix ou à retarder de tels avancements ; que, par suite, elle n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation d'un préjudice financier dans le déroulement de sa carrière qui résulterait de la fixation de ces notes ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A... soutient qu'un refus lui a été opposé pour une formation professionnelle sur l'utilisation d'un logiciel au cours de l'année scolaire 2012-2013, elle ne produit pas d'éléments de fait susceptibles de faire présumer que ce refus serait motivé par des considérations tenant à son activité syndicale ; que, par suite, elle n'est pas fondée à solliciter la réparation des conséquences dommageables d'une discrimination que révèlerait ce refus ;

12. Considérant, en troisième lieu, que Mme A... n'est pas fondée à demander l'indemnisation des conséquences dommageables de l'absence de rémunération d'heures dites de concertation au titre de l'année 2006-2007, dès lors qu'elle ne justifie pas, par l'ensemble des pièces qu'elle produit, avoir, comme elle le soutient, effectué douze heures dites de concertation ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que si Mme A... sollicite la réparation des conséquences dommageables de l'absence de rémunération de son implication en 2010 dans le projet Terravald, elle ne produit, tant en première instance qu'en appel, aucune pièce de nature à établir l'existence d'une telle implication ; que, par suite, ses conclusions indemnitaires présentées à ce titre ne sont pas fondées ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que la requérante sollicite le paiement par l'Etat de la somme de 122,70 euros en réparation de l'absence de rémunération de trois heures, à raison de 40,90 euros de l'heure, effectuées au titre de la semaine d'accueil de l'année scolaire 2009-2010 en classe de seconde professionnelle de vente ; qu'elle fait valoir à cet égard que sa collègue, co-responsable avec elle de cette activité, a été rémunérée à ce titre à raison de dix heures affectées du coefficient 1, alors que les quatorze heures qu'elle a effectuées pour cette activité n'ont été affectées que du coefficient 0,5 et ne lui ont ainsi été rémunérées qu'à hauteur de sept heures ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment de la note de service DGER/ACE N° 98/279 du 22 juillet 1998 du ministre de l'agriculture et de la pêche, que l'activité dite de semaine d'accueil en classe de seconde n'a pas le caractère d'un service d'enseignement au sens du paragraphe 2.1.1 de cette note et qu'elle est, dès lors, rémunérée par affectation d'un coefficient de pondération de 0,5 ; que, dans ces conditions, Mme A... n'avait pas droit à la rémunération des heures de semaine d'accueil affectées du coefficient 1 ; que, dès lors, la circonstance que sa collègue ait eu rémunérées au coefficient 1 ses propres heures effectuées au titre de la semaine d'accueil, si elle est constitutive d'une différence de traitement injustifiée, et donc fautive, au détriment de Mme A...et a généré ainsi pour elle un préjudice moral, ne saurait avoir contribué de manière directe à la réalisation d'un préjudice financier par absence de rémunération des trois heures précitées ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à solliciter de ce chef une indemnité de 122,70 euros ;

15. Considérant, en dernier lieu, que Mme A... sollicite l'indemnisation d'un préjudice moral à raison de divers agissements de son chef d'établissement dont certains révèlent, selon elle, une discrimination syndicale à son égard ;

16. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des motifs du jugement n° 1104419 du 8 octobre 2014 du tribunal administratif de Grenoble annulant la notation de Mme A... pour l'année scolaire 2009-2010, que cette notation serait fondée sur des motifs liés à son appartenance syndicale ; que, par suite, la requérante ne produit pas d'éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence à son encontre d'une discrimination syndicale dans sa notation pour l'année scolaire 2009-2010 ;

17. Considérant toutefois qu'eu égard aux termes du courriel du 27 février 2007 qu'elle a adressé dans le cadre de la contestation de sa note administrative au chef du bureau d'administration centrale gérant les enseignants des établissements privés et à l'attestation de M. C..., agent du Lycée privé agricole de Guiers - Val d'Ainan au moment des faits, Mme A... fait état d'éléments susceptibles de faire présumer que la fixation de la note D s'agissant de son assiduité au titre de l'année scolaire 2005-2006 était fondée sur des absences pour formation syndicale ; qu'en défense, le ministre ne produit aucun élément permettant d'établir que la fixation de cette note repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale ; que, dans ces conditions, la requérante doit être regardée comme établissant qu'est fondée sur une discrimination syndicale la fixation de cette note qui constitue, par suite, une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

18. Considérant, en outre, qu'il résulte de l'instruction que, durant l'année scolaire 2010-2011, le chef d'établissement de Mme A... a, de façon répétée, programmé des réunions mensuelles de délégués du personnel à des dates où elle était en congé ou lors de jours dédiés à sa décharge syndicale, ne mettant fin à cette attitude qu'à la suite d'une intervention, à la demande de l'intéressée, de contrôleurs du travail qui ont indiqué au chef d'établissement que son attitude était susceptible de constituer une entrave à l'exercice régulier de la fonction des délégués du personnel ; qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, les heures que Mme A... a effectuées au titre de la semaine d'accueil de l'année scolaire 2009-2010 n'ont été affectées que du coefficient 0,5, alors que celles de sa collègue, co-responsable avec elle de cette activité, ont été affectées du coefficient 1 ; qu'en méconnaissance de la note de service DGER/SDEDC N° 2013-2104 du 22 juillet 2013 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, le chef d'établissement de Mme A... lui a demandé d'effectuer les trois heures de cours qu'elle n'avait pas dispensées le mercredi 16 octobre 2013 en raison de sa participation, pourtant autorisée, à trois journées de formation syndicale consécutives du 16 au 17 octobre 2013 ; que ces trois séries de faits constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

19. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des motifs des jugements n° 0903202 du 24 novembre 2011 et n° 1205501 du 8 octobre 2014 du tribunal administratif de Grenoble annulant les notations de Mme A... pour les années scolaires 2007-2008 et 2010-2011 que ces deux notations sont notamment fondées sur des absences de l'intéressée justifiées par son activité syndicale ; que, dans ces conditions, ces deux notations, en ce qu'elles sont en partie fondées sur une discrimination syndicale, constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation, en l'évaluant à la somme de 10 000 euros, du préjudice moral subi par Mme A... à raison des six séries de faits fautifs mentionnés aux points 17, 18 et 19 ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser, soit portée à la somme de 10 000 euros ; que, pour les mêmes motifs, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt n'est pas fondé à soutenir, par voie de l'appel incident, que c'est à tort que les premiers juges ont condamné l'Etat à payer une indemnité de 4 000 euros à Mme A... ; que celle-ci a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 10 000 euros à compter du 28 décembre 2011, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation par l'administration, et à la capitalisation des intérêts à compter du 28 décembre 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention du Syndicat de l'enseignement privé CFDT Isère est admise.

Article 2 : La somme de 4 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme A... par le jugement n° 1202296 du 8 octobre 2014 du tribunal administratif de Grenoble est portée à 10 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2011. Les intérêts échus à la date du 28 décembre 2012 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement n° 1202296 du 8 octobre 2014 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les conclusions d'appel incident du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et au Syndicat de l'enseignement privé CFDT Isère.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- M. Drouet, président-assesseur,

- M. Deliancourt, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 décembre 2016.

6

N° 14LY03751


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03751
Date de la décision : 06/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Égalité devant le service public - Égalité de traitement des agents publics.

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Établissements d'enseignement privés - Personnel.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : ARVIS et KOMLY-NALLIER - AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-12-06;14ly03751 ?
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