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12/10/2017 | FRANCE | N°15LY02260

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2017, 15LY02260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Hauteville à lui verser une indemnité en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident dont elle a été victime le 4 mai 2011.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif, d'une part, de condamner la commune de Hauteville à lui verser la somme de 16 687,50 euros en remboursement des débours exposés pour le compte de Mme A..., d'autr

e part, de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 1 037 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Hauteville à lui verser une indemnité en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident dont elle a été victime le 4 mai 2011.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif, d'une part, de condamner la commune de Hauteville à lui verser la somme de 16 687,50 euros en remboursement des débours exposés pour le compte de Mme A..., d'autre part, de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 1 037 euros sur le fondement des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par jugement n° 1301664 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Grenoble a :

- condamné la commune d'Hauteville à verser à Mme A...la somme de 16 782,52 euros au titre de son entier préjudice ;

- condamné la commune d'Hauteville à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche la somme de 7 204, 99 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement et une somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- mis à la charge de la commune d'Hauteville les frais d'expertise ;

- mis à la charge de la commune d'Hauteville la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2015, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement n°1301664 du tribunal administratif de Grenoble du 11 juin 2015 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;

2°) de condamner la commune d'Hauteville à lui verser la somme de 55 977 euros en réparation de son entier préjudice ;

3°) de condamner la commune d'Hauteville à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre les dépens à la charge de la commune d'Hauteville ;

Elle soutient que :

- son éventuelle part de responsabilité dans cet accident n'a pas fait l'objet de débat devant la juridiction administrative, la commune ayant simplement contesté le défaut d'entretien normal de l'ouvrage ;

- le tribunal n'a pas pris en considération la configuration des lieux et la façon dont le ralentisseur était dégradé ;

- elle ne circulait pas à une vitesse excessive et avait adapté sa vitesse à l'entrée dans l'agglomération

- elle n'était pas en mesure d'anticiper les dégradations dès lors que ce n'est qu'en arrivant sur l'obstacle qu'elle pouvait se rendre compte de la dégradation des pavés et de l'existence de pavés manquants

- l'accident a pour origine un défaut d'entretien normal du ralentisseur ; la commune doit apporter la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage ; il appartenait à la commune d'entretenir l'ouvrage et, à tout le moins, d'attirer l'attention des usagers sur le caractère dangereux de l'ouvrage compte tenu de sa vétusté ; la commune a reconnu l'existence d'un défaut d'entretien

- il appartient au maire en vertu de ses pouvoirs de police de s'assurer de la sécurité sur les voies publiques en signalant l'existence de ce ralentisseur et son état dégradé

- la commune doit être condamnée à lui verser une indemnité de 1 771 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, de 1 000 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire, de 10 000 euros au titre de son pretium doloris, de 28 875 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, de 10 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, de 2 320 euros au titre de ses frais dentaires, de 480 euros au titre de l'assistance tierce-personne et de 1 531 euros au titre de ses frais matériels ;

Par mémoire, enregistré le 7 octobre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, conclut à la réformation du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 11 juin 2015 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande, à la condamnation de la commune de Hauteville à lui verser la somme de 16 687, 50 euros, et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Hauteville la somme de 1 037 euros en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761- du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le maire de la commune, en vertu de ses pouvoirs de police administrative, doit s'assurer de la sécurité sur les voies publiques ;

- le défaut d'entretien normal de la voirie engage la responsabilité de la commune envers l'usager ; l'accident de Mme A...est imputable au défaut d'entretien du ralentisseur ; aucun panneau ne signalait le danger aux usagers ;

- aucune faute n'a été commise par Mme A...qui ne circulait pas à une vitesse excessive, portait un casque et dont le vélo fonctionnaire correctement ; son comportement était parfaitement adapté ;

Par un mémoire, enregistré le 25 avril 2016, la commune de Hauteville demande à la cour, à titre principal et par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement précité en tant qu'il a retenu sa responsabilité et de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Grenoble, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a retenu l'existence d'une faute de la victime de nature à l'exonérer de sa responsabilité à hauteur de 50% et, à titre infiniment subsidiaire, de ramener la demande indemnitaire de Mme A...à de plus justes proportions et de mettre à la charge de Mme A...la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le recours de Mme A...est mal dirigé dès lors que l'accident s'est produit, non sur une route communale, mais sur une route départementale dont l'entretien et la gestion appartenait au département de la Savoie ;

- Mme A...ne rapporte pas l'existence d'une faute du maire dans l'usage de ses pouvoirs de police ;

- l'accident s'est produit, non pas sur un ralentisseur, mais sur un passage piéton constitué de pavés pour matérialiser un changement de pente de la route et attirer l'attention des usagers ; que la zone est classée zone 30 km/h et fait l'objet d'une signalisation horizontale par des bandes rugueuses au sol en amont et verticale par des panneaux de signalisation réglementaires de nature à inciter les usagers à la plus grande vigilance ;

- aucun fait important n'a pu alerter sur le danger supposé de l'ouvrage de nature à inciter à mettre en place une signalisation particulière ;

- la présence d'une irrégularité inférieure à 5 centimètres sur une chaussée n'excède pas les risques habituels prévisibles que les usagers normalement vigilants peuvent s'attendre à rencontrer sur leur parcours ;

- si la cour estime devoir retenir la responsabilité de la commune, il y aura lieu de retenir une faute de la victime de nature à l'exonérer au moins à hauteur de 50% ;

- Mme A...ne justifie pas que les soins dentaires sur la dent 16 soient en relation directe avec les faits litigieux ;, pour ces soins, elle a fait l'objet d'un remboursement de la sécurité sociale à hauteur de 442, 48 euros ; la nécessité d'un suivi ostéopathique relève d'une démarche volontaire complémentaire de simple confort ; Mme A...ne justifie pas que ses lunettes et son équipement aient été endommagés lors de sa chute, elle produit une facture d'avril 2011 antérieure à l'accident et elle omet de mentionner une prise en charge sur le montant facture de 74 euros ; les frais allégués pour son équipement ne sont pas en lien avec l'accident ; concernant les frais de déplacement, elle n'apporte aucune justification quant au détail des trajets effectués, leur distance et leur coût ; concernant l'assistance d'une tierce personne, l'existence d'une prise en charge par une mutuelle ou une assurance n'est pas établie ; cette simple aide familiale ménagère ne peut être chiffrée à hauteur de 16 euros l'heure, ce qui correspond au coût d'une aide spécialisée ; la somme réclamée au titre du déficit fonctionnel temporaire doit être réduite ainsi que la somme réclamée au titre des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du déficit fonctionnel permanent ; la demande au titre du préjudice d'agrément n'est pas justifiée ;

- Il devra être tenu compte des sommes versées par la commune au titre de l'exécution provisoire du jugement de première instance.

Par mémoire, enregistré le 12 juillet 2016, Mme A...conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que le ralentisseur est la propriété de la commune chargée de son entretien ; qu'à tout le moins, il appartient au maire dans le cadre de l'usage de ses pouvoirs de police de s'assurer de la sécurité sur les voies publiques de la commune ;

Par ordonnance du 18 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 22 août 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vigier-Carriere, rapporteur public,

- et les observations de Me D...substituant MeE..., représentant la CPAM de l'Ardèche.

1. Considérant que, le 4 mai 2011 à 15h30, lors d'une sortie du club de cyclo-tourisme chambérien, et alors qu'elle circulait en tête du groupe, la roue avant de la bicyclette de Mme A..., qui franchissait un ralentisseur aménagé devant la place de la mairie de la commune d'Hauteville et situé sur la route départementale CD 202, s'est bloquée dans un trou causé par un défaut de jointage entre des pavés ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de Grenoble, le 29 mars 2013, d'une demande tendant à la condamnation de la commune d'Hauteville à lui verser une somme totale de 55 977 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident dont elle a été victime ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche a demandé le remboursement des sommes correspondant aux débours engagés ; que, par jugement du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Grenoble a limité la responsabilité de la commune à 50% des conséquences dommageables de l'accident et l'a condamnée à verser à Mme A...la somme de 16 782, 52 euros en réparation de son préjudice et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche la somme de 7 204, 99 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement, en remboursement de ses débours ; que Mme A...relève appel du jugement en tant qu'il a exonéré la commune d'Hauteville partiellement de sa responsabilité et a limité le montant des indemnités dues ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche conclut à la réformation du jugement en tant qu'il a laissé une part de 50% de responsabilité à la requérante et à la condamnation de la commune d'Hauteville à lui verser la somme de 16 782,52 euros au titre de ses débours ; que la commune d'Hauteville présente, à titre principal et par la voie de l'appel incident, des conclusions tendant à l'annulation de la condamnation prononcée à son encontre par le jugement du 11 juin 2015, et demande à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en tant qu'il a retenu une faute de la victime de nature à l'exonérer de sa responsabilité à hauteur de 50%, ou à tout le moins de réduire les prétentions indemnitaires de Mme A...;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la commune d'Hauteville a fait valoir que la présence d'une irrégularité d'une hauteur inférieure à 5 centimètres n'excède pas les risques habituels prévisibles que les usagers peuvent éviter en prêtant à leur conduite une attention suffisante ; qu'ainsi elle a invoqué en défense une faute d'inattention de la victime de nature à l'exonérer totalement ou partiellement de sa responsabilité ; que Mme A...a d'ailleurs répliqué, par mémoire du 30 juillet 2013, à ce moyen ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour avoir statué en relevant d'office la faute de la victime ;

Sur la responsabilité de la commune d'Hauteville :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil général gère le domaine du département. A ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code " ; qu'aux termes de l'article L. 2213-1 du même code : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le département, en tant que propriétaire du domaine, est seul compétent pour opérer tous travaux d'aménagement ou d'entretien de son domaine routier, y compris à l'intérieur des agglomérations, dès lors que ces travaux ne privent pas de leur portée les compétences détenues par le maire au titre de ses pouvoirs de police de la circulation ; qu'il résulte des mêmes dispositions précitées que le maire d'une commune est seul compétent, dans le cadre de ses pouvoirs de police de la circulation, pour décider de la mise en place de dispositifs de sécurité sur les routes départementales à l'intérieur de l'agglomération et sur le territoire de sa commune, dès lors que ces dispositifs n'ont ni pour objet, ni pour effet, de modifier l'assiette de la route départementale ; que les dommages résultant de la mise en oeuvre ou de l'absence de mise en oeuvre de ces pouvoirs de police entraînent, le cas échéant, la responsabilité de la seule commune ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des procès-verbaux établis par la gendarmerie, qu'en 1996 le maire de la commune d'Hauteville a décidé, pour des raisons de sécurité, de mettre en place un dispositif de ralentissement sur la voie départementale CD 202 ; qu'il n'est pas allégué que ce ralentisseur aurait pour effet de modifier l'assiette de la route départementale, à laquelle il s'incorpore ; qu'à la date de l'accident, l'état de ce ralentisseur constitué d'une mosaïque de pavés de 5 centimètres sur 5 centimètres était dégradé, le jointage des pavés s'étant détérioré et laissant la place à des creux dont il n'est pas établi, contrairement à ce que fait valoir la commune, qu'ils étaient inférieurs à 5 centimètres ; que si une signalisation et des bandes rugueuses prévenaient l'usager de l'existence de ce dispositif de sécurité, le danger que présentait pour tout cycliste le franchissement du ralentisseur en raison de ses défectuosités, connues de la commune, n'avait pas été signalé par l'autorité municipale qui était responsable de la sûreté et de la commodité du passage sur la voie publique malgré son caractère d'accessoire de la route départementale ; que l'inexécution par la commune de l'ensemble des obligations qui lui incombaient est assimilable à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et engage la responsabilité de la commune d'Hauteville ;

6. Considérant, toutefois, que les conditions de visibilité, au jour et à l'heure de l'accident, permettaient à MmeA..., avant qu'elle ne s'engage sur ce passage surélevé, de percevoir que son revêtement était constitué de pavés, ce qui devait l'inciter à faire preuve d'une prudence particulière au moment de son franchissement ; que, dans ces conditions, le défaut d'attention de Mme A...est constitutif d'une faute de nature à exonérer partiellement la commune de sa responsabilité ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en condamnant la commune d'Hauteville à réparer 70% des conséquences dommageables de cet accident ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans que la commune puisse soutenir que les conclusions de la requête de Mme A...seraient mal dirigées, que la responsabilité de la commune d'Hauteville est engagée à hauteur de 70 % du fait des dommages subis par Mme A... lors de l'accident survenu le 4 mai 2011 ;

Sur les préjudices :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du III de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre./ Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après./ Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel./ Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée./ Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice (...) " ;

9. Considérant que lorsque le juge saisi d'un recours indemnitaire au titre d'un dommage corporel estime que la responsabilité du défendeur ne s'étend qu'à une partie de ce dommage parce que les responsabilités sont partagées, il lui appartient, pour mettre en oeuvre les dispositions précitées de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de déterminer successivement, pour chaque chef de préjudice, le montant du dommage corporel, puis le montant de l'indemnité mise à la charge du défendeur, enfin la part de cette indemnité qui sera versée à la victime et celle qui sera versée à la caisse de sécurité sociale ; que, pour évaluer le dommage corporel, il y a lieu de tenir compte tant des éléments de préjudice qui ont été couverts par des prestations de sécurité sociale que de ceux qui sont demeurés à la charge de la victime ; que l'indemnité due par le défendeur correspond à la part du dommage corporel dont la réparation lui incombe eu égard au partage de responsabilité ; que cette indemnité doit être versée à la victime, qui exerce ses droits par préférence à la caisse de sécurité sociale subrogée, à concurrence de la part du dommage corporel qui n'a pas été couverte par des prestations ; que, dans le cas où la caisse de sécurité sociale n'a pas demandé le remboursement de ses dépenses, le juge n'est pas dispensé de tenir compte, dans l'évaluation du dommage corporel, des éléments de préjudice qui ont été couverts par des prestations ; que l'indemnité mise à la charge de la collectivité doit alors correspondre à la part du dommage corporel dont elle est responsable sans pouvoir excéder la part non couverte par des prestations ; que cette indemnité doit être intégralement versée à la victime ;

Quant aux dépenses de santé :

10. Considérant, en premier lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche justifie, par un état détaillé de ses débours et une attestation d'imputabilité du médecin conseil en date du 16 juin 2014, avoir exposé pour le compte de son assurée la somme de 16 687,50 euros correspondant des frais d'hospitalisation, des frais médicaux et pharmaceutiques, des frais d'appareillage et des frais futurs en relation directe et certaine avec l'état de santé de Mme A...résultant de son accident du 4 mai 2011 ; que la commune ne conteste pas l'imputation de ces dépenses au dommage qu'elle est tenue de réparer ;

11. Considérant, en second lieu, qu'outre les sommes prises en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, des dépenses de santé directement liées aux conséquences dommageables de l'accident sont restées à la charge de MmeA... ; que ces dépenses correspondent à des frais dentaires à hauteur de 1 877,52 euros, déduction faite de la prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, et à des frais de rééducation fonctionnelle prescrit le 25 novembre 2011 par son médecin traitant à raison uniquement de cinq séances d'osthéopathie pour un coût unitaire de 50 euros par séance, soit un montant de 250 euros ; qu'en revanche, MmeA..., qui ne produit qu'une facture pour l'achat de ses lunettes antérieure à la date de l'accident, n'établit pas qu'elles auraient été cassées lors de l'accident du 4 mai 2011 ;

12. Considérant que le poste de préjudice correspondant aux dépenses de santé s'élève ainsi à la somme de 18 815, 02 euros ; que l'indemnité susceptible d'être mise à la charge de la commune doit, compte tenu du partage de responsabilité arrêté au point. 6 et conformément à la règle énoncée ci-dessus, être fixée à 70 % des sommes constituant ce poste de préjudice, soit 13 170,51 euros ; que, toutefois, ce montant excède la part des dépenses de santé qui est demeurée à la charge de la victime, limitée à 2 127,52 euros ; que cette dernière somme doit être intégralement allouée à MmeA... ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche a droit au remboursement du reliquat dû par la commune soit 11 042,99 euros ;

Quant aux autres dépenses :

13. Considérant, en premier lieu, que le rapport d'expertise prévoit la nécessité de l'assistance d'une tierce personne à raison d'une heure par jour pendant un mois ; qu'il sera fait une juste appréciation des besoins en assistance d'une tierce personne à domicile en les évaluant, compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) horaire brut augmenté des charges sociales, à la somme de 360 euros ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante a droit au remboursement des frais de réparation de son vélo ainsi que des frais relatifs au remplacement de sa tenue pour un montant de 408 euros ;

15. Considérant, en troisième lieu, qu'il sera fait une juste appréciation des frais de déplacement que Mme A...a dû engager à la suite de son accident en se rendant, notamment, au centre hospitalier de Chambéry en les évaluant à la somme de 100 euros ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu du partage de responsabilité retenu plus haut, il sera alloué à Mme A...une somme totale de 607,60 euros au titre de ces autres dépenses ;

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :

17. Considérant qu'il résulte des conclusions du rapport de l'expert, qui ne sont pas sérieusement contestées par la commune, que MmeA..., née en 1947, a subi, du fait de sa chute, une période de déficit fonctionnel temporaire total du 4 au 15 mai 2011, une période de déficit temporaire partiel de 25% du 16 mai au 16 juillet 2011, de 20% du 17 juillet 2011 au 10 juin 2012 ; qu'elle reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 21 % ; qu'elle a enduré des souffrances évaluées à 4 sur une échelle de 7 et a subi un préjudice esthétique temporaire évalué à 2,5 sur une échelle de 7 pendant un mois ;

18. Considérant qu'il sera, dans les circonstances de l'espèce, fait une juste appréciation des préjudices consécutifs à l'accident en les évaluant à la somme de 640 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire, de 350 euros en réparation du préjudice esthétique temporaire, de 4 000 euros au titre des souffrances endurées, de 25 000 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent et de 4 000 euros au titre du préjudice d'agrément compte tenu de ce que Mme A...a dû suspendre une activité sportive qu'elle pratiquait depuis 30 ans ; que, compte tenu du partage de responsabilité retenu, il convient d'accorder à Mme A...la somme de 20 993 euros ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, compte tenu du partage des responsabilité retenu au point 6, de condamner la commune d'Hauteville à verser à Mme A...une indemnité d'un montant de 23 728,12 euros en réparation des préjudices subis et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche la somme de 11 042,99 euros en remboursement des débours engagés ; que du montant de ces condamnations seront déduites les sommes déjà versées par la commune en exécution du jugement du 11 juin 2015 ;

Sur les frais d'expertise :

20. Considérant qu'il y a lieu de laisser les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif à la charge de la commune d'Hauteville ;

Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

21. Considérant que la CPAM de l'Ardèche a droit, en outre, à l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et dont le montant, à la date du présent arrêt, a été fixé à 1 055 euros par l'arrêté du 26 décembre 2016 ; que du montant de cette condamnation sera déduite la somme déjà versée par la commune en exécution du jugement du 11 juin 2015 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune d'Hauteville au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

23. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Hauteville la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;

24. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Hauteville la somme demandée par la caisse primaire d'assurance maladie au titre des dispositions précitées ;

DECIDE :

Article 1er : La somme que la commune d'Hauteville a été condamnée à verser à Mme A...par le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 11 juin 2015 est portée à la somme de 23 728,12 euros. Sera déduite de ce montant la somme que la commune a déjà versée en exécution provisoire du jugement.

Article 2 : La somme que la commune d'Hauteville a été condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche par le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 11 juin 2015 est portée à la somme de 11 042,99 euros. Sera déduite de ce montant la somme que la commune a déjà versée en exécution provisoire du jugement.

Article 3 : La commune d'Hauteville versera à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 1 055 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Sera déduite de ce montant la somme que la commune a déjà versée en exécution provisoire du jugement.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Grenoble sont mis à la charge de la commune de Hauteville.

Article 5: Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 11 juin 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : La commune d'Hauteville versera à Mme A...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche et à la commune d'Hauteville.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Caraës, premier-conseiller.

Lu en audience publique le 12 octobre 2017.

2

N° 15LY02260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02260
Date de la décision : 12/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-02-02 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Défaut d'entretien normal. Chaussée.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELORON HUTT GRANGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-12;15ly02260 ?
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