La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2017 | FRANCE | N°16LY00993

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 16LY00993


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une somme de 23 500 euros en réparation du préjudice subi en raison du décès de sa fille, Mme G...A..., survenu dans cet établissement le 29 octobre 2011.

Par un jugement n° 1400032 du 26 janvier 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mars 2016, Mme F... C...et Mme B..

.D..., en qualité d'ayant-droit représentant l'indivision successorale, représentées par Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une somme de 23 500 euros en réparation du préjudice subi en raison du décès de sa fille, Mme G...A..., survenu dans cet établissement le 29 octobre 2011.

Par un jugement n° 1400032 du 26 janvier 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mars 2016, Mme F... C...et Mme B...D..., en qualité d'ayant-droit représentant l'indivision successorale, représentées par Me H... et Sophie Detroyat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2016 ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à verser à Mme D... la somme de 17 000 euros et à Mme C...la somme de 6 500 euros en réparation du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le 29 octobre 2011, à 1h49, Mme C...a indiqué au médecin régulateur que sa fille était atteinte d'un cancer et qu'elle éprouvait des douleurs et venait de chuter ; le médecin a demandé à parler à Mme A...qui a refusé toute hospitalisation ; à 3h09, Mme C...a joint à nouveau le médecin régulateur qui a indiqué ne pas comprendre la situation et a souhaité parler à Mme A...qui a refusé toute discussion ; le médecin régulateur s'est alors basé sur le premier appel et le refus de soin de Mme A...pour écarter toute intervention ; à 4h55, un ami de la famille a lui-même téléphoné aux services de secours et au bout de 12 minutes, un médecin régulateur a pris l'appel et a demandé à parler à Mme A...qui lui a avoué sa grande faiblesse ; ce n'est qu'à l'issue de cet appel que le médecin régulateur a décidé d'envoyer une ambulance ;

- l'expert note qu'il peut être reproché au centre hospitalier universitaire de Grenoble de ne pas avoir envoyé de moyens médicalisés lors du second appel de 3h09 ; si l'ensemble des soins avait été prodigué en temps utile, l'espérance de vie de Mme A...aurait, dans le meilleur des cas, pu être prolongée de quelques heures dans des conditions plus acceptables ;

- il peut être reproché au centre hospitalier universitaire un retard dans les soins qui aurait permis une prise en charge dans un cadre adapté, une absence de prise en charge de la douleur dans les conditions définies par l'article R. 4127-37 du code de la santé publique et un retard dans l'analyse clinique de l'état de santé de MmeC....

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2017, le centre hospitalier universitaire de Grenoble, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le refus de transfert aux urgences n'est pas fautif dès lors qu'à 2 heures, Mme A...pouvait parler normalement et qu'à 3h30, elle a refusé de parler au médecin régulateur et que Mme C...n'a pas signalé d'aggravation objective de l'état de santé de sa fille ;

- le mutisme de Mme A...lors du deuxième appel pouvait s'interpréter comme une confirmation du refus d'hospitalisation ;

- l'expert n'a pas relevé l'existence d'une faute dans le refus de prise en charge lors du deuxième appel ; le médecin, contrairement aux dires de l'expert, n'a pas pu s'entretenir avec Mme A...lors du deuxième appel et dans le même temps, la malade était en capacité de parler avec sa mère ; par suite, le médecin régulateur n'avait pas à envoyer des secours pour lever le doute ;

- le médecin régulateur n'est pas censé établir un diagnostic mais recueillir une simple impression clinique ;

- si une erreur d'appréciation a pu être commise, elle ne peut être qualifiée de fautive compte tenu du contexte médical complexe susceptible de donner lieu à des interprétations divergentes ;

- le retard de 2h12 dans la prise en charge de la douleur de la malade ne constitue qu'une perte de chance de voir ses souffrances abrégées ; la fraction indemnisable du préjudice ne peut être que minime compte tenu du retard de 2h12 ; le préjudice moral de Mme C... d'avoir été le témoin des souffrances endurées par sa fille correspond à une fraction minime du préjudice ;

Par ordonnance du 18 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 3 novembre 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës ;

- les conclusions de Mme Marie Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Detroyat, avocat de Mme C...et de MmeD....

1. Considérant qu'à la suite de son hospitalisation du 20 au 26 octobre 2011 au sein du pôle cancérologie du centre hospitalier universitaire de Grenoble en raison d'un carcinome pulmonaire à petites cellules avec métastases hépatiques, Mme G...A...a été accueillie au domicile de sa mère, Mme C... ; que, dans la nuit du 29 octobre 2011, et en raison de la brusque dégradation de son état de santé, Mme C...a contacté le service d'aide médicale urgente (SAMU) du centre hospitalier de Grenoble à trois reprises, entre 1h47 et 4h55, en vue de la prise en charge de sa fille ; qu'à 5h40, Mme A...a été prise en charge par une ambulance et hospitalisée au centre hospitalier universitaire de Grenoble dans un contexte de détresse respiratoire en rapport avec l'évolution terminale du carcinome dont elle était atteinte ; qu'elle y décèdera le 29 octobre 2011 à 12h00 ; que Mme C...et Mme D...relèvent appel du jugement du 26 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Grenoble :

2. Considérant qu'il résulte notamment des articles L. 6311-1 à L. 6314-1 et R. 6311-1 à R. 6311-13 du code de la santé publique que le SAMU, qui comporte un centre de réception et de régulation des appels (centre 15), est chargé d'assurer une écoute médicale permanente, de déterminer et déclencher la réponse la mieux adaptée à la nature des appels, de s'assurer de la disponibilité des moyens d'hospitalisation, publics ou privés, adaptés à l'état du patient, d'organiser le cas échéant le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires, de veiller à l'admission du patient ; qu'en outre, le médecin régulateur est chargé d'évaluer la gravité de la situation et de mobiliser l'ensemble des ressources disponibles (médecins généralistes, structure mobile d'urgence et de réanimation, ambulances), en vue d'apporter la réponse la plus appropriée à l'état du patient et de veiller à ce que les soins nécessaires lui soient effectivement délivrés ; qu'à cet effet, le médecin régulateur coordonne l'ensemble des moyens mis en oeuvre dans le cadre de l'aide médicale urgente, vérifie que les moyens arrivent effectivement dans les délais nécessités par l'état de la personne concernée et assure le suivi des interventions ; que la détermination par le médecin régulateur de la réponse la mieux adaptée se fonde sur trois critères, à savoir l'estimation du degré de gravité avérée ou potentielle de l'atteinte à la personne concernée, l'appréciation du contexte, l'état et les délais d'intervention des ressources disponibles, et repose sur un dialogue avec la personne concernée ou, le cas échéant, son entourage ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi le 16 juillet 2013 et de la retranscription des enregistrements téléphoniques annexés à ce rapport, que, dans la nuit du 29 octobre 2011, MmeC..., mère de MmeA..., a contacté le SAMU du centre hospitalier universitaire de Grenoble, une première fois à 1h49 ; que, lors de cet appel, le médecin régulateur a demandé à parler à MmeA..., laquelle après avoir indiqué qu'elle était atteinte d'un cancer des poumons a précisé au médecin régulateur qu'elle ne souhaitait pas être hospitalisée ; que le médecin régulateur a pu constater que celle-ci parlait de manière facile, sans pause, ni halètement et ne semblait pas désorientée ni délirante ; que, lors du deuxième appel à 3h09, et alors que Mme A...n'a pas voulu s'entretenir avec le médecin régulateur, Mme C... a fait état de son grand désarroi face à l'état de santé de sa fille et notamment de ses souffrances ; qu'à 4h55, un ami de MmeC..., qui s'était déplacé au domicile de celle-ci, a à nouveau contacté le SAMU et a pu obtenir l'intervention d'une ambulance privée à 5h21 après que le médecin régulateur s'est entretenu avec Mme C...qui a fait part de l'état de très grande faiblesse de sa fille et de ses douleurs intenses et avec Mme A...qui a notamment indiqué que son état s'était aggravé et qu'elle avait du mal à respirer ;

4. Considérant qu'il ressort notamment de la retranscription des conversations téléphoniques que lors du deuxième appel effectué à 3h09, le médecin régulateur n'a pas été en mesure d'objectiver l'état de détresse de Mme A...compte tenu de son refus de s'entretenir avec lui ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que sa conscience était à ce moment précis altérée et qu'elle était dans l'incapacité de s'exprimer ; que si la mère de Mme A...a fait, de nouveau, état des souffrances endurées par sa fille, la teneur de ses propos ne permettait cependant pas de mesurer l'aggravation de l'état de santé de sa fille depuis le dernier appel de 1h49 et d'en constater la gravité ; que, par suite, si le médecin régulateur n'a pas, lors de l'appel de 3h09, déclenché l'envoi des secours, cette abstention ne peut, dans ces circonstances, être regardée comme fautive et de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Grenoble ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mmes C...et D...ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...et Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...C..., à Mme B...D..., au centre hospitalier universitaire de Grenoble et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 novembre 2017.

4

N° 16LY00993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00993
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute. Retards.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL CABINET BALESTAS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-30;16ly00993 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award