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06/03/2018 | FRANCE | N°16LY01441

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 06 mars 2018, 16LY01441


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Société OPTELEC a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 janvier 2008, 2009 et 2010, résultant de la remise en cause des crédits d'impôt recherche dont elle avait bénéficié pour ces trois exercices à hauteur de 630 393 euros, ainsi que des intérêts de retards et majorations y afférents.

Par un jugement n° 1305465 du 29 février 2016

, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Société OPTELEC a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 janvier 2008, 2009 et 2010, résultant de la remise en cause des crédits d'impôt recherche dont elle avait bénéficié pour ces trois exercices à hauteur de 630 393 euros, ainsi que des intérêts de retards et majorations y afférents.

Par un jugement n° 1305465 du 29 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 avril 2016 et le 21 octobre 2016, la société OPTELEC, représentée par la SELARL Juris affaires avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 février 2016 ;

2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société OPTELEC soutient que :

- en statuant sur sa demande sans avoir ordonné d'expertise, le tribunal n'a pris en compte que l'argumentation de l'administration fiscale qui se fonde sur les avis du délégué régional à la recherche et à la technologie, dont elle ne conteste pas la neutralité, mais qui ne s'est pas déplacé au siège de la société pour étudier l'activité de la société et n'a pas étudié les produits et les technologies innovantes qu'elle a mis en oeuvre ; la société, qui a été placée en redressement judiciaire peu de temps après le début du contrôle fiscal et qui a dû se séparer des cadres qui avaient travaillé sur les projets innovants et ne pouvait financer une expertise privée, s'est trouvée dans l'impossibilité de justifier auprès de l'administration du caractère innovant des projets pour lesquels elle avait obtenu le crédit d'impôt recherche ;

- les opérations qu'elle a réalisées entraient dans le champ du crédit d'impôt recherche.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'économie et des finances soutient que les moyens soulevés par la société OPTELEC ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

1. Considérant que la société OPTELEC, spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution de bobinages, de transformateurs, de postes à souder et de moteurs, dont les résultats étaient déficitaires, a obtenu, pour ses dépenses engagées en 2008, 2009 et 2010, la restitution de crédits d'impôt recherche pour des montants s'élevant respectivement à 115 963 euros, 275 762 euros et 238 668 euros ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société, l'administration fiscale a, après avoir sollicité l'avis de la direction générale pour la recherche et l'innovation, décidé de les remettre en cause en raison de l'insuffisante justification de l'éligibilité des dépenses retenues par la société pour le calcul de ces crédits d'impôt ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en résultant au titre des exercices clos les 31 décembre 2008, 2009 et 2010, assorties d'intérêts de retard et d'une majoration, ont été portées à la connaissance de la société par une proposition de rectification du 19 septembre 2012, confirmée en réponse aux observations du contribuable le 6 décembre 2012 ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été mises en recouvrement le 11 février 2013 ; que la société OPTELEC relève appel du jugement du 29 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires ainsi que des intérêts de retard et majorations s'y rapportant ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie (...) " ; que l'article R. 45 B-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 45 B peut être vérifiée soit par des agents dûment mandatés par le directeur de la technologie, soit par les délégués régionaux à la recherche et à la technologie ou par des agents dûment mandatés par ces derniers. / A cet effet, ils peuvent se rendre dans les entreprises après envoi d'un avis de visite pour, notamment : / a. Prendre connaissance de la déclaration spéciale si elle ne leur a pas été communiquée précédemment ; / b. Consulter les documents comptables prévus par les articles L123-12 à L123-28 du code du commerce, ainsi que tous les documents annexes ou justificatifs, en vue de s'assurer de la réalité des dépenses affectées à la recherche ; / c. Consulter tous les documents techniques, effectuer toutes constatations matérielles, procéder à des vérifications techniques, en vue de s'assurer de la réalité de l'activité de recherche à laquelle les dépenses ont été affectées. / Les résultats de ce contrôle sont notifiés à l'entreprise et sont communiqués à l'administration des impôts. " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité, la société OPTELEC, à laquelle l'administration fiscale avait adressé des questionnaires, a présenté une documentation technique détaillant ses différents projets pour les années 2008, 2009 et 2010 ; que l'administration fiscale a alors sollicité l'avis du délégué régional à la recherche et à la technologie sur la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour ces projets ; que, par avis du 21 août 2012, le ministère chargé de la recherche et de la technologie a estimé que le dossier technique transmis par l'entreprise ne comportait pas l'ensemble des éléments permettant de vérifier la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit impôt recherche ; qu'à la suite de cet avis, l'administration fiscale a remis en cause, par proposition de rectification du 19 septembre 2012, les crédits d'impôts recherche qui avaient été remboursés à la société au titre des projets réalisés en 2008, 2009 et 2010 ; que la société a présenté des observations sur cette proposition de rectification le 20 novembre 2012, en apportant des précisions sur son projet technique auxquelles l'administration a répondu ; qu'après la mise en recouvrement le 11 février 2013 des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés litigieuses, et la réclamation préalable de la société, l'administration a saisi le ministère d'une nouvelle demande d'avis ; que le délégué régional à la recherche et à la technologie a sollicité un expert ; que les résultats de cette expertise ont été communiqués à la société OPTELEC le 3 avril 2013 ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du livre des procédures fiscales que les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie n'ont pas l'obligation de se rendre dans les entreprises pour vérifier la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts ; que, par suite, la société OPTELEC n'est pas fondée à soutenir que la procédure de rectification aurait été irrégulière au motif que l'avis du 21 août 2012 aurait été rendu sans que le délégué régional à la recherche et à la technologie ne se soit déplacé au siège de la société pour étudier son activité ; que, faute pour la société, qui ne peut utilement se prévaloir de ses propres difficultés, d'avoir produit un dossier complet pour évaluer l'éligibilité de ses projets au crédit d'impôt recherche, elle n'est pas fondée à soutenir que la procédure aurait été irrégulière au motif que le ministère ne se serait pas prononcé, dans ce premier avis, sur les produits et les technologies qu'elle a mis en oeuvre ;

5. Considérant que le second avis rendu par le ministère chargé de la recherche et de la technologie ayant été sollicité et rendu après la mise en recouvrement des impositions litigieuses, la société OPTELEC ne peut utilement se prévaloir, pour contester la procédure d'imposition litigieuse, d'une éventuelle irrégularité liée à l'émission de cet avis ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I- Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, (...) ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée (...) ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. " ;

7. Considérant que l'administration fiscale a, après avis du ministère de la recherche du 21 août 2012, puis du 3 avril 2013, remis en cause le bénéfice du crédit d'impôt recherche au motif, d'une part, que les projets, compte tenu de leur objet, n'étaient pas éligibles au dispositif et, d'autre part, que les " fiches projets " ne répondaient pas aux exigences d'un dossier crédit d'impôt recherche en raison notamment de l'absence de classification des salariés par niveaux et de l'absence de ventilation horaire et financière des heures de recherche et développement par projet ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis émis le 3 avril 2013 par l'expert sollicité par le délégué régional à la recherche et à la technologie, qui a examiné avec précision chacun des projets décrits, au vu de l'état des techniques existantes, que parmi les vingt projets au titre desquels la société OPTELEC avait obtenu le crédit d'impôt recherche, dix-neuf d'entre eux consistent à adapter des produits existants, selon les règles de l'art existantes, pour répondre au besoin commercial de clients déterminés ou pour offrir une nouvelle gamme de produits ; que, pour ces projets, pour lesquels l'expert s'est prononcé en disposant de suffisamment d'éléments, il résulte de l'instruction, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise, que les dépenses en cause, qui ne se rapportaient ni à de la recherche fondamentale, ni à de la recherche appliquée, n'ont pas été réalisées en vue de la création de nouveaux produits au sens des dispositions précitées de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ou en vue d'apporter des améliorations substantielles à des produits au sens du même article ; que si l'expert a eu un doute sur l'éligibilité au dispositif du projet n° 3 de l'année 2009, relatif aux études et recherches de nouvelles poudres de fer pour les moteurs selfs haute fréquence, toutefois, à supposer même que ce projet ait été, compte tenu de son objet, éligible au crédit d'impôt recherche, il résulte de l'instruction que, ainsi que l'administration l'a indiqué pour chacun des projets, la société n'a produit aucun élément chiffré permettant d'isoler les dépenses se rapportant à ce projet ; que, dans ces conditions, la société OPTELEC ne peut prétendre, à raison de ces opérations, au bénéfice du crédit d'impôt recherche ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société OPTELEC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard et majorations, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces dernières conclusions ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société OPTELEC une somme, qu'elle n'a au demeurant pas chiffrée, qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Société OPTELEC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société OPTELEC et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 6 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mars 2018.

4

N° 16LY01441

fg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01441
Date de la décision : 06/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : JURIS AFFAIRES AVOCATS CABINET E.JOLY-C.BOUVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-03-06;16ly01441 ?
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