La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2018 | FRANCE | N°16LY01345

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2018, 16LY01345


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par trois requêtes, la SARL Le Tunel, la SARL Le Tunel Le Dauphiné et la SCI des Jumeaux ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération grenobloise (SMTC) à leur verser respectivement les sommes de 350 000 euros, de 338 000 euros et de 44 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des travaux de construction de la ligne de tramway E.

Par un jugement n° 1305383-1305384-1305385 du 11 février 2016, le tribunal adminis

tratif de Grenoble a rejeté, après les avoir jointes, leurs demandes.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par trois requêtes, la SARL Le Tunel, la SARL Le Tunel Le Dauphiné et la SCI des Jumeaux ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération grenobloise (SMTC) à leur verser respectivement les sommes de 350 000 euros, de 338 000 euros et de 44 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des travaux de construction de la ligne de tramway E.

Par un jugement n° 1305383-1305384-1305385 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté, après les avoir jointes, leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 avril 2016, et des mémoires complémentaires enregistrés le 8 janvier et le 28 février 2018, la SARL Le Tunel, la SARL Le Tunel Dauphiné et la SCI des Jumeaux, représentées par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 février 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner le SMTC à verser à la SARL Le Tunel la somme de 38 753 euros, à la SARL Le Tunel Dauphiné la somme de 63 470 euros et à la SCI des Jumeaux la somme de 21 779 euros en réparation des préjudices subis du fait des travaux de construction de la ligne de tramway E ;

3°) de mettre à la charge du SMTC une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la requête est recevable dès lors qu'elles critiquent le jugement ;

- par décision du 26 février 2018, la société Le Tunel Dauphiné a procédé à la dissolution anticipée de la société et sa mise en liquidation amiable est intervenue au 1er juin 2017 ; M. E...a été nommé liquidateur et la société Le Tunel Dauphiné a donc un représentant légal ;

- les difficultés d'accès ayant dissuadé la plupart des clients, les travaux publics consistant en la construction de la ligne de tramway E ont généré une chute importante de leurs activités à partir de mars 2012 aboutissant à la cessation d'activité de la SARL Le Tunel Dauphiné durant l'été 2013 ; ces préjudices présentent un caractère anormal et spécial ; les difficultés d'accès sont démontrées par les témoignages de 247 clients et par un constat d'huissier ; un centre de lavage nécessite une accessibilité aisée aux véhicules ;

- les travaux ont précipité la faillite de la SARL Le Tunel Dauphiné, elle a subi une perte de chiffre d'affaires de 63 470 euros ;

- la SARL Le Tunel subit la perte de son exploitant et la perte du fonds de commerce lui appartenant ; le propriétaire du fonds ne perçoit plus les redevances dues ; elle a subi une perte de 38 753 euros ;

- s'agissant de la SCI Des Jumeaux, les produits d'exploitation ont diminué en raison de la non perception des loyers ; elle a subi une perte de 21 779 euros ;

- cette baisse d'activité n'est pas liée à une mauvaise gestion dès lors que le centre de Meylan était bénéficiaire ;

- les dommages anormaux et spéciaux sont liés aux travaux litigieux ; elles ont subi des préjudices de mars 2012 à octobre 2013 ; si la situation de la SARL Le Tunel était tendue avant les travaux, ceux-ci ont entraîné la disparition de l'entreprise ;

- concernant les préjudices de la SARL Le Tunel Dauphiné, les travaux de février à octobre 2012 sur les réseaux ont été réalisés au nom et pour le compte de la SMTC ; elle a dû procéder à des licenciements ;

- concernant les préjudices de la SARL Le Tunel, ses pertes correspondent à la diminution des redevances que la SARL Le Tunel Dauphiné aurait dû lui verser ;

- concernant la SCI des Jumeaux, ses pertes correspondent aux loyers impayés et dus par la SARL Le Tunel Dauphiné ;

Par un mémoire enregistré le 21 juin 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 23 janvier 2018, le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération grenobloise (SMTC), représenté par MeA..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la SARL Le Tunel du Dauphiné et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des SARL Le Tunel Dauphiné, le Tunel et de la SCI des Jumeaux.

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable en ce qu'elle ne comporte pas de critiques du jugement et ne demande pas son annulation ;

- la SARL Le Tunel Dauphiné a été radiée du registre du commerce le 29 juin 2017 ;

- la perte de clientèle et la baisse du chiffre d'affaires ne constituent pas à elles seules un dommage anormal et spécial qui ouvrirait droit à une indemnisation ; l'accès au commerce a été maintenu ; la durée des travaux n'a pas été excessive ;

- la SARL Le Tunel Dauphiné a vu son chiffre d'affaires significativement diminuer avant le commencement des travaux ; le lien de causalité entre les préjudices allégués et les travaux n'est pas démontré ; les bons résultats de la société située à Meylan ne sont pas de nature à démontrer l'anormalité des dommages ;

- concernant la SARL Le Tunel, la baisse du chiffre d'affaires n'est pas directement liée aux travaux litigieux, il n'est pas démontré l'impossibilité de céder le fonds de commerce ou que des diligences ont été accomplies pour trouver acquéreur ;

- concernant la SCI des Jumeaux, la baisse du chiffre d'affaires n'est pas directement liée aux travaux litigieux et si une baisse a existé, elle n'excède pas les sujétions normales que les riverains de la voie publique doivent supporter ; la société ne produit pas le bail commercial ; elle n'établit pas qu'elle aurait été dans l'incapacité de relouer les locaux ou qu'elle aurait accompli sans succès les démarches en vue du recouvrement des loyers impayés ;

- les sociétés n'apportent aucune justification du montant des préjudices allégués ;

- la perte du chiffre d'affaires alléguée est inférieure à 15 % en 3 ans alors que la jurisprudence retient un seuil de 30 % ;

Par ordonnance du 13 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Cantele, avocat de la SARL Le Tunel, la SARL Le Tunel Le Dauphiné et la SCI des Jumeaux et de Me Pauchet, avocat du syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération grenobloise (SMTC).

1. Considérant que la SARL Le Tunel Dauphiné exploite un centre de lavage de véhicules, sous l'enseigne " Le Tunel ", situé 65 cours de la Libération à Grenoble dont le fonds de commerce appartient à la SARL Le Tunel et l'immeuble à la SCI des jumeaux ;qu'au cours des années 2012 et 2013, des travaux ont été réalisés dans le secteur du cours de la Libération pour la construction de la ligne de tramway E reliant Fontanil-Cornillon à Grenoble, sous maîtrise d'ouvrage du syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération grenobloise (SMTC) ; qu'en raison des préjudices qu'elles estiment avoir subi du fait de ce chantier, les trois sociétés susmentionnées ont saisi le 26 juillet 2013 le SMTC d'une réclamation préalable ; que, par courrier du 12 août 2013, le SMTC a rejeté leurs demandes d'indemnisation ; que la SARL Le Tunel Dauphiné, la SARL Le Tunel et la SCI des Jumeaux relèvent appel du jugement du 11 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs requêtes indemnitaires ;

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir opposée par le syndicat ;

Sur les conclusions à fin de non lieu à statuer présentées par le SMTC :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 237-2 du code de commerce : " La société est en liquidation dès l'instant de sa dissolution pour quelque cause que ce soit sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article 1844-5 du code civil. Sa dénomination sociale est suivie de la mention " société en liquidation ". /La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci. /La dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés. " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que si une société, même non commerciale, prend fin par la dissolution anticipée décidée par les associés, sa personnalité morale subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de cette dernière ; que jusqu'à la date d'enregistrement de la clôture de la liquidation au registre du commerce et des sociétés, le liquidateur a qualité pour représenter la société ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la SARL Le Tunel Dauphiné a été radiée le 29 juin 201 du registre du commerce et des sociétés, il résulte de l'avis de dissolution anticipée publié au journal L'Essor du 2 mars 2018 que M. F...E...a été nommé en qualité de liquidateur de la société avant la clôture de la liquidation ; que, par suite, il y a toujours lieu de statuer sur la requête présentée par la SARL Le Tunel Dauphiné, M. E...ayant qualité pour représenter la société ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

5. Considérant qu'il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers, d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère grave et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général ;

6. Considérant que si, en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique ;

7. Considérant que les sociétés requérantes se prévalent de ce que les difficultés d'accès au centre de lavage en raison des travaux de construction de la ligne de tramway dans le secteur du cours de la Libération ont dissuadé la plupart des clients potentiels de s'y rendre et ont engendré une chute importante de l'activité à partir du mois de mars 2012 jusqu'à conduire à la fermeture du centre de lavage durant l'été 2013 ;

8. Considérant, d'une part, que si les travaux de construction du tramway dans le secteur du cours de la Libération ont exigé la déviation des réseaux, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux de déviation des réseaux qui se sont déroulés de février à octobre 2012 et qui étaient nécessaires pour permettre leur accès après la mise en service de la ligne E auraient été réalisés pour le compte ou sous la maîtrise d'ouvrage du SMTC, qui ne saurait dès lors voir sa responsabilité recherchée à ce titre ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que si les travaux d'aménagement de la voirie entrepris entre octobre 2012 et octobre 2013 pour la construction de la ligne E ont pu gêner l'accès à l'établissement exploité par la SARL Le Tunel Dauphiné en raison des restrictions à la circulation qu'ils ont impliquées et des perturbations du trafic engendrées de ce fait notamment aux heures de pointe ainsi que l'établit le constat d'huissier du 26 mars 2013 produit par les sociétés requérantes, la circulation sur le cours de la Libération a toujours été maintenue, même si elle a été rendue plus difficile, et l'accès à l'établissement, signalé par un panneau indiquant l'entrée de la station, a toujours été possible pour la clientèle ; que l'enseigne de la société était par ailleurs parfaitement visible, ainsi qu'en attestent les photographies produites, depuis la voie publique ; qu'en outre, les éléments comptables versés au dossier, s'ils font état d'une diminution du chiffre d'affaires de la SARL Le Tunel Dauphiné de 10,80 % entre 2012 et 2013, font également apparaître que cette baisse de chiffre d'affaire était déjà de 9,15 % entre 2009 et 2010, de 12,40 % entre 2010 et 2011 et de 2,47 % entre 2011 et 2012 ; qu'ainsi ces pièces ne sont pas de nature à établir l'existence d'un lien suffisamment direct et certain entre cette baisse du chiffre d'affaires de la SARL Le Tunel Dauphiné, et par voie de conséquence du chiffre d'affaires de la SARL Le Tunel et de la SCI Des Jumeaux, et les travaux de construction de la ligne E du tramway ; que le lien de causalité entre les travaux de voirie et le préjudice allégué par les sociétés requérantes n'est donc pas démontré ;

10. Considérant qu'il suit de ce qui précède que les sociétés requérantes n'établissent pas que les travaux d'aménagement de la ligne E du tramway réalisés entre 2012 et 2013 auraient comporté pour elles des conséquences excédant les sujétions normales susceptibles d'être imposées aux riverains d'une voie publique et qu'elles auraient subi de ce fait un préjudice grave et spécial leur ouvrant droit à réparation ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ;

Sur les frais liés au litige :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du SMTC, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande présentée à ce même titre par le SMTC ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Le Tunel Dauphiné, de la SARL Le Tunel et la SCI des Jumeaux est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du SMTC présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Le Tunel Dauphiné, à la Société Le Tunel, à la SCI des Jumeaux et au syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération grenobloise (SMTC).

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

Mme B...et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2018.

2

N° 16LY01345


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01345
Date de la décision : 12/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP SAUL GUIBERT PRANDINI GABRIELE LENUZA

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-12;16ly01345 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award