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06/09/2018 | FRANCE | N°15LY01874

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 06 septembre 2018, 15LY01874


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le Fonds de garantie des assurances obligatoires a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le département de la Haute-Savoie à lui verser une somme de 2 438 644,53 euros avec intérêts de droit à compter de l'enregistrement de la requête.

Par un jugement n° 1206689 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le département de la Haute-Savoie à verser au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 1 321 538,36 euros avec intérêts a

u taux légal à compter du 24 décembre 2012 et à lui verser les arrérages échus ou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le Fonds de garantie des assurances obligatoires a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le département de la Haute-Savoie à lui verser une somme de 2 438 644,53 euros avec intérêts de droit à compter de l'enregistrement de la requête.

Par un jugement n° 1206689 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le département de la Haute-Savoie à verser au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 1 321 538,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2012 et à lui verser les arrérages échus ou à échoir de la rente pour assistance par une tierce personne depuis le 1er avril 2014, assortis des intérêts au taux légal, au fur et à mesure des versements à MlleC..., à la condition que le Fonds présente annuellement au département de la Haute-Savoie la justification du versement de cette rente.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 juin 2015, le département de la Haute-Savoie, représenté par la SELARL Perrier et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2015 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande présentée par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) à titre subsidiaire, de limiter le montant des condamnations prononcées à son encontre à 25 % des conséquences dommageables de l'accident ;

4°) d'ordonner la restitution de tout éventuel trop-perçu par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ;

5°) de mettre à la charge du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens de première instance et d'appel ;

Il soutient que :

- sur l'absence de transfert au département de la responsabilité de l'accident : le transfert a été constaté par arrêté préfectoral n° 2005/1041 du 12 décembre 2005 ; à compter du 1er janvier 2006, la route nationale 5 a été transférée dans le domaine public routier départemental ; le transfert est intervenu un an après l'accident litigieux et, par suite, le défaut d'entretien de l'ouvrage public incombait alors à l'Etat et non au département ; la liste des actes ayant conféré des droits à l'Etat ou fait naître des obligations à sa charge en ce qui concerne la gestion du réseau routier national transféré annexée à l'arrêté préfectoral ne fait pas état de l'obligation déjà née à la charge de l'Etat du fait de l'accident dont Mlle C...a été victime ; par suite, l'arrêté préfectoral n'a pas entendu transférer au département des obligations nées antérieurement à la date de prise d'effet du transfert et non expressément mentionnées comme transférées par l'arrêté portant constatation du transfert ;

- sur l'absence de responsabilité du département pour défaut d'entretien normal de la RN 5 : la chaussée de la voie ne présentait aucun défaut, il n'existait aucune courbe excessive en montée qui n'aurait pas été signalée ni d'obstacle à la visibilité des automobilistes ; la circonstance que l'arrêt de bus est situé à hauteur d'une vieille ferme est sans relation avec l'état d'entretien de l'ouvrage public dès lors que l'arrêt de bus était matérialisé par un marquage au sol et se situe en retrait par rapport à la voie de circulation et que l'arrêt dispose d'un abribus et d'un éclairage en parfait état de fonctionnement ; il est avéré que la victime n'a pas utilisé l'abribus mais a longé la route nationale dès sa descente du bus pour regagner son domicile ; l'accident n'est le résultat que de l'imprudence de la victime qui a traversé la chaussée s'en s'assurer de l'absence de véhicules en approche et en tournant le dos à l'une des voies de circulation et de l'inattention du conducteur du véhicule ; la circonstance que des modifications ont eu lieu après l'accident ne constitue pas en soi une preuve du caractère défectueux de l'ouvrage ; l'éclairage public était suffisant et la présence d'un éventuel panneau en amont de l'arrêt de bus n'aurait pas permis d'éviter l'accident ; en dehors d'une agglomération, l'implantation de passages piétons n'est pas recommandée et il n'est pas établi que l'existence d'un passage piéton aurait permis à lui seul d'éviter l'accident compte tenu des fautes d'inattention du conducteur et de l'imprudence de la victime ; Mlle C...connaissait parfaitement les lieux ;

- la faute d'imprudence de la victime est de nature à réduire la part de responsabilité du département retenue par le tribunal ; le montant des condamnations du département doit être limité à 25 % des conséquences dommageables de l'accident ;

- le tribunal n'a pas appliqué la fraction de responsabilité de 50 % retenue aux arrérages échus ou à échoir de la rente pour l'assistance par une tierce personne depuis le 1er avril 2014 ;

Par un mémoire enregistré le 4 septembre 2015, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, subrogé dans les droits de la victime et représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département de la Haute-Savoie.

Il soutient que :

- le Conseil d'Etat a, par un arrêt du 23 octobre 2013 et du 12 mars 2014, considéré que les dispositions du III de l'article 18 de la loi du 13 août 2004 doivent être regardées comme incluant les droits et obligations attachés aux actions pendantes à la date du transfert, peu importe la circonstance que les actions contentieuses liées à ces routes n'auraient pas été mentionnées dans l'arrêté préfectoral de transfert ;

- le département n'a pas procédé à l'entretien normal de l'ouvrage public dès lors que les lieux sont accidentogènes comme le constate le procès-verbal de transport, constatations et mesures prises lors de l'accident ; il n'y avait ni abribus ni éclairage suffisant de la zone ; il n'existait aucun passage piéton ; le département ne saurait se prévaloir d'une quelconque faute du conducteur du véhicule pour s'exonérer de sa responsabilité ;

- la victime devait, pour rejoindre son domicile, traverser une route à la circulation dense où la vitesse des automobilistes est de 90 km/h sans aucun aménagement permettant une traversée moins dangereuse

Par lettre du 24 avril 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué faute pour le tribunal administratif de Grenoble d'avoir mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie.

Par ordonnance du 7 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 1er juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des assurances ;

- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;

- le décret n° 2005-1500 du 5 décembre 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Derer, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.

1. Considérant que, le 24 janvier 2005 vers 19 h00, Mlle B...C..., alors âgée de 16 ans, a été heurtée par un véhicule alors qu'elle franchissait la route nationale 5 après avoir été déposée par le bus en provenance de Genève à l'arrêt " Filly " situé sur la commune de Sciez ; que l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident ayant été placé en liquidation judiciaire, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAOD) a procédé à l'indemnisation de la victime et de ses proches ; que, subrogé dans les droits de la victime en application de l'article L. 421-3 du code des assurances, le FGAOD a recherché la responsabilité du département de la Haute-Savoie sur le fondement du défaut d'entretien de la route nationale 5 ; que le département de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 16 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble l'a condamné à verser au FGAOD la somme de 1 321 538,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2012 et à lui verser, sur justificatifs, les arrérages échus ou à échoir de la rente pour assistance par une tierce personne depuis le 1er avril 2014, assortis des intérêts au taux légal au fur et à mesure des versements à MlleC... ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, relatif au recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre le responsable d'un accident ayant entraîné un dommage corporel : " La personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d'informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers dans des conditions fixées par décret. / L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt " ; qu'il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'ordonner la mise en cause des parties intéressées au litige ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier de première instance que, saisi des demandes du FGAOD, subrogé dans le droit des victimes, tendant à la réparation par le département de la Haute-Savoie des préjudices subis par Mlle C...et ses représentants légaux à la suite de l'accident de circulation dont elle a été victime le 24 janvier 2005, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas mis en cause les organismes de sécurité sociale dont relevaient les intéressés ; qu'il a ainsi méconnu la portée des dispositions législatives ci-dessus rappelées; qu'il y a lieu, dès lors, pour la cour, d'annuler le jugement attaqué, de mettre en cause le régime social des indépendants d'Auvergne, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le FGAOD ;

Sur le débiteur de l'obligation :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du III de l'article 18 de la loi du 13 août 2004 susvisée : " A l'exception des routes répondant au critère prévu par l'article L. 121-1 du code de la voirie routière, les routes classées dans le domaine public routier national à la date de la publication de la présente loi, ainsi que leurs dépendances et accessoires, sont transférées dans le domaine public routier départemental. (...) Ce transfert est constaté par le représentant de l'Etat dans le département dans un délai qui ne peut excéder dix-huit mois après la publication des décrets en Conseil d'Etat mentionnés à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 121-1 du code de la voirie routière. Cette décision emporte, au 1er janvier de l'année suivante, le transfert aux départements des servitudes, droits et obligations correspondants, ainsi que le classement des routes transférées dans la voirie départementale. (...) Les transferts prévus par le présent III sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire. (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 5 décembre 2005 portant application de l'article 18 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : " Une liste des actes ayant conféré des droits à l'Etat ou fait naître des obligations à sa charge en ce qui concerne la gestion du réseau routier national transféré est annexée aux arrêtés de transfert " ; que, pour l'application de ces dispositions législatives et réglementaires, le préfet de la Haute-Savoie a pris, le 12 décembre 2005, un arrêté déterminant la liste des routes nationales transférées au département de la Haute-Savoie à compter du 1er janvier 2006, parmi lesquelles figure la RN 5 dans sa section où s'est produit l'accident ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le département de la Haute-Savoie a été substitué à l'Etat à compter du 1er janvier 2006 dans l'ensemble des droits et obligations liés aux routes qui lui ont été transférées à cette date en vertu de la loi ; qu'eu égard à leur portée générale, ainsi qu'à l'objet et aux modalités de compensation financière des transferts de compétences, ces dispositions doivent être regardées comme incluant les droits et obligations attachés aux actions pendantes à la date du transfert ; que la circonstance que les actions contentieuses liées à ces routes n'auraient pas été mentionnées dans l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2005 est sans incidence ; que, par suite, le département de la Haute-Savoie ne peut soutenir que la demande du FGAOD tendant à sa condamnation est mal dirigée ;

Sur la responsabilité du département de la Haute-Savoie :

6. Considérant qu'il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage ; que le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 24 janvier 2004 vers 19h00, Mlle C... a été déposée par le bus en provenance de Genève à l'arrêt " Filly " et qu'elle a entrepris de traverser la route nationale, après l'avoir longée de quelques mètres, afin de regagner son domicile situé de l'autre côté de la route et de l'arrêt de bus ; que, sur cette portion de la route nationale 5, le flux de circulation est qualifié d'important avec une vitesse de circulation de 90 km/h ; que, selon les procès-verbaux de gendarmerie, de nombreux accidents matériels et corporels sont survenus dans cette zone et l'éclairage public, s'il fonctionnait le jour de l'accident, est insuffisant pour éclairer correctement cette zone accidentogène ; que, par ailleurs, l'attention des conducteurs de véhicule n'est pas appelée par une signalisation suffisante quant à l'éventualité de la traversée de piétons sur cette portion de la route nationale dont il n'est pas allégué qu'un dispositif spécifique permettrait, en amont ou en aval de l'arrêt de bus, le franchissement en toute sécurité ; que, par suite, le département de la Haute-Savoie ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de l'entretien normal de la voie publique ;

8. Considérant que le fait du tiers n'étant pas exonératoire, le département de la Haute-Savoie ne peut se prévaloir de la faute d'inattention du conducteur du véhicule ayant heurté la victime ;

9. Considérant, toutefois, qu'il résulte également de l'instruction que MlleC..., qui connaissait les lieux, n'a pas pris toutes les précautions en franchissant la route nationale de manière oblique, tournant ainsi le dos aux véhicules arrivant à son niveau, et a fait preuve d'imprudence ; que cette imprudence de la victime est constitutive d'une faute de nature à exonérer partiellement le département de la Haute-Savoie de sa responsabilité ; qu'il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en condamnant le département à réparer à hauteur de la moitié les conséquences dommageables de l'accident ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité du département de la Haute-Savoie est engagée à hauteur de 50 % du fait des dommages subis par Mlle C...et ses proches lors de l'accident survenu le 24 janvier 2005 ;

Sur l'action subrogatoire du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages :

En ce qui concerne l'étendue de la subrogation :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-3 du code des assurances : " Le fonds de garantie est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident ou son assureur. Il a droit, en outre, à des intérêts calculés au taux légal en matière civile et à des frais de recouvrement. " ; que le fonds de garantie qui bénéficie de cette subrogation dispose de la plénitude des droits et actions que la victime et ses ayants droit qu'il a dédommagés auraient été admis à exercer à l'encontre de toute personne responsable, à quelque titre que ce soit, du dommage ayant donné lieu au paiement de l'indemnité ; qu'il incombe toutefois au FGAOD, qui entend bénéficier de la subrogation prévue par l'article L. 421-3 du code des assurances, d'apporter la preuve du versement des indemnités ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de transaction du 8 juin 2012, que l'indemnité, hors rente pour tierce personne et préjudices indemnisés par la compagnie d'assurances Zurich, versée à Mlle C...en réparation de tout dommage résultant de l'accident a été fixée à la somme non contestée de 551 783,43 euros ;

13. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que le poste " Assistance tierce personne " a été indemnisé par l'octroi d'une rente trimestrielle viagère d'un montant de 10 160,85 euros avec revalorisation légale ; que les pièces versées au dossier permettent de constater que la somme de 143 749,51 euros a été versée à ce titre par le fonds de garantie jusqu'à l'échéance du 1er avril 2015 incluse ;

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des procès-verbaux de transaction du 15 décembre 2008 et des synthèses financières annexées, que le fonds de garantie a versé une indemnité de 28 000 euros à chacun des parents de Mlle C...et une indemnité de 12 000 euros à la soeur de la victime en réparation de leur préjudice moral ; que si le fonds de garantie demande également le versement d'une somme de 92 304,58 euros au titre du remboursement des frais exposés par les parents de la victime, il ne justifie toutefois par les pièces qu'il a produites au dossier que du seul versement de la somme totale de 45 749,14 euros ;

15. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que le fonds de garantie a versé à la société Zurich Assurances la somme totale de 1 874 562,59 euros ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le FGAOD justifie être subrogé dans les droits des victimes à hauteur de 2 683 844,67 euros ;

17. Considérant que, s'agissant des préjudices futurs de MlleC..., il résulte de l'instruction que son état de santé justifie le maintien du versement d'une rente trimestrielle pour l'assistance par une tierce personne postérieurement à l'échéance du 1er avril 2015 ; que le FGAOD sera subrogé dans les droits de la victime au fur et à mesure du versement de cette rente ;

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

18. Considérant que la nature et l'étendue des réparations incombant à une personne publique du fait d'un accident dont la responsabilité lui est imputée ne sauraient dépendre de l'évaluation du dommage faite, le cas échéant, par l'autorité judiciaire dans le cadre d'un litige auquel cette personne publique n'a pu être partie, ou par une compagnie d'assurance en application des clauses du contrat souscrit auprès d'elle par la victime de cet accident, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des seules règles applicables à la responsabilité des personnes morales de droit public et indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par l'assureur à titre d'indemnité, de provision ou d'intérêts ;

19. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expertise réalisée par le docteur Restoy, le 6 juin 2011, à la demande du fonds de garantie que Mlle C...a présenté, dans les suites immédiates de l'accident, un traumatisme crânien sévère avec un hématome sous-dural frontal droit, avec tassement de la vertèbre D12, fracture de la rate et contusion pulmonaire gauche ; qu'elle est restée dans le coma pendant environ deux mois ; qu'à la suite de son hospitalisation au centre hospitalier de Genève, elle a été transférée dans un centre de rééducation à temps plein du 8 mars 2005 au 4 septembre 2006, puis en hôpital de jour 5 fois par semaine du 4 septembre 2006 au 29 juillet 2007 et a, ensuite, bénéficié de soins de rééducation du 7 janvier 2009 au 30 juin 2010 ; qu'un bilan clinique de mai 2005 fait état de ce que Mlle C...présente " une hémiplégie gauche, des troubles mnésiques majeurs, une apraxie, des troubles phasiques, un syndrôme frontal avec persévérations, une désorientation temporo-spatiale et une désinhibition " ; que l'expert indique que Mlle C...a subi une période de déficit fonctionnel temporaire totale du 24 janvier 2005 au 4 septembre 2006 et une période de déficit fonctionnel temporaire partiel du 5 septembre 2006 au 10 décembre 2010 ; que le taux de déficit fonctionnel permanent a été fixé à 80 % pour tenir compte principalement d'un syndrome frontal sévère, d'un syndrome cérébelleux et d'une hémianopsie ; que les souffrances endurées ont été évaluées à 5,5 sur une échelle de 7 et le préjudice esthétique, lié à l'hémiparésie gauche et au syndrome cérébelleux avec une marche très perturbée, à 3, 5 sur une échelle de 7 ; qu'elle est dans l'impossibilité de reprendre des études et ne pourra exercer une activité professionnelle, y compris en milieu protégé ; que, concernant l'assistance par une tierce personne, le docteur Restoy évalue cette assistance à 12 heures par jour, 7 jours sur 7, compte tenu de ce que Mlle C... a besoin d'une aide pour la toilette, l'habillage, les courses, les tâches ménagères, la préparation des repas, l'entretien du linge, l'accompagnement aux diverses sorties ainsi que pour la stimuler ;

20. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des préjudices que Mlle C...a subis au titre des dépenses de santé et des pertes de revenus, tels qu'ils sont détaillés dans la lettre du 7 avril 2014 adressée par la société Zurich assurances au fonds de garantie en les évaluant à la somme de 1 874 562,59 euros, montant non contesté par le département de la Haute-Savoie ;

21. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le poste " Assistance tierce personne " doit être évalué à la somme de 159 093,88 euros jusqu'à la date du 31 décembre 2011 tel que cela ressort de la proposition du fonds de garantie du 8 juin 2012 adressée à MlleC... ; qu'à compter du 1er janvier 2012, le versement d'une rente trimestrielle viagère d'un montant de 10 160,85 euros avec revalorisation légale apparaît justifié ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 13, la somme de 143 749,51 euros a été versée à ce titre par le fonds de garantie jusqu'à l'échéance trimestrielle du 1er avril 2015 incluse ; que, postérieurement à cette échéance, l'état de santé de Mme C...justifie le maintien du versement de cette rente ; qu'il y a lieu de condamner le département de la Haute-Savoie à rembourser au FGAOD, dans la limite du partage de responsabilité de 50 % retenu, le versement de ces rentes à la condition que ledit fonds présente annuellement la justification du versement desdites rentes ;

22. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire total subi par Mlle C...en l'estimant à 11 780 euros pour une période de 589 jours, du déficit fonctionnel temporaire de 75 % d'une durée de 869 jours en l'évaluant à 13 020 euros, et de celui fixé à 50 % en l'évaluant à 6 280 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par la victime en lui allouant à ce titre la somme de 20 000 euros ; que le préjudice esthétique sera estimé à 6 000 euros ; que le déficit fonctionnel permanent, évalué par l'expert à 80 %, donnera lieu à une indemnisation à hauteur de 300 000 euros ; que le préjudice d'agrément sera évalué à 30 000 euros ; que le préjudice sexuel et d'accompagnement seront chacun estimés à 25 000 euros ;

23. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral des parents de Mlle C...en l'évaluant à 28 000 euros chacun et du préjudice moral de la soeur de Mlle C...en l'évaluant à 12 000 euros ;

24. Considérant que la somme de 45 749,14 euros attribuée à M. C...au titre des frais divers exposés par les parents de la victime n'apparaît ni insuffisante ni excessive ;

25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les préjudices subis par Mlle C... et ses proches doivent être évalués à la somme de 2 728 235,12 euros, à laquelle s'ajoute la rente définie au point 21 pour la période courant à compter du 1er juin 2015 ; que, conformément à ce qui a été dit au point 16, le Fonds de garantie est subrogé à hauteur de 2 683 844,67 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité retenu, le FGAOD est fondé à demander la condamnation du département de la Haute-Savoie à lui verser la somme de 1 364 117,56 euros outre la rente servie à compter de l'échéance du 1er juin 2015 dans la limite du partage de responsabilité de 50 % ;

Sur les intérêts :

26. Considérant que le FGAOD a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 1 354 000,44 euros à compter du 24 décembre 2012, date d'enregistrement de sa requête devant le tribunal administratif, comme il le demande ; qu'il a également droit aux intérêts aux taux légal sur les sommes versées à Mme C... au titre des arrérages de la rente à partir du 1er juin 2015 au fur et à mesure de leurs échéances ;

Sur les frais liés au litige :

27. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du FGAOD, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le département de la Haute-Savoie demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Haute-Savoie la somme de 2 000 euros à verser au FGAOD au titre des frais exposés par le fonds en appel ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 avril 2015 est annulé.

Article 2 : Le département de la Haute-Savoie est condamné à verser au FGAOD la somme de 1 364 117,56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2012.

Article 3 : Le département de la Haute-Savoie est condamné à verser au FGAOD 50 % des arrérages échus ou à échoir de la rente pour l'assistance par une tierce personne à compter de l'échéance du 1er juin 2015 à la condition que le fonds de garantie présente annuellement au département de la Haute-Savoie la justification du versement de cette rente. Les sommes correspondant aux arrérages échus à compter du 1er juin 2015, dans la limite de 50 % de leur montant, porteront intérêt au taux légal au fur et à mesure des échéances successives de cette rente.

Article 4 : Le département de la Haute-Savoie versera au FGAOD la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du département de la Haute-Savoie est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Haute-Savoie, au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et au régime social des indépendants d'Auvergne.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

Mme D...et MmeA..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 6 septembre 2018.

7

N° 15LY01874


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01874
Date de la décision : 06/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : PERRIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-09-06;15ly01874 ?
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