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27/12/2018 | FRANCE | N°17LY00668

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 27 décembre 2018, 17LY00668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A...et Mme D... B...épouse A...ont demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de condamner les Hospices civils de Lyon à les indemniser des conséquences dommageables de l'infection que M. A... a contractée, selon eux, à la suite de l'intervention réalisée le 24 novembre 2011 à l'hôpital Edouard Herriot et d'ordonner une expertise médicale sur l'étendue de leurs préjudices, à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affecti

ons iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des con...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A...et Mme D... B...épouse A...ont demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de condamner les Hospices civils de Lyon à les indemniser des conséquences dommageables de l'infection que M. A... a contractée, selon eux, à la suite de l'intervention réalisée le 24 novembre 2011 à l'hôpital Edouard Herriot et d'ordonner une expertise médicale sur l'étendue de leurs préjudices, à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des conséquences dommageables de cette infection au titre de la solidarité nationale et d'ordonner un expertise médicale sur l'étendue de leurs préjudices, à titre plus subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale sur la prise en charge de M. A... par les Hospices civils de Lyon et sur l'étendue de leurs préjudices et de mettre à la charge des parties succombantes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1400262 du 13 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 février 2017, M. C... A...et Mme D... B...épouseA..., représentés par Me Pichon, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1400262 du 13 décembre 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) à titre principal, de condamner les Hospices civils de Lyon à les indemniser des conséquences dommageables de l'infection que M. A... a contractée, selon eux, à la suite de l'intervention réalisée le 24 novembre 2011 à l'hôpital Edouard Herriot et d'ordonner une expertise médicale sur l'étendue de leurs préjudices ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des conséquences dommageables de cette infection au titre de la solidarité nationale et d'ordonner un expertise médicale sur l'étendue de leurs préjudices ;

4°) à titre plus subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale sur la prise en charge de M. A... par les Hospices civils de Lyon et sur l'étendue de leurs préjudices ;

5°) de mettre à la charge des parties succombantes une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'infection contractée par M. A... a un caractère nosocomial dont les conséquences dommageables doivent être réparées par les Hospices civils de Lyon sur le fondement du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dès lors que cette infection ne provient pas du traumatisme initial mais est due aux soins, le germe ayant pu infecter le tibia en profondeur du fait de la réalisation de l'enclouage centromédullaire ; à défaut, une nouvelle expertise médicale doit être organisée, dès lors que les experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux n'ont pu avoir communication par l'hôpital Edouard Herriot de son dossier médical ;

- subsidiairement, les conséquences dommageables de cette infection doivent être réparées par l'ONIAM sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dès lors que l'infection secondaire à la nécrose cicatricielle a eu pour M. A... des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et qu'elle présente un caractère de gravité suffisant ; à défaut, une nouvelle expertise médicale doit être organisée sur ce caractère de gravité ;

- une nouvelle expertise sur l'étendue des préjudices soufferts en raison de cette infection est nécessaire, dès lors que l'état de M. A... n'est pas consolidé.

Par deux mémoires enregistrés le 28 novembre 2017 et le 26 juin 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentée par la SELARL BDL Avocats, conclut à la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui payer une indemnité de 74 070,11 euros en remboursement des prestations servies à M. A..., une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par le code de la sécurité sociale et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'elle n'a pas été mise en cause en première instance ;

- du fait de l'infection nosocomiale de M. A..., elle a supporté pour cet assuré social des frais hospitaliers d'un montant de 74 070,11 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2018, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par l'association d'avocats BJMR Avocats, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les conséquences dommageables de l'infection en cause ne peuvent être réparées par lui sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dès lors que cette infection n'est pas directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'au surplus, elle n'a pas eu pour M. A... des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2018, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, concluent au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Ils font valoir que :

- les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône sont irrecevables car nouvelles en appel ;

- les moyens présentés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'une chute survenue à son domicile le 24 novembre 2011, M. C... A..., né le 15 avril 1934 et décédé le 16 septembre 2017 au cours de la présente instance, a été admis à l'hôpital Edouard Herriot des Hospices civils de Lyon où a été diagnostiquée une fracture ouverte du tibia et du péroné de la jambe gauche et où il a été opéré le même jour à 21 heures à fin d'enclouage centromédullaire ; que, fin janvier 2012, a été mise en évidence la présence d'un staphylococcus aureus sensible à la méticilline dans l'organisme du patient ; que M. C... A...et Mme D...B..., son épouse, ont relevé appel du jugement n° 1400262 du 13 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la réparation des conséquences dommageables de l'infection que M. A... a contractée, selon eux, à la suite de l'intervention réalisée le 24 novembre 2011 à l'hôpital Edouard Herriot ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que M. A... avait mentionné dans ses mémoires devant le tribunal administratif de Lyon sa qualité d'assuré social affilié à la MFP Services au titre de l'assurance maladie et que le tribunal a mis en cause cet organisme en vue de l'exercice par celui-ci de l'action fondée sur l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, agissant pour le compte de la MFP Services, n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour avoir méconnu l'obligation de mise en cause de la caisse d'assurance maladie à laquelle était affilié M. A... ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé et les établissement, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins " sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère " ; que doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise médicale ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux et réalisée par le professeur Rousset, professeur des universités et praticien hospitalier en infectiologie et microbiologie et par le docteur Mandron, chirurgien orthopédiste, que l'infection du tibia gauche de M. A... à partir de fin janvier 2012 par le germe staphylococcus aureus sensible à la méticilline, se trouvant habituellement au niveau des revêtements cutanés et des muqueuses, n'était ni présente ni en incubation avant la prise en charge de l'intéressé à l'hôpital Edouard Herriot à compter du 24 novembre 2011 ; que si elle est survenue postérieurement à l'intervention chirurgicale d'enclouage centromédullaire réalisée dans la soirée du 24 novembre 2011 et durant l'hospitalisation de M. A..., il ressort de ce rapport d'expertise médicale, et n'est pas sérieusement contesté par les requérants, que cette infection du tibia gauche a pour origine une nécrose cutanée au niveau de l'ouverture fractuaire initiale exposant l'os sous-jacent au milieu extérieur et que cette nécrose a pour cause l'insuffisance vasculaire préexistante chez l'intéressé à sa prise en charge à l'hôpital Edouard Herriot à compter du 24 novembre 2011 ; que, dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que, comme le soutiennent les requérants, l'infection du tibia soit due à la réalisation de l'enclouage centromédullaire, ladite infection, qui est la conséquence inéluctable de l'évolution prévisible de cette pathologie vasculaire initiale, comme le relèvent les experts, a une autre origine que la prise en charge hospitalière à compter du 24 novembre 2011 et ne présente, dès lors, pas de caractère nosocomial ; que, par suite, alors même que les experts n'ont pu avoir communication par l'hôpital Edouard Herriot de l'intégralité du dossier de soins de M. A..., et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, Mme B...veuve A...ne saurait rechercher, sur le fondement des dispositions précitées du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, la responsabilité des Hospices civils de Lyon à raison de l'infection présentée par son époux à compter de janvier 2012 ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'infection présentée par M. A..., qui a pour cause son insuffisance vasculaire préexistante à sa prise en charge à l'hôpital Edouard Herriot à compter du 24 novembre 2011, n'est pas directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée sur le caractère de gravité de cette infection, Mme B...veuve A...ne saurait demander une indemnisation au titre de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique à raison de l'infection présentée par son époux à compter de janvier 2012 ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner les expertises sollicitées par Mme D... B...veuveA..., que celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande présentée par son époux et par elle ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir qui leur est opposée par les Hospices civils de Lyon ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 17LY00668 et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône devant la cour sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...veuveA..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, à la MFP Services, aux Hospices civils de Lyon et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 27 décembre 2018.

4

N° 17LY00668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00668
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : PICHON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-27;17ly00668 ?
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