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10/01/2019 | FRANCE | N°15LY02107

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 10 janvier 2019, 15LY02107


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Electricité de France SA (EDF) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société SCREG Sud-Est à lui verser la somme de 9 000 000 d'euros HT, actualisée depuis le mois de mai 2005, en réparation des désordres affectant le masque en béton bitumineux appliqué sur le parement amont du barrage de La Sassière à Tignes.

Par un jugement n° 1203355 du 20 avril 2015, le tribunal a rejeté sa requête, a mis à sa charge définitive les frais et honoraires de l'expertise t

axés et liquidés à la somme de 64 418,91 euros et a rejeté les conclusions reconvention...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Electricité de France SA (EDF) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société SCREG Sud-Est à lui verser la somme de 9 000 000 d'euros HT, actualisée depuis le mois de mai 2005, en réparation des désordres affectant le masque en béton bitumineux appliqué sur le parement amont du barrage de La Sassière à Tignes.

Par un jugement n° 1203355 du 20 avril 2015, le tribunal a rejeté sa requête, a mis à sa charge définitive les frais et honoraires de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 64 418,91 euros et a rejeté les conclusions reconventionnelles de la société Colas Rhône-Alpes Auvergne, venue aux droits de la société SGREG Sud-Est.

Procédure devant la cour

Par un arrêt avant dire-droit du 20 septembre 2018, la cour a annulé ce jugement, jugé que la société Colas Rhône-Alpes Auvergne était responsable pour moitié des désordres et procédé à un supplément d'instruction tendant à la production dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, de tous éléments permettant de justifier le montant du préjudice dont la société EDF demande réparation.

Par des mémoires enregistrés les 19 octobre et 23 novembre 2018, la société EDF, représentée par MeA..., évalue son préjudice dans le dernier état de ses écritures à la somme de 7 751 000 euros HT et demande à la cour de condamner la société Colas Rhône-Alpes Auvergne à lui verser la somme de 3 875 500 euros HT en réparation de son préjudice et la somme de 64 418,91 euros TTC au titre des frais d'expertise.

Elle soutient que :

- elle doit être indemnisée des dépenses de conservation ;

- des travaux préparatoires importants précèderont les travaux de réparation et le gestionnaire de la réserve naturelle nationale dans laquelle se situe le barrage imposera des contraintes techniques coûteuses ;

- l'étude, la réalisation et le suivi des travaux devront tenir compte de contraintes climatiques et environnementales inhabituelles ;

- elle évalue le coût HT des travaux préparatoires à la somme de 150 000 euros, celui des travaux d'enlèvement du masque bitumineux à la somme de 409 000 euros, celui de la mise en oeuvre d'une géomembrane à la somme de 4 420 000 euros, celui des travaux de protection et de préservation du cadre écologique à la somme de 249 000 euros, celui de la maîtrise d'oeuvre à la somme de 784 000 euros, celui de la maîtrise d'ouvrage à la somme de 261 000 euros, celui de l'assurance " tous risques chantier " à la somme de 52 000 euros, les pertes de placement d'énergie dues à la vidange de la retenue lors des travaux à la somme de 421 000 euros HT et les frais engagés pour le suivi et la surveillance du masque bitumineux depuis l'apparition des désordres à la somme de 1 004 884 euros HT.

Par des mémoires enregistrés les 9 et 20 novembre 2018, la société Colas Rhône-Alpes Auvergne, représentée par MeB..., conclut au rejet des conclusions de la société EDF tendant à la réparation de préjudices distincts des travaux de reprise, à ce que le coût de ces travaux soit fixé à la somme de 2 255 469,43 euros et à ce que soit mis à sa charge définitive les frais d'expertise judiciaire.

Elle fait valoir que :

- l'arrêt du 20 septembre 2018 limite le préjudice de la société EDF au coût des travaux de reprise et ses conclusions indemnitaires au titre des frais d'entretien et d'investigation et des pertes de placement d'énergie sont irrecevables comme nouvelles en appel ;

- le poste relatif à l'ingénierie EDF est superfétatoire, aucune assurance " tous risques chantier " n'avait été souscrite lors du marché initial, les pertes de placement d'énergie et le coût des études et travaux de 1995 à 2018 ne sont pas justifiés, les frais d'investigations pour la période 1995-1997 ont fait l'objet d'une convention financière conclue en 1998 ;

- elle évalue le coût des travaux de reprise du masque bitumineux consistant en la fourniture et la pose d'une géomembrane PVC à la somme de 2 255 469,43 euros HT.

Des mémoires enregistrés les 24 novembre et 7 décembre 2018, présentés respectivement pour la société Colas Rhône-Alpes et la société EDF, n'ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de MmeC...,

- et les observations de Me A...pour la société EDF et de Me B...pour la société Colas Rhône-Alpes Auvergne ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché conclu le 31 mai 1994, la société Electricité de France SA (EDF) a confié à la société SGREG Sud-Est des travaux de réfection du parement amont du barrage de La Sassière à Tignes (Savoie), dégradé par l'acidité des eaux glacières retenues, consistant en la pose d'un masque en béton bitumineux. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 13 octobre 1994. Le 2 juin 1995, plusieurs fissures dans le revêtement ainsi que la présence de cloques pleines d'eau ont été constatées puis de nouveau au cours de l'été 1996 malgré les reprises ponctuelles auxquelles a procédé la société SGREG Sud-Est. Par une convention conclue le 20 mai 1998, les sociétés EDF et SGREG Sud-Est ont décidé la mise en place de cornières afin de limiter le glissement du revêtement bitumineux. Les désordres persistants, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a, sur la demande de la société EDF, désigné un expert dont le rapport a été déposé le 1er juin 2005. Par un jugement du 20 avril 2015, le tribunal a rejeté la demande de la société EDF tendant à la condamnation de la société SGREG Sud-Est, sur le fondement de la garantie décennale du constructeur, à lui verser la somme de 9 000 000 d'euros HT, actualisée depuis le mois de mai 2005, en réparation des désordres, ainsi que les conclusions reconventionnelles de la société Colas Rhône-Alpes Auvergne, venue aux droits de la société SGREG Sud-Est, tendant à la condamnation de la société EDF à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive. La société EDF a relevé appel de ce jugement et la société Colas Rhône-Alpes Auvergne a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation d'EDF à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice causé par la saisine abusive de la cour. Par un arrêt du 20 septembre 2018, la cour, au vu des conclusions du rapport d'expertise judicaire déposé le 1er juin 2005, a statué sur le principe de la responsabilité encourue par les sociétés Colas Rhône-Alpes et EDF et a estimé que si les dommages sont imputables à la société Colas Rhône-Alpes, la faute de la société EDF est de nature à atténuer de moitié sa responsabilité. L'état du dossier ne permettant pas à la cour de statuer sur le préjudice effectivement subi par la société EDF, elle a procédé à un supplément d'instruction tendant à la production, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, de tous éléments permettant de justifier le montant du préjudice dont la société EDF demande réparation. A l'issue de ce supplément d'instruction, la cour demeure seulement saisie de la demande par la société EDF de réparation du préjudice retenu par l'arrêt avant dire droit, des conclusions reconventionnelles de la société Colas Rhône-Alpes Auvergne, de la charge finale des dépens et des frais du litige.

Sur le préjudice :

2. L'arrêt du 20 septembre 2018 ayant limité le droit à réparation de la société EDF au coût des seuls travaux de remise en état de l'ouvrage, l'indemnisation de la perte de placement d'énergie résultant de la vidange de la retenue nécessitée par ces travaux ainsi que celle des coûts d'entretien et d'investigation supportés depuis l'apparition des désordres qu'EDF déclare également rechercher dans le dernier état de ses écritures ne peut être mise à la charge de la société Colas Rhône-Alpes Auvergne.

3. Les parties s'accordent pour qu'il soit procédé à la reprise du masque en béton bitumineux par la pose d'une géomembrane acrylique, dispositif d'étanchéité des barrages le plus résistant aux agressions extérieures selon l'expert judiciaire. Il convient d'ajouter au coût d'enlèvement du masque en béton bitumineux et de pose de la géomembrane acrylique, celui des travaux préparatoires nécessaires à la mise en place du chantier ainsi que celui des travaux de protection et de préservation du cadre écologique. Il y a lieu de retenir également les coûts de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre des travaux de réparation et celui de la prime d'assurance " tous risques chantier ". Dans ces conditions, il convient de fixer à la somme totale de 4 000 000 d'euros le montant de l'indemnisation des travaux de remise en état de l'ouvrage. Compte tenu du partage de responsabilité déterminé dans l'arrêt du 20 septembre 2018, l'indemnité que la société Colas Rhône-Alpes Auvergne devra verser à la société EDF s'établit à la somme de 2 000 000 d'euros HT.

4. La société EDF ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité technique ou financière de faire procéder aux réparations nécessaires dès le dépôt le 1er juin 2005 du rapport d'expertise judiciaire daté du 4 mai 2005. Elle n'est dès lors pas fondée à demander à ce que la condamnation prononcée à son profit soit réévaluée en fonction de la variation ayant affecté l'indice TP 01 du coût de la construction depuis le mois de mai 2005.

Sur les conclusions reconventionnelles de la société Colas Rhône-Alpes Auvergne :

5. Eu égard à la part de responsabilité incombant à la société Colas Rhône-Alpes Auvergne, le recours de la société EDF ne peut être regardé comme abusif. Par suite, les conclusions de la société Colas Rhône-Alpes Auvergne tendant à la condamnation de la requérante à des dommages et intérêts pour recours abusif doivent être rejetées.

Sur les frais d'expertise :

6. Compte tenu de la faute partiellement exonératoire du maître d'ouvrage retenue par l'arrêt du 20 septembre 2018, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif et liquidés et taxés à la somme de 64 418,91 euros, à la charge pour moitié de la société EDF et pour moitié de la société Colas Auvergne-Rhône Alpes.

Sur les frais du litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1203355 du 20 avril 2015 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La société Colas Rhône-Alpes Auvergne est condamnée à verser à la société EDF la somme de 2 000 000 d'euros HT.

Article 3 : La somme de 32 209,45 euros, correspondant à la moitié des frais d'expertise, est mise à la charge de la société Colas Rhône-Alpes Auvergne.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société EDF et les conclusions présentées par la société Colas Rhône-Alpes Auvergne sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Electricité de France SA et Colas Rhône-Alpes Auvergne.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 janvier 2019.

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N° 15LY02107


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