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19/12/2019 | FRANCE | N°19LY01395

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 19 décembre 2019, 19LY01395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le préfet de la Haute-Savoie a déféré au tribunal administratif de Grenoble, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. D... B..., représentant la société HT Immo, et a demandé au tribunal de constater que les faits établis par procès-verbal constituent la contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 2132-5 du code général de la propriété des personnes publiques, de condamner M. B... et la société HT Immo au paiement d'une amende en application des dispositions de

cet article et d'ordonner l'expulsion des occupants sans droit ni titre dans le d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le préfet de la Haute-Savoie a déféré au tribunal administratif de Grenoble, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. D... B..., représentant la société HT Immo, et a demandé au tribunal de constater que les faits établis par procès-verbal constituent la contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 2132-5 du code général de la propriété des personnes publiques, de condamner M. B... et la société HT Immo au paiement d'une amende en application des dispositions de cet article et d'ordonner l'expulsion des occupants sans droit ni titre dans le délai d'un mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1605679 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a condamné M. B..., représentant la société HT Immo, au paiement d'une amende de 2 000 euros, et lui a ordonné, dans le délai d'un mois, de libérer le garage à bateau qu'il occupe sans droit ni titre au droit de la parcelle AH 202 sur le territoire de la commune de Menthon-Saint-Bernard, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Procédure devant la cour

I - Par une requête enregistrée sous le n° 19LY01395 le 11 avril 2019, et un mémoire enregistré le 25 octobre 2019 qui n'a pas été communiqué, la société HT Immo, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 février 2019 ;

2°) de la relaxer des fins de la poursuite engagée à son encontre au titre de la contravention de grande voirie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas, comme il était tenu de le faire, procédé à la délimitation des limites du domaine public fluvial ;

- le tribunal n'a pas examiné ses moyens concernant la légalité interne de l'arrêté préfectoral du 8 juillet 2016 portant délimitation du domaine public fluvial ;

- le bâtiment en cause est implanté à cheval sur la berge, sur la parcelle cadastrée section AH n° 202 dont elle est propriétaire, et n'est pas implanté sur le domaine public fluvial.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2019 le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société HT Immo ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 septembre 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 25 octobre 2019.

II - Par une requête enregistrée sous le n° 19LY01396 le 11 avril 2019, et un mémoire enregistré le 25 octobre 2019 qui n'a pas été communiqué, la société HT Immo, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 février 2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution de ce jugement est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables dès lors qu'elle la conduirait à abandonner sa propriété ;

- les moyens qu'elle énonce à l'encontre du jugement dans l'affaire n° 19LY01395 et qu'elle reprend à l'appui de sa demande de sursis à exécution sont sérieux et de nature à justifier son annulation et le rejet de la demande du préfet de la Haute-Savoie.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juin 2019 le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société HT Immo ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 septembre 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 25 octobre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme C...,

- et les observations de Me A... pour la société HT Immo.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de la société HT Immo sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

2. La société HT Immo, représentée par M. B..., relève appel du jugement du 12 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, d'une part, à payer une amende de 2 000 euros et d'autre part, à libérer le garage à bateau qu'elle occupe sans droit ni titre au droit de la parcelle cadastrée n° AH 202 sur le territoire de la commune de Menthon-Saint-Bernard, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

3. Aux termes de l'article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public fluvial naturel est constitué des cours d'eau et lacs appartenant à l'Etat, à ses établissements publics, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, et classés dans leur domaine public fluvial ". Aux termes de l'article L. 2122-1 du même code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. ".

4. Pour constater que l'infraction, à caractère matériel, d'occupation irrégulière du domaine public est constituée, le juge de la contravention de grande voirie doit déterminer, au vu des éléments de fait et de droit pertinents, si la dépendance concernée relève du domaine public. S'agissant du domaine public fluvial, qui inclut en vertu de l'article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques les lacs appartenant à l'Etat, le juge doit appliquer les critères fixés par l'article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques.

5. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le juge de la contravention de grande voirie doit déterminer, au vu des éléments de fait et de droit pertinents, si la dépendance concernée relève du domaine public. Il n'est donc pas lié par l'appréciation portée par le préfet dans un arrêté de délimitation du domaine public. Dès lors, le contenu de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 8 juillet 2016, au demeurant annulé par le tribunal par un jugement n° 1606535 du même jour que le jugement attaqué, ne constituait pas un élément déterminant pour cette délimitation. Par suite le tribunal pouvait constater l'appartenance au domaine public de la dépendance concernée au regard de ses caractéristiques, quels que soient les éléments de délimitation du domaine public fluvial par ailleurs retenus par le préfet dans cet arrêté.

6. Les premiers juges ont estimé que dès lors que la construction en cause est principalement sinon en totalité située au-dessus de la surface des eaux, elle est implantée en surplomb du domaine public fluvial. Ils ont ainsi suffisamment délimité la dépendance du domaine public concernée, alors même qu'ils ne se sont pas prononcé sur le tracé de la limite entre le domaine public et la parcelle privée attenante.

7. Même erronée, la mention dans le jugement d'un garage à bateaux "ponton" est sans incidence sur la régularité du jugement comme sur la légalité de la décision contestée.

8. Pour contester la matérialité de l'infraction et le bien-fondé des poursuites, la société HT Immo soutient que le bâtiment est "posé à cheval sur la berge", sur la parcelle cadastrée section AH n° 202 qui est sa propriété exclusive, et n'est pas comprise dans le domaine public. Les documents produits, en particulier les photographies et plans, permettent toutefois de constater que le garage à bateaux, au-dessus duquel une maison d'habitation a été aménagée, est implanté au-dessus des eaux du lac, dépendance du domaine public, et non en bordure du lac. La photographie aérienne produite par la société requérante confirme que, contrairement à ce que cette dernière soutient, le garage à bateaux initialement autorisé par l'Etat est édifié au-dessus du lac, alors même qu'il est décrit dans la requête comme implanté sur la parcelle cadastrée section AH n° 202 lui appartenant. Si la société HT Immo soutient que son représentant, M. B..., qui a acquis cette propriété le 13 décembre 2012, ignorait qu'une partie de la parcelle constituait en réalité une dépendance du domaine public, ce dernier a pourtant été autorisé par le préfet de la Haute-Savoie, par une autorisation d'occupation temporaire du domaine public du 23 octobre 2013, arrivée à échéance le 31 décembre 2015, à occuper le domaine public fluvial du lac d'Annecy avec "un abri à bateaux de 100 m²" et "un mouillage". Il ne pouvait donc ignorer, au plus tard à compter du 23 octobre 2013, que la construction empiétait sur le domaine public. Par suite l'infraction d'occupation irrégulière du domaine public est constituée, sans qu'il soit besoin de se référer au niveau des plus hautes eaux qui, en vertu des dispositions de l'article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques, permet de définir les limites du domaine public fluvial sur les berges des cours d'eau, et quels que soient les titres de propriété dont la société HT Immo entend se prévaloir, dont le juge judiciaire est d'ailleurs saisi.

9. Il résulte de ce qui précède que la société HT Immo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, à payer une amende de 2 000 euros et à libérer la construction, qui comprend un garage à bateau surmonté d'une habitation situés tous deux au-dessus du lac, qu'elle occupe sans droit ni titre au droit de la parcelle cadastrée section AH n° 202 sur le territoire de la commune de Menthon-Saint-Bernard, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Il y a lieu de rejeter sa requête tendant à l'annulation de ce jugement ainsi que ses conclusions au titre des frais liés au litige.

10. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement attaqué, les conclusions de la société HT Immo tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont privés d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19LY01396.

Article 2 : La requête n° 19LY01395 de la société HT Immo est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société HT Immo et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 décembre 2019.

2

N°s 19LY01395, 19LY01396


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01395
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public naturel - Consistance du domaine public fluvial.

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : RAYNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-19;19ly01395 ?
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