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21/01/2020 | FRANCE | N°18LY01487

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 21 janvier 2020, 18LY01487


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône à lui verser la somme de 44 500 euros en réparation des préjudices nés des thoracotomies consécutives au développement de métastases ainsi que la somme de 115 000 euros en réparation des préjudices nés de l'accroissement du volume de la tumeur, assorties des intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2016, et de mettre à la charge du centre hospitalier les dépens et la somme de 4 000 e

uros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caiss...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône à lui verser la somme de 44 500 euros en réparation des préjudices nés des thoracotomies consécutives au développement de métastases ainsi que la somme de 115 000 euros en réparation des préjudices nés de l'accroissement du volume de la tumeur, assorties des intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2016, et de mettre à la charge du centre hospitalier les dépens et la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône à lui rembourser, au titre des prestations provisoirement versées, la somme de 64 540,72 euros, sous réserve d'autres débours non encore connus à la date du jugement, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ainsi que la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1601950 du 15 février 2018, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône à verser à M. C... la somme de 22 400 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2016, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or la somme de 51 632,58 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, ainsi que la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis à la charge définitive du centre hospitalier les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme totale de 1 700 euros et, enfin, a mis à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros à M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2018, et des mémoires, enregistrés les 15 juin 2018 et 26 octobre 2018, le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601950 du 15 février 2018 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de réduire le montant des indemnités allouées à M. C... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal administratif était saisi de sa part ;

- il résulte d'un rapport médical critique, établi par le docteur Bart, que le retard de diagnostic de cinq à huit mois du cancer du rein métastasé de M. C... ne lui a fait perdre aucune chance de survie ; la responsabilité du centre hospitalier sera ainsi écartée ;

- l'expert, dans son complément d'expertise du 30 novembre 2017 qui n'a pas été soumis au contradictoire, ne s'est appuyé sur aucune référence bibliographique ou médicale pour affirmer que la perte de chance d'être guéri du patient est de l'ordre de 80 % ; le taux de perte de chance subie par M. C... ne saurait être supérieur à 50%, ainsi qu'il résulte de l'expertise du professeur Martin ; c'est ainsi à tort que le tribunal administratif a considéré que l'erreur fautive de diagnostic reprochée à l'hôpital avait entraîné pour M. C... une perte de chance de 80 % et non de 50 % ;

- le préjudice résultant de la douleur morale doit être indemnisé à hauteur de 6 000 euros, intégrant une perte de chance de 50 % ;

- les souffrances endurées seront indemnisées à hauteur de 5 000 euros, compte tenu du taux de perte de chance ;

- une somme de 800 euros peut être allouée au titre du préjudice esthétique, compte tenu du taux de perte de chance ;

- le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. C... tendant à être indemnisé au titre de son déficit fonctionnel permanent, en l'absence de consolidation de son état de santé ;

- l'indemnité allouée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or doit être ramenée à 32 270 euros, compte tenu du taux de perte de chance.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 août 2018 et 29 novembre 2018, M. C..., représenté par Me A..., conclut :

1°) au rejet de la requête du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Dijon du 15 février 2018 en tant qu'il lui a accordé une indemnisation limitée à la somme de 22 400 euros et à ce que le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône soit condamné à lui verser, en tenant compte du taux de perte de chance, les sommes de 92 000 euros au titre de la perte d'espérance de vie et de sa conscience d'une espérance de vie réduite, de 20 000 euros au titre des souffrances endurées, de 2 400 euros au titre du préjudice esthétique permanent et de 13 200 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, outre les intérêts à compter du 11 avril 2016 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Il soutient que :

- le principe de la responsabilité doit être confirmé ; il est établi par l'expertise que les métastases sont apparues pendant la durée du retard de diagnostic ; ce retard de diagnostic a également provoqué le développement de la tumeur, lequel est aussi cause de perte de chance ;

- le complément d'expertise du 30 novembre 2017 a été soumis à la discussion contradictoire des parties ; en toute hypothèse, ce complément d'expertise n'a pas servi de seule base pour la fixation à 80 % du taux de perte de chance par le tribunal ;

- il y a lieu, au vu notamment de l'expertise, de confirmer le taux de perte de chance de 80 % retenu par le tribunal ;

- le préjudice moral lié à la perte d'espérance de vie réduite et à sa conscience de celle-ci s'élève à la somme de 92 000 euros, après application d'un taux de perte de chance de 80 % ;

- il a subi des préjudices extrapatrimoniaux en raison du développement de métastases dans les poumons ; il a subi un préjudice au titre des souffrances endurées s'élevant à la somme de 20 000 euros, y intégrant le pourcentage de perte de chance ;

- s'agissant des conséquences de l'erreur de diagnostic quant au développement de métastases dans les poumons, ayant entraîné trois opérations, l'expert a retenu que son état de santé était consolidé ; son préjudice, au titre du déficit fonctionnel permanent, s'élève, en intégrant la perte de chance, à la somme de 13 200 euros ;

- le préjudice esthétique permanent du fait des opérations est sérieux et doit être indemnisé à hauteur de 2 400 euros, en tenant compte du taux de perte de chance.

Par des mémoires, enregistrés les 19 février 2019 et 21 mai 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte-d'Or, représentée par Me B... E..., conclut à la confirmation du jugement et à ce que les sommes de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soient mises à la charge du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône.

Elle soutient que :

- ses débours sont constitués des frais médicaux, frais pharmaceutiques, frais de transports et d'indemnités journalières pour un montant total de 64 544,72 euros ;

- le taux de perte de chance doit être fixé à 80 %.

Par ordonnance du 11 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 28 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux montants maximal et minimal à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François-Xavier Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Marie Vigier-Carrière, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. En 2013, en raison d'une asthénie importante, M. C..., né le 21 septembre 1952, a consulté son médecin traitant qui lui a prescrit la réalisation d'une échographie abdominale. Au vu des résultats de cet examen, effectué le 10 mai 2013 et ayant révélé l'existence d'une masse volumineuse au niveau du pôle supérieur du rein droit, il a été décidé de procéder à un examen par scanner, réalisé au centre hospitalier de Chalon-sur-Saône le 17 mai suivant. Le compte rendu du radiologue du centre hospitalier interprétant les images du scanner relève un " aspect d'ischémie du parenchyme rénal supérieur du côté droit ", tandis que la réalisation d'un nouvel examen scanographique le 20 janvier 2014 a montré l'existence d'une masse volumineuse d'allure tumorale au niveau du rein droit avec des métastases pulmonaires. La nature tumorale de cette lésion ayant été confirmée, M. C... a subi une néphrectomie du rein droit le 13 mars 2014. Le 15 mai 2014, une nouvelle intervention chirurgicale a consisté en une résection des métastases pulmonaires gauches. M. C... a ensuite subi le 5 août 2014 une intervention d'exérèse des métastases pulmonaires droites. Par une ordonnance du 8 octobre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a prescrit une expertise portant sur les causes et l'évaluation des préjudices subis par l'intéressé. Le tribunal administratif de Dijon, saisi par M. C..., a, par un jugement du 15 février 2018, retenu l'existence d'un retard fautif de diagnostic entre cinq et huit mois de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, jugé que cette faute avait entraîné une perte de chance de 80 % pour l'intéressé d'éviter une diminution de son espérance de vie et condamné l'établissement hospitalier à verser à M. C... des indemnités d'un montant total de 22 400 euros en réparation de son préjudice et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte-d'Or une somme de 51 632,58 euros au titre de ses débours. Le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône demande l'annulation de ce jugement. M. C... conclut, par la voie de l'appel incident, à la condamnation du centre hospitalier à lui verser les sommes de 92 000 euros au titre de la perte d'espérance de vie et de sa conscience d'une espérance de vie réduite, de 20 000 euros au titre des souffrances endurées, de 2 400 euros au titre du préjudice esthétique permanent et de 13 200 euros au titre du déficit fonctionnel permanent. La CPAM de la Côte-d'Or demande la confirmation du jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le moyen, soulevé par le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône dans la requête et qui n'a fait l'objet d'aucun développement dans le mémoire ampliatif, tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut qu'être écarté.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude par l'expert et son sapiteur radiologue de l'imagerie de l'examen tomodensitométrique réalisé le 17 mai 2013 au centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, qu'une volumineuse masse hétérogène d'environ 11 centimètres refoulant le rein droit de M. C... vers le bas y était aisément décelable, d'autant que cette masse avait déjà été mise en évidence par l'échographie du 10 mai précédent. La lecture erronée du scanner par le service de radiologie du centre hospitalier, qui n'a pas identifié cette lésion qualifiée pourtant de " très suspecte " par l'expert, est à l'origine d'un retard d'au moins cinq mois dans le diagnostic de la tumeur cancéreuse dont M. C... était affecté. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir, ainsi que l'ont fait les premiers juges, un retard de diagnostic fautif, qui n'est du reste pas contesté, de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône.

Sur le taux de perte de chance :

5. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

6. En premier lieu, le centre hospitalier fait valoir, en se fondant sur un avis critique d'un chirurgien urologue du 16 août 2018 sollicité par son assureur, qu'il existe une probabilité de 55% que, dès le mois de mai 2013, le statut carcinologique de M. C... soit d'ores et déjà métastasique de sorte que le retard, évalué entre cinq et huit mois, de diagnostic du cancer du rein n'a fait perdre aucune chance à l'intéressé. Toutefois, il résulte des indications de l'expert et de son sapiteur radiologue qu'aucune lésion secondaire n'était visible sur le scanner réalisé le 17 mai 2013, des métastases pulmonaires n'ayant été décelées qu'à l'occasion du second scanner effectué le 20 janvier 2014. Si l'expertise indique que la taille de la tumeur de 11 cm est compatible avec l'existence de métastases viscérales, elle ne conclut cependant pas à l'existence certaine ou quasi certaine de telles métastases en mai 2013. Dans ces conditions, le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône n'est pas fondé à soutenir que le retard fautif de diagnostic n'a fait perdre aucune chance à M. C....

7. En second lieu, le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.

8. Il résulte de l'instruction que le retard de diagnostic en cause a, selon les termes de l'expertise, " sérieusement amputé l'espérance de vie du patient " laquelle est passée de 60% de chance de survie à l'échéance de cinq années en mai 2013 au vu de la tumeur existante à 10% en mai 2014, en raison de l'augmentation de la taille de la tumeur et de l'apparition entre temps de métastases. Dans un rapport complémentaire du 30 novembre 2017, l'expert a confirmé les termes de son expertise en rappelant qu'en raison de l'absence de métastases décelées en mai 2013, les chances pour M. C... d'être guéri du cancer auraient été beaucoup plus importantes s'il avait été pris en charge dès cette date et non en février 2014 et a évalué, pour la première fois, à 80 % la perte de chance de guérison de M. C.... Si l'appelant fait valoir que ce complément d'expertise, déposé à la suite d'une mesure d'instruction du tribunal administratif, n'a pas été soumis au contradictoire lors de la procédure d'expertise, le centre hospitalier a néanmoins été mis à même de discuter, devant l'expert, de la question notamment de la perte de chance de guérison et de la perte de chance de l'intéressé de voir son état de santé s'améliorer ou d'éviter de le voir se dégrader, figurant au nombre de celles posées par le juge des référés et évoquées dans l'expertise elle-même. D'ailleurs, les éléments qui sous-tendent la fraction de perte de chance de guérison proposée par l'expert figuraient déjà dans le rapport d'expertise.

9. Il résulte de l'instruction que le retard dans le diagnostic de la tumeur rénale dont était atteint M. C... a sérieusement compromis ses chances sinon d'être guéri dès lors que comme l'indique l'expert la tumeur était déjà volumineuse ce qui rendait le pronostic défavorable, du moins de survie à cinq ans et plus, compte tenu de l'existence de lésions pulmonaires secondaires à la date à laquelle il a été pris en charge pour cette pathologie et qui n'apparaissaient pas sur le scanner du 17 mai 2013.

10. Il résulte notamment du rapport d'expertise que même si la taille de la tumeur était déjà importante en mai 2013 et que le pronostic vital était de ce fait péjoratif, le retard de diagnostic de plusieurs mois et alors que la taille de la tumeur était passée de 11 à 13 cm a réduit significativement les chances de survie au-delà d'une durée de cinq ans dont M. C... disposait si un diagnostic approprié avait été posé et une prise en charge adaptée dispensée en mai 2013. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, la faute résultant du retard de diagnostic a entraîné pour M. C..., une perte de chance de survie à l'horizon de cinq ans qui doit, au vu notamment du contenu de l'expertise, être évaluée à 50 %.

Sur les préjudices :

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que le retard de diagnostic est à l'origine pour M. C... d'un préjudice moral né de l'anxiété qu'il a éprouvée du fait de la réduction de son espérance de vie et de la conscience qu'il en a eu. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à l'intéressé la somme de 15 000 euros. Il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône à verser à M. C... en réparation de ce chef de préjudice la somme de 7 500 euros tenant compte du taux de perte de chance retenu.

12. En deuxième lieu, l'apparition de métastases pulmonaires a nécessité la réalisation en 2014 de deux interventions de chirurgie thoracique. Une troisième intervention chirurgicale a été réalisée en mai 2015 consistant en l'ablation d'une autre lésion métastatique située au niveau supérieur du rein gauche. L'expert a évalué à 5 sur 7 les souffrances en lien avec ces actes de soins rendus nécessaires par le retard de diagnostic. Il y a lieu d'allouer pour ce poste de préjudice, incluant les seules souffrances endurées résultant du retard de diagnostic et de ses conséquences, une indemnité de 7 000 euros, tenant compte du taux de perte de chance retenu.

13. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise, qu'à la date à laquelle celle-ci a été effectuée, l'état de santé de M. C... était consolidé s'agissant des seules séquelles liées aux deux thoracotomies consécutives au développement de métastases pulmonaires. M. C... subit, selon l'expert, des séquelles sur le plan thoracique en lien avec ces deux interventions chirurgicales entraînant un déficit fonctionnel permanent de 5%. Compte tenu de l'âge de M. C... à la date de consolidation, soit 63 ans, il sera fait une juste appréciation de la part du déficit fonctionnel permanent en mettant à ce titre à la charge du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, après application du taux de perte de chance, une somme de 2 500 euros.

14. En quatrième lieu, le préjudice esthétique permanent a été évalué par l'expert à 2 sur une échelle de 7 pour les deux cicatrices sur le thorax, respectivement de 10 et 18 centimètres, liées aux thoracotomies qui ont dû être réalisées en raison du retard de diagnostic fautif. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à M. C... la somme de 1 000 euros tenant compte du taux de perte de chance retenu.

15. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que les dépenses de santé exposées par la CPAM de la Côte-d'Or s'élèvent à la somme de 64 540,72 euros, incluant les frais médicaux, d'hospitalisation, de transport et de pharmacie ainsi que des indemnités journalières. Il résulte du rapprochement de ce relevé des débours suffisamment détaillé et de l'attestation d'imputabilité du médecin conseil de la caisse que ces frais sont en lien avec la faute du centre hospitalier, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par celui-ci. Compte tenu du taux de perte de chance de 50 % retenu, l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône au titre des dépenses de santé de la CPAM de la Côte-d'Or doit être fixée à la somme de 32 270,36 euros.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône est seulement fondé à demander que l'indemnité de 22 400 euros que le tribunal administratif de Dijon l'a condamné par son jugement du 15 février 2018 à verser à M C... soit ramenée à la somme de 18 000 euros et que l'indemnité de 51 632,58 euros qu'il a été condamné par le même jugement à verser à la CPAM de la Côte-d'Or soit ramenée à la somme de 32 270,36 euros. M. C... est seulement fondé à demander, par la voie de l'appel incident, que la somme de 18 000 euros soit augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2016, date de réception de sa demande préalable indemnitaire.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

17. Il n'y a pas lieu de porter à 1 091 euros la somme de 1 066 euros que le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône a été condamné par les premiers juges à verser à la CPAM de la Côte-d'Or, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, dès lors que la somme qui lui est due par le centre hospitalier au titre des débours n'est pas majorée en appel.

Sur les frais d'expertise :

18. Il y a lieu de maintenir les frais de l'expertise à la charge définitive du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône.

Sur les frais liés au litige :

19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. C... et la CPAM de la Côte-d'Or à l'encontre du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, alors même qu'il est la partie tenue aux dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 22 400 euros que le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône a été condamné à verser à M. C... par le jugement du 15 février 2018 est ramenée à la somme de 18 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2016.

Article 2 : La somme de 51 632,58 euros que le centre hospitalier de Chalon-sur-Saône a été condamné à verser à la CPAM de la Côte-d'Or par le jugement du 15 février 2018 est ramenée à la somme de 32 270,36 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 15 février 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 700 euros sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône.

Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de M. C... et les conclusions présentées par la CPAM de la Côte-d'Or devant la cour sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, à M. D... C..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or et à la caisse primaire d'assurance maladie de Saône et Loire.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 janvier 2020.

2

N° 18LY01487


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01487
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Diagnostic.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : DAMY LAURENT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-21;18ly01487 ?
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