La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/01/2020 | FRANCE | N°18LY01558

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 janvier 2020, 18LY01558


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser une somme de 8 000 euros en réparation de la faute médicale commise, 5 000 euros au titre du défaut d'information et 2 000 euros au titre du défaut de consentement à la pose d'attelles et de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par

un jugement n° 1506773 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a con...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser une somme de 8 000 euros en réparation de la faute médicale commise, 5 000 euros au titre du défaut d'information et 2 000 euros au titre du défaut de consentement à la pose d'attelles et de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1506773 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à verser à Mme C... une somme de 200 euros en réparation de son préjudice imputable à un défaut de consentement, a mis à la charge des Hospices civils de Lyon, d'une part, une somme de 1 200 euros à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et d'autre part, les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 800 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 avril 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1506773 du 13 mars 2018 en ce que le tribunal administratif de Lyon a limité à 200 euros l'indemnité mise à la charge des Hospices civils de Lyon ;

2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'intubation est un geste courant et nécessaire sous anesthésie générale qui comporte un risque de luxation dentaire ; aucune radiographie ni aucun examen complémentaire n'a été réalisé préalablement à l'opération, alors même que son état de nanisme ajouté à ses problèmes dentaires existants auraient dû impliquer la réalisation de tels examens préalables, qui auraient notamment permis de prendre connaissance de la position haute de sa glotte et ainsi d'éviter les faits dommageables ;

- ce défaut de prise en charge a entraîné pour elle un préjudice patrimonial, dans la mesure où des soins dentaires vont devoir être engagés, ainsi qu'un préjudice extrapatrimonial lié aux souffrances endurées et au préjudice esthétique ; ces préjudices sont estimés à la somme de 8 000 euros ;

- elle n'a reçu aucune information particulière au regard de son état de santé, prenant en compte son achondroplasie qui aurait dû laisser suspecter la présence d'une glotte haute ; alors que l'anesthésie générale n'était pas obligatoire et résultait en l'espèce de son choix, elle aurait refusé une telle anesthésie générale si l'information qui lui avait été délivrée quant aux risques de luxation dentaire avait été suffisante ; son consentement n'était ainsi pas éclairé ; ce défaut d'information a entraîné un préjudice évalué à la somme de 5 000 euros ;

- elle a subi une pose d'attelle au niveau des incisives supérieures, sans son consentement, alors qu'elle était sous anesthésie générale pour une autre opération ; elle a subi, du fait de ce défaut de consentement à la pose d'une attelle qui a pour origine la luxation dentaire dont elle a été victime pendant l'intubation, un préjudice moral qui doit être réévalué à la somme de 2 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2019, les Hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- aucune faute médicale ne saurait être retenue ;

- Mme C... a été informée du risque dentaire lié à l'intervention ;

- les soins dentaires délivrés au cours de l'intervention étaient nécessaires et ont permis de limiter les troubles occasionnés par la luxation ; ces soins n'ont pas aggravé l'état dentaire de la patiente ; le préjudice moral occasionné par les soins délivrés en urgence pour limiter les effets de la luxation était donc limité.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 22 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2019.

Par une décision du 23 mai 2018, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a subi, le 4 juin 2008 à l'hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, dépendant des Hospices civils de Lyon, une intervention de chirurgie ophtalmologique en vue de l'ablation de silicone au niveau de l'oeil gauche. Lors des opérations d'anesthésie générale par intubation orotrachéale, elle a subi une luxation totale de la dent n°21 et une luxation partielle des dents n°11 et 22. Imputant ce dommage à des fautes de l'établissement hospitalier, elle a recherché la responsabilité des Hospices civils de Lyon. Par un jugement du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a partiellement fait droit à sa demande et condamné les Hospices civils de Lyon à réparer le préjudice moral subi du fait de son absence de consentement à la pose d'une attelle et à lui verser en conséquence une somme de 200 euros. Mme C... demande la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes indemnitaires. Les Hospices civils de Lyon et leur assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), concluent au rejet de la requête.

Sur la responsabilité des Hospices civils de Lyon :

En ce qui concerne le défaut de prise en charge adaptée :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

3. L'intubation d'un patient en vue d'une anesthésie générale ne peut être regardée comme un geste courant à caractère bénin dont les conséquences dommageables, lorsqu'elles sont sans rapport avec l'état initial du patient, seraient présumées révéler une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service. La responsabilité du service public hospitalier ne peut par suite être engagée que sur le terrain de la faute prouvée.

4. Il résulte de l'instruction que le médecin anesthésiste a recueilli, préalablement à l'intervention, des informations sur l'ensemble des facteurs de risque liés à une anesthésie générale et, à cet égard, a pris en compte l'état de la cavité bucco-dentaire de Mme C... en relevant des douleurs dentaires nécessitant que la patiente consulte un dentiste. Il résulte également de l'instruction, notamment de l'expertise, que le dommage a été favorisé par l'état anatomique particulier de Mme C... présentant une position haute de la glotte rendant difficile l'intubation et qu'elle souffrait probablement d'une parodontopathie préexistante, qui n'avait pas été diagnostiquée avant l'anesthésie. Alors que l'expert judiciaire a relevé que le praticien qui a réalisé, en vue d'une anesthésie générale, l'intubation de Mme C... à l'occasion de l'intervention chirurgicale subie le 4 juin 2008, n'a ni méconnu les règles de l'art, ni commis aucune faute ou maladresse et qu'il n'y a eu aucun manquement constaté dans la prise en charge médicale de l'intéressée, il ne résulte pas de l'instruction que des examens complémentaires, notamment d'imagerie médicale, auraient dû être réalisés préalablement à l'intervention ni que la position haute de la glotte de la requérante aurait nécessité de recourir à une autre technique anesthésique sans intubation. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que les Hospices civils de Lyon auraient commis une faute dans sa prise en charge de nature à engager leur responsabilité.

En ce qui concerne le défaut d'information préalable et le défaut de consentement éclairé :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen (...) ". En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique : " Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. (...) Le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. (...) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. (...) ".

7. Mme C... s'est vu remettre, antérieurement à l'intervention, un document d'information concernant l'anesthésie, qu'elle a signé, et indiquant que " la mise en place d'un tube dans votre trachée (intubation) (...) pour contrôler votre respiration pendant l'anesthésie peut provoquer (...) des traumatismes dentaires (...) c'est pourquoi il est important que vous signaliez toute prothèse, implant ou fragilité dentaire particulière ". Si Mme C... fait valoir qu'elle n'a pas été informée, préalablement au recueil de son consentement à une anesthésie générale, que les risques de luxation dentaire étaient aggravés en raison de son achondroplasie et de la parodontolyse dont elle était affectée, le document qui lui a été remis était suffisamment explicite quant aux risques inhérents à une intubation orotrachéale. En outre, il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise, que le lien entre une position haute de la glotte et un nanisme n'est qu'éventuel et qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, aucune parodontopathie n'avait été diagnostiquée préalablement à l'intervention, l'intéressée n'ayant au demeurant pas consulté de dentiste contrairement aux préconisations préopératoires de l'anesthésiste. Dans ces conditions, Mme C... a bénéficié, avant l'anesthésie générale, d'une information suffisante sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que cet acte médical comportait et, en particulier, sur le risque de traumatisme dentaire qui s'est réalisé de sorte que son consentement préalable à une anesthésie générale doit être considéré comme ayant été suffisamment éclairé.

En ce qui concerne le défaut de consentement à la pause d'une attelle :

8. Hors les cas d'urgence ou d'impossibilité de consentir, la réalisation d'une intervention à laquelle le patient n'a pas consenti oblige l'établissement responsable à réparer tant le préjudice moral subi de ce fait par l'intéressé que, le cas échéant, toute autre conséquence dommageable de l'intervention.

9. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire et de l'attestation du docteur Peivandi, chirurgien-dentiste, qu'à la fin du geste opératoire, ce dernier a procédé à une réduction de la luxation de la dent n° 21 par la pose d'une attelle provisoire destinée à assurer sa stabilité. Il est constant que Mme C..., qui était sous anesthésie générale lors de la pose de cette contention provisoire, n'a pas consenti à la réalisation de cette intervention, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle présentait un caractère d'urgence. Mme C... est, par suite, fondée à demander la réparation du préjudice moral qu'elle a subi de ce fait. Alors que ce traitement en urgence a permis d'atténuer les effets de la luxation et de renforcer une dent déjà fragilisée, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante du préjudice moral subi de ce fait par Mme C... en lui allouant une indemnité d'un montant de 200 euros, mise à la charge des Hospices civils de Lyon.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité à la somme de 200 euros l'indemnité mise à la charge des Hospices civils de Lyon et a rejeté sa demande d'indemnité au titre des autres préjudices dont elle demandait réparation.

Sur les frais d'expertise :

11. Il y a lieu de maintenir les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 800 euros à la charge des Hospices civils de Lyon.

Sur les frais liés au litige :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon, partie tenue aux dépens, le versement de la somme réclamée par Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., aux Hospices civils de Lyon, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 janvier 2020.

2

N° 18LY01558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01558
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-30;18ly01558 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award