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20/02/2020 | FRANCE | N°18LY00588

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 20 février 2020, 18LY00588


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. I... H... et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite du maire de la commune de Serves-sur-Rhône rejetant leur demande de remise en état du chemin rural n° 5, d'enjoindre à la commune de remettre en état ce chemin dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de la condamner à leur verser la somme de 24 100 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2015 avec capitalisation des intérêts, en répar

ation des préjudices qu'ils subissent, outre 350 euros par mois jusqu'à la lib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. I... H... et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite du maire de la commune de Serves-sur-Rhône rejetant leur demande de remise en état du chemin rural n° 5, d'enjoindre à la commune de remettre en état ce chemin dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de la condamner à leur verser la somme de 24 100 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2015 avec capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'ils subissent, outre 350 euros par mois jusqu'à la libération du chemin.

Par un jugement n° 1504383 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 février 2018, M. H... et Mme E..., représentés par la SELARL Bard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 décembre 2017 ;

2°) de condamner la commune de Serves-sur-Rhône à leur verser la somme de 29 700 euros en réparation des préjudices qu'ils subissent, outre la somme de 350 euros par mois jusqu'à complète libération du chemin ;

3°) d'enjoindre à la commune de Serves-sur-Rhône de rétablir la circulation sur le chemin rural n° 5 au droit des parcelles cadastrées section A, n°s 822 et 823 dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Serves-sur-Rhône une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt pour agir même si le chemin rural n° 5 ne constitue pas le seul accès à leur propriété ;

- leur recours n'est pas atteint par la prescription dès lors que le fait générateur de la responsabilité de la commune est le refus fautif du maire né de son silence à la suite de leur demande préalable du 18 mars 2015, de mettre en oeuvre les pouvoirs de police qu'il tient du code rural et de la pêche maritime ;

- le chemin en cause est un chemin rural dès lors qu'il est accessible pour un marcheur voire un cycliste et par un véhicule sur une grande partie ;

- les consorts B... ont réalisé plusieurs constructions empêchant la circulation sur ce chemin et le maire a refusé de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser cet empiètement, ce qui constitue une faute ;

- leur préjudice, correspondant au trajet supplémentaire qu'ils doivent effectuer l'un et l'autre pour se rendre sur leur lieu de travail compte tenu du caractère impraticable du chemin, doit être évalué à 29 700 euros, outre 350 euros par mois jusqu'à complète libération du chemin. La perte d'exploitation due à l'impossibilité d'exploiter les bois situés sur les parcelles cadastrées section B n° 471 à 474 sur le territoire de la commune voisine de Ponsas doit être évalué à 3 500 euros et leur préjudice découlant de l'inertie de la commune depuis 2012 doit être évalué à 5 000 euros ;

- il doit être enjoint au maire de rétablir la circulation sur le chemin rural n° 5 selon les préconisations de l'expert.

Par un mémoire en observation enregistré le 6 avril 2018, ainsi qu'un mémoire enregistré le 17 janvier 2020 qui n'a pas été communiqué, M. L... B..., M. G... B... et Mme J... C... née B..., représentés par Me A..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre la somme de 2 000 euros à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les requérants sont dépourvus d'intérêt pour agir, que leur action est atteinte par la prescription et que les moyens qu'ils soulèvent ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 décembre 2019, ainsi qu'un mémoire enregistré le 22 janvier 2020 qui n'a pas été communiqué la commune de Serves-sur-Rhône, représentée par Me M..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre la somme de 2 000 euros à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les requérants sont dépourvus d'intérêt pour agir et que les moyens qu'ils soulèvent ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme N...,

- les conclusions de Mme K...,

- et les observations de Me F..., substituant Me M..., représentant la commune de Serves-sur-Rhône ;

Une note en délibéré, enregistrée le 6 février 2020, a été produite pour la commune de Serves-sur-Rhône ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 18 mars 2015, M. H... et Mme E..., ont demandé au maire de la commune de Serves-sur-Rhône de rétablir la circulation sur le chemin rural n° 5, devenu impraticable au droit des parcelles cadastrées section A n°s 822 et 823 du fait des empiètements réalisés par l'indivision B... propriétaire de ces parcelles. M. H... et Mme E... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 décembre 2017 rejetant leur demande d'annulation de la décision implicite du maire rejetant leur demande de remise en état du chemin rural n° 5, tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Serves-sur-Rhône de remettre en état ce chemin dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à indemniser les préjudices qu'ils subissent à cause de cette situation.

Sur l'intérêt pour agir des requérants :

2. Contrairement à ce que font valoir les consorts B... et la commune de Serves-sur-Rhône, M. H... et Mme E... justifient, en leur qualité de propriétaires demeurant à proximité du chemin rural n° 5 et qui souhaitent circuler sur ce chemin, d'un intérêt pour agir contre la décision du maire refusant d'exercer ses pouvoirs de police pour rétablir cette circulation, alors même qu'ils disposent d'un autre chemin pour se rendre sur leur lieu de travail.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ". Aux termes de l'article L. 161-5 du même code : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ". Aux termes de l'article D. 161-11 du même code : " Lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence ". Enfin, en vertu du 1° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales le maire est chargé d'assurer la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques.

4. Il est constant que l'assiette du chemin n° 5 appartient à la commune de Serves-sur-Rhône et que cette voie constitue un chemin rural, comme indiqué au dossier communal du 11 janvier 2007 préalable au classement des voies communales opéré en 2008. Le rapport d'expertise judiciaire du 20 février 2015 conclut notamment que "Les divers plans, photographies et relevés de terrain confirment l'existence du chemin rural n° 5 comme indiqué au dossier communal du 11 janvier 2007. Seuls les deux lacets situés au Nord-Est du bâtiment principal des défendeurs ont disparu lors de l'agrandissement de la plateforme devant l'auvent" et que le chemin "traverse l'auvent" des consorts B.... Il ressort des pièces du dossier, y compris des écritures de la commune et des consorts B..., que ce chemin est affecté à l'usage du public et que bien qu'il ne soit plus entretenu depuis plusieurs décennies, il demeure ouvert à la circulation des piétons et des cyclistes. Il ressort en particulier des photographies produites et du rapport d'expertise judiciaire que la libre circulation sur ce chemin rural n° 5 est empêchée par les constructions édifiées par les consorts B... au droit des parcelles cadastrées section A, n°s 822 et 823 de sorte que le libre passage du public n'est plus assuré à cet endroit. En application des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime et du code général des collectivités territoriales, le maire de Serves-sur-Rhône était tenu de prendre les mesures de police nécessaires pour assurer la commodité du passage sur ce chemin rural, même si la situation dénoncée par les requérants ne comportait aucun péril grave pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publique. En ne faisant pas usage de ses pouvoirs, le maire a dès lors méconnu les dispositions précitées. Par suite, la décision implicite par laquelle le maire a rejeté la demande de M. H... et Mme E... tendant au rétablissement de la libre circulation sur cette partie du chemin ne peut qu'être annulée.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

5. En premier lieu, la responsabilité d'une commune en raison des dommages trouvant leur origine dans un chemin rural n'est pas, en principe, susceptible d'être engagée sur le fondement du défaut d'entretien normal. Il en va différemment dans le cas où la commune a exécuté, postérieurement à l'incorporation du chemin dans la voirie rurale, des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et a ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien.

6. Il résulte de l'instruction que le caractère impraticable par un véhicule automobile du chemin rural n° 5 ne résulte pas directement de l'empiètement des consorts B... sur ce chemin mais de l'absence d'entretien du chemin depuis plusieurs décennies qui le rend en grande partie impraticable à la circulation générale. Les requérants ne sont donc pas fondés à demander la condamnation de la commune à leur verser la somme de 29 700 euros, outre 350 euros par mois jusqu'à complète libération du chemin, en réparation du préjudice qu'ils subissent pour devoir effectuer l'un et l'autre un trajet plus long pour se rendre sur leur lieu de travail.

7. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que le caractère impraticable du chemin rural n° 5 entraîne pour eux une perte d'exploitation découlant de l'impossibilité d'exploiter les bois situés sur les parcelles cadastrées section B n°s 471 à 474 sur le territoire de la commune voisine de Ponsas, il n'est pas établi que ce chemin serait la seule voie d'accès à ces parcelles. Ils ne sont donc pas fondés à demander une indemnisation à ce titre.

8. En troisième lieu, les requérants n'établissent pas qu'ils auraient subi un préjudice direct et certain du fait de l'inertie de la commune depuis 2012. Ils ne sont donc pas fondés à demander une indemnisation à ce titre.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin, en tout état de cause, de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par les consorts B..., que la demande indemnitaire de M. H... et Mme E... doit être rejetée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Eu égard au motif d'annulation retenu et au fait que le chemin rural n° 5 n'est pas adapté à la circulation des véhicules automobiles mais seulement à celle des piétons, voire des cyclistes, la date de l'édification des constructions et aménagements par les consorts B... n'étant pas connue, l'exécution du présent arrêt implique seulement pour le maire de la commune de Serves-sur-Rhône de faire usage de ses pouvoirs de police afin de rétablir la circulation piétonne et cycliste sur le chemin rural n° 5 au droit des parcelles cadastrées section A, n°s 822 et 823, correspondant à la destination actuelle du chemin rural. Il lui sera imparti à cet effet un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu toutefois d'assortir cette injonction d'une astreinte.

11. Il résulte de ce qui précède que M. H... et Mme E... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande d'une part d'annulation de la décision implicite du maire de la commune de Serves-sur-Rhône rejetant leur demande de remise en état du chemin rural n° 5 et, d'autre part, d'injonction au maire de faire usage de ses pouvoirs de police afin de rétablir partiellement la circulation des piétons et cyclistes sur ce chemin.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. H... et Mme E..., qui n'ont pas la qualité de partie perdante, versent à la commune de Serves-sur-Rhône une somme au titre des frais liés au litige et à ce que ceux-ci versent aux consorts B..., qui n'ont pas la qualité de partie dans la présente instance, une somme à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à ce titre une somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Serves-sur-Rhône à verser à M. H... et Mme E....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1504383 du 19 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. H... et Mme E... d'annulation de la décision implicite du maire de Serves-sur-Rhône refusant de remettre en état le chemin rural n° 5 au droit des parcelles cadastrées section A n°s 822 et 823 et d'injonction au maire de faire usage de ses pouvoirs de police afin de rétablir la circulation des piétons et des cyclistes sur ce chemin.

Article 2 : La décision implicite du maire de la commune de Serves-sur-Rhône rejetant la demande de M. H... et Mme E... du 18 mars 2015 est annulée dans cette mesure.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Serves-sur-Rhône d'user de ses pouvoirs de police, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, pour rétablir la libre circulation des piétons et des cyclistes sur le chemin rural n° 5 au droit des parcelles cadastrées section A, n°s 822 et 823.

Article 4 : Les conclusions de M. H... et Mme E... sont rejetées pour le surplus.

Article 5 : La commune de Serves-sur-Rhône versera une somme de 2 000 euros à M. H... et Mme E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Serves-sur-Rhône et par les consorts B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... H... et Mme D... E..., à la commune de Serves-sur-Rhône, à M. L... B..., à M. G... B... et à Mme J... C... née B....

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme N..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 février 2020.

2

N° 18LY00588


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00588
Date de la décision : 20/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

71-01-006 Voirie. Composition et consistance. Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : CABINET BARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-20;18ly00588 ?
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