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02/07/2020 | FRANCE | N°18LY01931

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 02 juillet 2020, 18LY01931


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme d'un million d'euros, sauf à parfaire à la suite de l'expertise médicale sollicitée, d'ordonner une expertise concernant l'évaluation des préjudices, de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 75 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive dans l'attente du d

pôt du rapport d'expertise.

Par un jugement n° 1604925 du 27 mars 2018, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme d'un million d'euros, sauf à parfaire à la suite de l'expertise médicale sollicitée, d'ordonner une expertise concernant l'évaluation des préjudices, de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 75 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Par un jugement n° 1604925 du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à Mme D... la somme de 40 000 euros, sous déduction des sommes déjà versées à titre provisionnel, a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 1 000 euros à la charge définitive de l'ONIAM et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2018 régularisée le31 mai 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 25 juin 2018, Mme D..., représentée par la SELARL Clapot-Lettat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité le montant de son indemnisation à la somme de 40 000 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice esthétique et n'a pas fait droit à sa demande d'expertise devant permettre de fixer les préjudices définitifs en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme d'un million d'euros, à parfaire à la suite de l'expertise médicale sollicitée en référé et de l'expertise de consolidation demandée dans la présente instance, au titre de l'indemnisation de ses préjudices ;

3°) d'ordonner une expertise médicale de consolidation confiée au docteur Rigal ;

4°) d'ordonner le sursis à statuer concernant la liquidation de ses préjudices définitifs dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise médicale de consolidation aux fins d'évaluer les conséquences médico-légales de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

5°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 75 000 euros à titre de provision à valoir sur son indemnisation définitive, dans l'attente du rapport définitif du docteur Rigal ;

6°) à titre subsidiaire, d'ordonner le sursis à statuer de la présente instance en ce qui concerne la liquidation de ses préjudices dans l'attente du rapport d'expertise médicale définitif aux fins d'évaluer les conséquences médico-légales définitives de sa contamination par le virus de l'hépatite C et de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 90 540 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire jusqu'au 10 décembre 2016, des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire jusqu'au 10 décembre 2016, outre les autres postes temporaires non encore évalués à ce jour ou encore en cours de réévaluation à compter du 10 décembre 2016 ;

7°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CAMIEG et à la mutuelle MUTIEG ;

8°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'ONIAM a, dans son courrier du 18 avril 2016, reconnu qu'il existait une présomption d'imputabilité conformément aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 et qu'elle bénéficiait d'un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants permettant de faire présumer que sa contamination trouvait son origine dans les produits sanguins transfusés ; elle a donc contracté une hépatite C chronique active post-transfusionnelle d'origine transfusionnelle qui lui ouvre droit à une indemnisation des préjudices subis ;

- l'intégralité de ses préjudices doit être réparée par l'ONIAM ; les séquelles subies sont en lien avec la contamination post-transfusionnelle notamment avec l'apparition du diabète et d'une hypothyroïdie ; l'insuffisance thyroïdienne est directement imputable au traitement par interféron ;

- elle n'est pas en mesure de chiffrer son préjudice définitif puisque son état demeurait évolutif lors du dépôt du rapport d'expertise du docteur Rigal en décembre 2016 ; aucune liquidation définitive des préjudices ne peut être arrêtée ; c'est pourquoi elle sollicite l'allocation d'une provision à hauteur de 75 000 euros ; il n'est pas possible de liquider les préjudices temporaires compte tenu de l'absence de consolidation de son état de santé ;

- à titre subsidiaire, il y aura lieu de définir les indemnisations des préjudices temporaires en fonction des conclusions expertales ; il n'y a pas de consolidation possible avant de connaître le résultant du traitement associant Olysio et Sovaldi ; le déficit fonctionnel temporaire du 20 septembre 1991 au 10 décembre 2016 sera évalué à la somme de 64 540 euros ; le poste " souffrances endurées " sera évalué à la somme de 13 000 euros, poste qu'il conviendra de parfaire postérieurement au 10 décembre 2016 ; la même évaluation sera arrêtée en ce qui concerne le préjudice esthétique ; une allocation provisionnelle de 18 000 euros sera fixée pour le préjudice d'établissement dès lors que son état de santé lui a fait perdre une chance de se marier et de fonder une famille ;

- en ce qui concerne la demande d'expertise, elle a bénéficié d'un traitement par Sovaldi et Olysio de 12 semaines à partir du 31 octobre 2016 et a fini le traitement en juin 2018 et son examen viral est devenu négatif ; elle sollicite donc l'organisation d'une expertise de consolidation pour évaluer les conséquences médico-légales de cette contamination.

Par un mémoire, enregistré le 30 août 2018, l'ONIAM, représenté par Me C..., ne s'oppose pas à l'organisation de la mesure d'expertise complémentaire sollicitée, conclut à la réformation du jugement du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a retenu un déficit fonctionnel temporaire partiel de 34 % à compter du 1er janvier 2013 et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- l'expert n'a pas été en mesure de constater la consolidation de l'état de santé et rappelle que l'utilisation des nouveaux traitements pour l'hépatite C permet d'obtenir des résultats très efficaces qui peuvent entraîner la disparition du virus dans 90% des cas ;

- Mme D... a communiqué des pièces permettant de constater sa guérison virologique ; la consolidation peut être considérée comme acquise ;

- il ne s'oppose pas à une nouvelle expertise qui permettra de constater la consolidation de l'état de santé de Mme D... et d'évaluer les préjudices permanents ;

- Mme D... ayant bénéficié d'un traitement du mois d'octobre 2016 à janvier 2017, ayant conduit à sa guérison virologique, le principe d'un déficit fonctionnel temporaire de 34 % ne pourra être validé car il convient de connaître les conclusions du rapport d'expertise à intervenir pour évaluer à la fois la période et le taux de la dernière phase de déficit fonctionnel temporaire jusqu'à la consolidation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carriere, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Depuis octobre 1980, Mme B... D..., née le 17 mai 1980, est traitée pour une thalassémie majeure homozygote nécessitant des transfusions régulières de sang. Le 7 juillet 1987, elle a subi une greffe de moelle osseuse qui a échoué. Le 14 juin 1989, elle a subi une splénectomie pour limiter la destruction des globules rouges et une ponction biopsie hépatique a révélé une fibrose portale modérée et des signes très discrets d'hépatite chronique. Le 2 août 1989, une nouvelle tentative de greffe de moelle osseuse a échoué. En septembre 1991, une sérologie positive pour le virus de l'hépatite C a été mise en évidence. Le 4 mai 1993, une ponction biopsie du foie a révélé une hépatite chronique active de l'hépatite C qui a été traitée, du 16 juillet 1993 au 16 janvier 1994, par interféron à raison d'une dose de 30 0000 unités trois fois par semaine. En 2007, à la suite d'un fibroscan qui a révélé une importante fibrose de type 4, une deuxième cure d'interféron a été administrée à Mme D... du 1er octobre 2008 au 28 février 2009. Toutefois, ce traitement n'a pas permis d'obtenir des résultats satisfaisants. Devant l'aggravation lente mais inéluctable du tissu hépatique, un nouveau traitement par Sovaldi et Olysio a été prescrit à Mme D... et a débuté le 31 octobre 2016. Mme D... souffre également d'autres pathologies, à savoir une surcharge en fer, une ostéoporose, une insuffisance thyroïdienne mise en évidence en 1995 et un diabète de type 2. Le 30 octobre 2013, Mme D... a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), lequel a ordonné la désignation d'un médecin expert afin de déterminer l'origine de son infection par le virus de l'hépatite C et d'évaluer les conséquences médico-légales. Le 16 novembre 2015, l'ONIAM a désigné le docteur Bertrand Roques en qualité d'expert qui a déposé son rapport le 12 février 2016 et a souligné que l'état de Mme D... ne pouvait être considéré comme consolidé. Le 18 avril 2016, l'ONIAM a proposé d'indemniser les préjudices résultant de sa contamination en estimant qu'elle apportait un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants permettant de faire présumer que sa contamination avait trouvé son origine dans les produits sanguins transfusés. Mme D... a refusé comme insuffisante l'offre transactionnelle proposée par l'ONIAM. Par une ordonnance du 3 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a désigné le docteur Rigal en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 16 décembre 2016 qui a été complété le 12 janvier 2017. Par une ordonnance du 18 novembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à Mme D... une provision d'un montant de 15 000 euros. Mme D... relève appel du jugement du 27 mars 2018 en tant que le tribunal administratif de Lyon a limité son indemnisation par l'ONIAM à la somme de 40 000 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice esthétique, sous déduction des sommes déjà versées à titre provisionnel, et a rejeté sa demande tendant à la désignation d'un expert en vue de fixer les préjudices définitifs en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun à la CAMIEG et à la mutuelle MUTIEG :

2. Mme D... demande à la cour de déclarer le présent arrêt commun et opposable à la CAMIEG et à la MUTIEG. Toutefois, les tiers payeurs n'ont pas à être appelés à la cause dans un litige concernant la mise en oeuvre de la solidarité nationale par l'ONIAM. Dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la mise en oeuvre de la solidarité nationale :

3. Aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4. / Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite C et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination, notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé./ L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait de la contamination est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17. La victime dispose du droit d'action en justice contre l'office si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices ou si elle juge cette offre insuffisante. (...) ".

4. Il n'est pas contesté qu'en raison de sa thalassémie majeure homozygote, Mme D... a reçu, depuis octobre 1980, des transfusions de produits sanguins. Le docteur Roques, expert désigné par l'ONIAM, a retenu, à la suite de l'enquête transfusionnelle réalisée pour la période comprise entre le 1er novembre 1989 et le 31 août 1991, que l'origine transfusionnelle de la contamination de Mme D... par le virus de l'hépatite C reste la première cause à envisager. L'ONIAM ne conteste pas que la contamination de Mme D... est imputable à ces transfusions. Par suite, la présomption d'origine transfusionnelle de la contamination de Mme D... doit être retenue, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif au point 7 du jugement attaqué. Ainsi, il appartient à l'ONIAM, sur le fondement de l'article L. 1221-14 précité du code de la santé publique, d'indemniser au titre de la solidarité nationale Mme D....

Sur l'évaluation des préjudices subis par Mme D... :

5. Mme D... fait valoir qu'il n'est pas possible de chiffrer son préjudice définitif en l'absence de consolidation de son état de santé et demande, à titre principal, l'octroi d'une allocation provisionnelle et la désignation d'un expert.

Sur les conclusions de Mme D... tendant à ce que la cour sursoie à statuer sur l'évaluation définitive des préjudices dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise :

6. Si le juge du fond peut accorder une provision au créancier qui l'a saisi d'une demande indemnitaire lorsqu'il constate qu'un agissement de l'administration a été à l'origine d'un préjudice et que, dans l'attente des résultats d'une expertise permettant de déterminer l'ampleur de celui-ci, il est en mesure de fixer un montant provisionnel dont il peut anticiper qu'il restera inférieur au montant total qui sera ultérieurement défini, l'absence de consolidation, impliquant notamment l'impossibilité de fixer définitivement un taux d'incapacité permanente, ne fait pas obstacle à ce que soient mises à la charge du responsable du dommage les dépenses futures dont il est d'ores et déjà certain qu'elles devront être exposées à l'avenir, ainsi que la réparation de l'ensemble des conséquences déjà acquises de la détérioration de l'état de santé de l'intéressé. Toutefois, dans le cas d'une pathologie évolutive l'existence de traitements rendant possible une guérison fait obstacle à l'indemnisation des préjudices futurs, qui ne peuvent être regardés comme certains.

7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le docteur Rigal a été en mesure d'évaluer les périodes de déficit fonctionnel temporaire total et partiel, le préjudice esthétique, et les souffrances endurées en lien avec la contamination par le virus de l'hépatite C jusqu'à la date de la rédaction de son rapport d'expertise le 10 décembre 2016. Par suite, et nonobstant l'absence de date de consolidation de l'état de santé de Mme D..., la cour peut procéder, sur la base de ce rapport d'expertise suffisamment précis et étayé, à l'évaluation et à la réparation de ces chefs de préjudice pour la période courant jusqu'au 10 décembre 2016.

8. S'agissant du préjudice d'établissement, si l'expert a relevé que Mme D... avait perdu de façon très notable une chance de se marier et de fonder une famille, il y a toutefois lieu de réserver l'évaluation de ce chef de préjudice jusqu'au dépôt du rapport de l'expertise, prescrite au point suivant, qui permettra de déterminer plus précisément l'ampleur de ce préjudice.

9. Le docteur Rigal a également indiqué, dans son rapport, que " du fait de l'utilisation des nouveaux traitements de cette infection qui sont particulièrement efficaces puisqu'ils peuvent entraîner une disparition du virus dans 90 % des cas ", il n'a pas été en mesure de fixer la date de consolidation en l'absence de connaissance des résultats de l'effet de ces nouveaux traitements et préconisait de revoir la patiente au cours du mois de septembre 2017. Mme D... établit qu'à compter du 31 octobre 2016 elle a bénéficié d'un nouveau traitement antiviral C par Sovaldi et Olysio durant 12 semaines et que les résultats d'analyse biologique relative à sa charge virale à compter de décembre 2016 font état d'absence de signal mesurable. Un courrier du 23 mars 2017 du docteur Bizollon, spécialiste des maladies de l'appareil digestif et du foie, indique que " sa prise de sang est satisfaisante avec un virus qui s'est négativé et des transaminases qui se sont normalisées ". Par suite, il y a lieu pour la cour, avant de statuer sur la demande d'indemnité de Mme D... en ce qui concerne, d'une part, les préjudices qui n'ont pas pu faire l'objet d'une évaluation compte tenu du caractère évolutif de la pathologie et, d'autre part, la période postérieure au 10 décembre 2016 pour le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice esthétique, les souffrances endurées, postes ayant fait l'objet d'une évaluation jusqu'à cette date, d'ordonner avant dire droit une expertise, dans les conditions et aux fins ci-après définies pour fixer le montant définitif des dommages subis par l'intéressée.

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique et des souffrances endurées :

10. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que " si l'insuffisance thyroïdienne est en relation directe avec les traitements par l'interféron de l'hépatite C, l'origine du diabète de type 2 est plus difficile à délimiter. En effet, la surcharge en fer d'un facteur diabète homogène est bien connu dans le cadre des hémochromatoses. Cependant, l'altération progressive du foie sous la forme fibrose importante est un élément aggravant le diabète. C'est pourquoi nous retiendrons qu'une partie du diabète est imputable à l'hépatite C. ". L'expert a également précisé, à la suite de la demande de la chambre du tribunal administratif de Lyon en charge de l'instruction de cette affaire, qu'"il existe un lien indéniable entre infection par le virus de l'hépatite C et la survenue d'un diabète. En effet, ce virus infecte et détruit les îlots de Langerhans du pancréas qui produisent l'insuline. En effet, 30% des porteurs chroniques du virus développent un diabète. Compte tenu de la durée de l'infection par le virus (au moins 26 années) et de la charge virale et le génotype de type 1 b, on peut estimer que cette infection participe à hauteur de 2/3 à l'origine du diabète. Par ailleurs, la surcharge en fer conduisant à une hémochromatose est aussi à l'origine d'un diabète puisque 40% des sujets hémochromatosiques présentent un diabète. Dans le cas de Mme D..., sa surcharge en fer est modérée mais très bien maîtrisée par le traitement chélateur du fer. Ainsi la surcharge en fer chez cette patiente peut être impliquée en partie à l'origine de ce diabète. Nous pouvons considérer qu'il y participe à hauteur de 1/3. On peut donc dire que l'origine du diabète est principalement en relation avec l'infection par le virus de l'hépatite C. En ce qui concerne l'asthénie, il est très difficile de déterminer la part de chaque pathologie dans la fatigue que ressent la patiente car tout est très intriqué dans ces situations. On peut dire que l'infection par le virus de l'hépatite C est très asthéniante du fait de la production chronique d'interféron. Cependant, il est impossible de quantifier la part de chaque pathologie. ". Eu égard aux conclusions expertales qui ne sont pas sérieusement contestées, l'évaluation des préjudices dont souffre Mme D... doit tenir compte de l'insuffisance thyroïdienne et du diabète de type 2 qui apparaissent comme une complication de l'infection par le virus de l'hépatite C.

11. Si l'ONIAM soutient que le taux de déficit fonctionnel temporaire de 34% ne pourra être retenu pour évaluer la période et le taux de la dernière phase de déficit fonctionnel temporaire jusqu'à sa consolidation eu égard au traitement dont elle a bénéficié depuis octobre 2016, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que c'est seulement au vu des résultats de l'expertise médicale qu'il sera possible de déterminer avec exactitude l'ampleur des préjudices invoqués par Mme D... à l'exclusion de ceux faisant l'objet d'une indemnisation dans le présent arrêt.

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire du 20 septembre 1991 au 10 décembre 2016 :

12. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le déficit fonctionnel temporaire a été total pendant une durée d'un mois correspondant aux jours cumulés pour la réalisation des examens et en particulier des biopsies hépatiques, puis de 5% du 20 septembre 1991 au 17 juillet 1993, de 20% du 18 juillet 1993 au 16 janvier 1994 correspondant au premier traitement à l'interféron, de 13% du 17 janvier 1994 au 31 décembre 1997, de 18% du 1er janvier 1998 au 1er octobre 2007, de 28% du 2 octobre 2007 au 1er octobre 2008 et du 1er mars 2009 au 31 décembre 2012, de 35% du 2 octobre 2008 au 28 février 2009 correspondant au second traitement par interféron, de 34 % du 1er janvier 2013 au 10 décembre 2016. Il résulte de l'instruction que l'expert a évalué les différents taux de déficit fonctionnel temporaire partiel en retenant les préjudices en lien avec l'hépatite C. Par suite, les premiers juges ont fait une juste appréciation de cette période de déficit fonctionnel temporaire total et partiel en l'évaluant à la somme de 35 000 euros jusqu'à la date du 10 décembre 2016.

S'agissant du préjudice esthétique jusqu'au 10 décembre 2016 :

13. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme D... a souffert d'une alopécie durant le second traitement par interféron pendant une durée de six mois qui a été évaluée par l'expert à 2 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 1 000 euros jusqu'au 10 décembre 2016.

S'agissant des souffrances endurées jusqu'au 10 décembre 2016 :

14. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les souffrances endurées par Mme D... ont été évaluées par l'expert à 2 sur une échelle de 7 et correspondent aux traitements par interféron pendant une période de 11 mois. Les premiers juges ont toutefois réévalué les souffrances endurées à 3 sur une échelle de 7 en retenant, sans que cela ne soit contesté, que Mme D... a dû subir plusieurs ponctions-biopsies par interféron en 1993 et 2008-2009 et qu'à la suite de ce traitement, elle a développé des effets secondaires avec une asthénie marquée, des complications hématologiques se traduisant par une thrombopénie, des céphalées, des douleurs abdominales et des vomissements quotidiens et que, lors du second traitement par interféron, les effets secondaires particulièrement marqués ont conduit à la prescription d'arrêts de travail. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 4 000 euros jusqu'au 10 décembre 2016.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la désignation d'un expert pour évaluer ses préjudices définitifs compte tenu des effets du nouveau traitement qui lui a été administré contre le virus de l'hépatite C.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'expertise présentées par Mme D....

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête, à l'exclusion des préjudices qui ont fait l'objet d'une indemnisation jusqu'à la période du 10 décembre 2016, procédé à une expertise médicale. L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : L'expert aura pour mission :

1°) de prendre connaissance du ou des dossier(s) médical(ux) de Mme D..., de se faire communiquer toute pièce utile et de convoquer et entendre les parties ;

2°) de décrire les troubles présentés par Mme D... et d'identifier ceux d'entre eux en lien direct avec sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

3°) de décrire le ou les traitement(s) suivi(s) par M. D..., leur efficacité et leur tolérance ;

4°) de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de Mme D... et d'évaluer, le cas échéant, le déficit fonctionnel permanent ;

5°) de rechercher et quantifier tous les éléments de préjudices susceptibles de découler de la contamination de Mme D... par le virus de l'hépatite C, à savoirles préjudices à caractère patrimonial soit les dépenses de santé passées et futures, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et les autres dépenses éventuelles (assistance par tierce personne...) et les préjudices à caractère personnel, dont le préjudice d'établissement, à l'exclusion, s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique et des souffrances endurées, de la période allant jusqu'au 10 décembre 2016 ;

6°) de donner son avis sur les répercussions de l'incapacité médicalement constatée sur la vie personnelle et professionnelle de Mme D... ;

7°) d'une façon générale, de recueillir tous éléments et faire toutes autres constatations utiles de nature à éclairer la cour dans son appréciation des préjudices subis, à l'exclusion du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique et des souffrances endurées pour la période allant jusqu'au 10 décembre 2016.

Article 4 : L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires dans un délai de quatre mois et en notifiera des copies aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification peut s'opérer sous forme électronique.

Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières et à la mutuelle des industries électriques et gazières.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 juillet 2020.

2

N° 18LY01931


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01931
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL BIROT-MICHAUD-RAVAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-02;18ly01931 ?
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