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25/08/2020 | FRANCE | N°18LY03597

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 août 2020, 18LY03597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement avant dire droit du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a ordonné une expertise médicale afin de décrire la part des préjudices subis par M. E... A... qui ont été causés par l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention du 24 octobre 2008 et déterminer ainsi la personne publique responsable de leur indemnisation.

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui donner acte de son désistement à l'encontre de l'Office national d'in

demnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement avant dire droit du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a ordonné une expertise médicale afin de décrire la part des préjudices subis par M. E... A... qui ont été causés par l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention du 24 octobre 2008 et déterminer ainsi la personne publique responsable de leur indemnisation.

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui donner acte de son désistement à l'encontre de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), de condamner le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman à lui verser une somme totale de 610 395,73 euros au titre des préjudices subis du fait de l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention chirurgicale du 24 octobre 2018.

Par un jugement n° 1306910 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman à verser à M. A... une somme de 126 500 euros sous déduction de la provision de 7 000 euros déjà versée, a mis les frais d'expertise à la charge définitive du centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman, a mis l'ONIAM hors de cause et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2018, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 31 octobre et le 19 novembre 2019, M. E... A..., représenté par Me D..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, :

1°) de réformer le jugement du 10 juillet 2018 en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à la totalité de ses demandes concernant les frais de déplacement, la perte de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel ;

2°) de condamner, à titre principal, le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman ou, à titre subsidiaire, l'ONIAM à lui verser les sommes de 5 515,80 euros pour les frais de déplacement, de 5 000 euros pour la perte de gains professionnels futurs, de 370 000 euros pour l'incidence professionnelle, de 15 000 euros pour le préjudice d'agrément, de 5 000 euros pour le préjudice sexuel, soit un total de 400 515,80 euros, outre les 124 000 euros alloués par le tribunal administratif sur les autres postes de préjudice ;

3°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la SHAM (société hospitalière d'assurances mutuelles) et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'appel incident du centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman et de son assureur est irrecevable dès lors que son appel est limité au chiffrage de certains postes de préjudice ; aucun appel portant sur le principe de la responsabilité du centre hospitalier n'a été formé dans le délai légal à la suite de son appel principal ;

- le débat sur le débiteur de l'indemnisation a lieu depuis 2013 et c'est la raison pour laquelle une expertise médicale a été confiée au docteur Heckel ; il ressort de ce rapport que le déficit fonctionnel permanent imputable à l'infection nosocomiale est de 20% et il explique les raisons pour lesquelles il a retenu ce taux ;

- s'agissant des frais divers, il produit un tableau récapitulatif, les ordonnances, les comptes rendus d'analyse et autres documents établissant qu'il a effectué les trajets listés pour se rendre à des consultations, pour être hospitalisé ou recevoir les soins rendus nécessaires pour la prise en charge de l'infection nosocomiale ; des frais ont également été engagés pour se rendre aux expertises médicales ordonnées par la CRCI ou le tribunal administratif ; il sollicite la somme de 5 515,80 euros à ce titre ;

- s'agissant de la perte de gains professionnels futurs, après une longue période d'arrêt maladie, il a été placé en invalidité 2ème catégorie le 1er mars 2010, puis en retraite à compter du 1er novembre 2012, à l'âge légal de départ à la retraite en application de la réforme de 2010 ; du fait de son arrêt maladie et de sa mise en invalidité, le salaire annuel retenu à partir de 2009 a été en forte baisse et même nul pour l'année 2011 ; il n'a pas pu revaloriser sa retraite pendant les trois dernières années du fait de son arrêt maladie puis de son invalidité ; il a sollicité, en vain, la CARSAT à plusieurs reprises pour obtenir la justification que, sans cet arrêt maladie et sa mise en invalidité, il aurait augmenté ses droits à pension ; il sollicite la somme de 5 000 euros ;

- s'agissant de l'incidence professionnelle, il était le chef cuisinier de la SA Les Flots Bleus dont son épouse était le directeur général ; le couple a été contraint de céder l'intégralité des actions de la société le 13 mai 2011 compte tenu de son arrêt maladie et de son invalidité ; cette vente anticipée de l'établissement a engendré une plus-value imposable ; l'expert a souligné qu'il avait perdu son emploi de chef cuisinier et qu'il avait été dans l'obligation de vendre son établissement ; ils ont subi une imposition sur les plus-values mobilières et n'ont pu bénéficier de l'exonération desdites plus-values prévues alors à l'article 150-0-D ter du code général des impôts ; pour pouvoir bénéficier de cette exonération, il aurait fallu qu'ils prennent leur retraite au plus tard dans les 24 mois suivant la cession ; si M. A... a été mis à la retraite le 1er novembre 2012, son épouse n'avait pas atteint l'âge légal pour faire valoir ses droits à la retraite dans les 24 mois suivant la cession, soit avant le 13 mai 2013 ; les différentes expertises ont souligné qu'il avait été contraint de cesser toute fonction professionnelle et de recevoir l'aide quotidienne de son épouse, directrice de la société ; il sollicite la somme de 130 000 euros ;

- s'agissant du préjudice d'agrément, il pratiquait de nombreuses activités, il ne peut plus conduire les trois voitures de collection qu'il possède ; ce préjudice sera évalué à la somme de 15 000 euros ;

- s'agissant du préjudice sexuel, les experts ont retenu l'existence de ce préjudice ; à la date de l'infection nosocomiale, il n'était âgé que de 56 ans et avait des relations régulières avec son épouse ; il sollicite la somme de 5 000 euros au titre de ce chef de préjudice ; le docteur Heckel a précisé que si les rapports sexuels ne sont pas impossibles du fait de l'état séquellaire, la pratique en est rendue malaisée ;

- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées a été justement évaluée par les premiers juges ;

Par des mémoires, enregistrés le 3, le 22 octobre et le 7 novembre 2019, le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me F..., concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Grenoble et au rejet des demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Ils soutiennent que :

- l'appel incident est recevable ; l'appel principal qui porte sur le montant de l'indemnité allouée ouvre au défendeur la faculté de relever appel incident de la partie du jugement qui retient le principe de sa responsabilité ;

- le dispositif introduit par la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale fait reposer la charge de la réparation des infections nosocomiales sur l'ONIAM dès lors que le dommage occasionné excède les limites fixées par la loi ; selon que l'infection nosocomiale aura engendré ou non un déficit fonctionnel permanent supérieur à 25%, sa réparation incombera soit à l'ONIAM au titre de la solidarité nationale soit au service public hospitalier au titre de la responsabilité de l'établissement ; le taux retenu par le docteur Heckel de 20 % de déficit fonctionnel permanent partiel imputable à l'infection nosocomiale est en contradiction avec ceux relevés par les deux précédentes expertises ; le professeur Fessy et le docteur Chapuis avaient précisé que le taux de déficit fonctionnel permanent avoisinerait les 24% sauf complications ; le docteur Leclerc a indiqué que le taux de déficit fonctionnel permanent devait être fixé à 30% et a expliqué les raisons médicales pour lesquelles il avait fixé le déficit fonctionnel permanent à 30% ; dans son avis du 14 mai 2013, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) a suivi la position de l'expert ; par suite, les conséquences de l'infection nosocomiale relèvent de la solidarité nationale et il appartient à l'ONIAM de réparer les préjudices subis par M. A... ;

- M. A... ne justifie pas de ses frais de déplacement ;

- M. A... ne démontre pas que les années d'activité qu'il n'a pas pu assurer auraient permis d'augmenter ses droits à pension en se bornant à produire un relevé de carrière s'arrêtant à l'année 2006, période antérieure au fait générateur ; il bénéficiait dès cette année d'arrêts de travail ;

- même si Mme A... avait pu prendre sa retraite au plus tard dans les 24 mois de la cession, le couple n'aurait pu bénéficier de l'exonération des plus-values prévues à l'article 150-0-D du code général des impôts dès lors que M. A... n'exerçait pas, à la date de la cession, la fonction d'administrateur ; seuls les préjudices propres en lien avec l'infection nosocomiale ont vocation à être indemnisés et non ceux de son épouse ;

- la demande au titre du préjudice d'agrément est excessive ;

- M. A... n'établit pas la réalité du préjudice sexuel en se bornant à faire référence à son âge et au fait qu'il a déjà fondé une famille ; les experts n'ont pas retenu de préjudice sexuel ;

- les premiers juges ont procédé à une évaluation excessive en indemnisant le déficit fonctionnel permanent à hauteur de 35 000 euros alors que M. A... était âgé de 60 ans à la date de consolidation ; ce chef de préjudice devra être ramené à de plus justes proportions, soit 26 000 euros ; s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, l'indemnisation par les premiers juges est excessive et sera ramenée à la somme de 7 935 euros ; s'agissant des souffrances endurées, ce préjudice ne saurait excéder la somme de 20 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 2 novembre 2019, l'ONIAM, représenté par Me C..., conclut à la confirmation du jugement du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Grenoble s'agissant de sa mise hors de cause et au rejet de l'appel incident du centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman et de la SHAM.

Il soutient que :

- sur la recevabilité de l'appel incident du centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman et de la SHAM : M. A... n'a remis en cause que le montant de l'indemnisation allouée au titre de ses préjudices et uniquement s'agissant des frais de déplacement, des pertes de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle, du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel ; l'appel du centre hospitalier et de son assureur sur le principe de sa responsabilité, formé de façon incidente le 3 octobre 2019, après l'expiration du délai d'appel, est irrecevable ;

- le docteur Heckel retient un déficit fonctionnel permanent partiel imputable à l'infection de 20% et l'explique dans son rapport d'expertise ; dès lors, la prise en charge incombe dans ces conditions à l'établissement de santé en application de l'alinéa 2 de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et il sera nécessairement mis hors de cause.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 octobre 2008, M. E... A... a été hospitalisé au sein du centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman - hôpital Georges Pianta - pour y subir une arthroplastie totale de la hanche gauche. Il a regagné son domicile le 3 novembre 2008. Le 14 novembre 2008, il a fait l'objet d'une nouvelle opération consistant dans le changement des implants et l'excision de l'ensemble des lésions nécrotiques et hémorragiques compte tenu de la mise en évidence d'une infection de la prothèse. Une antibiothérapie a été débutée. Des prélèvements ont été effectuées et la bactériologie a isolé un staphylococcus aureus. Le 1er décembre 2008, il a été transféré au centre de rééducation Zander à Aix-les-Bains. Devant la persistance des douleurs, il a été de nouveau transféré à l'hôpital Georges Pianta où les examens réalisés n'ont pas mis en évidence de récidive d'infection, avant de poursuivre sa rééducation au centre Zander. Le 23 avril 2009, une scintigraphie a fait suspecter une récidive de sepsis et une antibiothérapie a été prescrite. Du 19 au 23 octobre 2009, il a été hospitalisé dans le service des maladies infectieuses des Hospices civils de Lyon pour suspicion de récidive de son infection sur la prothèse de hanche gauche. Le 5 novembre 2009, un bilan a été réalisé au centre hospitalier de Chambéry. Devant la persistance des douleurs et après une scintigraphie osseuse réalisée le 18 novembre 2010 et une scintigraphie aux polynucléaires réalisée le 4 janvier 2011, une reprise chirurgicale de la prothèse en deux temps a été décidée. Le 6 juin 2011, M. A... a été hospitalisé à l'hôpital Lyon Sud pour subir l'ablation de sa prothèse avec mise en traction dans l'attente de la pause de la nouvelle prothèse qui a eu lieu le 26 juillet 2011. Une antibiothérapie a été mise en place jusqu'en décembre 2011.

2. M. A... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Rhône-Alpes d'une demande d'indemnisation des préjudices subis à la suite de l'intervention du 24 octobre 2008. La CRCI a ordonné une expertise confiée au professeur Fessy et au docteur Chapuis. A la suite du dépôt du rapport d'expertise le 17 février 2011, la CRCI a estimé, dans un avis du 12 avril 2012, que l'assureur du centre hospitalier intercommunal des Hôpitaux du Léman, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), était tenu d'assurer la réparation des dommages subis par M. A.... A la suite de la consolidation de son état de santé, M. A... a saisi la CRCI Rhône-Alpes qui a désigné le docteur Leclerc en qualité d'expert. Celui-ci a estimé, dans son rapport remis le 8 janvier 2013, que le taux du déficit fonctionnel permanent était de 30%. Par un second avis du 14 mai 2013, la CRCI a indiqué qu'il appartenait à l'ONIAM de faire une offre d'indemnisation en vue de la réparation intégrale des préjudices subis, déduction faite, le cas échéant, de la provision déjà versée, en application des dispositions du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Par un courrier du 9 juillet 2013, l'ONIAM a refusé de faire une offre d'indemnisation en précisant que le taux de déficit fonctionnel permanent retenu par le docteur Leclerc était contradictoire avec le taux retenu par le professeur Fessy de 24 %. Le 23 octobre 2013, M. A... a formé une réclamation préalable indemnitaire auprès du centre hospitalier intercommunal des Hôpitaux du Léman qui a rejeté cette demande au motif qu'il appartenait à l'ONIAM de prendre en charge l'indemnisation en lien avec l'infection nosocomiale. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman à l'indemniser des préjudices subis et à la désignation d'un expert en vue notamment de déterminer le débiteur de l'obligation. Par un jugement avant dire droit du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de provision de M. A... et a prescrit l'organisation d'une nouvelle expertise, l'expertise du docteur Leclerc à la demande de la CRCI n'ayant pas été réalisée au contradictoire de l'ONIAM. Par une ordonnance du 24 mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné le docteur Heckel en vue de déterminer notamment le taux de déficit fonctionnel permanent. Le 24 juillet 2017, il a déposé son rapport qui précisait que le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'infection nosocomiale était de 20%. M. E... A... relève appel du jugement du 10 juillet 2018 en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à la totalité de ses demandes concernant les frais de déplacement, la perte de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), concluent à l'annulation du jugement du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Grenoble et au rejet des demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur la recevabilité de l'appel incident du centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman et de son assureur :

3. En contestant, par la voie de l'appel incident, le principe de la responsabilité retenu par le jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble qui a condamné l'hôpital à réparer les préjudices subis par M. A... en lien avec l'infection nosocomiale dont il a été victime, le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman et son assureur ne soulèvent pas un litige distinct de l'appel de M. A... lequel tend à la réformation du jugement du 10 juillet 2018 en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à la totalité de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre du centre hospitalier. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée aux conclusions de l'appel incident doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun à la CPAM et à la SHAM :

4. Aux termes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celleci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun. Tel n'est pas le cas s'agissant des sociétés d'assurance. Seules les conclusions de M. A... tendant à ce que la CPAM de la Loire qui a, au demeurant, été régulièrement mise en cause doivent être accueillies. Les conclusions en déclaration de jugement commun à la SHAM, laquelle est en tout état de cause présente dans la procédure, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la responsabilité du centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman :

5. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) ". Ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des dommages résultant des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère ne soit apportée et à condition que l'infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge n'ait été ni présente, ni en incubation au début de cette prise en charge, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge et que le taux d'incapacité permanente qu'elle a entraîné est inférieur ou égal à 25 %. Dans le cas où une infection est contractée à l'occasion d'une opération communément pratiquée, sans risque particulier et se déroulant sans incident, il appartient au juge administratif, pour évaluer l'atteinte à l'intégrité physique résultant de l'infection nosocomiale, non pas de calculer la différence entre la capacité du patient avant l'intervention et sa capacité après consolidation, mais de tenir compte de la capacité dont l'intervention aurait permis la récupération en l'absence de l'infection.

6. Le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman conteste l'évaluation du taux de déficit fonctionnel permanent à 20% imputable à l'infection nosocomiale retenu par le docteur Heckel en faisant valoir qu'il est contradictoire avec le taux retenu par les deux précédentes expertises.

7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du professeur Fessy et du docteur Chapuis et il n'est pas contesté que l'infection du site opératoire à staphylococcus dont a souffert M. A... doit être regardée comme nosocomiale et en lien direct et certain avec l'intervention pratiquée le 24 octobre 2008.

8. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du professeur Fessy et du docteur Chapuis que ceux-ci ont estimé qu'il n'était pas possible de déterminer le déficit fonctionnel permanent résiduel qui dépendait du résultat de la reprise chirurgicale mais ont précisé que " sauf complication majeure, il devait être en dessous de 24% ". Une nouvelle mission d'expertise a été confiée au docteur Leclerc à la demande de la CRCI Rhône-Alpes postérieurement à la date de consolidation de l'état de santé de M. A... fixée au 23 juillet 2012. Le docteur Leclerc a évalué le taux de déficit fonctionnel permanent à 30% compte tenu de la raideur de la hanche gauche, des douleurs permanentes nécessitant un traitement continu et des souffrances psychiques entraînées par le handicap. Postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, et par lettre du 25 mars 2013, il a précisé à la présidente de la CRCI que le taux de déficit fonctionnel permanent retenu de 30% " correspond à l'ensemble des séquelles présentées par M. A... entravant sa vie quotidienne et dues à l'infection nosocomiale en soulignant que l'état fonctionnel de la hanche s'est aggravé après la dernière intervention et que le guide barème ne mentionne pour la hanche qu'une partie du handicap présenté par M. A... car l'infection nosocomiale a entraîné, du fait de la raideur, d'autres déficits ", à savoir " - une limitation du périmètre de marche à 300 mètres nécessitant le verrouillage du genou, la gêne dans les escaliers, - une amyotrophie quadricipitale de 3 cm. et du moyen fessier entraînant une instabilité à la marche avec risque de chute, - les douleurs permanentes diurnes et nocturnes, - les douleurs psychiques induites par la cessation des activités d'hôtelier-restaurateur ". Eu égard à l'absence de caractère contradictoire de cette expertise vis-à-vis de l'ONIAM, une nouvelle expertise a été confiée au docteur Heckel. Celui-ci a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 20 % et a pris en compte " non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques, mais aussi les troubles dans les conditions d'existence et les souffrances que rencontre l'intéressé au quotidien après consolidation : estimé à 25% au global, prenant en compte l'ensemble des préjudices de M. A... dans les suites d'une prothèse totale de hanche compliquée d'infection nosocomiale et par comparaison avec le côté contro-latéral où la prothèse totale de hanche a obtenu un résultat satisfaisant, il est habituellement retenu un déficit fonctionnel permanent de 5%, le préjudice imputable à l'infection nosocomiale retenu est donc de 20% ".

9. En l'espèce, l'intervention d'arthroplastie totale de hanche gauche s'est déroulée sans incident. Le docteur Heckel a arrêté le taux global d'incapacité permanente dont M. A... est atteint à 25% en se référant au barème d'évaluation des taux d'incapacité des victimes d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales mentionné à l'article D. 1142-2 du code de la santé publique fixé à l'annexe 11-2 - VI - appareil locomoteur du code de la santé publique, qui précise que la raideur de hanche en attitude vicieuse (flexum, rotation interne, adduction) est évaluée entre 20 à 25 % de déficit fonctionnel permanent et qu'en cas d'ankylose, c'est-à-dire de raideur serrée sans fusion radiologique, le taux est porté à 30%, et en tenant compte des atteintes fonctionnelles et des troubles dans les conditions d'existence, y compris les souffrances endurées, de M. A.... Il a ensuite déduit de ce taux d'incapacité global 5% qui correspond, selon son analyse, au déficit fonctionnel permanent qui aurait été nécessairement conservé même en l'absence des complications infectieuses et par comparaison avec le côté contro-latéral où la prothèse totale de hanche a obtenu un résultat satisfaisant.

10. Si le docteur Leclerc retient un taux de 30% " correspondant à l'ensemble des séquelles présentées par M. A... entravant sa vie quotidienne et dues à l'infection nosocomiale ", il n'a pas relevé que la raideur dont souffre l'intéressé était qualifiable d'ankylose. Compte tenu du barème d'évaluation mentionné au point 8 et des caractéristiques du déficit fonctionnel dont reste atteint M. A..., il y a lieu de retenir un taux de déficit fonctionnel permanent de 25 %. Par ailleurs, le taux retenu par le docteur Leclerc n'a pas été fixé en se référant à la capacité fonctionnelle dont l'intervention aurait permis la récupération en l'absence de cette infection. Par suite, et compte tenu de la déduction du taux d'incapacité de 5% correspondant au déficit fonctionnel permanent qui aurait été nécessairement conservé même en l'absence de complications infectieuses, l'atteinte à l'intégrité physique résultant de l'infection nosocomiale correspondant à l'aggravation de l'incapacité directement imputable à l'infection nosocomiale dont a été victime M. A..., doit être fixée à un taux de déficit fonctionnel permanent de 20 %, soit un taux inférieur à celui de 25% visées par les dispositions précitées de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique. Il s'ensuit que les préjudices consécutifs à l'infection nosocomiale dont M. A... a été victime doivent être réparés par le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman et que l'ONIAM doit être mis hors de cause.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Quant aux frais de santé :

11. Aucune des parties ne conteste le jugement attaqué en ce qu'il a évalué à la somme de 1 064 euros les dépenses de santé restées à la charge de M. A... pour son séjour en août 2011 au sein de l'établissement de santé Zander.

Quant aux frais divers :

12. M. A... fait valoir qu'il a dû engager des frais de déplacement et produit un tableau faisant état de tels frais pour un montant total de 5 515,80 euros.

13. Il résulte de l'instruction que M. A..., domicilié à Saint Marigny-Saint-Marcel, a été contraint, compte tenu l'infection nosocomiale dont il a été victime, de se rendre aux Hôpitaux du Léman - site Georges Pianta situé à Thonon-Les-Bains les 10 novembre et 5 décembre 2008 et 2 mars 2010 ; à l'hôpital Camille A... situé à Evian-les-Bains le 14 octobre 2009 et en janvier 2010 ; au centre hospitalier de Chambéry, les 26 janvier, 4 mars, 13 mai, 30 septembre et 5 novembre 2009, aux Hospices civils de Lyon les 6 juin, 25 juillet et 19 octobre 2009, le 17 octobre 2011, le 6 février, 9 mai, 25 juin et 23 juillet 2012. Il a séjourné également au centre de réadaptation fonctionnelle et de soins Zander situé à Aix-les-Bains dans le cadre de transferts à partir de centres hospitaliers et pour lesquels il n'est pas démontré qu'il aurait dû engager des frais de déplacement avec son véhicule personnel. Il établit avoir subi une scintigraphie à Bonneville le 11 et 15 décembre 2008 ainsi que le 23 et 28 avril 2009 et une échographie, le 27 avril 2009, aux hôpitaux du Léman site Georges Pianta. M. A... a fait l'objet d'analyses sanguines prescrites par le médecin en charge du service de chirurgie orthopédique ou le médecin en charge du service d'infectiologie les 11 et 31 mars 2009, le 26 février 2010 dans un laboratoire d'analyse médicale de Rumilly ; le 31 mars, les 14, 20 et 27 avril, les 4, 11, 18 et 25 mai, les 2, 8, 15, 22, 29 juin, les 6, 13 et 27 juillet, le 10 août, les 7 et 21 septembre, les 5, 12, 27 octobre et le 2 novembre 2009, les 29 mars, 10 mai, 6 juillet 2010, 3 août et 4 octobre 2010 dans un laboratoire d'analyse médicale de Thonon-les-Bains et le 23 janvier 2010 dans un laboratoire d'analyse médicale de Seynod. Il a également engagé des frais de déplacement pour se rendre aux réunions d'expertise du professeur Fessy et du docteur Chapuis les 18 octobre 2010 et 31 janvier 2011 au centre d'orthopédie traumatologique du centre hospitalier de Lyon, à la réunion d'expertise du docteur Leclerc le 21 décembre 2012 à Pontarlier et du docteur Heckel le 24 juillet 2017 à Sainte-Foy-les-Lyon. Il sera fait une juste appréciation des frais de déplacement en lien avec les préjudices résultant de l'infection nosocomiale dont il a été victime en les évaluant à la somme de 1 600 euros.

14. Aucune des parties ne conteste le jugement attaqué en ce qu'il a fixé à la somme de 3 875 euros les frais relatifs à l'assistance du docteur Lainé tant pour évaluer l'état de santé de M. A... à l'automne 2009 que pour l'assister lors du déroulement des expertises.

Quant aux frais d'assistance par une tierce personne avant consolidation :

15. Aucune des parties ne conteste le jugement attaqué en ce qu'il a fixé à la somme de 5 040 euros les frais d'assistance par une tierce personne nécessités par l'état de santé de M. A..., à hauteur de 2 heures hebdomadaires pour les semaines où l'intéressé n'était pas hospitalisé.

Quant à la perte de revenus liée à la liquidation de la retraite :

16. M. A... fait valoir qu'il a perdu des droits à pension pendant ses trois dernières années d'activité du fait de son arrêt de maladie et de sa mise en invalidité et qu'il aurait pu augmenter ses droits à pension.

17. Il résulte de l'instruction que M. A... exerçait la profession de chef cuisinier dans un restaurant-hôtel situé à Yvoire. Il a subi une période d'arrêt de travail imputable à l'infection nosocomiale du 1er octobre 2009 au 28 février 2010 et à compter du 1er mars 2010, il a été mis en invalidité catégorie 2. Il a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite à compter du 1er novembre 2011. Au soutien de ses prétentions, il se borne à produire un relevé de carrières de la CARSAT Rhône-Alpes faisant état de ses périodes d'activité de 1967 à 2006 et un courrier du 13 juin 2018 par lequel la CARSAT lui indique, après avoir relevé qu'il était à la retraite à l'âge légal depuis le 1er novembre 2012, ne pas être en mesure de calculer une retraite en 2016 en supposant des salaires, sans cotisation prélevée et sans justificatif. Par suite, M. A... ne justifie pas, par les pièces produites, avoir entrepris les démarches nécessaires pour que la CARSAT soit en mesure de réaliser une simulation de ses droits à pension s'il n'avait pas été victime d'un arrêt de maladie puis d'une mise en invalidité en lien avec l'infection nosocomiale dont il a été victime et ne permet pas au juge d'apprécier le bien-fondé de sa demande indemnitaire au titre de la perte de revenus liés à la liquidation de la retraite. Par suite, ce chef de préjudice ne peut être accueilli.

Quant à la perte de revenus liée à la vente anticipée de l'établissement :

18. M. A... fait valoir que son épouse et lui-même ont été contraints de céder de façon anticipée l'intégralité des titres de la SAS Les Flots Bleus le 13 mai 2011 et qu'ils n'ont pas pu bénéficier de l'exonération des plus-values mobilières en application de l'article 150-0-D ter du code général des impôts. Il résulte de l'instruction que si l'administration fiscale a indiqué, par un courrier du 7 septembre 2012, que " l'article 150-0-D ter du code général des impôts prévoit, sous certaines conditions, l'application immédiate d'un abattement pour durée de détention aux gains nets réalisés du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2013 par les particuliers lors de la cession de droits sociaux de petites et moyennes entreprises par leur dirigeant à l'occasion de leur départ à la retraite (...) ", que " Mme A..., bien qu'exerçant une fonction de direction, ne respecte pas la condition permettant l'ouverture de ses droits à la retraite dans les 24 mois de la cession " et que, par suite, les époux A... ne pouvaient pas bénéficier des dispositions de l'article 150-0-D ter du code général des impôts, il n'est pas établi que Mme A..., dirigeante de la société Les Flots Bleus, a été contrainte, du fait de l'infection nosocomiale dont son mari a été victime, de cesser toute fonction dans la société avant d'avoir atteint l'âge légal de la retraite dans le délai de 24 mois suivant la cession. Par suite, ce chef de préjudice ne peut être accueilli.

Quant aux frais de véhicule adapté :

19. Aucune des parties ne conteste le jugement attaqué en ce qu'il a fixé à la somme de 4 141 euros le surcoût constitué par l'acquisition, toutes les huit années, d'un véhicule équipé d'une boite de vitesses automatique par rapport à un véhicule doté d'une boite manuelle.

Quant aux frais d'assistance par une tierce personne après consolidation :

20. Aucune partie ne conteste le jugement attaqué en ce qu'il a fixé à la somme de 9 330 euros les frais d'assistance par une tierce personne pour les 311 semaines écoulées depuis la consolidation de l'état de santé du requérant, le 23 juillet 2012, et à la somme de 25 850 euros les frais d'assistance postérieurs au jugement.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

21. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du docteur Heckel que la date de consolidation de l'état de santé de M. A... a été fixée au 23 juillet 2012. L'expert a retenu que M. A... a subi une période de déficit fonctionnel temporaire total en lien avec l'infection nosocomiale du 10 novembre 2008 au 23 janvier 2009, le 6 mai 2009, du 19 octobre au 23 octobre 2009 et du 6 juin au 10 septembre 2011 et qu'en dehors des périodes d'hospitalisation et jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, M. A... a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de 30% à compter du 24 janvier 2009. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 9 000 euros. Par suite, le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman et son assureur sont seulement fondés à demander, par la voie de l'appel incident, que l'indemnité de 12 200 euros mise à la charge du centre hospitalier par le jugement du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Grenoble en réparation des souffrances endurées par M. A... soit ramenée à 9 000 euros.

Quant au déficit fonctionnel permanent :

22. Comme il a été dit au point 9, le docteur Heckel a retenu un déficit fonctionnel permanent imputable à l'infection nosocomiale de 20%. Compte tenu de l'âge de M. A... à la date de consolidation de son état de santé, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 35 000 euros.

Quant aux souffrances endurées :

23. L'expert a évalué ce préjudice à 5, 5 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 18 000 euros. Par suite, le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman et son assureur sont seulement fondés à demander, par la voie de l'appel incident, que l'indemnité de 25 000 euros mise à la charge du centre hospitalier par le jugement du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Grenoble en réparation des souffrances endurées par M. A... soit ramenée à 18 000 euros.

Quant au préjudice esthétique permanent :

24. Aucune des parties ne conteste le jugement attaqué en ce qu'il a fixé à la somme de 2 500 euros le préjudice esthétique, évalué à 2, 5 sur une échelle de 7 par l'expert.

Quant au préjudice d'agrément :

25. M. A... fait valoir qu'il pratique de nombreuses activités dont le golf, la randonnée et le vélo et qu'il ne peut plus conduire ses trois voitures de collection. En évaluant ce chef de préjudice à la somme de 2 500 euros compte tenu de ce que M. A... ne justifie pas de l'importance particulière que ces activités présentaient pour lui, les premiers juges ont fait une évaluation qui n'est ni insuffisante ni excessive.

Quant au préjudice sexuel :

26. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du docteur Heckel que l'expert a précisé que les rapports sexuels ne sont pas impossibles du fait de l'état séquellaire mais que la pratique en est rendue plus malaisée. Le préjudice sexuel comprend non seulement le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer, mais également le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même et notamment la perte de la capacité physique de réaliser l'acte. Compte tenu de la perte de mobilité de la hanche gauche et du genou gauche, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 2 000 euros.

27. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de ramener à 119 900 euros le montant de l'indemnité due par le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman, sous déduction de la provision de 7 000 euros déjà versée par la SHAM.

Sur les frais liés au litige :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à M. A... une somme au titre des frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.

Article 2 : La somme de 126 500 euros qui a été mise à la charge du centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman par l'article 1er du jugement du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Grenoble est ramenée à 119 900 euros, sous déduction de la provision de 7 000 euros déjà versée par la SHAM.

Article 3 : Ce jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... et des conclusions présentées par le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman et la SHAM est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., au centre hospitalier intercommunal des hôpitaux du Léman, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 août 2020.

2

N° 18LY03597


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03597
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : RAYNAUD VERONIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;18ly03597 ?
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