La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2021 | FRANCE | N°19LY03195

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 28 janvier 2021, 19LY03195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 17 juillet 2018 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est a rejeté sa candidature au recrutement par voie contractuelle de la filière réservée aux travailleurs handicapés d'un agent spécialisé de police technique et scientifique de la police nationale et, d'autre part, de condamner l'État à lui verser une somme de 25 000 euros, outre intérêts, en réparation des préjudices subis.


Par jugement n° 1806106 lu le 3 juillet 2019, le tribunal a condamné l'État à verse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 17 juillet 2018 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est a rejeté sa candidature au recrutement par voie contractuelle de la filière réservée aux travailleurs handicapés d'un agent spécialisé de police technique et scientifique de la police nationale et, d'autre part, de condamner l'État à lui verser une somme de 25 000 euros, outre intérêts, en réparation des préjudices subis.

Par jugement n° 1806106 lu le 3 juillet 2019, le tribunal a condamné l'État à verser à Mme D... une indemnité de 1 000 euros tous intérêts échus et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par requête enregistrée le 12 août 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement lu le 3 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) d'annuler la décision du 17 juillet 2018 du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Est ;

3°) d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Est de réexaminer son dossier d'admission dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de porter la condamnation de l'État à la somme de 25 000 euros assortie des intérêts à compter du 4 juin 2018, capitalisés ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que ses visas méconnaissent les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administratives et qu'il a été rendu à l'issue d'une procédure non contradictoire ;

- la décision du 17 juillet 2018 est entachée d'incompétence, de défaut de motivation et de l'absence de communication des motifs ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît le principe d'égal accès aux emplois publics et elle est entachée de détournement de procédure et de pouvoir ;

- ces illégalités fautives engagent l'État à en réparer les conséquences ; en outre, le préfet s'est abstenu d'exécuter l'injonction juridictionnelle délivrée le 20 octobre 2017 ;

- une somme de 12 000 euros lui sera allouée au titre de la perte de chance de faire carrière dans la fonction publique et une somme de 1 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence.

Par mémoire enregistré le 2 juillet 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de Mme D....

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 juillet 2020, la clôture de l'instruction sera fixée au 17 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 95-979 du 25 août 1995 modifié relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique pris pour l'application de l'article 27 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le décret n° 2002-812 du 3 mai 2002 portant statut particulier du corps des agents spécialisés de police technique et scientifique de la police nationale ;

- l'arrêté du 3 avril 2018 fixant les modalités d'organisation et le nombre de postes offerts aux concours d'agent spécialisé de police technique et scientifique de la police nationale, session 2018 ;

- l'arrêté du 20 juillet 2013 relatif à l'organisation, à la nature et au programme des épreuves des concours d'agent spécialisé de police technique et scientifique de la police nationale et portant déconcentration de l'organisation des concours ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 17 juillet 2018 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est a rejeté sa candidature au recrutement par voie contractuelle d'un agent spécialisé de police technique et scientifique de la police nationale et de condamner l'État à lui verser une somme de25 000 euros en réparation des préjudices subis. Par jugement lu le 3 juillet 2019, le tribunal a limité la condamnation de l'État à 1 000 euros tous intérêts échus et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme D... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le jugement attaqué visant les dispositions législatives et règlementaires dont il a fait application, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative manque en fait.

3. En second lieu, si le caractère contradictoire de la procédure fait obstacle à ce que le juge se fonde sur des pièces produites au cours de l'instance qui n'auraient pas été préalablement communiquées à chacune des parties, il en va autrement lorsqu'il se fonde sur un acte régulièrement publié et rendu opposable à raison même de sa publication. Il suit de là que pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué au motif que l'arrêté préfectoral du 1er février 2018 portant délégation de signature avait été régulièrement publié, le tribunal n'avait pas à communiquer cet arrêté aux parties à qui il était accessible et qu'elles pouvaient consulter.

Sur le fond du litige :

S'agissant de la décision du 17 juillet 2018 :

4. Aux termes de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " I - Aucun candidat ne peut être écarté, en raison de son handicap, d'un concours ou d'un emploi de la fonction publique, sauf si son handicap a été déclaré incompatible avec la fonction postulée à la suite de l'examen médical destiné à évaluer son aptitude à l'exercice de sa fonction (...) / II. Les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail [reconnues travailleurs handicapés] peuvent être recrutées en qualité d'agent contractuel dans les emplois de catégories A, B et C (...) / Ce mode de recrutement n'est pas ouvert aux personnes qui ont la qualité de fonctionnaire ". Le décret du 25 août 1995 susvisé, pris pour l'application de l'article 27 précité, met en oeuvre les conditions de recrutement des bénéficiaires de l'obligation d'emploi mentionnée à l'article 33 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, qui peuvent être recrutés en qualité d'agent contractuel, à la condition de n'être pas fonctionnaire.

5. Par jugement n° 1507026 lu le 27 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 11 juin 2015 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est avait rejeté la candidature de Mme D... au recrutement, par voie contractuelle de la filière de recrutement des travailleurs handicapés, d'un agent spécialisé de police technique et scientifique de la police nationale. Suite à l'injonction qui lui avait été délivrée, le préfet a, par la décision en litige du 17 juillet 2018, de nouveau rejeté la candidature de Mme D....

6. Or, il ressort des pièces du dossier que Mme D... était agent administratif principal des finances publiques depuis le 12 juin 2017 et qu'elle a été titularisée dans ce corps et à ce grade le 12 juin 2018. Compte tenu de sa qualité de fonctionnaire, le concours de recrutement ne lui était plus ouvert au 17 juillet 2018. Par suite l'administration était en situation de compétence liée pour rejeter sa candidature et les moyens tirés de l'incompétence du signataire, du défaut de motivation, de l'erreur manifeste d'appréciation, de rupture d'égalité d'accès aux emplois publics, de détournement de procédure et de pouvoir doivent être écartés comme inopérants.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 17 juillet 2018.

S'agissant de l'indemnité :

8. En premier lieu, faute d'avoir établi l'illégalité de la décision du 17 juillet 2018, Mme D... n'est pas fondée à en être indemnisée.

9. En deuxième lieu, Mme D... ayant concouru au titre de la filière de recrutement réservée à des travailleurs handicapés, recrutement qui ne pouvait que conduire au recrutement d'un travailleur reconnu handicapé et aux rejet de la candidature de personnes placées dans la même situation, elle ne peut dès lors pas être regardée comme ayant été discriminée à raison de sa situation de handicap, ni par voie de conséquence demander à être indemnisée d'un quelconque préjudice à ce titre.

10. En troisième lieu, les allégations de partialité imputées aux services de l'État ne sont appuyées d'aucun commencement de démonstration.

11. En quatrième lieu, si l'illégalité de la décision du 11 juin 2015 ayant rejeté la candidature et qui a été censurée par le jugement lu le 25 octobre 2017 est constitutive d'une faute, la privation de participation à une épreuve de recrutement qui a découlé de cette illégalité n'a porté atteinte ni à l'honneur, ni à la dignité ni à la santé de Mme D... qui n'a subi de ce chef aucun préjudice moral. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'en fixant à 1 000 euros l'indemnisation de ce préjudice, les premiers juges auraient sous-estimé son préjudice, alors qu'elle ne démontre pas non plus avoir subi une perte de chance de faire carrière.

12. En dernier lieu, et contrairement à ce qu'ont retenus les premiers juges, l'État a commis une faute en s'abstenant, dans le délai de deux mois imparti, d'exécuter l'injonction prononcée par le tribunal lors du jugement lu le 20 octobre 2017. Toutefois, et alors qu'un tel réexamen a été réalisé lors de la session de recrutement de juillet 2018, Mme D... ne démontre pas qu'un tel retard de sept mois aurait emporté un préjudice moral ou des troubles dans les conditions d'existence de nature à lui ouvrir droit à indemnisation.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Ses conclusions doivent dès lors être rejetées ainsi et par voie de conséquences, ses conclusions aux fins d'injonction et celle tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.

N° 19LY03195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03195
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SELARL ENARD-BAZIRE-COLLIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-28;19ly03195 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award