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18/03/2021 | FRANCE | N°19LY00201

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 18 mars 2021, 19LY00201


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Les Tissages de Charlieu a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre de perception du 27 janvier 2016 d'un montant de 538 268 euros émis à son encontre ainsi que de la décharger de l'obligation de payer cette somme et de condamner l'État à sa restitution, et en toute hypothèse, d'ordonner la restitution de la somme de 2 636 euros correspondant à la différence de montant entre le titre de perception du 27 novembre 2009 et celui du 27 janvier 2016.

Par un jugement n°1608007 d

u 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Les Tissages de Charlieu a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre de perception du 27 janvier 2016 d'un montant de 538 268 euros émis à son encontre ainsi que de la décharger de l'obligation de payer cette somme et de condamner l'État à sa restitution, et en toute hypothèse, d'ordonner la restitution de la somme de 2 636 euros correspondant à la différence de montant entre le titre de perception du 27 novembre 2009 et celui du 27 janvier 2016.

Par un jugement n°1608007 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2019, la SAS Les Tissages de Charlieu, représentée par Mes Vannini et Moraïtou, demande à la cour :

1°) le cas échéant après avoir saisi la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle notamment en interprétation de l'article 17 du règlement (UE) 2015/1589 du 13 juillet 2015 et pour qu'elle se prononce sur la validité de la décision de la Commission européenne n° 2004/343/CE du 16 décembre 2003, d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler le titre de perception du 27 janvier 2016 d'un montant de 538 268 euros émis à son encontre ainsi que de la décharger de l'obligation de payer cette somme et condamner l'Etat à lui restituer ces sommes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le titre de perception du 27 janvier 2016 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le titre de perception émis le 27 novembre 2009 l'a été au-delà de la durée légale de conservation des documents comptables, laquelle expirait en 2005 ou 2006, ce qui ne lui a pas permis de s'assurer de la pertinence des calculs des sommes à restituer et de l'exactitude du calcul portant sur les intérêts communautaires dont elle serait redevable ;

- le titre litigieux a été émis au-delà du délai de prescription fixé pour la récupération d'une aide d'État, en application de l'article 17 du règlement (UE) n° 2015/1589 portant modalités d'application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le bien-fondé de la créance n'est pas établi en raison de l'invalidité de la décision de la Commission européenne du 16 décembre 2003 ; cette décision est insuffisamment motivée ; l'article 44 septies n'est pas constitutif d'une aide d'Etat, contrairement à ce qu'a estimé la commission ; l'article 14 du règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 a été méconnu, puisque la Commission a commis une erreur de droit dans l'identification des bénéficiaires des aides et que sa décision crée une distorsion de concurrence ; sa décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'administration a porté atteinte aux principes communautaires de sécurité juridique et de confiance légitime et a méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 17 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 1er juillet 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 3 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et son premier protocole additionnel ;

- le traité instituant la Communauté européenne, devenu traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 ;

- le règlement (CE) de la Commission du 21 avril 2004 ;

- le règlement (UE) 2015/1589 du 13 juillet 2015 ;

- la décision 2004/343/CE de la Commission du 16 décembre 2003 ;

- l'arrêt C-214/07 de la Cour de justice des Communautés européenne en date du 13 novembre 2008 ;

- l'ordonnance du 4 décembre 2014 C-202/14 de la neuvième chambre de la Cour de justice de l'Union européenne rejetant la demande de décision préjudicielle introduite par la Cour administrative d'appel de Nantes ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallechia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Les Tissages de Charlieu a bénéficié, au titre des exercices clos en 1995 et 1996, de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue à l'article 44 septies du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 41 de la loi n° 20041485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, à raison de la reprise de l'activité textile de la société en difficulté Les nouveaux Tissages de Charlieu. Par une décision 2004/343/CE du 16 décembre 2003, la Commission européenne a déclaré que les exonérations octroyées en application de cet article, autres que celles qui remplissent les conditions d'octroi des aides de minimis et des aides à finalité régionale, constituaient des aides d'Etat illégales et en a ordonné la récupération sans délai. Postérieurement à l'arrêt rendu le 13 novembre 2008 dans l'affaire C-214/07, Commission c/ France, par lequel la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la République française avait manqué à ses obligations de recouvrement de ces aides, un titre de perception a été émis le 27 novembre 2009 à l'encontre de la SAS Les Tissages de Charlieu portant restitution des aides dont elle avait bénéficié au titre des exercices 1995 et 1996 en application de l'article 44 septies du code général des impôts, assortie d'intérêts, ramené par un titre d'annulation partielle notifié le 2 mars 2011 à la somme de 540 904 euros. Ce titre a été annulé par jugement n° 1006201 du 6 octobre 2015 du tribunal administratif de Lyon. La SAS Les Tissages de Charlieu relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation du titre de perception émis le 27 janvier 2016, à la suite de cette annulation, portant sur la restitution de ces aides, assortie d'intérêts, d'un montant total de 538 268 euros et la décharge de l'obligation de payer la somme en cause.

Sur les conclusions aux fins d'annulation du titre de perception du 27 janvier 2016 et de décharge de l'obligation de payer la somme de 538 268 euros mise à la charge de l'appelante :

2. En premier lieu, la circonstance, invoquée par la société appelante, selon laquelle le titre de perception émis le 27 novembre 2009 et a fortiori celui émis le 27 janvier 2016 est intervenu postérieurement au terme du délai de conservation des documents comptables prescrit par l'article L. 123-22 du code du commerce lequel expirait pour les exercices clos en 1995 et 1996, respectivement en 2005 et 2006, est sans incidence sur la procédure ayant mené à l'édiction de ces titres. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'édiction du titre de perception en litige serait irrégulière doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 659/1999 du 22 mars 1999, repris par l'article 17 du règlement (UE) n° 2015/1589 susvisé : " 1. Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l'aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. / 2. Le délai de prescription commence le jour où l'aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d'aide individuelle ou dans le cadre d'un régime d'aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l'égard de l'aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure devant la Cour de justice des Communautés européennes. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le régime de récupération des aides d'Etat est entièrement régi par le règlement du 13 juillet 2015 notamment en matière de détermination des délais de prescription.

4. Il résulte de l'instruction qu'après avoir notamment été interrompue par la décision de la Commission du 16 décembre 2003, la prescription a de nouveau été interrompue par le recours en manquement introduit par la Commission le 23 avril 2007. Un nouveau délai de dix ans a commencé à courir à compter de l'intervention de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 novembre 2008. La SAS Les Tissages de Charlieu n'est donc pas fondée à soutenir que la créance de l'Etat à son égard, issue du titre de perception émis le 27 janvier 2016, soit dans le délai de dix ans, serait prescrite. Le moyen tiré de la prescription de cette créance doit ainsi être écarté.

5. En troisième lieu, la société appelante reprend en appel et sans l'assortir d'éléments nouveaux de fait ou de droit, le moyen tiré, par exception, de l'invalidité de la décision de la Commission du 16 décembre 2003 aux motifs que celle-ci serait insuffisamment motivée, de ce que le dispositif prévu à l'article 44 septies ne serait pas constitutif d'une aide d'Etat, de la méconnaissance de l'article 14 du règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 et de l'erreur manifeste d'appréciation dont elle serait entachée. Il y a lieu, par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges, lesquels ont suffisamment motivé leur jugement sur ces points, d'écarter ce moyen, dans toutes ses branches.

6. En quatrième lieu, en vertu de la décision de la Commission du 16 décembre 2003, dont la validité n'a pas été contestée devant les juridictions de l'Union européenne dans les conditions prévues par l'article 230 du traité instituant la Communauté européenne, devenu article 263 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et qui n'a pas été déclarée illégale en raison du présent arrêt, les autorités nationales étaient tenues de récupérer auprès des contribuables, dans les conditions prévues par le droit national, les aides dont ils avaient irrégulièrement bénéficié. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime ainsi que des stipulations de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont inopérants et doivent, par suite, être écartés.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit utile de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle, que la SAS Les Tissages de Charlieu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 27 janvier 2016, à la décharge de l'obligation de payer la somme de 538 268 euros et à la condamnation de l'Etat à lui restituer cette somme. Les conclusions qu'elle présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la SAS Les Tissages de Charlieu et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Les Tissages de Charlieu est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Les Tissages de Charlieu et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 25 février 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2021.

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N°19LY00201


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00201
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-05-01 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Action en recouvrement.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-18;19ly00201 ?
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