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01/07/2021 | FRANCE | N°20LY03338

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 01 juillet 2021, 20LY03338


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1508368 du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 17LY03922

du 7 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé contr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1508368 du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 17LY03922 du 7 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé contre ce jugement.

Par une décision n° 437433 du 13 novembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour M. A..., a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 20LY03338, devant la même cour.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 novembre 2017 et le 3 avril 2018, M. A..., représenté par Me C...'h, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 septembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de prononcer la restitution des sommes versées à tort assorties d'intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l'État les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les loyers dont le montant n'a pas été retenu par l'administration constituent des créances acquises devant être prises en compte pour comparer les recettes de son activité de location de meublés à ses autres revenus, et qu'il justifie ainsi d'une activité de location de meublés à titre professionnel lui permettant d'imputer les déficits réalisés sur son revenu global des années 2010 et 2011.

Par un mémoire enregistré le 8 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en l'absence de facturation et de comptabilisation des loyers correspondants, l'EURL Nihombashi n'a pas entendu louer à titre onéreux les six studios meublés de Saint-Etienne au titre de l'année 2010 ;

- pour les mêmes raisons, l'EURL Mitsukoshimae n'a pas entendu louer les chambres acquises à Maisoncelles-en-Brie ;

- pour les deux années en litige, l'activité de location de meublés de M. A... a généré des recettes locatives inférieures aux autres revenus nets d'activité : ainsi, l'activité de location meublée a été à bon droit considérée comme non professionnelle.

Par des mémoires après cassation enregistrés le 17 décembre 2020 et le 15 avril 2021, M. A..., représenté par Me C...'h, conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens.

Il soutient en outre qu'il est fondé à se prévaloir de la règle de prorata temporis prévue à l'article 151 septies du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire et demande la restitution de la somme de 3 000 euros allouée à M. A... par la décision du Conseil d'Etat du 13 novembre 2020 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient en outre que M. A... ne peut bénéficier de la règle de prorata temporis de l'article 151 septies du code général des impôts, laquelle ne peut s'appliquer à l'acquisition d'un bien déjà loué meublé mais ne bénéficie qu'au propriétaire démarrant l'activité de location meublée, quel que soit le nombre de propriétaires se succédant jusqu'à la cessation de location.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... exerce une activité de loueur en meublés, exercée en son nom propre ou au travers des EURL Nihombashi et Mitsukoshimae, dont il est le gérant. Il a fait l'objet d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel l'administration fiscale, après avoir retenu le caractère non professionnel de son activité, a remis en cause l'imputation du déficit dégagé sur son revenu global des années 2009, 2010 et 2011 et lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de ces trois années, ainsi que les pénalités correspondantes, par proposition de rectification du 11 décembre 2012. M. A... relève appel du jugement du 26 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. En vertu, d'une part, du 1° ter de l'article 156 du code général des impôts, les déficits du foyer fiscal provenant de l'activité de location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés ne peuvent être déduits de son revenu net annuel lorsque l'activité n'est pas exercée à titre professionnel au sens du VII de l'article 151 septies du même code, mais s'imputent exclusivement sur les revenus provenant d'une telle activité au cours de celles des dix années suivantes pendant lesquelles l'activité n'est pas exercée à titre professionnel au sens des mêmes dispositions. Aux termes du VII de l'article 151 septies, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) L'activité de location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés est exercée à titre professionnel lorsque les trois conditions suivantes sont réunies : / (...) / 2° Les recettes annuelles retirées de cette activité par l'ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 € ; / 3° Ces recettes excèdent les revenus du foyer fiscal soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires au sens de l'article 79, des bénéfices industriels et commerciaux autres que ceux tirés de l'activité de location meublée, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62. / (...) La location du local d'habitation est réputée commencer à la date de son acquisition ou, si l'acquisition a eu lieu avant l'achèvement du local, à la date de cet achèvement. L'année où commence la location, les recettes y afférentes sont, le cas échéant, ramenées à douze mois pour l'appréciation des seuils mentionnés aux 2° et 3°. Il en est de même l'année de cessation totale de l'activité de location ".

3. D'autre part, selon le 5° du I de l'article 35 du code général des impôts, les bénéfices réalisés par les personnes qui donnent en location un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation, que la location comprenne, ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d'industrie présentent le caractère de bénéfices industriels et commerciaux pour l'application de l'impôt sur le revenu. En vertu du 2bis de l'article 38 du même code, pour les prestations continues rémunérées notamment par des loyers, les produits correspondant à des créances sur la clientèle doivent être pris en compte au fur et à mesure de l'exécution pour la détermination du bénéfice imposable.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'EURL Nihombashi a acquis, par acte authentique du 27 décembre 2010, 6 lots dans une maison de retraite à Saint-Etienne, faisant l'objet depuis le 18 décembre 2003 d'un bail commercial de 11 ans et 8 mois, mentionné dans l'acte notarié. L'EURL Mitsukoshimae a acquis, par acte authentique du 30 décembre 2011, 4 lots dans une maison de retraite à Maisoncelles-en-Brie, faisant également l'objet, depuis le 31 décembre 2004, d'un bail commercial de 11 ans et 8 mois, mentionné dans l'acte notarié. Les deux actes notariés stipulent que l'acquéreur est propriétaire des biens à compter du jour de la vente et qu'il en a la jouissance à compter du même jour, par la perception des loyers, en application du principe de droit civil de l'effet translatif immédiat des loyers qui s'attache à la cession d'un bien loué, lorsque le bail a date certaine. Les clauses par lesquelles les parties à chacune des acquisitions ont prévu de faire leur affaire personnelle, hors comptabilité du notaire, de tous comptes de prorata de loyers n'avaient ni pour objet, ni pour effet, de déroger à ce principe et n'emportaient en conséquence pas abandon par l'acquéreur de sa créance de loyers au profit du vendeur. Dès lors, les loyers correspondant à la période du 27 au 31 décembre 2010, pour les locaux de Saint-Etienne, et du 30 au 31 décembre 2011 pour les locaux de Maisoncelles-en-Brie, étaient respectivement dus à l'EURL Nihombashi et à l'EURL Mitsukoshimae et présentaient, dès cette date, le caractère de créances certaines tant dans leur principe que dans leur montant, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que ces loyers n'auraient été ni facturés ni encaissés par ces deux sociétés. M. A... a par ailleurs soutenu devant l'administration que l'absence de comptabilisation de ces créances dans les bilans de ses deux sociétés au titre des années concernées procédait d'une confusion entre comptabilité d'engagement et comptabilité de caisse, erreur comptable dont il n'est pas allégué qu'elle serait délibérée ou constitutive d'une décision de gestion. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'il y a lieu, pour l'appréciation du respect de la condition prévue au 3° précité du VII de l'article 151 septies du code général des impôts, de tenir compte de ces créances de loyers au titre de chacune des années considérées.

5. En deuxième lieu, les dispositions précitées du dernier alinéa du VII de l'article 151 septies du code général des impôts ont pour seul objet de permettre la comparaison du montant des revenus annuels tirés de l'activité de location meublée avec celui des autres revenus annuels du foyer fiscal, en les rapportant à une période équivalente en cas d'année de location incomplète. Contrairement à ce que soutient le ministre, ces dispositions sont applicables quelle que soit la situation locative du bien acquis et ne font pas obstacle à ce que les recettes d'un même bien servent à l'appréciation du caractère professionnel de l'activité du cédant comme du cessionnaire au titre de l'année de cession. Leur application n'est pas davantage limitée à la seule année au cours de laquelle débute l'activité de location meublée, le contribuable pouvant se prévaloir de ces dispositions chaque année au cours de laquelle commence la location d'un local d'habitation dont il fait l'acquisition. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que la prise en compte, au prorata temporis, au titre de l'année 2010 en ce qui concerne les biens situés à Saint-Etienne, et au titre de l'année 2011 en ce qui concerne les biens situés à Maisoncelles-en-Brie, des créances de loyers acquises par les EURL dont M. A... est le gérant permet au contribuable de remplir les conditions de seuil requises pour se prévaloir du caractère professionnel de son activité de location meublée, et déduire en conséquence son déficit industriel et commercial de son revenu global.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. En revanche, en l'absence de litige né et actuel entre le comptable et le requérant au sujet des impositions dont le présent arrêt prononce la décharge et des intérêts moratoires correspondants, les conclusions tendant au remboursement des sommes qui auraient été versées, assorties d'intérêts moratoires, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées au titre de l'article R. 761-1 du même code doivent en revanche être rejetées, en l'absence de dépens. Les conclusions présentées par le ministre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées, la cour de renvoi ne pouvant au demeurant prononcer la restitution d'une somme allouée sur ce fondement à l'issue de l'instance en cassation.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 septembre 2017 est annulé.

Article 2 : M. B... A... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme D..., première conseillère,

Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2021.

2

N° 20LY03338

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03338
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-03-02-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable. Montant global du revenu brut.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS AGIK'A

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-07-01;20ly03338 ?
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