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15/07/2021 | FRANCE | N°19LY04611

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 15 juillet 2021, 19LY04611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes Ardèche Rhône Coiron a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société Innovert à lui verser, d'une part, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la somme de 100 800 euros HT en réparation des désordres affectant la déchetterie modulaire métallique réalisée sur le territoire de la commune d'Alba-la-Romaine et, d'autre part, les sommes de 31 640,78 euros HT et de 50 000 euros, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en répa

ration respectivement du désordre affectant le local de stockage des déchets m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes Ardèche Rhône Coiron a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société Innovert à lui verser, d'une part, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la somme de 100 800 euros HT en réparation des désordres affectant la déchetterie modulaire métallique réalisée sur le territoire de la commune d'Alba-la-Romaine et, d'autre part, les sommes de 31 640,78 euros HT et de 50 000 euros, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en réparation respectivement du désordre affectant le local de stockage des déchets ménagers spéciaux et de son préjudice moral résultant de l'intervention irrégulière d'un sous-traitant pour la totalité du marché.

Par un jugement n° 1802465 du 17 octobre 2019, ce tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la société Innovert à lui verser la somme de 12 000 euros TTC sur le fondement de la garantie décennale.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2019, et un mémoire récapitulatif enregistré le 20 avril 2020 qui n'a pas été communiqué, la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité son indemnisation ;

2°) de mettre à la charge de Me D... C..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Innovert, la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- l'intervention irrégulière d'un sous-traitant pour la totalité du marché attribuée à la société Innovert lui a causé un préjudice moral ;

- des désordres relatifs à l'étanchéité, à la sécurité et aux équipements sont apparus neuf mois après la livraison de la déchetterie modulaire ;

- le défaut d'étanchéité de la plateforme qui affecte l'intégralité de la sous-structure qui est rouillée est de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et à compromettre sa solidité ;

- la société Innovert qui ne l'a pas mise en garde sur les risques liés au défaut d'étanchéité a manqué à son obligation de conseil pour l'estimation de ses besoins et lors des opérations de réception de l'ouvrage ;

- elle est fondée à demander la somme de 100 800 euros HT au titre du remplacement de la déchetterie et la somme de 31 610,78 euros HT au titre du remplacement de l'armoire DMS ou à tout le moins la somme de 1 000 euros HT au titre des travaux de reprise de l'étanchéité de la structure, la somme de 4 400 euros au titre du surcoût des travaux et la somme de 10 000 euros au titre des travaux relatifs au stockage des DMS.

La requête a été communiquée à Me C..., mandataire judicaire de la société Innovert, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics, alors en vigueur ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes Rhône-Helvie a conclu le 25 mai 2009 avec la société Innovert un marché public pour la fourniture et la mise en place sur le territoire de la commune d'Alba-la-Romaine d'une déchetterie modulaire métallique. En marge de ce marché, la communauté de communes a émis un bon de commande pour la fourniture et l'installation sous la structure de la déchetterie d'une armoire de stockage des déchets ménagers spéciaux (DMS), à laquelle la communauté de communes a décidé de substituer un local en lieu et place. La réception de l'ouvrage a été prononcée sans réserve le 30 avril 2010. A la suite de l'apparition de désordres affectant la tenue des rails de guidage des bennes et l'étanchéité du local DMS et de la présence de rouille sur la structure, la communauté de communes a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lyon qui, par une ordonnance du 13 octobre 2016, a désigné un expert qui a remis son rapport le 15 mars 2018. Au vu de ses conclusions, la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron, venue aux droits de la communauté de communes Rhône-Helvie, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société Innovert à lui verser, d'une part, sur le fondement de la garantie décennale, la somme de 100 800 euros HT en réparation des désordres affectant la déchetterie et, d'autre part, les sommes de 31 640,78 euros HT et de 50 000 euros, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en réparation respectivement du désordre affectant le local DMS et de son préjudice moral résultant selon elle de l'intervention irrégulière d'un sous-traitant pour la totalité de son marché. La communauté de communes demande à la cour de réformer le jugement du 17 octobre 2019 qui a limité son indemnisation à la somme de 12 000 euros TTC.

Sur la garantie décennale :

2. Selon les principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs, les désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

3. Il résulte de l'instruction que la déchetterie livrée et installée est composée d'une structure métallique constituée d'éléments non solidaires assemblés et démontables, soutenant une plateforme centrale de circulation et de manoeuvre et disposant de deux plans d'accès opposés qui permettent d'accueillir six bennes de collecte des déchets situées en contrebas et positionnées sur des rails de guidage fixés au sol. Il résulte des stipulations des articles 1 et 4 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) que selon la commune intention des parties, la société Innovert avait la qualité de constructeur de la déchetterie qu'elle devait fournir et mettre en place. L'ouvrage ainsi réalisé est soumis à la garantie décennale.

4. D'une part, sur la base du rapport de l'expert judiciaire et du CCTP, le tribunal administratif de Lyon a estimé que le défaut d'étanchéité des plaques métalliques constituant la plateforme sur laquelle les véhicules peuvent circuler n'est pas qualifiable de désordre, dans la mesure où la nature même du besoin défini par la communauté de communes et les caractéristiques arrêtées par le maître d'ouvrage impliquaient seulement la juxtaposition de ces plaques, sans nécessiter la pose de joints pérennes. La circonstance que ce défaut d'étanchéité implique, lors d'épisodes pluvieux, des infiltrations d'eau dans le local DMS situé en dessous du quai modulaire ne rend pas l'ensemble de l'ouvrage lui-même impropre à sa destination selon les premiers juges, puisqu'il n'est pas établi que les opérations de tri et de collecte dans les bennes sont de ce fait compromises. Ce désordre affecte uniquement l'usage de ce local particulier, qui n'était, d'ailleurs, pas inclus initialement dans le marché.

5. Contrairement à ce qui est soutenu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert judiciaire, que la communauté de communes ne s'est préoccupée de l'étanchéité de la plateforme métallique qu'après l'implantation sous la structure du local DMS, en lieu et place de l'armoire qu'elle avait commandée en janvier 2010, et qui s'est révélé sans protection contre l'eau de pluie alors que la déchèterie modulaire n'avait pas vocation à abriter et protéger ce local au moment de la passation du marché en 2009. Si le souci de la pérennité de l'installation est mentionné à l'article 1er du CCTP, qui prévoit en outre que l'ensemble de la structure métallique sera traité contre la corrosion, la collectivité n'établit pas plus en appel qu'en première instance que l'absence d'étanchéité de la plateforme compromettrait les opérations de tri et de collecte des déchets. Dans ces conditions, la réfection des joints en silicone entre les plaques du platelage ou le soudage des plaques métalliques, qui est la solution plus pérenne évoquée par l'expert judiciaire, ne relèvent pas de la garantie décennale. Il s'ensuit que la communauté de communes n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la société Innovert au titre du défaut d'étanchéité en vue d'obtenir sa condamnation à l'indemniser du coût de ces travaux.

6. D'autre part, le tribunal, au vu du rapport d'expertise judiciaire, a relevé qu'une partie des soudures des éléments de la structure constituant la plateforme de la déchetterie sont affectées par une corrosion précoce. Ce désordre est susceptible, à terme, de porter atteinte à l'intégrité de la plateforme et de rendre ainsi l'ensemble de l'ouvrage impropre à sa destination. La corrosion, qui résulte de la mise en oeuvre de techniques de soudure qui n'étaient pas conformes aux règles de l'art en l'absence de traitement de zingage par projection thermique, engage la responsabilité décennale de la société Innovert. L'expert judiciaire a estimé que le coût de la reprise des soudures des éléments de la structure sur lesquels il a constaté l'absence de traitement de zingage qui devront être sablées puis zinguées par projection thermique était compris entre 7 000 et 10 000 euros HT. Le tribunal a mis à la charge de la société Innovert la somme de 10 000 euros HT pour la réparation de ce désordre. La communauté de communes n'établit pas que les travaux préconisés par l'expert ne seraient pas de nature à réparer ce désordre. Elle ne démontre pas davantage que ces travaux devront être réalisés en dehors des périodes de fermeture de la déchetterie, ni a fortiori que leur coût sera en conséquence plus élevé. Elle n'est dès lors pas fondée à demander une indemnisation complémentaire au titre de la corrosion des soudures.

Sur la responsabilité contractuelle :

7. Il résulte d'un courriel du dirigeant de la société Innovert du 22 février 2018 que la communauté de communes Rhône-Helvie a fait le choix moins coûteux d'aménager sous le quai un local avec des étagères et un bac de rétention en substitution de l'armoire DMS que lui proposait par ailleurs la société Innovert. Par suite, elle n'est pas fondée à invoquer un manquement de cette société à son devoir de conseil en sa qualité de vendeur au moment de la commande et de la réception de l'ouvrage concernant les risques liés au défaut d'étanchéité, dont elle ne se préoccupait pas alors comme indiqué au point 5, pour demander sa condamnation à réparer le local.

8. Enfin, si la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron demande en outre la condamnation de la société Innovert à l'indemniser de son préjudice moral, elle n'établit pas que l'intervention d'un sous-traitant pour la totalité du marché en méconnaissance de l'article 112 du code des marchés publics serait en elle-même à l'origine d'un tel préjudice.

9. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité son indemnisation. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron et à Me D... C... en qualité de liquidateur judiciaire de la société Innovert.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2021.

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N° 19LY04611


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