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05/08/2021 | FRANCE | N°20LY01942

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 05 août 2021, 20LY01942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le titre de perception émis le 11 juillet 2017 par la direction générale des finances publiques de la Haute-Savoie, correspondant au remboursement d'un prêt d'honneur pour études et la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1800345 du 13 février 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet

2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le titre de perception émis le 11 juillet 2017 par la direction générale des finances publiques de la Haute-Savoie, correspondant au remboursement d'un prêt d'honneur pour études et la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1800345 du 13 février 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 février 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler le titre de perception du 11 juillet 2017 émis par la direction générale des finances publiques de la Haute-Savoie d'un montant de 2 119,04 euros et la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Il soutient que la créance correspondant au remboursement du prêt d'honneur est prescrite depuis la fin de l'année 2016 en application des dispositions de l'article 2224 du code civil.

Par un mémoire, enregistré le 6 mai 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 2 juillet 2021 qui n'a pas été communiqué, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- M. D... n'est pas fondé à soulever pour la première fois en appel la prescription quinquennale de sa dette alors qu'il n'avait soulevé que la prescription quadriennale en première instance ; cette demande nouvelle est irrecevable ;

- si M. D... invoque la prescription de sa dette, il ne l'établit pas ; le délai de prescription a commencé à courir, en application de l'article 10 du décret du 1er septembre 1934 relatif aux prêts d'honneur, à la date à laquelle la dette est devenue exigible, soit au terme de la dixième année civile qui a suivi l'obtention de son certificat d'aptitude à la profession d'avocat ; M. D... n'établit pas la date de l'obtention de ce certificat ; la seule attestation de succès aux épreuves datée du 5 décembre 2001 est distincte et antérieure à l'obtention du certificat ; par suite, la date du déclenchement du délai de prescription n'est pas établie.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- le code civil ;

- le décret du 1er septembre 1934 relatif aux prêts d'honneur ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 19 novembre 1999, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires de Bordeaux a informé M. B... D..., né le 7 juillet 1975, que le recteur de l'académie de Bordeaux lui avait attribué un prêt d'honneur d'un montant de 13 900 francs, soit 2 119,04 euros, au titre de l'année universitaire 1999/2000 en application du décret du 1er septembre 1934 relatif aux prêts d'honneur. Le 14 décembre 1999, M. D... a déclaré accepter le prêt et a pris l'engagement d'en commencer le remboursement au plus tard dans la dixième année suivant la fin de ses études. Le 11 juillet 2017, la direction départementale des finances publiques de la Haute-Savoie a émis à l'encontre de M. D... un titre de perception d'un montant de 2 119,04 euros représentant le solde dû de ce prêt d'honneur. Le 15 septembre 2017, M. D... a formé une réclamation préalable auprès du comptable public. M. D... relève appel du jugement du 13 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception du 11 juillet 2017 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

2. M. D... doit être regardé comme demandant d'une part l'annulation du titre exécutoire du 11 juillet 2017 et d'autre part la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 119,04 euros mise à sa charge par ce titre exécutoire.

3. S'il ressort des écritures de première instance que M. D... a opposé à tort l'exception de prescription quadriennale issue de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics qui ne s'applique pas aux créances dont une personne privée est débitrice, il reste recevable à invoquer, pour la première fois en appel, l'exception de prescription quinquennale prévue par les dispositions de l'article 2224 du code civil. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ne peut qu'être écartée.

4. Aux termes de l'article 2224 du code civil, résultant de la loi du 17 juin 2008, " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer ". En vertu de ces dispositions, le débiteur d'une créance détenue par une personne publique peut invoquer le bénéfice de la prescription de l'article 2224 du code civil pour la période postérieure au 17 juin 2008.

5. Aux termes de l'article de l'article 1er du décret du 1er septembre 1934 publié au Journal officiel du 5 septembre 1934 : " A partir du 1er mai 1934, il appartient au ministre de l'Education nationale de pourvoir, par ses services ordinaires et avec l'assistance du comité national spécialement constitué à cet effet, à l'attribution des prêts d'honneur constitués par la loi du 30 juin 1923 et de veiller aux conditions de leur concession et à la régularité de leur remboursement ". Aux termes de l'article 10 du même décret : " L'engagement d'honneur de rembourser le montant du prêt est pris par le bénéficiaire, devant le recteur ou son délégué, avant que le prêt lui soit versé. (...) / Le bénéficiaire s'engage à commencer le remboursement au plus tard dans la dixième année qui suit l'obtention du grade ou titre postulé ou la réalisation des travaux entrepris. Pour les étudiants qui auraient abandonné les études en vue desquelles un prêt leur aurait été consenti, le délai de dix ans commence à courir à partir de la date du dernier versement. ". Aux termes de l'article 12 de ce décret : " Le recteur de l'académie tient un registre des prêts et des adresses successives des bénéficiaires dont il détient les dossiers. Chaque année, il établit des relevés des sommes échues et les transmet au comité local. Celui-ci rappelle aux intéressés l'obligation qu'ils ont souscrite. Si, au cours de l'année qui suit le rappel, le titulaire du prêt ne s'est pas entièrement libéré, le comité local réunit tous les renseignements concernant sa situation actuelle et transmet au recteur le dossier ainsi formé (...) ". Aux termes de l'article 15, " Le remboursement des prêts d'honneur est effectué entre les mains de l'agent comptable de l'université au siège de laquelle fonctionne le comité local qui détient le dossier du remboursement avec affectation spéciale aux prêts d'honneur ".

6. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 14 décembre 1999, M. D..., qui était inscrit à l'institut d'études judiciaires pour la préparation au concours d'entrée à l'école nationale de la magistrature, a accepté le prêt d'honneur d'un montant de 13 900 francs qui lui a été alloué pour l'année universitaire 1999/2000 par le recteur de l'académie de Bordeaux et a pris l'engagement d'honorer le remboursement de ce prêt au plus tard dans la dixième année suivant la fin des études pour lesquelles il avait été sollicité. M. D... doit être regardé comme ayant abandonné les études en vue desquelles un prêt lui a été consenti compte tenu de ce qu'il n'établit pas avoir été reçu au concours de l'école nationale de la magistrature. Il s'ensuit qu'à compter de l'écoulement du délai de dix ans courant à partir du 14 décembre 1999, date du dernier versement du prêt, l'administration disposait d'une créance à l'encontre de M. D..., soit à compter du 15 décembre 2009.

7. En vertu de l'article 2224 du code civil, l'administration disposait d'un délai de cinq ans à compter du 15 décembre 2009 pour soumettre M. D... à l'obligation de remboursement de ce prêt d'honneur. Le titre exécutoire du 11 juillet 2017 ayant été pris après l'expiration de ce délai, la prescription quinquennale fait obstacle à ce que soit mis à la charge de M. D... le remboursement de la somme de 2 119,04 euros. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que cette créance était prescrite à la date du titre exécutoire émis à son encontre.

8. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire du 11 juillet 2017 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et à ce qu'il soit déchargé de l'obligation de payer mise à sa charge par ce titre exécutoire.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 février 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Le titre exécutoire du 11 juillet 2017 d'un montant de 2 119,04 euros émis à l'encontre de M. D... est annulé.

Article 3 : M. D... est déchargé de l'obligation de payer mise à sa charge par le titre exécutoire mentionné à l'article précédent.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et à la direction départementale des finances publiques de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme A..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 août 2021.

2

N° 20LY01942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01942
Date de la décision : 05/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-03-02 Comptabilité publique et budget. - Créances des collectivités publiques. - Recouvrement.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : KIROVA SVETLANA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-08-05;20ly01942 ?
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